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preuve du mariage. Il était donc utile de parler ici de l'action exercée incidemment devant les tribunaux de répression, ne fût-ce que pour lever le doute, très sérieux à notre avis, qui aurait existé sur le point de savoir si ces tribunaux sont compétents pour y statuer. - Il y avait encore utilité à en parler sous un autre point de vue. D'après le droit commun, les parties intéressées peuvent seules exercer l'action civile ; or la loi accorde au ministère public le droit d'exercer, incidemment à l'action publique, l'action tendant au rétablissement de la preuve du mariage, ainsi que nous le verrons tout à l'heure.

On comprend donc à merveille que le législateur, qui avait à nous signaler deux particularités importantes au sujet de l'action en rétablissement de la preuve du mariage, intentée devant les tribunaux de répression, ait pris soin de nous parler de cette action, tandis qu'il n'a rien dit de celle exercée devant les tribunaux civils, parce qu'il la laissait soumise pour le tout aux règles du droit commun.

Que craint-on d'ailleurs en autorisant les intéressés à intenter l'action en rétablissement de la preuve du mariage devant les tribunaux civils? Craint-on une collusion entre le demandeur et le défendeur? Elle est bien peu probable; car le défendeur qui s'y prêterait s'exposerait à des poursuites criminelles que le ministère public, auquel la cause a dû être communiquée (arg. art. 83-2o C. pr.), ne manquerait pas d'exercer contre lui. D'ailleurs cette collusion est tout aussi à redouter, et même davantage, lorsque, le fait qui a privé les intéressés du mode de preuve régulier du mariage constituant un simple délit (nous faisons allusion au cas où l'acte de mariage a été inscrit sur une feuille volante), l'action en rétablissement de la preuve du mariage est intentée directement devant le tribunal de police correctionnelle; et cependant la crainte de cette collusion n'empêche pas la plupart des auteurs d'admettre l'exercice de cette action. Alors pourquoi ferait-elle obstacle à ce que l'action fût intentée directement devant les tribunaux civils?

575. b. - Par qui peut être intentée l'action en rétablissement de la preuve du mariage? L'art. 199 dit à ce sujet : « Si les époux, ou l'un » d'eux, sont décédés sans avoir découvert la fraude, l'action criminelle » peut être intentée par tous ceux qui ont intérêt de faire déclarer le » mariage valable, et par le procureur du Roi ».

Constatons d'abord, que, sous le nom d'action criminelle, notre article désigne l'action en rétablissement de la preuve du mariage et l'action en dommages et intérêts, auxquelles aurait beaucoup mieux convenu la dénomination d'action civile. On doit quelque indulgence au législateur au point de vue du choix des expressions; car, à l'époque de la confection du code civil, les termes de la langue du droit criminel n'étaient pas encore arrêtés. On désignait alors sous le nom d'action criminelle toute action née d'une infraction, l'action civile comme l'action publique. Que le législateur entende parler ici de l'action civile seulement, c'est ce dont on ne saurait guère douter; car il donne le droit de l'intenter aux époux et à tous les intéressés, par conséquent à des particuliers; or il est élémentaire que les particuliers ne peuvent pas mettre en mouvement l'action publique. Cette dernière action, dont ne s'occupent ni notre article ni le suivant (art. 200), reste ainsi soumise aux principes du droit commun qui en confie l'exercice exclusif aux magistrats du ministère public.

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Cela posé, revenons à notre question: Par qui l'action peut-elle être intentée? Il faut répondre par les époux, par toute personne ayant un intérêt né et actuel et par le ministère public.

Cependant notre article paraît dire:

1o Que l'action ne peut être intentée que par les époux tant qu'ils vivent;

2o Que, lorsque l'un des époux ou tous les deux sont décédés ayant « découvert la fraude » (lisez le fait, délictueux ou non, qui a supprimé ou altéré la preuve résultant de l'acte de mariage), l'action ne peut être intentée ni par les autres intéressés ni par le ministère public; car la loi ne leur donne le droit d'agir que lorsque les époux ou l'un d'eux sont morts sans avoir découvert la fraude.

Mais on doit rejeter ces déductions qui, si elles se trouvent d'accord avec le texte de la loi, sont en opposition manifeste avec son esprit.

