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privés par leur état d'interdiction légale, et même de les autoriser à jouir de tout ou partie de leurs biens. Voyez le texte pour les détails.

II. Peines criminelles perpétuelles.

207. Les peines criminelles perpétuelles, ainsi appelées parce qu'elles n'ont pas d'autres limites que la vie même du condamné, sont : 1o la mort; 2o les travaux forcés à perpétuité ; 3o la déportation soit simple, soit dans une enceinte fortifiée.

A. Effets des condamnations à des peines criminelles perpétuelles sur les droits civils du condamné, d'après le code civil.

208. Toutes ces condamnations entraînaient autrefois la mort civile, la condamnation à mort en vertu de l'art. 23 du code civil, les condamnations aux travaux forcés à perpétuité et à la déportation en vertu de l'art. 18 du code pénal.

La mort civile peut être définie : l'état d'une personne qui, bien que vivante, est réputée morte aux yeux de la société quant à la plupart de ses droits.

La mort civile est donc une fiction, une atroce fiction, comme dit M. Laurent, qui a pour résultat d'assimiler un vivant à un mort. Or un mort n'a pas de droits. Donc le mort civilement n'a plus de droits. Et toutefois il était impossible que la fiction égalât la réalité; car le mort civilement vit encore de la vie physique, et, si on l'avait privé de tous ses droits sans exception, en l'assimilant complètement à un mort, on aurait promptement transformé sa mort civile en une mort véritable. Aussi avait-on été obligé d'admettre que le mort civilement conservait les droits indispensables au maintien de sa vie physique.

L'art. 25 donne le lamentable tableau des effets de la mort civile. 1° La mort civile donnait ouverture à la succession du condamné. A ce point de vue elle produisait même un effet plus puissant que la mort naturelle, car le testament du mort civilement restait sans exécution, à la différence du testament de celui qui est mort naturellement. « Par la mort civile, le condamné perd la propriété de tous les biens qu'il » possédait sa succession est ouverte au profit de ses héritiers, auxquels » ses biens sont dévolus, de la même manière que s'il était mort naturelle» ment et sans testament » (art. 25 al. 1).

2o « Il ne peut plus ni recueillir aucune succession, ni transmettre à ce » titre les biens qu'il a acquis par la suite » (art. 25 al. 2). Que deviendront donc ces derniers biens? L'art. 33 va nous le dire : « Les biens, » acquis par le condamné, depuis la mort civile encourue, et dont il se » trouvera en possession au jour de sa mort naturelle, appartiendront à » l'Etat par droit de déshérence. Néanmoins il est loisible au Roi de

» faire, au profit de la veuve, des enfants ou parents du condamné, telles dispositions que l'humanité lui suggèrera ». C'était une confiscation déguisée !

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30 « Il ne peut ni disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par » donation entre vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est » pour cause d'aliments » (art. 25 al. 3). Cette disposition se trouve reproduite complètement dans l'art. 3 al. 1 de la loi du 31 mai 1854. 4° « Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir aux opérations relatives » à la tutelle. Il ne peut être témoin dans un acte solennel ou authen»tique, ni être admis à porter témoignage en justice. Il ne peut pro» ceder en justice, ni en défendant, ni en demandant, que sous le nom et » par le ministère d'un curateur spécial qui lui est nommé par le tribunal » où l'action est portée» (art. 25 al. 4, 5 et 6).

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5°« Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet » civil. Le mariage qu'il avait contracté précédemment, est dissous, quant à tous ses effets civils. Son époux et ses héritiers peuvent » exercer respectivement les droits et les actions auxquels sa mort natu» relle donnerait ouverture » (art. 25 al. 7 et 8).

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Telle était la situation du mort civilement! Et encore l'art. 25 ne contient pas la liste complète des incapacités dont il était frappé. C'est ainsi notamment que le mort civilement était très certainement privé de ses droits politiques, bien que la loi ne le déclarât pas.

Que restait-il done au mort civilement? Nous l'avons déjà dit, il conservait tous les droits indispensables au maintien de sa vie physique droit de recevoir à titre gratuit pour cause d'aliments, droit de devenir propriétaire ou créancier en vertu de contrats à titre onéreux, droit d'agir en justice par le ministère d'un curateur. Ces divers droits appartenaient, non seulement au mort civilement qui avait obtenu sa grâce ou prescrit sa peine, mais aussi à celui qui la subissait, en tant qu'ils étaient compatibles avec les règlements relatifs à l'exécution de la peine.

