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» individu existait quand le droit a été ouvert jusqu'à cette preuve, il » sera déclaré non recevable dans sa demande ».

Puis l'art. 136 fait l'application de ce principe à un cas particulier, celui d'une succession: « S'il s'ouvre une succession à laquelle soit » appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, elle sera dévolue » exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, » ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut ».

Une personne meurt laissant comme plus proches parents deux cousins germains, Primus et Secundus, dont l'un, Primus, est absent. Les enfants de l'absent viennent dire à Secundus : Nous réclamons du chef de notre père la moitié de la succession qui vient de s'ouvrir; nous allons par conséquent partager cette succession avec vous. Secundus répondra: Votre père, du chef de qui vous réclamez la moitié de la succession, n'a pu acquérir quelque droit dans cette succession qu'à la condition d'être vivant lors de son ouverture (art. 725). Prouvez donc que votre père était vivant à cette époque. Si vous ne faites pas cette preuve, vous n'aurez pas démontré le bien-fondé de votre demande; elle devra par suite être rejetée, et je prendrai toute la succession.

L'art. 136, nous l'avons dit, ne contient qu'une application particulière du principe posé par l'art. 135; c'est celle qui est de nature à se présenter le plus fréquemment. Mais le principe est général, et la jurisprudence l'étend avec raison à tous les cas où le sort du procès dépend de l'existence d'un absent. Ainsi il a été jugé qu'on ne doit pas tenir compte, pour la fixation de la réserve, des héritiers réservataires dont l'existence est incertaine lors de l'ouverture de la succession.

390. On voit que, lorsqu'il s'agit de droits éventuels, la loi considère comme décédés les titulaires qui sont absents lors de l'ouverture de ces droits, et qu'elle les attribue, à leur exclusion, à ceux qui étaient appelés concurremment avec eux, ou même à ceux qui n'étaient appelés qu'à leur défaut.

Ce principe donne la solution d'une question sur laquelle la controverse paraît aujourd'hui éteinte. Dans les successions où la représentation est admise, les enfants de l'héritier dont l'existence était incertaine lors de l'ouverture de la succession peuvent-ils être admis à le représenter? Ainsi un individu meurt, laissant deux enfants, dont l'un est absent. Les enfants de l'absent pourront-ils représenter leur père pour arriver à la succession de leur aïeul concurremment avec leur oncle? Oui; car la loi considère ici l'absent comme décédé, ce qui permet à ses enfants de le représenter. Et c'est la réponse toute simple que feront les enfants, si on leur objecte qu'aux termes de l'art. 740 on ne représente pas les personnes vivantes, et qu'ils ne peuvent par conséquent représenter leur père qu'à la condition de prouver son décès à l'époque de l'ouverture de la succession. D'ailleurs les enfants pourraient dire à leur adversaire : Ou notre père était vivant, ou il était mort lors de l'ouverture de la succession; choisissez. S'il était vivant, il avait droit à sa part et nous la réclamons de son chef; s'il était mort, nous avons droit de le représenter. En toute hypothèse donc, vous ne pouvez pas prétendre à la totalité de la succession.

391. Le principe consacré par l'art. 135 s'applique toutes les fois que l'existence du titulaire est incertaine lors de l'ouverture du droit. Or il n'est pas nécessaire pour cela que son absence ait été déclarée; il suffit qu'il y ait absence présumée. La remarque en a été faite au conseil d'Etat, et, pour qu'il n'y eût aucun doute à cet égard, on a remplacé le mot absent, qui figurait dans la rédaction primitive, par les mots dont l'existence ne sera pas reconnue. Mais au moins faut-il qu'il y ait incertitude sur l'existence du titulaire du droit; il ne suffirait pas qu'elle fût méconnue par les intéressés. La loi ne parle pas d'un individu dont l'existence n'est pas reconnue par les intéressés, mais bien d'un individu dont l'existence n'est pas reconnue, c'est-à-dire dont l'existence est douteuse pour tout le monde. En un mot, pour que les art. 135 et 136 soient applicables, il faut que le titulaire du droit soit au moins présumé absent. S'il est simplement non-présent, il y aura lieu à l'application des mesures conservatoires (apposition des scellés et inventaire) prescrites par les art. 909-3°, 928, 931 et 942. C. pr. En cas de difficulté, c'est à la justice qu'il appartiendra de décider s'il y a simplement non-présence ou présomption d'absence. Et il faut bien en vérité qu'il en soit ainsi; autrement chacun courrait le risque, en s'éloignant de son domicile pour quelques jours, de voir les droits qui viendraient à s'ouvrir à son profit pendant son absence, usurpés par un insolvable contre lequel il n'aurait souvent à son retour qu'un recours illusoire.