*Tout d'abord, quand la loi parait dire que l'action ne peut être intentée que par les époux tant qu'ils vivent, sa pensée est évidemment celle-ci : Tant que les époux vivent tous les deux, eux seuls seront ordinairement intéressés au rétablissement de la preuve du mariage; le plus souvent c'est la mort de l'un d'eux qui ouvrira pour d'autres un intérêt pécuniaire, sur le fondement duquel ils pourront demander le rétablissement de la preuve du mariage. Partant de là, le législateur, qui statue ici comme ailleurs de eo quod plerumque fit, n'accorde l'action qu'aux époux tant qu'ils sont vivants. Ce qui ne veut pas dire que, si, accidentellement, des personnes autres que les époux avaient, du vivant de ceux-ci, un intérêt pécuniaire né et actuel à demander le rétablissement de la preuve du mariage, leur demande devrait être repoussée. L'intérêt pourrait exister par exemple pour les enfants du mariage, qui auraient besoin de prouver leur légitimité, et par suite le mariage de leurs père et mère, du vivant de ceux-ci, à l'effet de recueillir une succession dont l'un d'eux a été exclu comme indigne ou à laquelle il a renoncé. D'ailleurs, si l'idée de la loi avait été, comme le pensent quelques-uns, que l'intérêt des époux domine et absorbe tout autre intérêt, et que nul par suite ne peut agir de leur vivant, elle aurait dû n'autoriser les intéressés à agir qu'après la mort des deux époux : car, tant qu'il en existe un, il serait vrai de dire que son intérêt domine et absorbe tous les autres. Or, précisément, nous voyons qu'elle autorise les intéressés à agir après la mort de l'un des époux. Pourquoi cela ? parce que la loi voit dans cette mort un événement qui donne ouverture à des intérêts pécuniaires. Donc elle se préoccupe de l'existence d'un intérêt pécuniaire; par suite il faut accorder l'action à toute personne ayant un intérêt pécuniaire né et actuel.

De même, quand la loi n'accorde l'action aux intéressés autres que les époux, qu'autant que ceux-ci ou l'un d'eux sont morts « sans avoir découvert la fraude », c'est parce qu'elle suppose, et en cela elle ne se trompe guère, qu'aussitôt la fraude découverte ils ne manqueront pas d'agir, et que par suite, quand ils seront décédés sans intenter l'action, c'est parce que la mort les aura surpris avant qu'ils aient découvert la fraude. Ce qui n'empêche pas que, si, par cas fortuit, les époux sont morts après avoir découvert la fraude, mais sans avoir intenté l'action, soit parce que le temps leur a manqué, soit pour tout autre motif, les intéressés pourront agir. 576. Ce n'est pas seulement aux intéressés que notre article accorde le droit d'intenter l'action en rétablissement de la preuve du mariage incidemment à l'action publique; il l'accorde également au ministère public. C'est une dérogation grave au droit commun, qui ne permet pas au ministère public d'exercer les actions civiles. Elle s'explique facilement par ce motif que l'exercice de l'action tendant au rétablissement de la preuve du mariage, n'intéresse pas seulement les époux et les autres personnes qui peuvent avoir actuellement un intérêt pécuniaire à prouver le

mariage

à un point de vue plus élevé, il intéresse la société tout entière, à laquelle il importe que la preuve du mariage soit assurée. Voilà pourquoi le procureur de la république peut intervenir à défaut des intéressés.

Toutefois le ministère public ne pourrait réclamer le rétablissement de la preuve du mariage qu'incidemment à l'action publique; car c'est seulement dans ce cas, comme on le verra tout à l'heure, que ce rétablissement offre un intérêt social, puisque, s'il est opéré sur l'action civile intentée par voie principale, il ne pourrait pas profiter à d'autres qu'à ceux qui ont figuré à l'instance.

577. B.

L'AUTEUR DU CRIME OU DU DÉLIT EST DÉCÉDÉ. « Si l'officier » public est décédé lors de la découverte de la fraude, l'action sera diri» gée au civil contre ses héritiers, par le procureur du Roi, en présence » des parties intéressées, et sur leur dénonciation » (art. 200).

=

Lors de la découverte de la fraude. Lisez au moment où l'action est intentée. La loi suppose que l'action sera intentée aussitôt que la fraude sera découverte.

