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fant naturel, attribue la prééminence au père sur la mère, comme cela a lieu pour les enfants légitimes. Donc, dit-on, quand il s'agit de déterminer quel est le domicile de l'enfant, il faut par analogie faire prévaloir le domicile du père sur celui de la mère. Mais on conviendra que l'analogie est si éloignée qu'elle est à peine saisissable. En définitive on ne voit aucune raison plausible pour faire prévaloir l'un des domiciles sur l'autre, et il semblerait rationnel en conséquence de décider que, si les deux auteurs de l'enfant ont un domicile distinct, l'enfant sera domicilié chez celui avec qui il demeure.

4. Majeur interdit.

310. « Le majeur interdit aura le sien (son domicile) chez son tuteur » (art 108 in fine).

Chez son tuteur. Les deux premières éditions du code civil, celles de 1804 et de 1807, portaient chez son curateur. C'est en ces termes en effet que l'article a été décrété. Le titre De l'interdiction, qui fut voté après celui Du domicile, ayant mis les interdits en tutelle et non en curatelle, cette innovation devait amener la substitution du mot tuteur au mot curateur dans l'art. 108; cette substitution ne fut réalisée que dans l'édition de 1816.

L'attribution de domicile faite à l'interdit se justifie par les mêmes motifs que celle établie au profit du mineur non émancipé.

*On doit conclure des termes absolus de l'art. 108 al. 3 que l'interdit légalement est domicilié chez son tuteur, comme l'interdit judiciairement.

* Mais la disposition de ce texte ne saurait être étendue au prodigue et au faible d'esprit munis d'un conseil judiciaire (art. 499 et 513). Quoique la loi parle de ces incapables à propos de l'interdiction, ce ne sont point des interdits; leur incapacité est beaucoup moins étendue, et on ne peut leur appliquer une disposition de loi, qui, par cela même qu'elle déroge au droit commun, est de stricte interprétation. Ils conserveront donc leur domicile.

* L'application du principe que l'interdit est domicilié chez son tuteur conduit à des résultats singuliers, quand l'interdit est un homme marié. Si sa femme est nommée tutrice, ce que permet l'art. 507, le mari sera domicilié chez son tuteur, par conséquent chez sa femme; de sorte qu'ici, par une remarquable inversion des règles ordinaires, c'est le domicile de la femme qui fixe celui du mari. Si le mari interdit est placé sous une tutelle autre que celle de sa femme, celle-ci sera domiciliée chez le tuteur de son mari; car elle n'a pas d'autre domicile que celui de son mari (art. 108) et celui-ci est domicilié chez son tuteur. La bizarrerie de cette solution n'est pas une raison suffisante pour la faire rejeter.

*Ce n'est pas par accident que l'art. 108 s'exprime au temps présent dans son premier alinéa, et au futur dans les deux derniers. En imposant à la femme mariée le domicile de son mari, le législateur s'est conformé à la tradition; il a donc consacré sur ce point l'état de choses existant, et c'est pour cela qu'il a dit : La femme mariée n'a pas d'autre domicile que celui de son mari. Au contraire, en imposant au mineur et à l'interdit le domicile de leur tuteur, il a innové; car dans l'ancien droit on admettait généralement que les mineurs conservaient le domicile paternel, même quand ils étaient sous la tutelle d'un autre que le survivant de leurs père et mère (Pothier, Introduction aux coutumes, n. 17). Il a marqué cette innovation en disant Le mineur non émancipé AURA son domicile chez ses père et mère ou tuteur.

5. Majeurs qui servent ou travaillent habituellement chez autrui.

311. « Les majeurs qui servent ou travaillent habituellement chez » autrui, auront le même domicile que la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent, lorsqu'ils demeureront avec elle dans la même » maison » (art. 109). Donc trois conditions pour que celui qui sert ou travaille chez autrui soit domicilié chez la personne qu'il sert ou pour laquelle il travaille. Il faut :

1° Qu'il soit majeur.

Tous les auteurs remarquent que la disposition de la loi est, sur ce premier point, à la fois trop compréhensive et trop restrictive.

Trop comprehensive, car elle semblerait embrasser dans sa généralité tous les majeurs, et par conséquent mème la femme mariée qui sert ou travaille habituellement chez autrui; or on est d'accord pour décider qu'elle conserve le domicile de son mari. Il y a ici conflit entre la disposition de l'art. 108 al. 1 et celle de l'art. 109; dans ce conflit il convient de faire prévaloir celui des deux domiciles que la loi attribue à la femme en vertu d'une cause permanente, la puissance maritale, qui est aussi une cause touchant à l'ordre public. - Même observation pour l'interdit qui servirait ou travaillerait habituellement chez un maître avec qui il demeurerait; il conserve le domicile de son tuteur.

Trop restrictive, car elle semblerait inapplicable à tous les mineurs, par conséquent même aux mineurs émancipés. Or telle n'a pu être l'intention du législateur. Il est tout simple que l'art. 109 ne s'applique pas au mineur non émancipé, qui a déjà un domicile imposé par la loi, celui de son tuteur; mais on ne comprendrait pas qu'il ne s'appliquât pas au mineur émancipé qui peut se choisir un domicile et qui par conséquent peut, aussi bien qu'un majeur, étre présumé avoir fixé son principal établissement chez son maître.

