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Voyez au surplus l'art. 859 C. pr. pour la procédure à suivre sur les demandes tendant à ce qu'il soit pourvu à l'administration des biens du présumé absent.

335. La justice pourrait-elle, sur la demande des intéressés, pourvoir en cas de nécessité à l'administration des biens d'une personne qui est simplement nonprésente, c'est-à-dire éloignée de son domicile ou de sa résidence, sans que son existence soit incertaine? Les art. 113 et suivants ne parlent que des présumés absents; et, comme ils contiennent des dispositions exorbitantes du droit commun, puisqu'ils autorisent la justice à s'immiscer dans les affaires d'un particulier, ils ne sauraient être étendus d'un cas à un autre. — On objecte que l'art. 131 in fine permet l'application des mesures conservatoires, prescrites par l'art. 112, aux biens de l'absent qui reparaît ou donne de ses nouvelles après la déclaration d'absence, par conséquent aux biens d'un non-présent. - D'accord; mais ici l'intervention de la justice se conçoit facilement, car elle a déjà pénétré dans le secret des affaires de l'absent, puisque l'absence a été déclarée, et il n'y a pas d'inconvénient à ce qu'elle continue son rôle. Tout autre est le cas qui nous occupe : il s'agit de s'ingérer pour la première fois dans l'administration des biens d'un particulier, ce qui est beaucoup plus grave. En tout cas, il paraîtrait bien difficile d'admettre que la justice pût pourvoir d'une manière générale à l'administration des biens d'un non-présent, par exemple en lui nommant un curateur; tout au plus pourrait-on concéder qu'elle a le droit d'ordonner, en cas de nécessité, certaines mesures spéciales pour la conservation des biens, par exemple des réparations urgentes, et encore il nous paraîtrait plus sûr de ne pas faire cette concession.

336. Comment la présomption d'absence prend fin. La présomption d'absence prend fin:

1° Par la preuve acquise du décès de l'absent;

2o Par la preuve acquise de son existence;

3o Par la déclaration d'absence, dont nous allons maintenant nous occuper.

CHAPITRE II

DE LA DÉCLARATION D'ABSENCE

337. Les doutes qui existent sur le sort d'un absent s'accentuent avec le temps: chaque jour qui s'écoule sans nouvelles rend son décès plus probable. Aussi la loi, qui, pendant la première période, celle de la présomption d'absence, s'est préoccupée à peu près exclusivement des intérêts de l'absent, parce que son retour paraissait probable, va-t-elle pendant la deuxième période, celle de la déclaration d'absence, se préoccuper en outre des intérêts de ceux qui ont des droits subordonnés au décès de l'absent et principalement de ses héritiers.

I. Du tribunal compétent pour prononcer la déclaration d'absence. 338. Le tribunal compétent pour prononcer la déclaration d'absence est le tribunal de première instance du dernier domicile, ou, si le domi

cile n'est pas connu, de la dernière résidence de l'absent (arg. de l'art. 115 C. civ., de l'art. 59 C. pr. et de l'art. 1 de la loi du 13 janvier

1817).

II. A quelle époque la déclaration d'absence peut être demandée.

339. La loi distingue :

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a. L'absent n'a pas laissé de procuration. La déclaration d'absence peut être demandée, dans cette hypothèse, après quatre ans depuis la disparition ou les dernières nouvelles. « Lorsqu'une personne » aura cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, et » que depuis quatre ans on n'en aura point eu de nouvelles, les parties » intéressées pourront se pourvoir devant le tribunal de première instance, afin que l'absence soit déclarée» (art. 115).

b. L'absent a laissé une procuration. - Le délai après lequel la déclaration d'absence peut être demandée est alors porté à dix ans. « Si l'absent a laisse une procuration, ses héritiers présomptifs ne pour» ront poursuivre la déclaration d'absence et l'envoi en possession provi» soire, qu'après dix années révolues depuis sa disparition ou depuis ses » dernières nouvelles » (art. 121).