*Un droit éventuel s'étant ouvert, et l'existence de l'un des titulaires de ce droit se trouvant alors incertaine, il se peut que, par un sentiment de délicatesse, les consorts de l'absent ne veuillent pas profiter du bénéfice de l'art. 136, et qu'ils agissent comme si son existence était démontrée, lui faisant par exemple sa part dans la succession dont il s'agit. Si plus tard l'absence est déclarée, les biens ainsi attribués à l'absent devront-ils être compris dans l'envoi provisoire accordé à ceux qui ont des droits subordonnés à son décès ? La négative résulte de cette règle que l'envoi provisoire ne s'applique qu'aux biens et aux droits qui appartenaient à l'absent au jour de son départ ou de ses dernières nouvelles (art. 120). Que deviendront alors ces biens? Ils devront être attribués à ceux auxquels les attribue l'art. 136 et qui auraient pu s'en emparer dès le début, c'est-à-dire à ceux appelés au défaut de l'absent: ce qui est de toute justice, car ils ne doivent pas être victimes de leur délicatesse. Ils pourraient même demander l'attribution de ces biens avant la déclaration d'absence, et lorsque les doutes qui existaient au début sur l'existence de l'absent se sont aggravés.

* 392. Ceux à qui un droit éventuel est attribué à l'exclusion d'un absent par application de l'art. 136, ne recueillent pas ce droit en qualité d'envoyés en possession provisoire, mais bien en qualité de propriétaires, ou mieux de titulaires du droit. Cela vaut la peine d'être noté; car autre chose est l'envoi en possession provisoire, autre chose l'attribution faite en vertu de l'art. 136, ainsi qu'on va le voir. 1o L'envoi en possession provisoire ne peut être obtenu qu'après la déclaration d'absence, c'est-à-dire au plus tôt cinq ou onze années, suivant les cas, après la disparition ou les dernières nouvelles de l'absent. Au contraire la dévolution, opérée

aux termes de l'art. 136, se produit par cela seul que l'existence du titulaire est incertaine au moment de l'ouverture du droit.

2o La loi, dans l'intérêt de l'absent, impose aux envoyés en possession provisoire certaines mesures conservatoires, telles que l'inventaire et la caution. Au contraire aucune garantie de restitution n'est exigée de ceux qui sont appelés à recueillir un droit éventuel à l'exclusion d'un absent. On ne saurait donc approuver les quelques décisions judiciaires qui ont imposé en pareil cas l'obligation de faire inventaire. La loi peut être justement critiquée pour son défaut de prévoyance, mais il n'appartient pas au juge de réformer son œuvre. Rappelons-nous le mot de d'Argentré: Stulta sapientia quæ vult lege sapientior esse.

3o Les envoyés en possession provisoire possèdent à titre précaire ; par suite ils ne peuvent jamais prescrire contre l'absent les biens qu'ils détiennent en qualité d'envoyés (arg. art. 125 et 2236). Au contraire ceux qui recueillent des biens au lieu et place d'un absent, en vertu de l'art. 136, possèdent ces biens à titre de propriétaires et peuvent en prescrire la propriété contre lui. C'est ce que dit l'art. 137, ainsi conçu : « Les dispositions des deux articles précédents auront lieu sans préju» dice des actions en pétition d'hérédité et d'autres droits, lesquels compèteront à » l'absent ou à ses représentants ou ayants-cause, et ne s'éteindront que par le laps » de temps établi pour la prescription ».

Nous savions déjà que la dévolution, faite aux termes de l'art. 136, n'a lieu que sous la réserve des droits de l'absent ou de ses ayant cause, s'il vient à être établi plus tard que l'absent était vivant au moment de l'ouverture du droit. Mais l'action, que la loi accorde aux intéressés pour faire valoir ces droits, est prescriptible comme toutes les actions en général.

