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L'absent était marié sous le régime de la communauté; son conjoint est présent; l'absence est déclarée. Telle est l'hypothèse prévue.

Si l'art. 124 n'existait pas, voici ce qui arriverait nécessairement. La communauté serait provisoirement considérée comme dissoute au jour du départ ou des dernières nouvelles de l'absent, et liquidée d'après son état à cette époque. Puis le conjoint présent serait admis à exercer provisoirement ses droits, tant dans la communauté ainsi liquidée, que sur les biens personnels de l'absent. Le surplus des biens de la communauté, représentant la part de l'absent, ainsi que tous les autres biens personnels de celui-ci, seraient provisoirement attribués à ses héritiers présomptifs au jour de son départ ou de ses dernières nouvelles et à tous autres ayant des droits subordonnés à son décès (art. 120 et 123). Le conjoint présent peut accepter ce résultat, s'il le juge à propos. Mais la loi lui permet de l'écarter en optant pour la continuation de la communauté. S'il prend ce dernier parti, la communauté sera provisoirement considérée comme existant encore; en conséquence, il conservera ou prendra l'administration des biens de la communauté et aussi des biens personnnels de l'absent qui n'étaient point entrés en communauté.

L'époux présent commun en biens a donc un droit d'option dont voici les deux termes: dissolution provisoire de la communauté; continuation provisoire de cette même communauté. Le conjoint présent restant enfermé dans les liens du mariage tant que le décès de l'absent n'est pas prouvé (art. 139 et 227), la justice exigeait qu'il pût demander le maintien de ses conventions matrimoniales. Puisqu'on lui oppose son mariage comme faisant obstacle à la création d'un nouveau lien, il doit pouvoir l'invoquer en tant qu'il est pour lui la source d'avantages pécuniaires. D'ailleurs le droit certain de l'époux présent devait être préféré au droit incertain et précaire des héritiers présomptifs. Enfin l'option de l'époux présent pour la continuation de la communauté a pour résultat de concentrer dans ses mains l'administration de tous les biens de l'absent, qui sans cela serait peut-être divisée et morcelée entre de nombreux ayant droit, au grand préjudice des intérêts de l'absent. Voilà plus de raisons qu'il n'en faut pour justifier le droit d'option accordé au conjoint présent marié sous le régime de la communauté.

368. Ce qui peut surprendre, c'est que la loi limite sa faveur au cas où l'époux présent est commun en biens, c'est-à-dire marié sous le régime de la communauté; car il y avait exactement les mêmes raisons pour la lui accorder dans tous les cas. En effet, quel que soit le régime nuptial auquel il est soumis, l'époux présent peut avoir intérêt au maintien provisoire de ses conventions matrimoniales. Ainsi, sous le régime dotal, le mari, dont la femme est déclarée absente, peut avoir intérêt à la continuation du régime sur la foi duquel il a contracté et qui lui donne le droit de jouir de tous les biens dotaux de son épouse (art. 1549). Il est pourtant impossible,

vu le caractère exceptionnel et tout de faveur de la disposition dont il s'agit, de l'étendre en dehors du cas prévu par la loi. L'interprète a le droit de le regretter et de solliciter sur ce point une réforme législative; mais il ne lui est pas permis de corriger l'œuvre imparfaite de la loi.

S'il ne faut pas étendre au-delà de ses justes limites la disposition de l'art. 124, il ne faut pas non plus en restreindre arbitrairement la portée. L'article devra donc être appliqué, toutes les fois qu'il y a communauté de biens entre les époux (la loi dit l'époux commun en biens...), non seulement, par suite, lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale ou conventionnelle, mais aussi lorsqu'ils sont mariés sous le régime dotal avec société d'acquêts.

369. La loi suppose que l'époux présent exerce son droit d'option avant que l'envoi provisoire ait été accordé (argument des mots et empêcher l'envoi provisoire). C'est en effet ce qui arrivera le plus souvent. Mais supposer n'est pas disposer, et on est d'accord pour décider que, la loi n'ayant fixé aucun délai au conjoint, il pourrait exercer son droit d'option même après l'envoi provisoire et le faire ainsi cesser.

La loi n'indique pas non plus la forme dans laquelle doit être exercé le droit d'option, et de là il résulte qu'aucune forme particulière n'est requise. Il suffira que l'époux ait manifesté sa volonté d'une manière quelconque, même tacitement.

Cela posé, étudions successivement les deux termes de l'option accordée à l'époux présent.

370. A. L'époux présent opte pour la dissolution provisoire de la communauté. Quand l'époux prend ce dernier parti, la communauté est réputée dissoute à partir du jour de la disparition ou des dernières nouvelles de l'absent. Elle doit être provisoirement liquidée d'après son état à cette époque, et l'époux présent exerce provisoirement, tant sur les biens de cette communauté que sur les biens personnels de l'absent, qui n'étaient point entrés en communauté, tous ses droits légaux et conventionnels (art. 124).