Le texte qui vient d'être cité a été placé à tort dans le chapitre III; sa place était dans notre chapitre, le chapitre II. D'après le projet, l'existence d'une procuration devait retarder seulement l'envoi en possession provisoire et non la déclaration d'absence. Dans ce système, il était tout simple que l'art. 121 figurât dans le chapitre III. Il aurait dû être reporté dans le chapitre II, lorsqu'il reçut sa rédaction actuelle, d'après laquelle l'existence d'une procuration retarde, non seulement l'envoi en possession provisoire, mais aussi la déclaration d'absence.

Il est facile de comprendre pourquoi l'existence d'une procuration retarde le moment où la déclaration d'absence peut être demandée. L'absent, qui a laissé un procureur fondé chargé de l'administration de ses biens, a, par cela même, manifesté l'intention de rester longtemps éloigné de son domicile. Son silence prolongé est plus facilement explicable que celui de l'absent qui a disparu sans pourvoir à la gestion de ses intérêts. On doit donc concevoir moins promptement des inquiétudes sur le sort du premier que sur celui du second.

340. Quel est le point de départ du délai de quatre ans ou de dix ans, passé lequel la déclaration d'absence peut être demandée? Si on n'a reçu aucunes nouvelles de l'absent, il va de soi que le délai courra à dater du jour de sa disparition. Une difficulté s'élève au contraire, si on a reçu des nouvelles le délai courra-t-il dans ce cas à dater du jour de l'émission ou à dater de celui de la réception des dernières nouvelles? Ainsi la dernière lettre de l'absent a été écrite le 1er janvier et reçue le 1er février; le délai courra-t-il à partir du 1er janvier ou du 1er février ? Rationnellement, le délai doit avoir pour point de départ le jour où l'existence de l'absent a cessé d'être certaine, par conséquent le jour de l'émission des dernières nouvelles, car l'existence de l'absent n'est certaine qu'à ce moment : elle devient

PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3e éd., I.

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incertaine immédiatement après. La lettre écrite par l'absent le 1er janvier prouve bien qu'il existait à cette date, mais elle ne prouve certes pas qu'il existait encore un mois plus tard, époque à laquelle sa lettre est parvenue à destination. L'art. 121, qui fait courir le délai de dix ans à compter des dernières nouvelles, confirmerait cette solution plutôt qu'il ne la contredirait. Mais l'art. 115 fait naître quelque doute sur son exactitude quand il dit: et que depuis quatre ans ON N'EN AURA POINT EU de nouvelles. Ici la loi parait bien s'attacher à la date de la réception des nouvelles. Peut-être législateur a-t-il supposé, ce qui arrive en effet le plus souvent, que l'absent n'a donné aucune nouvelle depuis sa disparition. Ainsi entendu, ce texte ne contrarierait en rien la solution qui vient d'être développée et qui est généralement admise.

341. Autre question. - Une procuration quelconque suffit-elle pour retarder jusqu'à l'expiration du délai de dix ans la demande en déclaration d'absence; ou bien faut-il une procuration générale ? Les termes de la loi semblent faire allusion à une procuration générale. En effet l'art. 120 dit : « Dans les cas où l'absent n'aurait point laissé de procuration pour l'administration de ses biens..... »; or une procuration pour l'administration DES BIENS, c'est-à-dire du patrimoine, est une procuration générale. Et quand l'art. 121 ajoute sans autre explication: « Si l'absent a laissé une procuration..... », il est bien évident que la procuration dont il s'agit est la même que celle dont parle l'article précédent, une procuration générale par conséquent. La pensée du législateur paraît donc être que la procuration laissée par l'absent ne retardera la déclaration d'absence qu'autant qu'elle sera générale. Cette solution d'ailleurs est fondée en raison. L'existence d'une procuration générale, qui ne laisse aucun bien en souffrance, explique jusqu'à un certain point le silence prolongé de l'absent: il ne donne point de ses nouvelles, parce qu'il sait que tous ses intérêts sont sauvegardés; on doit donc concevoir moins promptement des inquiétudes sur son compte, et moins se håter de prononcer la déclaration d'absence. Au contraire une procuration spéciale, surtout si elle laisse un grand nombre d'intérêts en souffrance, n'explique pas ou n'explique que fort imparfaitement le silence prolongé de l'absent. A quel titre pourrait-elle donc être prise en considération pour retarder la déclaration d'absence? Il n'y a d'ailleurs aucun inconvénient pratique à décider qu'une procuration spéciale ne porte pas nécessairement à dix ans le délai après lequel la déclaration d'absence peut être demandée; car les juges seront toujours autorisés à tenir compte de cette procuration pour ne pas faire droit à une demande qui leur paraîtrait prématurément formée. Aussi l'opinion que nous venons d'exposer est-elle généralement admise.