2° Qu'il serve ou travaille HABITUELLEMENT chez autrui. Donc notre article ne serait pas applicable à celui qui sert ou travaille accidentellement chez autrui. Remarquons d'ailleurs que les mots qui servent ou travaillent ont la plus grande généralité, et comprennent, non seulement ceux qui sont attachés à la personne d'un maître auquel ils rendent des services subalternes (serviteurs, domestiques, concierges), mais aussi ceux qui exercent au service d'autrui une profession d'un ordre plus élevé, comme celle de secrétaire, précepteur, bibliothécaire, intendant, régisseur. Notre texte désigne les premiers par le mot servent et les seconds par le mot travaillent.

3o Qu'ils demeurent avec la personne chez laquelle ils servent ou travaillent, et dans la même maison. Donc notre article est étranger au

garde-chasse et au jardinier habitant une maison séparée de celle qu'habite leur maître, alors même que cette maison lui appartiendrait. Il serait inapplicable aussi au fermier, non seulement lorsqu'il demeure dans une autre maison que le maître, mais aussi quand il demeure dans la même maison. En effet on ne peut pas dire du fermier qu'il sert ou travaille chez autrui. Le fermier travaille pour lui-même et chez lui-même; car la ferme qu'il habite, il l'habite en qualité de fermier, c'est-à-dire de locataire. Il peut bien être logé dans la même maison que le propriétaire, mais il n'est pas logé chez celui-ci : on est chez soi dans la maison dont on est locataire.

Maintenant pourquoi la loi impose-t-elle aux majeurs, logeant chez un maître qu'ils servent ou pour le compte duquel ils travaillent habituellement, le même domicile que celui de leur maître? Parce que leur principal établissement, le plus souvent même leur établissement unique, est chez leur maître. Nous disons leur établissement unique, et cela explique la différence que la loi établit, au point de vue du domicile, entre les serviteurs et les fonctionnaires publics. Le fonctionnaire public investi d'une fonction temporaire ou révocable n'est pas domicilié de droit au lieu où il exerce sa fonction (art. 106), parce qu'il a souvent un autre établissement, qui peut être le principal et qui fixera son domicile. Au contraire les personnes de condition plus ou moins subalterne, dont parle l'art. 109, sont de droit domiciliées chez leur maitre, bien que leurs fonctions soient à la fois temporaires et révocables, parce qu'en général elles n'ont pas d'autre établissement que celui qu'elles se créent en se mettant au service d'autrui, et, quand elles abandonneront cet établissement, ce sera presque toujours pour en prendre un autre semblable.

Un maître, domicilié à Paris, possède à Saint-Cloud une maison de campagne, où sa femme demeure pendant toute l'année et où il réside avec elle le plus souvent. Dans cette maison de campagne il a des domestiques qui ne viennent jamais à Paris, mais qui sont exclusivement attachés au service de la maison de campagne. Ces domestiques seront-ils domiciliés à Paris ou à Saint-Cloud? L'art. 109, qui leur donne le même domicile qu'à leur maître, répond à Paris. Mais le bon sens semble dicter la solution contraire. Le principal établissement de ces domestiques n'est-il pas dans la maison qu'ils habitent avec leur maître, et non dans celle, qu'ils n'ont jamais vue peut-être, où se trouve le domicile de leur maître? Nous inclinerions à le penser. L'art. 109 statue vraisemblablement de eo quod plerumque fit, c'est-à-dire en vue du cas où le maître est domicilié dans la maison qu'il habite avec les personnes qui sont à son service.

312. Il nous reste à rechercher quand cesse le domicile imposé par la loi, qu'on peut appeler domicile de dépendance. Zachariæ dit avec raison (§ 143, texte et note 11) que le domicile légal cesse au moment où disparaît le fait qui lui servait de fondement. Ainsi le domicile légal du mineur en tutelle cesse au moment où la tutelle prend fin; le domicile légal de la femme cesse au moment de la dissolution du mariage. L'effet ne peut survivre à la cause. Est-ce à dire que le mineur qui n'est plus en tutelle, la femme veuve perdent de plein droit, le premier le domicile du tuteur, la seconde le domicile du mari? Non, autrement ils seraient sans domicile, situation que nos lois n'autorisent pas; ils le conservent donc tant qu'ils n'ont pas fait le nécessaire pour en acquérir un autre. C'est dire en d'autres termes que leur domicile de droit devient un domicile de fait; le domicile imposé se transforme en un domicile volontaire qu'ils sont libres d'abandonner aussitôt qu'ils le jugent à propos, quelquefois pour revenir au domicile qu'ils avaient auparavant, mais ce dernier domicile n'est pas recouvré par eux de plein droit.

II. Domicile établi par la volonté de l'homme ou domicile de fait. 313. Toute personne qui n'a pas un domicile imposé par la loi peut s'en créer un où elle le juge à propos.

