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§ V. Des cas dans lesquels la loi autorise exceptionnellement la preuve par témoins des naissances, mariages et décès.

253. Les naissances, mariages et décès, ne peuvent en principe être prouvés qu'à l'aide d'actes régulièrement inscrits sur les registres de l'état civil. Ici comme partout, plus peut-être qu'en toute autre matière, le législateur se défie de la preuve testimoniale. Mais quelle que soit sa prévention contre ce mode de preuve, il a dû cependant l'admettre exceptionnellement dans certains cas, où les parties se trouvent, sans leur faute, dans l'impossibilité de représenter un acte régulier. C'est ce qui résulte de l'art. 46, ainsi conçu : « Lorsqu'il n'aura » pas existé de registres ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue » tant par titres que par témoins; et dans ces cas, les mariages, naissances » et décès, pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanes » des pères et mères décédés que par témoins ».

La preuve exceptionnelle, dont nous allons maintenant nous occuper, est autorisée par l'art. 46 dans deux cas :

1° Lorsque le réclamant justifie qu'il n'a pas existé de registres, ce qui peut arriver pendant les temps de troubles politiques.

2° Lorsqu'il prouve que les registres de l'état civil, qui contenaient la preuve de son état, ont été perdus ou détruits par un cas fortuit, tel qu'un incendie ou un pillage.

254. Il ne suffit pas au réclamant d'alléguer la non existence ou la perte des registres; il doit en fournir la preuve. La loi dit que cette preuve sera faite tant par titres (c'est-à-dire par actes écrits) que par témoins ce qui signifie, non pas que la preuve devra nécessairement être faite par titres et par témoins tout à la fois, mais qu'elle sera faite soit par l'un, soit par l'autre de ces deux modes; ce sera presque toujours par témoins, les titres étant rares en cette matière. L'ordonnance de 1667, à laquelle notre disposition a été empruntée, s'exprimait dans les mèmes termes et elle a toujours été entendue en ce sens. 255. Quand le réclamant aura prouvé la perte ou la non existence des registres, le juge pourra (c'est une faculté pour lui) l'admettre à prouver les faits relatifs à son état par le mode de preuve exceptionnel de l'art. 46. En quoi consiste-t-il? La loi dit que « les naissances, mariages ou décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanes des pères et mères décédés que par témoins ». Ces expressions ont un sens analogue à celui des mots tant par titres que par témoins, qui se trouvent dans la première partie de l'article; elles signifient donc que la preuve pourra être faite soit par titres, soit par témoins. Presque toujours il faudra se contenter de la preuve testimo

niale; car ici encore les titres seront rares. Quand il y en aura, la loi cite comme devant être placés en première ligne : « les registres et papiers émanés des pères et mères décédés ». Il n'est guère possible de supposer que les documents, contenus dans ces registres ou papiers, aient été préparés pour le besoin de la cause, puisqu'à l'époque où ils ont été recuillis le procès dans lequel on veut les faire servir n'était pas encore né ni peut-être prévu. On comprend que le même crédit ne doive pas être accordé en principe aux documents qui seraient puisés dans les registres ou papiers des pères et mères encore vivants; car ceux-là pourraient bien être l'œuvre de la fraude. C'est pourquoi la loi n'en parle pas, témoignant ainsi par son silence de son peu de confiance dans ces écrits, sans cependant défendre aux parties de les invoquer et au juge d'y avoir tel égard que de raison.

256. La jurisprudence et les auteurs s'accordent pour considérer comme n'étant pas limitative l'énumération donnée par l'art. 46 des cas dans lesquels la preuve testimoniale peut être admise par le juge pour prouver les naissances, mariages et décès. L'art. 46 paraît en effet n'être qu'une application du principe général déposé dans l'art. 1348, qui autorise l'emploi de la preuve testimoniale toutes les fois que le réclamant justifie, soit de l'impossibilité où il s'est trouvé de se procurer un titre écrit, soit de la perte de son titre par suite d'un cas fortuit, imprévu ou résultant d'une force majeure. L'ordonnance de 1667, à laquelle notre disposition a été presque littéralement empruntée, a toujours été entendue en ce

sens.