342. Il peut arriver que la procuration générale laissée par l'absent vienne à cesser. Si elle cesse par une cause étrangère à sa volonté, par exemple par la mort du mandataire ou par son interdiction, ces événements, qui sont inconnus de l'absent, n'affaiblissent aucunement l'induction que la loi tire de la procuration. L'absent a pourvu à la gestion de ses intérêts: il les croit bien gérés; son silence se comprend. On applique alors sans difficulté l'art. 122, ainsi conçu : « Il en sera de » méme » (c'est-à-dire que la déclaration d'absence ne pourra être poursuivie qu'au bout de dix ans) « si la procuration vient à cesser; et dans ce cas, il sera pourvu à » l'administration des biens de l'absent, comme il est dit au chapitre I du présent

» titre ».

Mais cette solution doit-elle encore être admise si la procuration prend fin par l'expiration du terme que l'absent lui-même a assigné aux pouvoirs de son mandataire? Ainsi la procuration laissée par l'absent porte pouvoir de gérer ses biens pour deux ans seulement; on ne reçoit de lui aucune nouvelle; faudra-t-il néanmoins attendre dix ans pour demander la déclaration d'absence? L'affirmative sem

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ble résulter de l'art. 122, dont le texte ne fait aucune distinction entre les diverses causes qui peuvent mettre fin au mandat. Il y a cependant une objection grave contre cette solution. La procuration que l'absent a donnée pour deux ans explique bien jusqu'à un certain point son silence pendant deux ans ; mais après l'expiration de ce délai, son silence n'est guère plus explicable que dans l'hypothèse où il n'a pas laissé de procuration. Aussi plusieurs auteurs, faisant prévaloir l'esprit de la loi sur son texte, décident-ils que la déclaration d'absence pourra être demandée quatre ans après l'expiration du terme assigné par l'absent aux pouvoirs de son mandataire.

Quelque parti que l'on prenne sur le point qui précède, on doit admettre qu'une procuration donnée par l'absent pour un délai plus long que dix années ne retarderait pas la déclaration d'absence au delà du terme fixé par l'art. 121. Du moins la demande formée à l'expiration de ce terme ne devrait pas être déclarée non recevable comme prématurée; car le tribunal aurait certainement le droit de la rejeter par application de l'art. 117, ainsi conçu : « Le tribunal, en statuant sur la demande, » aura d'ailleurs égard aux motifs de l'absence, et aux causes qui ont pu empécher » d'avoir des nouvelles de l'individu présumé absent ».

III. Qui peut demander la déclaration d'absence.

343. La déclaration d'absence peut être demandée par les parties intéressées (art. 115). Pour déterminer le sens de cette expression, il faut savoir que l'intérêt de la déclaration d'absence consiste dans l'envoi en possession provisoire, qui en est le fruit. Il s'ensuit que la déclaration d'absence ne peut être demandée que par ceux qui, l'absence une fois déclarée, ont droit à l'envoi en possession provisoire, principalement par les héritiers présomptifs de l'absent au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles et par ses légataires. V. infra n. 349. Le droit de demander la déclaration d'absence n'appartiendrait donc ni aux créanciers de l'absent ni au procureur de la république, qui, l'absence une fois déclarée, n'ont aucun droit à l'envoi en possession provisoire.