Le législateur considère l'acquisition d'un domicile par la volonté de l'homme comme correspondant toujours à la perte d'un domicile antérieur. C'est du moins ce que l'on peut induire des textes, qui ne parlent que du changement de domicile (art. 103), et donnent ainsi à entendre, d'une part que celui qui acquiert un domicile par sa volonté en avait déjà un, et d'autre part que l'acquisition d'un nouveau domicile entraînera la perte de l'ancien (infra n. 316).

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Comment s'opére le changement de domicile? Aux termes de l'art. 103 « Le changement de domicile s'opèrera par le fait d'une habi» tation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement ». Deux conditions sont donc requises pour l'acquisition d'un nouveau domicile, comme pour celle de la possession avec laquelle notre matière présente plus d'une analogie: le fait et l'intention; le fait qui consiste dans la prise de possession d'un autre lieu d'habitation, l'intention consistant dans la volonté de transférer son principal établissement dans ce nouveau lieu.

Ces deux conditions sont requises cumulativement. Le fait ne suffirait pas sans l'intention, ni l'intention sans le fait.

Le fait ne suffirait pas sans l'intention, quelque longue d'ailleurs que soit la résidence hors du lieu du domicile.

L'intention ne suffirait pas sans le fait. Ainsi, voulant transférer mon domicile de Bordeaux à Libourne, j'en exprime l'intention en faisant les déclarations prescrites par l'art. 104, l'une à la municipalité de Bordeaux, l'autre à celle de Libourne, cette dernière par l'intermédiaire d'un mandataire. Je loue ou j'achète une maison à Libourne; je la fais installer et j'y envoie mes meubles. Je suis au moment de partir de Bordeaux où je n'ai peut-être plus de gîte, et la mort me surprend. Ma succession s'ouvrira à Bordeaux; car mon domicile n'était pas encore transféré à Libourne, où je n'ai jamais habité (1). 314. Celui qui allègue un changement de domicile doit en fournir la preuve; c'est à lui par conséquent qu'il appartient d'établir l'existence des deux conditions requises par l'art. 103.

Comment fera-t-il cette preuve ?

La preuve du fait, c'est-à-dire de l'habitation réelle dans un autre lieu, sera facile.

Il n'en sera pas toujours ainsi de celle de l'intention. L'art. 104 dit à ce sujet : « La preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse,

(1) Cass., 7 décembre 1885, Sir., 86. 1. 152.

» faite tant à la municipalité du lieu qu'on quittera, qu'à celle du lieu où » on aura transféré son domicile ». Et l'art. 105 ajoute: « A défaut de » déclaration expresse, la preuve de l'intention dépendra des circonstances ». On voit que la volonté de transférer son domicile d'un lieu dans un autre peut être manifestée expressément ou tacitement.

La manifestation expresse, qui n'est guère en usage, consiste dans la double déclaration dont parle l'art. 104, faite tant à la municipalité du lieu qu'on quitte qu'à celle du lieu où l'on veut s'établir. Elle fournira un moyen de preuve facile et sûr. Une déclaration faite seulement à la municipalité du lieu qu'on quitte, ne ferait pas à elle seule preuve complète de l'intention. Il en serait de même de la déclaration faite seulement à la municipalité du lieu de la nouvelle habitation.

Le plus souvent, la volonté de changer de domicile ne sera pas exprimée dans la forme qui vient d'être indiquée, elle ne sera manifestée que tacitement par certains actes de la personne, par les circonstances, comme le dit la loi. Les principales auxquelles le juge devra avoir égard sont : l'établissement du ménage dans le nouveau lieu où la personne est allée se fixer; la durée de la résidence; le paiement de la contribution personnelle, qui n'est due que dans la commune où l'on a son domicile. Le paiement de la contribution mobilière ne fournirait pas la même induction, car elle est due partout où l'on a du mobilier; la vente des propriétés sises au lieu de l'ancienne habitation, et l'acquisition d'autres propriétés dans le lieu de la nouvelle habitation; l'exercice permanent au lieu de la nouvelle habitation d'un commerce ou d'une industrie; la déclaration que la personne a faite, dans des contrats ou des actes, qu'elle est domiciliée au lieu de sa nouvelle habitation, de même que sa comparution, en matière personnelle, devant le tribunal du nouveau lieu où elle habite, sans opposer l'exception d'incompétence, et en supposant que ce tribunal soit autre que celui de l'ancien domicile.

Si l'intention reste douteuse, il n'y aura pas translation de domicile; car la loi exige que l'intention existe, et elle n'est pas certaine lorsque les circonstances la laissent indécise. Et toutefois, les significations faites de bonne foi au lieu de la résidence actuelle pourraient être déclarées valables, si ceux dont elles émanent ont pu légitimement croire et ont cru en réalité les faire au domicile, bien que les conditions prescrites pour la translation du domicile dans ce lieu n'aient pas été rigoureusement remplies. Arg. art. 69-9° C. pr.

Quand les deux conditions exigées par l'art. 103 se trouvent remplies, le domicile est immédiatement transféré. Il n'est pas nécessaire que la résidence au lieu du nouveau domicile ait eu une certaine durée. L'art. 75 de la coutume de Paris exigeait une résidence d'an et jour,

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