Seulement l'accord n'existe plus sur le point de savoir quels sont les cas qui doivent être assimilés à ceux prévus par l'art. 46. Presque tous les auteurs admettent l'assimilation dans les deux hypothèses suivantes :

1° Quand les registres ont été tenus irrégulièrement et qu'ils présentent des lacunes. Sauf à démontrer que la date de la naissance, du mariage ou du décès qu'on demande à prouver par témoins correspond à la date des lacunes; car il est clair par exemple que l'existence d'une lacune sur le registre pendant tout le mois de janvier, n'expliquerait pas l'absence de l'acte qui a dû être dressé pour constater un décès survenu pendant le mois de mars.

2o Quand des lacérations ont été commises sur le registre, n'y eût-il qu'un seul feuillet absent, et sauf toujours à démontrer que la date de la naissance, du mariage ou du décès à prouver coïncide ou à peu près avec celle des actes contenus dans le feuillet qui a disparu (arg. art. 5 de la loi du 13 janvier 1817).

Mais faut-il s'en tenir là? C'est l'avis général. La plupart des auteurs critiquent les décisions judiciaires qui ont admis la preuve par témoins des naissances, mariages ou décès alors qu'il y avait des registres régulièrement tenus et complets en apparence, et que le réclamant alléguait, seulement l'omission sur les registres d'un seul acte, celui qui le concernait. Autrement, dit-on, ce serait l'arbitraire le plus complet; ce serait la preuve testimoniale substituée dans tous les cas à la preuve par les registres de l'état civil.- Ces reproches ne nous semblent pas fondés. L'opinion que l'on repousse n'entend pas dire, bien évidemment, que les tribunaux doivent admettre dans tous les cas la preuve testimoniale proposée par le réclamant por prouver une naissance, un mariage ou un décès; on veut dire que le juge pourra admettre cette preuve, mais seulement lorsque le demandeur aura préalablement rendu vraisemblable le fait qu'il allègue, à savoir qu'il n'existe pas de titre :

ce qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement, et ce qui peut arriver même dans le cas où les registres sont en apparence régulièrement tenus et ne présentent aucune trace d'altérations. Telle est l'hypothèse suivante qui s'est présentée. Un mari demande à prouver le décès de sa femme par témoins; il prétend que l'officier de l'état civil a omis par négligence de dresser l'acte de décès. A l'appui de son allégation, il présente un certificat délivré par l'officier de d'état civil, autorisant l'inhumation, et peut-être un certificat du ministre du culte attestant que l'inhumation a eu lieu effectivement tel jour. A cette date, pas de traces de l'acte de décès sur les registres : l'officier de l'état civil a oublié de le dresser. Soutiendra-t-on que le réclamant ne doit pas être admis à prouver le décès de sa femme par le mode de preuve exceptionnel qu'autorise l'art. 46, parce que les registres sont régulièrement tenus en apparence, et qu'il allègue l'omission d'un seul acte sur le registre? Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'en présence de registres régulièrement tenus en apparence et ne présentant pas de traces d'altérations, la prétention du réclamant sera ordinairement très peu vraisemblable et que le juge devra en général la rejeter. Mais, dans le cas contraire, pourquoi n'aurait-il pas le droit de l'admettre?

En définitive il faut donc considérer l'art. 46 comme une application du principe déposé dans l'art. 1348, à savoir que la preuve testimoniale est recevable dans toutes les hypothèses où le réclamant justifie qu'il se trouve, sans sa faute, dans l'impossibilité de rapporter un titre pour établir le fait servant de base à sa prétention, soit que ce titre n'ait jamais existé, soit qu'il ait été perdu ou détruit par un cas fortuit, imprévu ou résultant d'une force majeure. Or cela peut arriver dans d'autres hypothèses que celles prévues par l'art. 46, qui a seulement indiqué les plus usuelles.