Tous ses droits légaux. L'époux présent aura donc droit à la reprise de ses propres, au paiement des indemnités qui lui sont dues par la communauté et à sa moitié des biens communs.

Tous ses droits conventionnels. Ainsi l'époux présent pourra réclamer provisoirement le bénéfice des donations que l'absent lui a faites sous condition de survie. De même il pourra exercer provisoirement le droit de préciput que son contrat lui accorde, ou le droit qu'il a stipulé dans ce même contrat de prendre une part de la communauté plus forte que la moitié...

L'époux présent, qui opte pour la dissolution provisoire de la communauté, est tenu « de donner caution pour les choses susceptibles de restitution » (art. 124). La femme devra donc donner caution pour tout ce qu'elle prend, même pour ses biens personnels, à l'exception toutefois de ceux dont son mari n'avait pas l'administration et la jouis

sance. Car, sauf ces derniers biens, elle devra tout restituer à son mari s'il reparaît. Quant au mari, il doit certainement caution pour les biens qu'il prend en qualité de légataire de sa femme, ou de donataire de celle-ci sous condition de survie; il y aura lieu en effet à la restitution de ces biens par les héritiers du mari, s'il vient à être prouvé que la femme lui a survécu. Mais le mari ne devrait pas caution pour ses biens personnels, à la restitution desquels il ne peut être tenu en aucun cas, ni même, suivant l'opinion générale, pour la portion des biens de la communauté qui lui est provisoirement attribuée.

L'époux présent, qui opte pour la dissolution provisoire de la communauté, n'a que les pouvoirs d'un envoyé en possession provisoire, c'est-à-dire d'un administrateur, sur tous les biens qui lui sont attribués par suite de l'exercice provisoire de ses droits et qui sont sujets à restitution. L'obligation que la loi lui impose de fournir caution, prouve bien qu'elle le considère seulement comme un administrateur et non comme un propriétaire.

Cela posé, il semble que l'époux présent, qui opte pour la dissolution de la communauté, devrait être tenu de faire inventaire. Cette obligation n'incombe-t-elle pas, en règle générale, à tout administrateur du bien d'autrui? Ne voyons-nous pas la loi l'imposer même à certains administrateurs, desquels elle n'a pas cru devoir exiger une caution, par exemple au tuteur? Ces raisons sont graves; mais sont-elles suffisantes en présence du texte de l'art. 126, qui n'assujettit à l'obligation de faire inventaire que l'époux qui aura opté pour la continuation de la communauté, et semble par suite en dispenser celui qui a opté pour la dissolution?

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371. B. L'époux présent opte pour la continuation provisoire de la communauté. Quand l'époux présent prend ce deuxième parti, le régime matrimonial sous la foi duquel son union a été contractée est provisoirement maintenu.

Cette option produit deux effets :

1o Elle empêche l'envoi en possession provisoire au profit des héritiers présomptifs de l'absent, et aussi l'exercice provisoire de tous les droits subordonnés à son décès.

Il est facile de justifier la préférence accordée au conjoint présent sur les héritiers présomptifs de l'absent, et même sur les légataires et les héritiers contractuels de celui-ci le droit certain du conjoint présent, résultant de son contrat de mariage, devait primer le droit incertain et éventuel des héritiers et des légataires de l'absent. Mais la loi mérite d'être critiquée en tant qu'elle préfère le conjoint présent aux autres intéressés qui ont des droits subordonnés au décès de l'absent, tels que le nu-propriétaire d'un bien dont l'absent était usufruitier; car les intéressés dont il s'agit ont, eux aussi, un droit certain, et on s'explique difficilement que l'exercice de leur droit puisse être paralysé, pendant un temps qui sera peut-être fort long, par l'option de l'époux présent pour la continuation provisoire de la communauté. Quoi qu'il en soit, statuit lex.

2o L'époux présent, qui a opté pour la continuation provisoire de la communauté, peut « prendre ou conserver par préférence l'adminis

tration des biens de l'absent ». Cette administration est dite légale, parce qu'elle dérive de la loi.

PRENDRE l'administration. Ces mots font allusion à la femme elle prendra l'administration qui appartenait à son mari. Or cette administration s'appliquait aux biens personnels du mari, aux biens de la communauté et aux biens personnels de la femme, la plupart du temps au moins. En ce qui concerne les biens du mari, on doit remarquer que la femme en prend l'administration dans tous les cas où elle opte pour la continuation de la communauté, même quand elle est mariée sous le régime dotal avec société d'acquêts. La loi dit qu'elle prend l'administration des biens de l'absent et non pas seulement des biens de la communauté. Ce point a été contesté à tort.

