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même sort. Il fallait de toute nécessité se préoccuper de reconstituer les actes ainsi détruits, et l'intervention législative était nécessaire, les moyens que fournit le droit commun se trouvant ici complètement insuffisants. Cette colossale entreprise a été réalisée dans la mesure du possible, en exécution de la loi des 12-25 février 1872. Cette loi, dans l'examen détaillé de laquelle nous n'entrerons pas, confiait à une commission nommée par le ministre de la justice le soin de reconstituer les actes de l'état civil détruits. Cette reconstitution devait être et a été opérée « 1o D'après les extraits des anciens registres délivrés conformes; 2o sur les déclarations des personnes intéressées ou des tiers et d'après les documents qui auront été déposés à l'appui ; 3° d'après les registres tenus par les ministres des différents cultes, les registres des hôpitaux et des cimetières, les tables de décès, rédigées par l'administration des Domaines et toutes les pièces qui peuvent reproduire la substance des actes authentiques » (art. 2 de la loi).

Les actes de l'état civil, reconstitués comme il vient d'être dit, n'ont pas tous la même force probante. Ceux qui ont été reconstitués par le moyen d'extraits des anciens registres délivrés conformes, ont la force probante établie par l'art. 45 : ils font foi jusqu'à inscription de faux. Au contraire, ceux qui ont été rétablis par la commission d'après les autres documents indiqués en l'art. 2 précité, ne font foi que jusqu'à simple preuve contraire (art. 3 de la loi).

296. IV. Loi du 10 juillet 1871.- Mentionnons enfin une loi du 10 juillet 1871, qui, allant au plus pressé, fixait un mode spécial pour suppléer aux actes de l'état civil du département de la Seine, détruits pendant l'insurrection, en attendant que ces actes fussent reconstitués. Cette loi peut encore recevoir son application en ce qui concerne les actes de l'état civil non reconstitués.

TITRE III

Du domicile.

§ I. Notions générales.

297. Domicile, résidence, habitation, trois mots qui expriment des idées différentes.

Un commerçant a le centre de ses affaires à Paris où il habite avec sa famille une partie de l'année. Ce commerçant a une maison de campagne à Saint-Germain; il s'y installe chaque année avec sa famille pendant la belle saison, et vient alors tous les jours à Paris passer quelques heures pour vaquer à ses affaires. Ce même commerçant fait tous les ans un voyage d'agrément dans les montagnes, au bord de la mer... Il est domicilié à Paris ; il réside à Paris pendant l'hiver, à Saint-Germain pendant l'été; en cours de voyage il habite là où il se trouve. Qu'est-ce donc que le domicile? Qu'est-ce que la résidence? Q'est-ce que l'habitation?

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Le domicile est le siège légal d'une personne; c'est son siège

juridique et par suite quelquefois fictif. Où est situé ce siège légal, ce siège juridique? La loi romaine répond: ubi quis larem, rerumque ac fortunarum suarum summam constituit (L. 7, C., De incolis). C'est cette même pensée que l'art. 102 reproduit en termes moins imagés : « Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, » est au lieu où il a son principal établissement ». Son principal » établissement, c'est-à-dire le centre de ses intérêts, soit de ses intérêts matériels, soit de ses intérêts d'affection, soit des uns et des autres tout à la fois. « Le principal établissement, dit M. Laurent, ce sont les liens de famille, d'intérêts, de fonctions, qui attachent une personne à tel lieu plutôt qu'à tel autre ».

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Il y a, on le voit, une certaine intimité entre la personne et la maison, le lieu où elle est domiciliée, et c'est ce que donne fort bien à entendre le mot domicile, de domum colere, parce que le domicile est à la maison, au lieu de prédilection. La loi présume qu'on y trouvera toujours, en tant que de besoin, par exemple pour délaisser copie d'une assignation, ou la personne elle-même ou quelqu'un qui la représente.

Le domicile est une abstraction: il est le résultat d'une relation que la loi établit entre une personne et un lieu, celui où elle a son principal établissement. Quelquefois aussi le mot domicile se prend dans une autre acception, pour désigner le lieu même où l'on est domicilié, le lieu du principal établissement. Le mot domicile est pris dans le premier sens, dans le sens abstrait, quand je dis mon domicile est à Bordeaux, ce qui signifie : mon siège légal et juridique est à Bordeaux, où se trouve mon principal établissement. Il est pris dans le deuxième sens, dans le sens concret, si l'on dit je vais à mon domicile, ce qui signifie je vais à la maison où est établi mon domicile. b. — La résidence est le siège réel, le siège de fait de la personne. Elle est au lieu de l'habitation ordinaire de la personne, par conséquent soit au domicile, soit ailleurs. Une même personne peut avoir plusieurs résidences, une résidence d'été et une résidence d'hiver par exemple, tandis qu'elle ne peut avoir qu'un domicile, parce que le domicile est situé au lieu, nécessairement unique, du principal établissement, c'està-dire de celui qui l'emporte sur tous les autres.

c. - Enfin l'habitation est le siège accidentel de la personne. Elle est partout où l'on se fixe, même pour un très court espace de temps, en voyage par exemple dans toutes les localités où l'on s'arrête pour les explorer.