Par quel délai se prescrira-t-elle ? Cela dépend des hypothèses, et voilà pourquoi la loi n'a pas indiqué le délai de la prescription, s'en référant sur ce point aux règles du droit commun. Ordinairement la prescription s'accomplira par trente ans (art. 2262). C'est ce qui arriverait dans le cas d'une hérédité ouverte au profit de l'absent, et recueillie par d'autres en son lieu et place. L'action, qu'il intentera en sa qualité d'héritier, lui ou ses ayant cause, pour se faire restituer les biens dépendant de cette hérédité par ceux qui les détiennent en qualité d'héritiers (action en pétition d'hérédité), se prescrira par trente ans à compter du jour où ceux appelés à son défaut se sont mis en possession. La prescription pourrait être accomplie plus tôt au profit de ceux qui possèdent les biens dépendant de la succession, s'ils les possédaient en une qualité autre que celle d'héritiers ou de successeurs universels des héritiers, par exemple en qualité d'acheteurs. Ce ne serait plus alors la pétition d'hérédité que l'absent exercerait, mais bien une action en revendication. Or l'action en revendication peut se prescrire par dix à vingt ans, quand le possesseur a juste titre et bonne foi (art. 2265); elle peut même être prescrite immédiatement quand il s'agit d'objets mobiliers corporels (art. 2279).

Dans le cas où c'est un legs que réclame l'absent de retour, la prescription s'accomplira par trente ans également. Elle s'accomplirait par cinq années seulement, s'il s'agissait des arrérages d'une rente viagère dont l'absent de retour viendrait demander le paiement (art. 2277).

4o Les envoyés en possession provisoire ne gagnent ordinairement qu'une partie des fruits par eux perçus (art. 127). Au contraire, ceux qui ont recueilli au lieu et place de l'absent les biens dévolus à celui-ci, gagneront tous les fruits par eux perçus, à la condition qu'ils soient de bonne foi. « Tant que l'absent ne se représentera » pas, ou que les actions ne seront point exercées de son chef, ceux qui auront recueilli » la succession, gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi » (art. 138). La bonne foi consiste ici dans l'ignorance du droit de celui qui était véritablement

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héritier, dans la croyance qu'il était décédé lors de l'ouverture du droit. La bonne foi du possesseur cesse dès qu'il connait la vérité.

Ce que la loi dit des biens dépendant d'une succession échue à l'absent, doit être étendu à tous les biens que d'autres auraient recueillis au lieu et place d'un absent par application du principe que consacre l'art. 135, par exemple aux biens légués à l'absent, et que l'héritier légitime aurait conservés parce que l'existence du légataire à l'époque de l'ouverture du legs n'était pas démontrée. La loi n'a parlé que du cas où le droit réclamé par l'absent est un droit de succession, parce que c'est le cas le plus fréquent, et puis aussi peut-être parce qu'on aurait pu être tenté, si la loi ne s'en était pas expliquée, d'appliquer ici les dispositions du droit romain qui obligeait le possesseur de bonne foi d'une hérédité à restituer tout ce dont il se trouvait enrichi au moment de la demande par suite des fruits qu'il avait perçus, c'est-à-dire tous les fruits qu'il n'avait pas consommés (L. 40, § 1, D., De hereditatis petitione).

393. Les actes accomplis relativement aux biens d'une succession par ceux qui l'ont appréhendée, en vertu de l'art. 436, au lieu et place d'un absent, sont-ils valables par rapport à l'absent de retour ou à ses ayant cause qui démontrent son existence à l'époque de l'ouverture de la succession? En d'autres termes, les actes accomplis par l'héritier apparent sont-ils valables par rapport à l'héritier véritable dont les droits sont aujourd'hui reconnus? La question présente surtout de l'importance au point de vue des aliénations consenties par l'héritier apparent. L'héritier apparent a vendu par exemple un bien héréditaire; le véritable héritier, qui était absent lors de l'ouverture de l'hérédité, sera-t-il tenu de respecter cette vente, ou pourra-t-il la tenir pour non avenue, et reprendre le bien aliéné entre les mains du détenteur? On suppose bien entendu que ce tiers détenteur n'est pas protégé par la prescription, laquelle le mettrait à l'abri de toute action.

Cette question fait difficulté; et cependant, si l'on s'en tient aux principes, sa solution paraît toute simple.

L'héritier apparent était propriétaire; la loi lui attribue implicitement ce titre dans l'art. 136. Mais il n'était propriétaire que sous condition résolutoire, sous cette condition résolutoire que l'existence du véritable ayant droit lors de l'ouverture de la succession serait plus tard démontrée; car la loi n'attribue la succession ouverte au profit de l'absent à ceux appelés à son défaut, que sous la réserve de ses droits. Or c'est un principe certain que personne ne peut transférer plus de droits qu'il n'en a, nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet. Donc l'héritier apparent, qui n'était propriétaire que sous condition résolutoire, n'a pu transférer que des droits résolubles, et l'événement qui produira la résolution de son droit de propriété entraînera nécessairement par voie de conséquence la résolution des droits qu'il aura lui-même consentis sur les choses héréditaires, conformément à la maxime Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis (art. 2125). Le véritable héritier pourra donc tenir pour nuls les actes accomplis par l'héritier apparent, et revendiquer par suite les biens héréditaires aliénés par celui-ci.

