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légitimes, que lui-même a la possession d'état d'enfant légitime, et que cette possession d'état n'est pas contredite par son acte de naissance. De sorte que, dans l'hypothèse particulière qui nous occupe, le mariage pourra être prouvé par la possession d'état, et il y aura ainsi exception à la règle écrite en l'art. 195: ce qu'annonce d'ailleurs le mot néanmoins par lequel débute l'art. 197.

567. Insistons sur les conditions requises par notre texte. Elles sont au nombre de quatre. La preuve de leur existence est naturellement à la charge de l'enfant qui veut établir sa légitimité par le mode exceptionnel dont il s'agit.

1o Il faut que le père et la mère soient tous les deux décédés. — S'ils sont vivants l'un et l'autre, ou seulement l'un d'eux, l'enfant pourra facilement savoir dans quelle commune leur mariage a été célébré, et rapporter l'acte de célébration. La loi n'admet pas que des époux puissent, soit avoir oublié le lieu où ils ont contracté mariage, soit refuser, pour des raisons d'intérêt pécuniaire ou pour tout autre motif, de l'indiquer à leur enfant. Ils le renseigneront donc sur ce point, et celui-ci prouvera sa légitimité conformément aux règles du droit

commun.

Au cas de décès des père et mère la plupart des auteurs assimilent celui où ils seraient en état d'absence déclarée ou dans l'impossibilité d'exprimer leurs idées. On dit qu'au point de vue des renseignements à obtenir sur le lieu où le mariage a été célébré, l'absence de ceux qui doivent fournir ces renseignements, ou l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent d'exprimer leurs idées, peut équivaloir à leur décès. L'exactitude de cette solution est fort contestable. On étend ainsi, en dehors du cas prévu par la loi, une disposition essentiellement exceptionnelle de sa nature, ce qui est contraire à la règle Exceptio est strictissimæ interpretationis.

2o Le père et la mère doivent avoir eu de leur vivant la possession d'état d'époux légitimes. C'est ce que notre texte exprime par ces mots : « qui ont vécu publiquement comme mari et femme ».

3o L'enfant de son côté doit avoir la possession d'état d'enfant légitime. — La loi exige donc ici une double possession d'état, celle des parents et celle de l'enfant. On ne peut guère en douter, quand on lit avec soin la partie finale de l'art. 197. Très certainement quand la loi dit « toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession d'état... », la possession d'état dont elle parle n'est plus celle des parents de l'enfant, mais de l'enfant lui-même.

4° Enfin il faut que la possession d'état de l'enfant ne soit pas contredite par son acte de naissance. La loi n'exige pas que l'acte de naissance de l'enfant confirme sa possession d'état, ce qui arriverait si l'enfant y était désigné comme légitime, mais seulement qu'il ne la contredise pas. Il la contredirait s'il désignait l'enfant comme naturel, mais non s'il le désignait comme né de père et mère.inconnus.

* Faut-il du moins que l'enfant représente son acte de naissance, afin que l'on puisse vérifier s'il ne contredit pas sa possession d'état? Le texte de la loi, combiné avec les principes généraux sur la preuve, qui obligent tout plaideur à justifier de l'existence des conditions nécessaires au succès de sa prétention, semblerait l'exiger. Mais l'historique de la confection de la loi démontre que telle n'a pas été la volonté du législateur. En effet la rédaction actuelle de l'art. 197 in fine a été substituée à une autre rédaction, primitivement adoptée par le conseil d'Etat, et qui exigeait que l'enfant prouvât sa légitimité « par son acte de naissance appuyé de la possession d'état». La modification que l'on a fait subir à ce texte, sur une observation du consul Cambacérès, ne peut avoir eu pour but que de dispenser l'enfant de produire son acte de naissance.