On le voit, la résidence et l'habitation résultent d'un lien de fait entre une personne et un certain lieu où elle habite même temporairement, lien aussi facile à rompre qu'à nouer, surtout pour l'habitation;

tandis que le domicile résulte d'un lien beaucoup plus résistant, d'un lien de droit entre la personne et un certain lieu où se trouvent concentrés ses intérêts, où par suite elle est présumée habiter le plus souvent ou tout au moins être représentée par quelqu'un même en son absence, de sorte qu'au domicile on doit toujours trouver ou la personne elle-même ou son représentant.

En deux mots, le domicile est le résultat d'un lien de droit, que la loi établit entre une personne et le lieu où elle a son principal établissement, c'est-à-dire le chef-lieu de ses intérêts. C'est le siège légal et juridique de la personne. La résidence et l'habitation sont le résultat d'un lien de fait entre la personne et le lieu où elle habite, soit ordinairement, ce qui est le caractère de la résidence, soit accidentellement, ce qui est le caractère de la simple habitation. On peut avoir de très nombreuses habitations, quelques résidences et un seul domicile. 298. Les auteurs ne font pas la distinction que nous venons d'établir entre la résidence et l'habitation. Elle semble cependant résulter, non seulement du sens usuel de ces mots, mais aussi de nombreuses dispositions de la loi. Ainsi nous voyons dans l'art. 13 que l'étranger qui a en France un domicile autorisé, y jouit des droits civils tant qu'il continue d'y résider. Tout le monde admet que quelques absences, pour affaires par exemple, ne font pas perdre à cet étranger la jouissance des droits civils. C'est qu'en effet l'habitation passagère dans un lieu autre que celui où on a sa résidence n'empêche pas que l'on continue à résider dans ce dernier lieu, de même que la résidence dans un lieu autre que celui où l'on a son domicile n'empêche pas que l'on conserve son domicile dans ce dernier lieu. En outre l'art. 13 dispose que « Le changement de domicile s'opèrera par le fait de l'habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement ». Ce n'est pas une résidence que la loi exige ici, ce qui suppose un séjour d'une certaine durée; elle se contente de l'habitation, qui se réalise aussitôt que l'on s'est transporté dans le nouveau lieu où l'on veut établir son domicile et que l'on en a pris possession. Enfin l'art. 69-8o du code de procédure civile décide que, lorsque le domicile du défendeur est inconnu, il sera assigné au lieu de sa résidence habituelle, et nul ne soutiendra sans doute que, si le défendeur s'est absenté quelques jours du lieu où il a sa résidence, pour aller voir un ami par exemple, il pourra être assigné au domicile de cet ami chez lequel il habite passagèrement. La distinction entre l'habitation et la résidence résulte donc des textes de la loi, non moins que de la signification courante de ces expressions. D'ailleurs il faut reconnaître que la loi ne s'est pas toujours conformée à la terminologie que nous venons d'indiquer. C'est ainsi que, dans l'art. 184 du code pénal, qui parle de la violation du domicile, le mot domicile est pris dans le sens d'habitation.

299. Diverses espèces de domicile. Le domicile est politique ou civil suivant qu'il est relatif à l'exercice des droits politiques ou à l'exercice des droits civils (1). Le code civil ne s'occupe pas du domicile politique qui est en dehors de la sphère du droit civil, comme les droits auxquels il s'applique (2). C'est ce qu'on peut lire entre les

(4) Il y a aussi le domicile pour la participation aux affouages (C. for. art. 105) et le domicile relatif aux secours publics ou domicile de secours. Ce dernier s'acquiert par un an de résidence 1. 25 vendémiaire an II, tit. V).

(2) V. pour le domicile politique les lois des 7 juillet 1874, 3 novembre 1875 et 5 avril 1884.

lignes dans l'art. 102 : « Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». Les mots quant à l'exercice de ses droits civils signifient que le domicile dont la loi va nous parler, le seul dont nous nous occuperons avec elle, est le domicile envisagé au point de vue des droits civils, le domicile civil par conséquent. C'est comme si l'article avait dit: Le domicile civil de tout Français est au lieu... On aurait tort d'ailleurs de conclure du texte précité que les Français ne peuvent exercer leurs droits civils en général qu'au lieu de leur domicile civil. L'exercice de la plupart des droits civils est indépendant du domicile ainsi on peut acheter, vendre, faire une donation, un testament ailleurs qu'au lieu de son domicile. C'est seulement par exception que certains droits civils ne peuvent être exercés qu'au domicile, ainsi qu'on le verra tout à l'heure.