On remarquera d'ailleurs :

a. En ce qui concerne les créanciers, que la déclaration d'absence leur serait non seulement inutile, mais le plus souvent préjudiciable; car, par suite de l'envoi en possession provisoire qui en résulte, les biens de l'absent seront fréquemment morcelés ou tout au moins divisés entre divers ayant droit, ce qui rendra les poursuites des créanciers plus onéreuses. C'est à tel point qu'on s'explique difficilement comment l'art. 11 de la loi du 13 janvier 1817, sur les militaires absents, a pu faire figurer les créanciers parmi les personnes auxquelles appartient le droit de demander la déclaration d'absence.

b. En ce qui concerne le ministère public, qu'il est spécialement chargé de veiller aux intérêts de l'absent (art. 114), et que, par suite, loin d'avoir le droit de former une demande en déclaration d'absence, il est tenu de proposer au nom de l'absent tous les moyens propres à faire échouer celle formée par les divers ayant droit. Car l'absent est intéressé à ce que son absence ne soit pas déclarée, ne fût-ce que pour conserver la jouissance entière de ses revenus dont l'envoi en possession provisoire lui fait perdre une partie considérable (art. 127).

On voit que le mot parties intéressées n'a pas dans l'art. 115 le même sens que dans l'art. 112. Les parties intéressées de l'art. 112 sont toutes personnes ayant intérêt à la conservation des biens de l'absent; les parties intéressées de l'art. 115 sont toutes personnes ayant des droits subordonnés au décès de l'absent.

IV. De la procédure à suivre sur la demande en déclaration d'absence.

344. En organisant cette procédure, la loi s'est proposé d'une part de mettre le tribunal à même de savoir s'il n'a été reçu aucune nouvelle de l'absent; d'autre part d'informer l'absent de la demande en déclaration d'absence, et de le provoquer ainsi à donner signe de vie. Voici maintenant les détails.

La demande en déclaration d'absence s'introduit par une requête adressée au président du tribunal. Il faut se reporter sur ce point à l'art. 860 du code de procédure civile, applicable à la déclaration d'absence, bien qu'il ne parle que de l'envoi en possession provisoire, parce qu'il y a un lien étroit entre ces deux demandes qui, d'ailleurs, dans la pratique, sont presque toujours formées simultanément.

Aux termes de l'art. 116: « Pour constater l'absence, le tribunal, » d'après les pièces et documents produits, ordonnera qu'une enquête soit » faite contradictoirement avec le procureur du Roi, dans l'arrondisse» ment du domicile et dans celui de la résidence, s'ils sont distincts l'un » de l'autre ». L'enquête est un moyen d'arriver à la découverte de

la vérité par l'audition de témoins.

Pour que la demande en déclaration d'absence soit recevable, il faut qu'on n'ait pas reçu de nouvelles de l'absent depuis quatre ans ou dix ans, suivant les cas (supra n. 326). L'enquête a paru le meilleur moyen d'éclairer le juge sur le point de savoir si cette condition est remplie. Aussi la loi ne permet-elle pas au tribunal de déclarer l'absence sans avoir préalablement recours à cette mesure d'instruction. — Les personnes les mieux renseignées sur le sort de l'absent devant naturellement se trouver au dernier domicile et à la dernière résidence de l'absent, la loi exige qu'une enquête soit faite dans l'arrondissement du domicile et dans celui de la résidence tout à la fois, s'ils sont distincts l'un de l'autre. C'est le tribunal du dernier domicile de l'absent qui est seul compétent pour ordonner l'enquête. S'il arrive que, l'absent ayant eu sa dernière résidence dans un arrondissement autre que celui de son domicile, il y ait lieu de procéder à une double enquête, le tribunal du domicile adressera une commission rogatoire au tribunal de la résidence pour qu'il procède à la seconde. Dans tous les cas l'enquête doit être faite contradictoirement avec le procureur de la république. Cela signifie que ce magistrat doit figurer dans l'enquête, au nom de l'absent, comme contradicteur de ceux qui demandent la déclaration d'absence. A ce titre il a le droit, dans une contre-enquête, de faire entendre des témoins pour contredire les assertions de ceux qui sont venus déposer dans l'enquête. L'absent étant représenté par le procureur de la république dans l'instance relative à la déclaration d'absence, ne pourrait pas, après son retour, se pourvoir par tierce opposition contre le jugement qui déclare l'absence.

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