568. Lorsque les quatre conditions qui viennent d'être indiquées se trouvent réunies, l'enfant qui se prétend légitime est dispensé de représenter l'acte de célébration du mariage de ses père et mère. Mais il ne saurait être évidemment dans une situation meilleure que si cet acte était représenté, et par suite ses adversaires devraient être admis à établir, par les moyens de preuve du droit commun, la nullité du mariage (pour cause de bigamie par exemple ou d'inceste), et par suite l'illégitimité de l'enfant, comme ils auraient le droit de le faire en présence d'un acte régulier de célébration.

Les adversaires de l'enfant pourraient-ils aussi prouver que, malgré la possession d'état dont ils jouissaient, les auteurs de l'enfant n'ont jamais été mariés? L'affirmative parait résulter très positivement du texte de la loi. En disant que « la légitimité des enfants ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l'acte de célébration », l'art. 197 donne bien à entendre qu'elle pourrait l'être pour d'autres motifs. La jurisprudence admet en effet les adversaires de l'enfant à prouver que ses auteurs n'ont jamais été mariés l'un avec l'autre, mais elle exige une preuve directe et décisive (ce sont les expressions de la cour de Paris). Or nous ne voyons guère qu'un cas dans lequel une semblable preuve puisse être fournie, c'est celui où les adversaires de l'enfant seraient en mesure d'établir qu'au moment de sa conception, un de ses auteurs était engagé dans les liens d'un mariage non encore dissous avec une personne autre que le second auteur de l'enfant.

569. TROISIÈME EXCEPTION. Preuve de la célébration du mariage, résultant d'une procédure criminelle. La destruction ou la falsification d'un acte de mariage constitue un crime (C. pén. art. 145, 146, 147, 173); l'inscription d'un acte de mariage sur une feuille volante constitue un délit (C. pén. art. 192). Ce crime ou ce délit peut, comme toute autre infraction à la loi pénale, donner lieu à deux actions, l'action publique et l'action civile.

L'action publique, qui a pour but de faire appliquer au coupable la peine prononcée par la loi. Cette action appartient à la société qui en délégue l'exercice à un mandataire, le ministère public. L'action publique ne peut être exercée que pendant la vie du coupable, parce que lui seul peut être responsable, au point de vue pénal, des infractions qu'il a commises: pœna suos tantum teneat auctores. Elle est exercée devant des tribunaux spéciaux qu'on appelle lato sensu tribunaux criminels.

L'action civile, ou action en réparation du préjudice causé par l'in

fraction. Elle appartient au particulier lésé. Dans l'espèce qui nous occupe, les époux ou autres intéressés demanderont la réparation du préjudice que leur cause la destruction de l'acte de mariage ou sa falsification ou son inscription sur une feuille volante; cette réparation consistera dans le rétablissement de la preuve du mariage, et peut-être en outre dans des dommages et intérêts. L'action civile survit à l'auteur de l'infraction, et peut être exercée après sa mort contre ses héritiers.. En effet, si nos héritiers ne sont pas responsables pénalement des consé-. quences de nos délits, ils en sont responsables civilement, c'est-à-dire pécuniairement. L'action civile peut être intentée, soit par voie principale devant les tribunaux civils (c'est la seule voie possible quand le coupable est décédé), soit par voie incidente devant le tribunal criminel déjà saisi de l'action publique, ce qu'on appelle se porter partie civile. En outre, mais seulement en matière de délits, l'action civile peut être portée directement devant le tribunal de police correctionnelle par la partie lésée, alors même que ce tribunal ne serait pas saisi de l'action publique.

570. Ces préliminaires étant posés, il est facile de comprendre que la preuve de la célébration d'un mariage peut résulter d'une procédure criminelle ou correctionnelle.

D'une procédure criminelle. Ainsi un officier de l'état civil est poursuivi devant la cour d'assises, et condamné comme coupable d'avoir lacéré le feuillet du registre qui contenait mon acte de mariage. Il résulte bien de cette procédure que mon mariage a été légalement célébré, puisque l'officier de l'état civil est condamné pour avoir détruit l'acte qui constatait cette célébration légale.