L'art. 25 du code civil, qui énumère les effets de la mort civile, se passe de tout commentaire. Il contenait le plus éloquent réquisitoire contre la barbare institution de la mort civile, triste héritage de l'esclavage de la peine! Heureusement la loi du 31 mai 1854 a fait passer la mort civile dans le domaine de l'histoire; son art. 1 porte : «La mort civile est abolie ». La Belgique, qui nous a emprunté la plus grande partie de nos lois, en a fait disparaitre, elle aussi, la mort civile. Et pour mettre, sans doute, cette suppression plus complètement à l'abri d'une restauration, le texte qui la prononce a été inséré dans la constitution de ce pays, dont l'art. 26 porte: « La mort civile est abolie et ne peut plus être rétablie ». Notre loi abolitive de la mort PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3e éd., I.

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civile n'est pas une loi constitutionnelle. Elle ne contient pas non plus l'interdiction, adressée au législateur futur, de rétablir cette peine antisociale, interdiction assez puérile, soit dit en passant. Mais nous avons mieux que cela une expérience de cinquante années, qui nous a permis de juger la mort civile. Nos descendants ne la rétabliront pas!

B. Effets des condamnations à des peines criminelles perpétuelles sur les droits civils du condamné dans notre droit actuel.

209. La mort civile étant abolie, quelle va être désormais, au point de vue des droits civils, la situation des condamnés à une peine criminelle perpétuelle? On ne pouvait évidemment faire cette situation meilleure que celle des condamnés à une peine criminelle temporaire. Il convenait même de la rendre pire, parce que la condamnation à une peine criminelle perpétuelle suppose chez le coupable une perversité plus grande. C'est ce qu'a fait la loi du 31 mai 1854.

Les dispositions de cette loi peuvent être rangées sous les trois chefs suivants état des condamnés à des peines afflictives perpétuelles; modifications que le gouvernement peut faire subir à cet état; dispositions transitoires.

1. Etat du condamné à une peine criminelle perpétuelle.

210. Aux termes de l'art. 2 de la loi : « Les condamnations à des peines afflictives perpétuelles emportent la dégradation civique et l'interdiction légale établies par les articles 28, 29 et 31 du code pénal ». Sur ce point les condamnés à une peine afflictive perpétuelle sont assimilés aux condamnés à une peine afflictive temporaire.

On admet à peu près unanimement que la condamnation par contumace à une peine afflictive perpétuelle n'entraîne pas l'interdiction légale. Sans compter les motifs exposés plus haut en ce qui concerne la condamnation par contumace à une peine criminelle temporaire (supra n. 203), cette solution peut se justifier par les travaux préparatoires de la loi, qui sont formels dans ce sens.

211. Outre la dégradation civique et l'interdiction légale, le condamné à une peine afflictive perpétuelle encourt certaines incapacités particulières. Elles sont énumérées par l'art. 3 al. 1 et 2 de la loi du 31 mai 1854: « Le condamné à une peine afflictive perpétuelle ne peut disposer de ses biens, en tout ou en partie, soit par donation entre vifs, soit par testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est pour cause d'aliments.— Tout testament par lui fait antérieurement à sa condamnation contradictoire, devenue définitive, est nul ».

On le voit, le condamné à une peine afflictive perpétuelle est frappé d'une double incapacité : 1o incapacité de disposer par donation entre vifs ou par testament; 2° incapacité de recevoir au même titre si ce n'est pour cause d'aliments.

Ce n'est pas seulement l'exercice de ces différents droits que la loi retire au condamné; elle lui en retire aussi la jouissance. Cela résulte d'abord du texte, qui paraît bien priver le condamné du droit lui-même de disposer et de recevoir à titre gratuit (1); puis des travaux préparatoires de la loi, qui sont formels en ce sens; enfin de cette considération que, si notre texte retirait seulement au condamné l'exercice des droits dont il s'agit, sa disposition serait inutile, puisque l'article précédent lui a déjà retiré cet exercice en le frappant d'interdiction légale.

Cela posé, étudions successivement les deux termes de la double incapacité dont est frappé le condamné à une peine afflictive perpétuelle: incapacité de disposer; incapacité de recevoir à titre gratuit.

212. 1° Incapacité de disposer à titre gratuit. Le condamné à une peine afflictive perpétuelle est privé du droit de disposer de ses biens en tout ou en partie, soit par donation entre vifs, soit par testament, c'est-à-dire qu'il est complètement privé du droit de disposer à titre gratuit, la donation entre vifs et le testament étant les seuls modes de disposition à titre gratuit qui existent dans notre droit. On a craint sans doute que le coupable ne fit des libéralités à ses complices, ou à quelqu'un qui aurait facilité son évasion.