Ces principes étant certains, on s'étonne que la question qui nous occupe puisse être controversée. La difficulté vient de ce que la solution dictée par les principes est en opposition avec les nécessités de la pratique, et conduit à des conséquences qui peuvent paraître d'une rigueur excessive on arrive à briser des contrats que l'on voudrait maintenir, à ne considérer que la bonne foi des parties et l'impossibilité où elles se sont trouvées de connaître la vérité. Aussi la jurisprudence, sur laquelle la considération des faits exerce une très grande influence, a-t-elle trop souvent en cette matière reculé devant la courageuse application des principes, et elle a été encouragée dans cette voie par bon nombre d'auteurs. La meilleure preuve peut-être que l'on puisse donner de la fausse direction dans laquelle la juris

prudence et une partie de la doctrine se sont engagées sur cette question, c'est l'infinie diversité des systèmes proposés par les auteurs dissidents, et le peu d'harmonie qui existe entre les différentes décisions de la jurisprudence. C'est toujours ce qui arrive quand on veut faire la loi au lieu de l'appliquer chacun la fait à sa guise, et les décisions des arrêts ne concordent pas plus que les opinions des auteurs. Aussi n'entrerons-nous pas dans l'exposé des divers systèmes qui ont été proposés. Nous nous bornerons à indiquer, non pas le système de la jurisprudence, car elle n'en a pas (elle flotte au gré des faits), mais les solutions qu'elle a données dans les principales hypothèses sur lesquelles elle a été appelée à statuer. La jurisprudence considère comme nuls à l'égard de l'héritier véritable: 1° la vente que l'héritier apparent a faite de l'hérédité tout entière; 2o les donations entre vifs ou testamentaires de biens héréditaires, faites par ce même héritier; 3o les cessions qu'il a consenties de créances héréditaires. Elle déclare valables au contraire les actes d'administration, les transactions, et les ventes d'immeubles accomplis par l'héritier apparent. Toutefois, pour valider les ventes d'immeubles, elle exige certaines conditions qui ne sont pas toujours les mêmes : tantôt la bonne foi de l'acquéreur seulement, tantôt la bonne foi du vendeur et de l'acquéreur... La cour de cassation dit dans son dernier arrêt sur cette question (4 août 1883, Sir., 86. 1. 120): « Si les tiers peuvent valablement acquérir de l'héritier apparent un bien de la succession, c'est à la condition qu'ils soient de bonne foi et qu'ils aient traité sous l'influence de l'erreur commune ». Cpr. Limoges, 7 décembre 1886, Sir., 87. 2. 29. L'existence de la bonne foi, à laquelle on attache tant d'importance, ne peut pourtant produire d'autres effets que ceux déterminés par la loi; or les seuls effets légaux de la bonne foi dans le droit relatif aux biens sont l'acquisition des fruits (art. 549 et 550) et l'abréviation des délais de la prescription (art. 2265, 2279).

SECTION III

DES EFFETS DE L'ABSENCE, RELATIVEMENT AU MARIAGE

394. Le mariage, dans notre droit, ne peut être dissous que par le décès prouvé de l'un des époux ou par le divorce (art. 227). Donc l'absence, quelque prolongée qu'elle soit, n'entraînera pas la dissolution du mariage de l'absent; car l'absence ne prouve pas la mort, elle n'est même pas une présomption légale de mort. La loi a bien pu, sur ce fondement que le décès de l'absent est devenu plus ou moins probable, régler provisoirement le sort de ses biens, comme il aurait été réglé en cas de décès prouvé, sauf à en assurer la restitution au profit de l'absent s'il reparaît; mais elle ne pouvait, on le comprend, à aucune période de l'absence, déclarer le mariage de l'absent provisoirement dissous, ce qui aurait eu logiquement pour conséquence d'autoriser le conjoint présent à contracter provisoirement une nouvelle union. La nature mème du mariage ne permet pas plus de le dissoudre provisoirement que de le contracter provisoirement. Le conjoint présent ne peut donc pas contracter un nouveau mariage, tant qu'il ne rapporte pas la preuve du décès de l'absent, se fût-il écoulé plus de cent ans depuis la naissance de celui-ci (arg. art. 147).

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