D'une procédure correctionnelle. L'officier de l'état civil qui a célébré mon mariage a inscrit l'acte destiné à le constater sur une feuille volante. Il est poursuivi par le ministère public, à raison de ce fait, devant le tribunal de police correctionnelle, et condamné à la peine édictée par l'art. 192 du code pénal. Ici encore la procédure qui s'est déroulée devant le tribunal correctionnel établit le fait de la célébration légale de mon mariage, célébration que ne prouve pas ou que prouve d'une manière imparfaite l'acte inscrit sur une feuille volante.

Le tribunal criminel ou correctionnel qui acquiert ainsi la preuve de la célébration légale d'un mariage doit, sur la réquisition des parties intéressées ou du ministère public, constater le fait de cette célébration, et, remplaçant ainsi dans la mesure du possible la preuve qui résultait de l'acte de célébration, ordonner l'inscription de son jugement sur les registres de l'état civil de la commune où le mariage a été célébré. C'est ce qu'a voulu dire l'art. 198, ainsi conçu : « Lorsque

» la preuve d'une célébration légale du mariage se trouve acquise par le » résultat d'une procedure criminelle, l'inscription du jugement sur les » registres de l'état civil assure au mariage, à compter du jour de sa » célébration, tous les effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard » des enfants issus de ce mariage ».

La loi dit : «< par le résultat d'une procédure criminelle ». Ne concluez pas de là que l'article est inapplicable au cas où la preuve de la célébration légale du mariage résulte d'une procédure correctionnelle (cas de l'inscription de l'acte de mariage sur une feuille volante). Les mots procédure criminelle sont pris ici lato sensu, et désignent toute procédure qui se déroule devant les tribunaux de répression, c'est-àdire devant un tribunal, quel qu'il soit, chargé de réprimer une infraction à la loi pénale. D'ailleurs, ce qui doit lever tous les doutes, c'est que le projet avait été exclusivement rédigé en vue du cas d'inscription de l'acte de mariage sur une feuille volante, et les modifications qu'on lui a fait subir ont eu pour but de le généraliser et de le rendre applicable à tous les cas où la preuve du mariage est supprimée ou altérée par suite d'une infraction.

L'article ajoute : « l'inscription du jugement sur les registres de l'état civil assure au mariage, à compter du jour de sa célébration, tous les effets civils... ». C'est trop dire. Il est possible que le mariage, dont un jugement rendu au criminel prouve la célébration légale, fût nul, pour cause de bigamie ou d'inceste par exemple. Bien évidemment l'inscription de ce jugement sur les registres de l'état civil ne pourra pas assurer à un semblable mariage tous ses effets civils, et l'affranchir ainsi de la nullité dont il est entaché. Le seul effet que puisse produire rationnellement l'inscription dont s'agit, c'est de remplacer l'acte détruit.

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En sens inverse, la loi ne dit pas assez, en déclarant que l'inscription du jugement assurera au mariage tous les effets civils tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfants issus de ce mariage », semblant indiquer par là que cette inscription ne pourrait pas profiter aux autres intéressés qui voudraient faire la preuve du mariage dans le but d'invoquer ses effets civils. De cette restriction il n'y aurait aucune raison plausible. Le jugement inscrit sur les registres est destiné à remplacer l'acte détruit; il doit donc profiter à tous ceux qui auraient pu se prévaloir de cet acte. Aussi doiton considérer les termes de l'art. 198 in fine comme purement énonciatifs. Ici comme ailleurs lex statuit de eo quod plerumque fit: on n'a parlé que des époux et des enfants issus du mariage, parce que le plus souvent ce sont eux qui auront à faire la preuve du mariage.

571. Maintenant, comment, par quelles personnes et sous quelles conditions pourra être intentée l'action tendant au rétablissement de la preuve du mariage?