* 257. Dans le cas particulier où le réclamant allègue l'omission d'un acte de l'état civil sur des registres d'ailleurs régulièrement tenus, il y aurait peut-être, pour suppléer à cet acte, un moyen de procéder autre que celui qui consiste dans l'application extensive de l'art. 46. L'officier de l'état civil, en négligeant de dressor un acte de naissance ou de décès lorsqu'il en est régulièrement requis, ou en négligeant de dresser un acte de mariage immédiatement après la célébration ainsi que le lui ordonne l'art. 75 in fine, se rend coupable, sinon d'un fait délictueux (car il n'y a pas de texte qui prononce contre lui une peine pour cette omission), tout au moins d'une négligence qui engage sa responsabilité civile (arg. art. 1383). Les intéressés, auxquels préjudicie le défaut d'acte, peuvent donc intenter au civil une action contre l'officier de l'état civil, ou après sa mort contre ses héritiers, pour obtenir la réparation de ce dommage. Si cette action réussit, il en résultera la preuve que l'officier de l'état civil n'a pas dressé, quand il aurait dû le faire, un acte de naissance, de mariage ou de décès. Le jugement obtenu établira ainsi l'existence de la naissance, du mariage ou du décès allégué, et son inscription sur les registres de l'état civil tiendra lieu de l'acte omis. C'est du moins ce que l'on peut induire par argument des art. 198 à 200. Ces textes supposent qu'un officier de l'état civil a détruit frauduleusement un acte de mariage. L'officier de l'état civil, coupable de cette infraction, peut être poursuivi criminellement par le ministère public, sans préjudice de l'action à intenter au civil par les intéressés. Si ces poursuites réussissent et que l'officier de l'état civil soit condamné pour avoir frauduleusement supprimé l'acte de mariage, il en résulte la preuve qu'un mariage a été célébré, et la loi dit que l'inscription du jugement de condamnation sur les registres de l'état civil remplacera l'acte de mariage. Maintenant, si l'officier de l'état civil est décédé à l'époque où l'on découvre la fraude par lui commise, il n'est plus possible d'agir au criminel; mais on peut encore agir au civil contre ses héritiers, car, si l'action publique meurt avec le coupable, l'action civile lui survit. Si les intéressés obtiennent un jugement condamnant les héritiers de l'officier de l'état civil à des dommages et

intérêts à titre de réparation du préjudice que celui-ci leur a causé, ce jugement, en constatant l'existence du crime qui a supprimé l'acte de mariage, constate implicitement la célébration du mariage, et la loi admet toujours que l'inscription de ce jugement sur le registre remplacera l'acte de mariage; seulement comme une collusion serait possible entre les intéressés et les héritiers de l'officier de l'état civil, la loi décide (art. 200) que l'action au civil sera intentée par le ministère public sur la dénonciation des intéressés. On ne voit pas pourquoi une action semblable, une action civile, ne pourrait pas être intentée, sous la même garantie, contre l'officier de l'état civil lui-même, qui aurait omis de dresser l'acte de mariage et aurait ainsi engagé sa responsabilité au point de vue civil seulement, sans l'engager au point de vue pénal. Le jugement qui interviendrait serait alors inscrit sur les registres de l'état civil, et remplacerait l'acte de mariage. Et si ce procédé peut être employé pour les actes de mariage, pourquoi ne pourrait-il pas l'être également pour les actes de naissance et de décès?

258. Lorsque la preuve testimoniale est recevable, d'après ce qui vient d'être dit, pour prouver, soit le fait de la non existence ou de la perte des registres, soit, cette preuve une fois faite, les naissances, les mariages et les décès, il y a lieu d'admettre aussi la preuve par les simples présomptions; car c'est un principe général que, dans tous les cas où la preuve testimoniale est admise, les juges sont aussi autorisés à se déterminer par de simples présomptions que la loi abandonne à leur sagesse (art. 1353).

§ VI. Des actes de l'état civil des Français en pays étranger.

259. Un Français se trouve en pays étranger; comment fera-t-il constater les faits relatifs à son état civil? Deux moyens s'offrent à lui, entre lesquels il n'a pas toujours le choix.

260. PREMIER MOYEN : « Tout acte de l'état civil des Français et des » étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays » (art. 47). C'est une application de la règle Locus regit actum (supra n. 83). Ainsi un Français se marie en pays étranger, soit avec une Française, soit avec une étrangère; son mariage sera valable, même aux yeux de la loi française, pourvu qu'il ait été célébré conformément aux prescriptions de la loi du pays, et cette loi sera seule applicable en ce qui concerne la preuve du mariage. Cela est sans difficulté quand la loi du pays où le Français se trouve exige un acte écrit pour constater les différents faits relatifs à l'état civil; alors en effet on est littéralement dans les termes de l'art. 47, qui déclare l'acte valable « s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays ›.

