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A plus forte raison, le mariage du condamné à une peine afflictive perpétuelle n'est pas dissous.

217. Quel est le point de départ de la double incapacité édictée par l'art. 3 de la loi du 31 mai 1854? Il faut distinguer :

Si la condamnation est contradictoire, ces incapacités sont encourues à dater du jour où la condamnation est devenue irrévocable.

Si au contraire la condamnation est par contumace, elles ne sont encourues que cinq ans après l'exécution par effigie. « Le présent article n'est applicable au condamné par contumace que cinq ans après l'exécution par effigie », dit l'art. 3 al. final. La raison en est que la condamnation par contumace inspire toujours une certaine défiance. Après tout l'accusé a été condamné sans avoir été entendu; peut-être s'il eût été présent eût-il démontré son innocence, ou tout au moins fourni des explications qui eussent diminué sa culpabilité et amené l'application d'une peine moins sévère.

Le condamné par contumace n'étant atteint par les incapacités de l'art. 3 que cinq ans après l'exécution par effigie, il en résulte qu'il meurt integri status si son décès se produit avant l'expiration de ce délai. On devra donc maintenir dans ce cas toutes les donations entre vifs ou testamentaires par lui faites, même depuis sa condamnation, et aussi celles faites à son profit.

S'il ne meurt au contraire qu'après les cinq ans, il y aura lieu d'annuler les donations entre vifs par lui faites ou reçues après l'expiration des cinq années. On maintiendra les donations antérieures; car elles ont fait naître des droits acquis, et une incapacité survenue postérieurement à leur perfection ne saurait leur porter atteinte. On maintiendrait aussi, en vertu du même principe, les donations testamentaires faites au profit du condamné et qui ont produit leur effet antérieurement à l'expiration des cinq années. Quant au testament du condamné, il serait sans efficacité quelle que fût sa date, car la loi annule le testament même antérieur à la condamnation (art. 3 al. 2).

218. Les incapacités de l'art. 3 sont encourues de plein droit, ipso jure, à partir du moment qui vient d'être précisé. Elles constituent en effet une peine accessoire que le juge ne prononce pas, un appoint de pénalité que la loi ajoute de sa propre autorité à la peine principale prononcée par le juge.

Ces mêmes incapacités sont en principe perpétuelles comme la peine d'où elles dérivent. Elles peuvent même lui survivre. C'est ce qui arriverait dans le cas où le condamné aurait prescrit sa peine ou obtenu sa grâce. Cependant s'il parvenait, après avoir obtenu sa grâce, à se faire réhabiliter, il cesserait d'être soumis aux incapacités qui nous occupent. Le mème résultat serait produit par l'amnistie qui, plus puissante que la grâce, efface l'infraction, et doit même, en théorie du moins, faire disparaître jusqu'à son souvenir.

2. Modifications que le gouvernement peut faire subir à l'état du condamné à une peine afflictive perpétuelle.

219. « Le Gouvernement peut relever le condamné à une peine afflictive perpétuelle de tout ou partie des incapacités prononcées par l'article précédent », dit l'art. 4 al. 1.

Le gouvernement jouit à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire. Il peut donc, suivant les cas, relever complètement le condamné de toutes les incapacités prononcées par l'art. 3, ou le relever de l'une d'elles seulement, par exemple de l'incapacité de disposer par testament, ou, restreignant encore plus sa faveur, ne relever le condamné que d'une incapacité déterminée et en vue d'un cas déterminé seulement, par exemple l'autoriser à faire une donation à son enfant pour le doter, ou à recevoir à titre de donation de tel ascendant qui veut opérer le partage de ses biens entre ses descendants.

Le gouvernement peut aussi-relever le condamné en tout ou en partie des conséquences de l'interdiction légale. «Il peut lui accorder l'exercice, dans le lieu d'exécution de la peine, des droits civils, ou de quelques-uns de ces droits, dont il a été privé par son état d'interdiction légale » (art. 3 al. 2). Les mots dans le lieu d'exécution de la peine font allusion au cas où le condamné subit sa peine dans un des établissements coloniaux pénitentiaires.

L'art. 3 al. 4 de la loi du 8 juin 1850 (1) sur la déportation permettait au gouvernement d'autoriser la remise au profit des déportés de tout ou partie de leurs biens. La loi du 31 mai 1854 ne reproduisant pas cette disposition, le bénéfice n'en saurait être étendu aux condamnés à une peine afflictive perpétuelle autre que la déportation, exclusion qui est peut-être regrettable.