Le condamné perdant, comme on l'a vu tout à l'heure, non seulement l'exercice mais aussi la jouissance du droit de disposer à titre gratuit, par conséquent le droit tout entier, il faut en conclure que ce droit ne peut être exercé, ni par lui personnellement, ni pour lui par son tuteur; car celui-ci ne peut exercer que les droits appartenant au condamné; or le droit de disposer à titre gratuit lui est retiré. De là résulte une conséquence regrettable: si un enfant du condamné vient à se marier, il sera impossible de le doter en biens de son auteur; car il faudrait pour cela lui faire une donation de ces biens, et cette donation ne peut être faite ni par le condamné ni par son tuteur. L'art. 511 du code civil ne serait pas applicable ici, quoi qu'en ait dit le rapporteur de la loi. Heureusement l'art. 4, qui permet au gouvernement de relever le condamné de tout ou partie des incapacités dont il est frappé par l'art. 3, vient apporter un correctif pratique à la rigueur de cette solution.

213. La loi ne se borne pas à priver le condamné à une peine afflictive perpétuelle du droit de disposer à titre gratuit. Elle annule le testament qu'il aurait fait antérieurement à sa condamnation contradictoire devenue définitive. A partir du jour où il a été irrévocablement frappé, le condamné devient donc incapable, non seulement de disposer, mais aussi de transmettre par testament. Sa condamnation le rend incapable d'avoir une volonté testamentaire, c'est-à-dire de faire des dispositions par testament, ou de maintenir celles qu'il a faites. Mais la loi n'annule pas les donations entre vifs qui auraient été faites par le condamné antérieurement à sa condamnation contradictoire devenue définitive. Elles seront donc maintenues: ce qui est de toute justice; car la donation entre vifs, aussitôt qu'elle est parfaite, fait naître un

4) Voyez l'art. 3 al. et surtout l'art. 4 al. 1 et 2. Ces deux alinéas auraient certainement été confondus dans une même disposition, si le condamné à une peine afflictive perpétuelle ne perdait que l'exercice du droit de disposer et de recevoir à titre gratuit.

droit acquis au profit du donataire, à la différence du testament qui ne donne qu'une simple espérance jusqu'au décès du testateur.

La même décision devrait être admise en ce qui concerne les donations de biens à venir ou institutions contractuelles (art. 1082), qui se rapprochent des donations entre vifs par leur irrévocabilité.

214. 2° Incapacité de recevoir à titre gratuit. Le condamné à une peine afflictive perpétuelle est privé du droit de recevoir soit par donation entre vifs, soit par testament, c'est-à-dire à titre gratuit, si ce n'est pour cause d'aliments. La loi n'a pas voulu qu'il put se procurer, à l'aide de libéralités qui lui seraient faites, des ressources qu'il emploierait à augmenter son bien-être ou à corrompre ses gardiens.

Ici encore c'est la jouissance du droit, que la loi retire au condamné. Il ne pourra donc recevoir à titre gratuit, ni personne pour lui.

* Cette règle ne souffre même pas exception en ce qui concerne le partage d'ascendant. Le condamné à une peine afflictive perpétuelle est incapable de recevoir la part qui lui serait attribuée par donation entre vifs ou testamentaire dans un semblable partage. Il est vrai que cette incapacité va rendre le partage impossible, et c'est regrettable; mais la loi le veut ainsi! D'ailleurs la rigueur de cette solution trouve son correctif pratique dans la disposition de l'art. 4 de la loi.

Il est sans difficulté qu'on devrait maintenir les donations faites au condamné et qui ont acquis leur perfection antérieurement à sa condamnation contradictoire devenue définitive. Elles ont fait naître à son profit un droit acquis.

215. La loi excepte de la règle, qui interdit au condamné à une peine afflictive perpétuelle de recevoir à titre gratuit, les donations faites pour cause d'aliments. L'exception ne recevra guère son application pendant la durée de la peine, car alors le condamné n'a pas besoin d'aliments; l'administration lui fournit le nécessaire. Une libéralité ne pourrait avoir pour but que d'améliorer son régime, et c'est justement ce que la loi veut empêcher. La disposition exceptionnelle qui nous occupe présente surtout de l'utilité pour le condamné qui a prescrit sa peine ou obtenu sa grâce. Il est alors solutus a pœna, mais il reste encore soumis aux incapacités de disposer et de recevoir à titre gratuit, édictées par l'art. 3 (infra n. 218). Grâce à notre disposition, il pourra recevoir les libéralités qui ont un caractère alimentaire.

216. Il faut se garder d'étendre les incapacités édictées par l'art. 3. Pænalia non sunt extendenda. La loi ne frappe le condamné à une peine afflictive perpétuelle que de l'incapacité de disposer et de recevoir par donation entre vifs ou par testament; donc il demeure capable de transmettre ou de recevoir par succession ab intestat. En d'autres termes il peut être héritier et avoir des héritiers. Bien entendu ses héritiers ne pourront s'emparer de ses biens qu'après son décès; car sa succession n'est pas ouverte avant cette époque, contrairement à ce qui avait lieu avant l'abolition de la mort civile.

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