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deux chambres, exécutoires par la promulgation et obligatoires par la publication.

Dans presque tous les pays, la distinction de la publication et de la promulgation est admise, bien qu'elle ne soit pas toujours nettement formulée. L'Angleterre toutefois fait exception à la règle la loi y devient exécutoire à dater du moment où elle est parfaite; or elle est parfaite dès qu'elle a été votée par les deux chambres et sanctionnée par le roi. C'est une inelegantia juris.

35. Il reste à savoir comment la promulgation sera portée à la connaissance de tous ceux que la loi doit obliger, comment en d'autres termes s'effectuera la publication. Une notification individuelle à chaque intéressé est évidemment impossible; on ne peut songer qu'à une notification collective. Dans l'état actuel des choses, voici comment cette notification s'opère. Le texte de la loi, suivi de la formule qui constitue la promulgation, est inséré dans certaines feuilles publiques ou dans certains recueils de loi (journal officiel ou bulletin des lois). Après l'expiration d'un certain délai, calculé à partir de l'époque où ces feuilles ou recueils ont pu parvenir entre les mains des particuliers, on suppose qu'ils connaissent la loi et sa promulgation. En tout cas ils sont coupables de négligence s'ils n'en ont pas eu connaissance, et il n'y a pas d'injustice à déclarer que la loi leur devient applicable. La publication est donc le résultat d'une présomption légale, en vertu de laquelle les particuliers sont censés connaître la loi et sa promulgation après l'expiration d'un certain délai écoulé depuis l'époque où ils ont été mis à même d'en prendre connaissance. Portalis dit avec raison que la publication a moins pour objet de faire connaître la loi que de fixer une époque où elle sera censée connue.

36. Entrons maintenant dans les détails :

Aux termes de l'art. 1 du code civil: « Les lois sont exécutoires dans tout le » territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Roi. » Elles seront exécutées dans chaque partie du Royaume, du moment où la promul»gation en pourra être connue. La promulgation faite par le Roi sera réputée » connue dans le département de la résidence royale, un jour après celui de la >> promulgation; et dans chacun des autres départements, après l'expiration du » même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamètres » (environ vingt lieues anciennes) entre la ville où la promulgation en aura été faite » et le chef-lieu de chaque département ».

Il résulte de ce texte que le délai, passé lequel la promulgation est réputée connue et par suite la loi obligatoire, a pour point de départ le jour de la promulgation. L'article explique suffisamment la durée du délai, qui est d'un jour franc à dater de celui de la promulgation pour le département de la Seine, et, pour les autres départements, du même délai augmenté d'autant de jours qu'il y a de fois dix myriamètres entre le chef-lieu de chaque département et Paris. Ainsi une loi promulguée le 1er février sera obligatoire à Paris le 3, c'est-à-dire un jour franc après celui de la promulgation. Cette même loi ne serait obligatoire dans le département de l'Eure que le 4, parce qu'il y a dix myriamètres de Paris à Evreux.

Un arrêté du 25 thermidor de l'an XI, rectifié sur certains points par quelques dispositions postérieures, a déterminé d'une manière légale la distance de Paris aux différents chefs-lieux de départements.

37. L'art. 1 ne s'explique pas in terminis sur le point de savoir s'il y a lieu de tenir compte, pour calculer le délai de la publication, des fractions de dizaines de myriamètres. Ainsi, d'après l'arrêté du 25 thermidor an XI précité, la distance entre Paris et Bordeaux est de 57 myriamètres et quelques kilomètres; faudra-t-il, négligeant les 7 myriamètres en sus du nombre complet de dizaines, compter 57 comme équivalant à 50 et n'ajouter que 5 jours à raison de la distance, ou bien faudra-t-il compter 57 comme 60 et ajouter 6 jours? On tient en général pour le premier parti qui néglige les fractions de dizaines. En effet le texte dit d'autant de jours qu'il y a de fois dix myriamètres; or dans 57 il n'y a que 5 fois dix myriamètres. C'est d'ailleurs en ce sens que la question a été résolue pour un cas particulier par une ordonnance du 7 juillet 1824, qui, fixant à 145 myriamètres et demi la distance entre Paris et Ajaccio, déclare que la loi sera réputée connue en Corse 15 jours après sa promulgation: ce qui fait 14 jours seulement à raison de la distance. L'ordonnance considère donc 145 myriamètres et demi comme ne comptant que pour 140.