220. Un condamné à une peine afflictive perpétuelle a été relevé en tout ou en partie par le gouvernement des incapacités édictées par l'art. 3. Sur quels biens les actes qu'il accomplira en vertu de cette concession seront-ils exécutoires? Ainsi un condamné, autorisé par le gouvernement à faire des donations, a donné une somme d'argent; à quels biens le donataire pourra-t-il s'attaquer pour obtenir le paiement de cette somme? L'art. 4 al. final répond : « Les actes faits par le condamné, dans le lieu d'exécution de la peine, ne peuvent engager les biens qu'il possédait au jour de sa condamnation, ou qui lui sont échus à titre gratuit depuis cette époque ». Ils ne peuvent donc engager que les biens acquis par le condamné à titre onéreux depuis sa condamnation. Les autres, par conséquent ceux qu'il possédait lors de sa condamnation ou ceux qui lui sont advenus depuis cette époque à titre gratuit (c'està-dire à titre de succession, ou même à titre de donation si le gouvernement l'a relevé de l'incapacité de recevoir par donation), ne seront

(1) Une loi récente, du 25 mars 1873, à laquelle on peut se reporter, est venue modifier profondément la situation des déportés de l'une et de l'autre catégorie. Voyez surtout les art. 9 à 16 qui se rattachent à la privation des droits civils.

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pas atteints par les actes qu'accomplira le condamné; ils seront donc réservés à sa famille.

221. On discute la question de savoir si le gouvernement pourrait donner au condamné à une peine afflictive perpétuelle l'autorisation de disposer de ses biens à titre onéreux. L'affirmative est fondée sur de si bonnes raisons qu'on s'étonne de ne la pas voir admise unanimement. Comprendrait-on que la loi, qui permet au gouvernement d'autoriser le condamné à disposer de ses biens à titre gratuit, ne lui permit pas d'autoriser ce même condamné à disposer de ses biens à titre onéreux ? L'aliénation à titre onéreux est moins grave que l'aliénation à titre gratuit; d'autre part la faculté d'aliéner à titre onéreux sera la plupart du temps beaucoup plus utile au condamné que la faculté d'aliéner à titre gratuit; il y a donc un argument a fortiori pour appliquer aux aliénations à titre onéreux ce que la loi dit des aliénations à titre gratuit. D'ailleurs l'art. 4 ne dit-il pas que le gouvernement peut accorder au condamné l'exercice des droits civils dont il est privé par son état d'interdiction légale? Or le droit d'aliéner à titre onéreux est justement un de ces droits civils dont l'exercice, l'exercice seul et non la jouissance, qu'on le remarque bien, est enlevé au condamné. Donc le gouvernement peut lui restituer cet exercice, et alors il se trouvera avoir tout à la fois la jouissance et l'exercice de ce droit.

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3. Dispositions transitoires.

222. « Les effets de la mort civile cessent, pour l'avenir, à l'égard des condamnés actuellement morts civilement, sauf les droits acquis aux tiers. L'état de ces condamnés est régi par les dispositions qui précèdent » (art. 5). La loi du 31 mai 1834 a donc fait revenir à la vie civile tous les condamnés qui étaient morts civilement lors de sa promulgation. Voilà de la rétroactivité, mais elle est de bon aloi. C'est d'ailleurs sur ce point seulement que la loi du 31 mai 1854 produit un effet rétroactif, car le législateur a soin de dire que le retour du condamné à la vie civile n'a lieu que sauf les droits acquis aux tiers, c'est-à-dire que la résurrection civile du condamné n'a pu porter aucune atteinte aux droits que sa mort civile avait fait définitivement acquérir à des tiers. Ainsi les héritiers du mort civilement, qui avaient recueilli sa succession, n'ont pas été obligés de lui restituer ses biens après son retour à la vie civile. De même le mariage du mort civilement n'a pas pu revivre par suite de la promulgation de la loi du 31 mai 1854; sa dissolution par la mort civile du condamné constituait un fait accompli. Son conjoint a donc pu valablement contracter un nouveau mariage, non seulement avant la loi du 31 mai 1854, mais aussi après sa promulgation. Quant au mort civilement, il a pu lui-même contracter un nouveau mariage depuis la loi du 31 mai 1854, car cette loi ne déclare pas les condamnés à des peines afflictives perpétuelles incapables de se marier. Que si les deux conjoints, dont l'un était mort civilement, se trouvant libres de tout autre lien, ont voulu rester unis, ils ont dû procéder à une nouvelle célébration

de leur mariage. C'est ainsi qu'un mort civilement a pu, comme on l'a dit plaisamment, épouser sa veuve.

Le projet de la loi du 31 mai 1854 contenait en ce qui concerne le mariage du mort civilement deux articles ainsi conçus:

ART. 4. Le mariage dissous par la mort civile peut toujours, à moins qu'il n'en existe un nouveau, être réhabilité du consentement des deux parties; tout autre mariage leur est respectivement interdit jusqu'à la mort de l'un d'eux.

ART. 5. La réhabilitation du mariage dissous s'opère par une déclaration que les époux font en commun devant l'officier de l'état civil qui en dresse acte. Cet acte est inséré sur les registres à sa date. Il en est fait mention en marge de l'acte de la première célébration.

La disposition finale de l'art. 4 a sans doute été considérée comme portant atteinte au principe de non-rétroactivité des lois. Quant aux autres dispositions des deux textes que nous venons de transcrire, il est assez difficile de dire pourquoi elles ont disparu de la rédaction définitive de la loi.