La femme, relativement aux biens dont elle prend l'administration, n'a pas d'autres pouvoirs que ceux d'un envoyé en possession provisoire. Elle aurait donc besoin de l'autorisation de la justice pour aliéner ou pour hypothéquer ces biens (cpr. art. 222 et 1427). Mais la femme n'a pas besoin d'une autorisation spéciale pour chaque acte d'administration qu'elle veut accomplir; cette exigence rendrait sa gestion impossible. Le jugement qui l'autorise à administrer l'autorise par cela même d'une manière générale à accomplir tous les actes qui dépendent de l'administration. Et toutefois il faut excepter le cas où la femme voudrait ester en justice relativement à des actes d'administration: une autorisation spéciale lui serait alors nécessaire. Cpr. art. 223, 1538, 1576.

CONSERVER l'administration. Cela fait allusion au mari. Avant la disparition de la femme, il administrait, outre ses biens propres, les biens personnels de sa femme et ceux de la communauté. Cette administration il la conserve, dit la loi. Dire qu'il conserve l'administration, c'est dire qu'il continue à l'exercer comme autrefois, avec les mêmes pouvoirs. Le mari conservera donc sur les biens de la femme les droits que lui accordent les art. 1428 et suivants, et sur ceux de la communauté les pouvoirs déterminés par les art. 1421 et s. Par conséquent les actes de disposition à titre onéreux, accomplis par le mari relativement aux biens de la communauté, et même les actes de disposition à titre gratuit, dans les limites fixées par l'art. 1422, seront valables, quoi qu'il arrive, par application de ce principe que les actes faits conformément à la loi doivent être validés.

Il se peut que la femme ait des biens personnels dont elle s'était réservé, par une clause de son contrat, l'administration et la jouissance. Le mari prendra l'administration de ces biens. Mais ses pouvoirs ne dépasseraient pas en ce cas ceux d'un envoyé en possession provisoire. 372. La loi impose à l'époux présent qui opte pour la continuation

de la communauté, que ce soit le mari ou la femme, l'obligation de faire inventaire (art. 126 al. 1). Cet inventaire doit comprendre, non seulement les biens personnels de l'absent, mais aussi ceux de la communauté, qui sont d'ailleurs, à bien prendre, des biens de l'absent, puisque celui-ci en est copropriétaire.

Rationnellement l'époux qui opte pour la continuation provisoire de la communauté devrait être tenu de fournir caution, au moins pour les biens sujets à restitution dont il prend ou conserve l'administration. Mais il est difficile de lui imposer cette obligation dans le silence des textes, silence qu'on ne peut guère mettre sur le compte d'un oubli; car l'art. 124 parle de la caution, et ne l'exige que de l'époux qui opte pour la dissolution provisoire de la communauté. Relativement aux garanties à fournir par l'époux présent, suivant le sens dans lequel il exerce son droit d'option, la loi paraît avoir été rédigée avec une grande légèreté elle soumet l'époux qui opte pour la dissolution provisoire de la communauté à l'obligation de fournir caution, mais non à celle de faire inventaire; elle exige au contraire l'inventaire, mais non la caution, de l'époux qui opte pour la continuation provisoire de la communauté. Tout cela n'est pas bien concordant.

373. Aux termes de l'art. 124 al. final: « La femme, en optant pour la continuation de la communauté, conservera le droit d'y renoncer ensuite ». C'était utile à dire; autrement on aurait pu penser qu'en optant pour la continuation provisoire de la communauté, la femme se mettait dans l'impossibilité d'y renoncer plus tard. En effet le principal motif, qui a fait établir au profit de la femme le droit de renoncer à la communauté, est qu'on n'a pas voulu l'obliger à subir les conséquences d'une gestion qui est entièrement l'œuvre de son mari (art. 1421). Cette raison n'existant pas, ou n'existant plus qu'en partie, quand la femme opte pour la continuation de la communauté, puisqu'elle prend alors l'administration des biens communs, on aurait peut-être été tenté de décider, si la loi ne s'en était pas expliquée, que la femme perd le droit de renoncer à la communauté, et de répudier ainsi les conséquences d'une gestion qui lui est personnelle au moins pour partie. La loi, qui considère la faculté de renoncer comme essentielle (art. 1453), a condamné par avance cette solution.

374. La continuation provisoire de la communauté, résultant de l'option de l'époux présent, et l'administration légale qui en est la conséquence prennent fin :

1° Par la preuve acquise de l'existence de l'absent. Alors la communauté a duré en réalité depuis la disparition de l'absent, elle dure encore, et il y a lieu de pourvoir à son administration suivant les termes du droit commun (art. 1421 et s.).

2o Par la preuve acquise du décès de l'absent. On liquide alors la communauté et on la partage d'après l'état de choses existant à l'époque du décès.

3° Par l'envoi en possession définitif, qui peut être obtenu trente ans après que l'époux présent a pris l'administration des biens de l'absent ou cent ans après la naissance de ce dernier (art. 129). Alors l'absent est réputé mort, et par suite la communauté dissoute, du jour de son départ ou de ses dernières nouvelles. C'est d'après l'état de choses

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