38. On voit qu'il est fort important de connaître le jour de la promulgation, puisqu'il sert de point de départ au délai de la publication. C'était chose facile sous l'empire de la constitution de l'an VIII, qui était en vigueur lors de la promulgation. du code civil et qui a vécu jusqu'en 1814. En effet, d'après cette constitution, la loi devait être promulguée le dixième jour après celui où elle avait été décrétée (supra n. 19). Les particuliers, auxquels les feuilles publiques apprenaient qu'une loi avait été décrétée le 10 mars, par exemple, savaient donc qu'elle serait promulguée le 20 et connaissaient ainsi parfaitement le point de départ du délai de la publication.

Mais la charte de 1814 changea cet état de choses. Elle rétablit le droit de sanction, et modifia la promulgation en ce sens qu'elle devint désormais facultative comme la sanction. Le roi sanctionnait et promulguait les lois s'il le voulait et quand il le voulait. Comment les particuliers pouvaient-ils, sous ce régime, connaître le jour de la promulgation et calculer le délai de la publication? Il y avait là une lacune; elle fut comblée par une ordonnance du 27 novembre 1816, dont la légalité aurait pu être contestée, parce qu'une simple ordonnance ne peut pas modifier une loi.

L'art. 1 de l'ordonnance porte : « A l'avenir, la promulgation des lois et de nos ordonnances résultera de leur insertion au Bulletin officiel ». Le bulletin des lois est la collection officielle des lois françaises et des actes des différents gouvernements qui se sont succédé en France depuis le 21 prairial an II (10 juin 1794). Comme on l'a remarqué avec raison, il est inexact de dire que la promulgation résulte de l'insertion au bulletin. Cette insertion constitue le premier acte de la divulgation de la promulgation, et appartient ainsi à la publication. Maintenant il résulte de l'art. 2 et de l'art. 3 de l'ordonnance, que la promulgation d'une loi et son insertion au bulletin officiel ne font courir le délai de la publication que du jour où le numéro du bulletin, contenant cette loi, a été reçu de l'imprimerie nationale par le ministre de la justice qui doit constater sur un registre le jour de la réception.

Un point reste à résoudre. Comment les particuliers connaîtront-ils le jour où chaque numéro du bulletin a été reçu au ministère de la justice? Pour lever cette difficulté, on a imaginé, depuis le mois d'avril 1818, d'inscrire par avance au bas de chaque numéro l'époque de sa réception au ministère de la justice. Les particuliers peuvent donc facilement calculer le délai de la publication, puisqu'ils en connaissent

le point de départ d'après la mention insérée au bulletin, et la durée d'après l'art. 1 du code civil.

39. Les dispositions législatives qui viennent d'être analysées ont été profondément modifiées par un décret-loi du 5 novembre 1870. L'art. 1 de ce décret porte : « Dorénavant, la promulgation des lois et décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française, lequel à cet égard remplacera le Bulletin des lois. - Le Bulletin des lois continuera à être publié, et l'insertion qui y sera faite des actes non insérés au Journal officiel en opérera promulgation » (1). Ainsi que nous l'avons déjà noté au numéro précédent, au sujet de l'ordonnance de 1816, dont le décret reproduit les termes, il est inexact de dire que la promulgation résultera de l'insertion au journal officiel ou au bulletin des lois. Cette insertion ne peut constituer qu'un moyen de divulguer la promulgation, et devient ainsi l'un des éléments de la publication qui sera considérée comme parfaite après l'expiration d'un certain délai qu'il reste à déterminer.

A cet égard il faut faire une distinction, suivant que la promulgation a été rendue publique par la voie de l'insertion au journal officiel ou par la voie de l'insertion au bulletin officiel des lois.

a.