Mais le principe a une portée beaucoup plus générale. Il s'applique même dans le cas où la loi étrangère n'exige pas d'acte écrit pour la constatation des divers faits relatifs à l'état civil, et si notre article lui a donné une formule qui semble exclure cette hypothèse, c'est parce qu'elle est infiniment rare ici comme ailleurs la loi ne s'est préoccupée que de ce qui arrive le plus ordinairement, lex statuit de eo quod plerumque fit. Les naissances, mariages et décès des Français en pays étranger peuvent donc être prouvés par témoins, même sans commencement de preuve par écrit, si la loi du pays où ils se sont accomplis autorise ce mode de constatation.

Par application de ce qui précède, la cour de Paris a décidé qu'un Français marié dans un pays (Etat de New-York) dont la loi n'exige pas d'acte écrit pour constater la célébration des mariages, mais permet d'en établir l'existence par la simple preuve «< du fait de la cohabitation et réputation », devait être admis à prouver son mariage en France par témoins. (Paris, 20 janvier 1873, Sir., 73. 2. 177.)

"

Le moyen indiqué par l'art. 47 peut être employé, soit que l'acte de l'état civil concerne des Français seulement, soit qu'il concerne à la fois des Français et des étrangers, comme il arriverait si un Français épousait une étrangère en pays étranger; et c'est pour cela que l'art. 47 dit : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers ». Il n'en est pas de même du deuxième moyen dont il nous reste à parler, et qui est indiqué par l'art. 48. Ce deuxième moyen n'est applicable que pour les actes de l'état civil intéressant des Français seulement, ainsi qu'on va le voir à l'instant même.

261. DEUXIÈME MOYEN « Tout acte de l'état civil des Français en » pays étranger sera valable, s'il a été reçu, conformément aux lois fran»çaises, par les agents diplomatiques ou par les consuls » (art. 48). On a dit avec raison que les agents diplomatiques ou consulaires, accrédités par le gouvernement français dans les différents pays étrangers, y jouent le rôle d'officiers de l'état civil des Français. Ceux-ci peuvent donc s'adresser à eux pour faire constater les faits relatifs à leur état civil; cette constatation devra être faite, bien entendu, dans les formes prescrites par les lois françaises.

262. Les agents diplomatiques ou consulaires français, incontestablement compétents pour recevoir les actes de l'état civil intéressant des Français, sont-ils compétents également pour recevoir les actes qui intéressent à la fois des Français et des étrangers? Ainsi un consul français en Belgique pourrait-il valablement célébrer dans ce pays un mariage entre un Français et une Belge? La négative nous semble hors de doute. Il existe entre l'art. 47 et l'art. 48 une différence de rédaction dont il est impossible de ne pas tenir compte. En effet, tandis que le premier parle des actes de l'état civil des Français et des étrangers, c'est-à-dire des actes qui intéressent soit des Français seulement, soit des Français et des étrangers tout à la fois, le second ne parle plus que des actes de l'état civil des Français. Comment expliquer cette différence de rédaction, sinon en disant, ce qui est d'ailleurs fort rationnel, que le procédé indiqué par l'art. 48 n'est applicable qu'aux actes de l'état civil des Français, tandis que celui indiqué par l'art. 47 est applicable, soit aux actes de l'état civil qui intéressent des Français seulement, soit à ceux qui intéressent à la fois des Français et des étrangers? Cette solution est d'ailleurs fort rationnelle. Quand un acte de l'état civil intéresse à la fois un Français et un étranger, il faut que l'officier public qui le dresse soit compétent par rapport aux deux parties à la fois. Or l'officier public du pays où l'acte est dressé a cette double compétence, la règle Locus regit actum le rendant compétent quant au Français. Au contraire l'agent diplomatique français n'est compétent qu'à l'égard de l'une des parties, celle qui est française.

Au résumé, la question de savoir comment doivent être constatés en pays étranger les faits relatifs à l'état civil des Français, et comment par suite la preuve peut en être fournie en France, doit être résolue à l'aide d'une distinction. S'agit-il de

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