A cet égard une distinction doit être faite, suivant que l'auteur du crime ou du délit, dont le résultat a été de supprimer ou d'altérer l'acte constatant la célébration légale du mariage, est vivant ou décédé. .572. A. L'AUTEUR DU CRIME OU DU DÉLIT EST VIVANT. Nous avons à rechercher successivement: par quelle voie l'action peut être intentée; par quelles personnes.

573. a. Par quelle voie peut être exercée l'action tendant au rétablissement de la preuve du mariage? L'application des principes du droit commun conduit à décider qu'elle peut l'être par l'un des deux moyens suivants :

1° En agissant au civil par voie principale contre l'auteur du délit ou du crime d'où est résultée l'altération ou la suppression de la preuve du mariage. Cette action peut, dans tous les cas, être portée devant le tribunal de première instance jugeant civilement. En outre, et au cas particulier où il s'agirait d'un simple délit, les intéressés peuvent agir directement devant le tribunal de police correctionnelle, sauf au ministère public à intervenir et à exercer l'action publique contre le coupable, afin de lui faire appliquer la peine qu'il a méritée par son délit. 2o Les intéressés peuvent intenter l'action tendant au rétablissement de la preuve du mariage incidemment à l'action publique dont le tribunal de police correctionnelle ou la cour d'assises serait déjà saisie à la requête du ministère public, c'est-à-dire joindre à l'action publique, intentée d'abord par le ministère public, leur action civile, en vue d'obtenir le rétablissement de la preuve du mariage.

*574. Que ce dernier moyen puisse être employé par les intéressés, ce n'est pas contestable; c'est celui auquel fait allusion l'art. 198.

On conteste très sérieusement au contraire qu'il en soit de même du premier. On prétend qu'il résulte de la combinaison des art. 198 et 200 que le législateur a entendu le proscrire. En effet, dit-on, l'art. 200 autorise bien l'exercice de l'action civile par voie principale, mais seulement après la mort du coupable, et avec des garanties particulières pour éviter toute collusion frauduleuse. Pendant la vie du coupable, et dans le but sans doute d'éviter la possibilité d'une collusion entre lui et les intéressés, la loi n'autorise que l'action devant les tribunaux de répression, intentée incidemment à l'action publique.

Mais, pour admettre une dérogation de cette importance au droit commun, il semble qu'il serait nécessaire de l'appuyer sur des textes plus positifs que les art. 198 et 200; d'autant plus que la rédaction de ces articles est, de l'avis de tous, très défectueuse. D'ailleurs l'art. 198 n'avait pas besoin de dire que les intéressés pourraient agir au civil par voie principale pendant la vie du coupable : c'est le droit

commun.

On peut objecter que le droit commun autorisait aussi les intéressés à agir devant les tribunaux de répression incidemment à l'action publique, et cependant le législateur a pris la peine de dire qu'ils pourraient exercer cette action; son silence à l'égard de l'action intentée directement devant les tribunaux civils devient ainsi très significatif pourquoi n'en aurait-il pas aussi parlé s'il avait voulu l'autoriser ?

Voici la réponse : Il y avait deux raisons pour parler de l'action civile intentée devant les tribunaux criminels incidemment à l'action publique, deux raisons qui n'existaient pas en ce qui concerne l'action civile intentée par voie principale, et qui expliquent le silence du législateur relativement à cette dernière. D'abord il n'est pas bien certain que le droit d'ordonner le rétablissement de la preuve du mariage eût appartenu aux tribunaux de répression, si le code civil ne le leur eût pas accordé. Les tribunaux de répression sont, il est vrai, compétents pour statuer sur l'action civile intentée incidemment à l'action publique (C. I. cr. art. 3). Mais qu'est-ce que la loi entend ici par l'action civile ? C'est vraisemblablement l'action en dommages et intérêts, une action pécuniaire par conséquent ; or l'action en rétablissement de la preuve du mariage est tout autre chose. C'est à peine d'ailleurs si on peut dire que cette dernière action est intentée contre le coupable; car ce n'est pas lui apparemment qu'on condamnera, ni directement, ni indirectement, au rétablissement de la

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