La promulgation a été rendue publique par l'insertion au bulletin des lois. Le décret ne contient aucune innovation pour ce cas, qui par conséquent demeure régi par l'art. 1 du code civil et l'ordonnance du 27 novembre 1816, ainsi qu'il vient d'être expliqué.

b.

La promulgation a été rendue publique par l'insertion de la loi au journal officiel. Alors s'appliquera l'art. 2 du décret du 5 novembre 1870, ainsi conçu : «Les lois et les décrets seront obligatoires, à Paris, un jour après la promulgation, et partout ailleurs, dans l'étendue de chaque arrondissement, un jour franc après que le Journal officiel qui les contient sera parvenu au chef-lieu de cet arrondissement. Le Gouvernement, par une disposition spéciale, pourra ordonner l'exécution immédiate d'un décret ».

Le décret dit : un jour après la promulgation, formule qui, dans la pensée de son auteur, est probablement synonyme de celle employée par l'art. 1 du code civil où on lit un jour après CELUI de la promulgation, c'est-à-dire que le jour de la promulgation ne doit pas être compté. Ainsi une loi publiée par son insertion au journal officiel le 1er février sera obligatoire à Paris le 3, c'est-à-dire un jour franc après celui de l'insertion. Nous disons: un jour franc; c'est sans doute par suite d'une inadvertance que le mot franc, qui est contenu dans le deuxième membre de phrase de l'alinéa 1 du texte précité, ne figure pas dans le premier.

40. Après l'expiration des délais dont il vient d'être parlé, la loi est réputée connue de tous les citoyens. C'est là une présomption légale qui, en principe, n'admet pas la preuve contraire. La loi promulguée et publiée serait par conséquent applicable même à ceux qui prouveraient n'en avoir pas eu personnellement connaissance. Ils auraient pu la connaître et cela suffit; ils sont en faute de ne l'avoir point connue. L'application de la loi ne doit pas être entravée par le mauvais vouloir ou la négligence de ceux qu'elle doit obliger.

Cependant, si un événement de force majeure, tel qu'une guerre, une inondation, avait empêché la loi de parvenir à la connaissance d'une catégorie de citoyens, en interceptant les communications avec la capitale, il faudrait décider que la loi ne sera pas applicable tant que durera l'empêchement. Cela résulte par argument a contrario de l'art. 1 qui dispose que la loi sera exécutée du jour où la promulga

(1) La rédaction de ce dernier alinéa résulte d'une rectification insérée au journal officiel du 9 novembre 1870.

tion en POURRA être connue. Donc, s'il a été impossible de connaître la promulgation, la loi ne pourra pas être exécutée. Ce point a d'ailleurs été reconnu comme constant dans les discussions auxquelles la loi a donné lieu. Notons d'autre part qu'aux termes de l'art. 4 du décret du 5 novembre 1870: « Les tribunaux et les autorités administratives et militaires pourront, selon les circonstances, accueillir l'exception d'ignorance invoquée par les contrevenants, si la contravention a eu lieu dans le délai de trois jours francs à partir de la promulgation ».

41. Publication des décrets. Aujourd'hui les règles relatives à la publication des décrets sont les mêmes que celles relatives à la publication des lois, quand le décret a été inséré au journal officiel (décret du 5 novembre 1870, art. 1 et 2). Quant aux décrets qui ont été insérés au bulletin des lois, ils deviennent obligatoires dans chaque département, du jour où le bulletin qui les contient a été distribué au chef-lieu (art. 12 de la loi du 12 vendémiaire an IV, et avis du conseil d'Etat des 12-25 prairial an XIII). Enfin les décrets, qui n'ont été insérés ni au journal officiel ni au bulletin des lois, ne deviennent obligatoires qu'à partir de leur notification aux intéressés.

Ajoutez qu'aux termes de l'art. 2 in fine du décret du 5 novembre 1870 : « Le Gouvernement, par une disposition spéciale, pourra ordonner l'exécution immédiate d'un décret ».

§ IV. De l'abrogation des lois.