L'art. 5 in fine de la loi du 31 mai 1854 explique suffisamment comment les morts civilement qui sont revenus à la vie civile, ont été immédiatement soumis au régime de la loi nouvelle, par conséquent frappés de la dégradation civique et de l'interdiction légale et atteints. des incapacités spéciales édictées par l'art. 3.

223. Enfin aux termes de l'art. 6: « La présente loi n'est pas applicable aux condamnations à la déportation, pour crimes commis antérieurement à sa promulgation ».

Il résulte très nettement de ce texte que l'état des condamnés à la peine de la déportation, pour crimes commis postérieurement à la promulgation de la loi du 31 mai 1854, est régi par les dispositions de cette loi.

Il en résulte non moins clairement que ceux qui ont été condamnés à la peine de la déportation pour crimes commis dans l'intervalle écoulé entre la promulgation de la loi du 8 juin 1850 et la promulgation de la loi du 31 mai 1854, ne sont pas régis par cette dernière loi en ce qui concerne leur état et leur capacité, mais bien par la loi du 8 juin 1850, qui est moins rigoureuse que celle du 31 mai 1854, en ce sens qu'elle ne soumet pas le condamné aux incapacités spéciales édictées par l'art. 3 de cette dernière loi. C'est là une application équitable du principe de non-rétroactivité.

Mais il semble résulter aussi de notre article que la loi du 31 mai 1854 n'est pas applicable à ceux qui ont été condamnés à la déportation antérieurement à la loi du 8 juin 1850. S'il en était ainsi, ces condamnés seraient encore aujourd'hui frappés de mort civile, car la loi du 8 juin 1850 ne les a pas fait revenir à la vie civile (elle est muette sur ce point) et la loi de 1854 ne les y aurait pas fait revenir non plus, puisqu'elle ne leur serait pas applicable. Mais cette solution, conforme au texte de la loi, est si évidemment contraire à son esprit que la plupart des auteurs la rejettent. M. Valette, qui se croit obligé de l'admettre, dit que l'histoire de nos lois ne présente guère d'exemples de fautes de rédaction d'une énormité pareille.

TITRE II

Des actes de l'état civil.

224. L'état civil ou privé d'une personne, c'est la position qu'elle occupe soit dans la famille, soit dans la société, et d'où dérivent ses droits et ses devoirs (supra n. 109).

Les actes de l'état civil sont des écrits (instrumenta) qui constatent les faits relatifs à l'état civil des personnes. Parmi ces faits les principaux sont la naissance par laquelle l'homme fait son entrée dans le monde et dans la société, le mariage par lequel il s'y établit et s'y perpétue, et le décès qui le fait disparaître de la scène. Le législateur ne s'occupe, dans notre titre, que des actes qui constatent ces trois faits. Mais ce ne sont pas là les seuls actes de l'état civil. Il faut encore considérer comme tels les décrets de naturalisation, et aussi les actes d'adoption et de reconnaissance d'enfants naturels, qui constatent, les uns la filiation adoptive, les autres la filiation naturelle, et se placent ainsi tout. naturellement à côté de l'acte de naissance, où se trouve constatée la filiation légitime. Nous en dirions autrement des actes qui sont relatifs à la capacité plutôt qu'à l'état des personnes, tels que les actes d'émancipation, les jugements d'interdiction et ceux qui nomment un conseil judiciaire.

225. L'institution des actes de l'état civil est due au clergé. Dès le Moyen-âge, le clergé, dans le but d'assurer l'exécution des prescriptions de la loi religieuse, introduisit l'usage de constater les baptêmes, les mariages et les sépultures par des actes inscrits sur les registres des paroisses. Tout imparfaits qu'ils étaient au point de vue de la forme, ces actes offraient, pour l'état civil des personnes, un mode de preuve bien supérieur à la preuve testimoniale, dont le législateur, à toutes les époques, a redouté les dangers, surtout en cette matière. L'autorité civile le comprit, et diverses ordonnances furent successivement rendues, tendant, d'une part à substituer en cette matière la preuve résultant des actes inscrits sur les registres des paroisses à la preuve testimoniale (voyez notamment l'ordonnance de Blois, de mai 1579, art. 181), et d'autre part à perfectionner au point de vue de la forme les actes inscrits sur ces registres, afin de les adapter plus complètement au nouveau but qui leur était assigné (voyez notamment l'ordonnance de 1667, tit. 20, et la déclaration du 9 avril 1736). — A dater de ce moment les actes de baptêmes, mariages et sépultures devinrent des actes de l'état civil. Les curés demeurèrent chargés du soin de les dresser. Cette pratique n'était pas sans inconvénients: on forçait ainsi les citoyens, qui ne professaient pas la religion catholique, à s'adresser au ministre d'un culte qu'ils réprouvaient, pour constater leur état civil ou celui de leurs enfants. C'était grave, surtout en ce qui concerne les mariages. Le contrat civil étant alors confondu avec le sacrement, ceux qui appartenaient aux cultes dissidents, les protestants par exemple, en étaient réduits, s'ils voulaient faire constater légalement leurs mariages, à fouler aux pieds leurs croyances, et à venir demander aux ministres du culte

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