300. L'infinie variété des lois qui régissaient la France avant 1789 donnait à la question du domicile un intérêt capital; car le domicile servait à déterminer pour chaque Français le statut qui réglait son état et sa capacité, et celui qui réglait la transmission de sa succession mobilière. En d'autres termes, tout Français était alors régi quant à son état et à sa capacité par la loi du lieu où il était domicilié; cette même loi réglait aussi la transmission de sa succession mobilière. La détermination du domicile offrait, à ce double point de vue, un intérêt égal à celui que présente aujourd'hui la détermination de la nationalité.

301. Dans notre droit actuel, le domicile présente particulièrement de l'intérêt 1° au point de vue de l'exercice de certains droits civils actifs; 2° au point de vue de l'exercice des droits civils passifs; 3° en ce qui concerne l'ouverture des successions. Entrons dans quelques détails sur ces divers points.

I. L'exercice de certains droits civils actifs, tels que le mariage, l'adoption, la tutelle officieuse, l'émancipation, suppose nécessairement l'intervention d'officiers publics dont la compétence est déterminée par le domicile. C'est ainsi que le contrat d'adoption ne peut se former que devant le juge de paix du domicile de l'adoptant (art. 353). V. aussi l'art. 463. De même le mariage ne peut être célébré que par l'officier civil du domicile de l'un des deux époux (art. 74 et 165).

II. Le domicile présente plus d'importance en ce qui concerne les droits civils passifs, c'est-à-dire les droits qui peuvent être exercés contre nous, que nous sommes obligés de subir, principalement l'exécution des obligations dont nous sommes tenus. On peut établir en principe que l'exécution volontaire ou forcée d'une obligation doit avoir lieu au domicile du débiteur.

L'exécution volontaire, ou autrement dit le paiement (art. 1247). L'exécution forcée. Ainsi, d'une part, le domicile du débiteur détermine le tribunal compétent pour connaître de l'exécution de l'obliga

tion. C'est à ce tribunal que le créancier devra s'adresser pour obtenir que le débiteur soit contraint à cette exécution, s'il ne s'exécute pas de bonne grâce. C'est ce même tribunal qui sera compétent si le débiteur conteste l'existence ou l'étendue de son obligation (C. pr. art. 2 et 59). En d'autres termes, en matière personnelle, c'est-à-dire quand il s'agit d'obligations, c'est le tribunal du domicile du défendeur qui est compétent, conformément à l'ancien adage Actor sequitur forum rei.

D'autre part, c'est aussi au domicile du débiteur que doit lui être signifiée l'assignation à comparaître devant le tribunal compétent, lorsqu'elle ne lui est pas remise en mains propres. Cette assignation porte le nom de citation, quand le tribunal devant lequel le débiteur est invité à comparaître est la justice de paix, et celui d'exploit d'ajournement quand c'est le tribunal de première instance ou tribunal civil. Ce ne sont pas seulement les exploits d'ajournement qui doivent ainsi être signifiés à personne ou domicile; il en est de même de tous les autres actes du ministère de l'huissier, tels que la sommation et le commandement. La sommation est un acte extrajudiciaire qui a pour but de mettre une personne en demeure d'exécuter l'obligation dont elle est tenue. Le commandement est une mise en demeure plus énergique que la sommation ordinaire. Il ne peut être fait qu'en vertu d'un titre exécutoire ou paré (paratus ad executionem), tel qu'un jugement. Il est en général le préliminaire obligé de la saisie.

III. Aux termes de l'art. 110: « Le lieu où la succession s'ouvrira sera déterminé par le domicile ».

Quel que soit le lieu où une personne vient à mourir, sa succession s'ouvre au lieu où elle était domiciliée. L'art. 59 al. 6 C. pr. ne fait que déduire une conséquence de ce principe, quand il attribue compétence au tribunal du lieu où la succession est ouverte, c'est-à-dire du domicile du défunt, pour statuer: « 1° sur les demandes entre héritiers, » jusqu'au partage inclusivement; 2° sur les demandes qui seraient >> intentées par des créanciers du défunt, avant le partage; 3° sur les » demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort, » jusqu'au jugement définitif ». Ce texte a été écrit en vue de centraliser toutes les poursuites et toutes les contestations, auxquelles peut donner lieu le règlement de la succession, devant un seul et même tribunal. Ce devait être naturellement le tribunal du lieu de l'ouverture de la succession, qui est mieux à même que tout autre, à raison de sa situation, de diriger ces poursuites ou de trancher ces contestations, parce qu'il a le plus souvent sous la main les principaux éléments de décision, notamment les titres et papiers du défunt, qu'on suppose réunis à son domicile, la masse de ses biens, les docu

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