42. Abroger une loi, c'est faire une nouvelle loi en sens contraire. Donc le droit d'abroger une loi n'appartient qu'au pouvoir qui a le droit de faire la loi. Principe qui est conforme à cette règle de droit et de raison nihil tam naturale est quam quidque eodem genere dissolvi quo colligatum est. En deux mots, pour abroger une loi, il faut une loi nouvelle.

L'abrogation d'une ancienne loi par une nouvelle peut être expresse ou tacite.

Expresse, quand elle est formulée expressis verbis dans le texte de la loi. Telle est l'abrogation contenue dans l'art. 7 de la loi du 30 ventôse de l'an XII (supra n. 26). L'étendue des effets de l'abrogation expresse dépend des termes dans lesquels elle est formulée.

Tacite, lorsqu'elle résulte seulement de l'incompatibilité qui existe entre la nouvelle loi et l'ancienne. La loi ancienne est alors tacitement abrogée, mais seulement dans la mesure de son incompatibilité avec la loi nouvelle, c'est-à-dire pour toutes celles de ses dispositions qui se trouvent contraires à la loi nouvelle; elle subsiste donc pour le surplus. L'abrogation tacite est fondée sur cette règle de raison que, lorsque le législateur a manifesté successivement deux volontés différentes, c'est la plus récente qui doit prévaloir. Tel est le sens de l'adage Lex posterior derogat priori.

On trouve fréquemment à la fin des lois un article ainsi conçu : Les lois antérieures sont abrogées dans toutes celles de leurs dispositions qui sont contraires à la présente. Cette formule n'est qu'une traduction

pure et simple du principe de l'abrogation tacite, et par suite son utilité paraît contestable.

43. On discute la question de savoir si la loi peut être modifiée par un usage contraire, ou cesser d'être obligatoire par suite d'un non-usage prolongé. Dans une législation qui admet comme principe que consuetudo pro lege custoditur, il est tout simple que l'usage puisse modifier la loi ou l'abroger. C'est ce qui avait lieu à Rome (L. 31, D., De legibus, I, 1). Chez nous, l'usage ne pouvant fonder la loi, il ne doit pouvoir exercer aucune influence sur les lois existantes. D'ailleurs, en admettant la solution contraire, comment savoir si un usage est assez constant et assez invétéré pour avoir la puissance de détruire la loi? Qui jugerait ce point en cas de doute? Par des motifs analogues, on doit décider aussi que la cessation de l'état de choses, en vue duquel une loi a été faite, ne suffit pas pour faire perdre à cette loi sa force obligatoire.

CHAPITRE II

DES EFFETS DES LOIS

44. Les effets des lois sont envisagés ici par le législateur: Relativement au temps qu'elles régissent;

Relativement aux personnes et au territoire sur lesquels elles exercent leur empire.

§ I. Des effets des lois relativement au temps

S

qu'elles régissent.

45. Aux termes de l'art. 2: « La loi ne dispose que pour l'avenir; » elle n'a point d'effet rétroactif » (rétroactif, de retro agere).

Cette règle se justifie facilement, soit au point de vue rationnel, soit au point de vue de l'intérêt social.

Au point de vue rationnel. On ne conçoit pas qu'une loi puisse être obligatoire avant d'exister. Or c'est ce qui arriverait si elle régissait le passé, si elle produisait son effet en arrière, si elle rétroagissait. D'ailleurs les lois sont ou impératives ou prohibitives ou permissives (supra n. 5); comprendrait-on un commandement, une défense ou une autorisation s'appliquant au passé?

Au point de vue de l'intérêt social. Dans une société bien organisée, les particuliers ne doivent pas être exposés à voir leur état ou leur fortune compromis par un changement de législation. Il faut quelque sécurité dans les transactions; or elles n'en offriraient aucune si les lois pouvaient rétroagir, car le droit que j'ai acquis aujourd'hui, en me conformant aux prescriptions de la loi existante, pourrait m'ètre ravi demain par une loi avec laquelle je n'ai pas dû compter parce qu'il m'était impossible de la prévoir.

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