Quand l'officier public, ou tout autre ayant commis le délit qui a fait disparaître ou altéré la preuve du mariage, est décédé (en parlant de l'officier public, la loi statue de eo quod plerumque fit), il ne peut plus être question d'intenter l'action publique, qui s'éteint avec le coupable, mais seulement d'agir au civil pour obtenir la réparation du préjudice causé par l'infraction, c'est-à-dire le rétablissement de la preuve du mariage et des dommages et intérêts. L'action sera dirigée contre les héritiers de l'auteur du fait délictueux. Mais il y avait un danger à conjurer. Les héritiers de l'officier de l'état civil n'ont pas à craindre une condamnation pénale pour le fait de leur auteur; ils n'ont à redouter que des condamnations pécuniaires. Or si une collusion n'est guère à craindre de la part de l'auteur du fait délictueux, dont un semblable débat expose non seulement la fortune, mais encore l'honneur, on pouvait au contraire, on devait même la redouter de la part de ses héritiers, pour lesquels il ne peut y avoir qu'un intérêt pécuniaire en jeu, et dont les intéressés auraient pu quelquefois obtenir le silence ou la complicité en y mettant le prix. Aussi notre article décide-t-il, dérogeant gravement sur ce point aux règles du droit commun, que l'action sera dirigée par le procureur de la république en présence des parties intéressées et sur leur dénonciation, c'est-àdire que les parties intéressées requerront le ministère public d'agir, et il devra déférer à cette réquisition. L'action étant dirigée par le procureur de la république, les chances de collusion seront considérablement diminuées, sans être supprimées cependant. Car le ministère public n'empêchera peut-être pas la collusion des parties, il pourra seulement la démasquer quelquefois.

578. L'auteur de la fraude, officier public ou autre, est vivant; mais l'action publique est prescrite. On admet généralement que, dans ce cas, l'action en rétablissement de la preuve du mariage pourra être intentée au civil contre lui, mais sous la garantie exigée par l'art. 200; car le défendeur pourrait colluder, puisqu'il

n'a plus à redouter les conséquences de l'action publique. Quelques-uns objectent qu'aux termes de l'art. 637 du code d'instruction criminelle, l'action civile est prescrite en même temps que l'action publique. Mais il paraît certain que la loi entend ici par action civile l'action en dommages et intérêts, résultant du fait délictueux, et non l'action en rétablissement de la preuve du mariage. Ce que la loi veut, c'est qu'une fois la prescription accomplie, le coupable ne puisse plus être recherché ni au point de vue pénal, ni au point de vue pécuniaire; or on ne porte nulle atteinte à ce principe en poursuivant le rétablissement de la preuve du mariage.

Une solution analogue devrait être admise dans tous les cas où l'exercice de l'action publique est devenu impossible par une cause quelconque, par exemple parce que le coupable est en état de folie.

* 579. Reste une question importante et difficile. La preuve d'un mariage ayant été supprimée ou altérée par suite d'un fait délictueux, le rétablissement en a été obtenu par décision judiciaire, et le jugement ordonnant ce rétablissement a été inscrit sur les registres de l'état civil. La preuve résultant de ce jugement pourra-t-elle être invoquée par tous les intéressés et contre toute personne? Ou bien l'autorité de la décision judiciaire, qui a ordonné le rétablissement de la preuve du mariage, se restreindra-t-elle entre les personnes qui ont figuré à l'instance, conformément à la règle Res inter alios judicata aliis neque nocere neque prodesse potest (art. 1351); de sorte que la preuve résultant du jugement ne pourra être invoquée que par ceux et contre ceux qui ont figuré à l'instance?

Un parti important dans la doctrine s'en tient à cette dernière solution. C'est le droit commun, dit-on, et il doit s'appliquer toutes les fois qu'il n'y a pas été dérogé. D'autres distinguent. Ils appliquent la règle Res inter alios judicata... (art. 1351) lorsque la décision judiciaire qui ordonne le rétablissement de la preuve du mariage a été rendue au civil. Si, au contraire, elle a été rendue au criminel, c'est-à-dire par un tribunal criminel, sur une action civile intentée incidemment à l'action publique, ils décident que la preuve rétablie pourra être invoquée par tous et contre tous; car on ne doit pas remettre en question devant les tribunaux civils l'existence d'un crime ou d'un délit qui a été constaté el puni par une juridiction criminelle. L'art. 463 du code d'instruction criminelle consacre d'ailleurs cette solution pour le cas particulier de faux. Et le code civil lui-même y paraît favorable; car si la décision judiciaire, qui ordonne le rétablissement de la preuve du mariage ne pouvait jamais étre invoquée que par ceux qui ont figuré à l'instance, on ne comprendrait pas que le ministère public fût autorisé, en l'absence de toute partie intéressée, à requérir du tribunal saisi de l'action publique le rétablissement de la preuve du mariage, puisque le rétablissement ainsi opéré ne pourrait profiter à personne. D'ailleurs on peut se demander à quoi sert, dans le système contraire, l'inscription, sur les registres de l'état civil, du jugement, rendu au criminel (art. 198), qui ordonne le rétablissement de la preuve du mariage. Si les parties qui ont figuré à l'instance peuvent seules invoquer ce jugement, il était bien inutile d'ordonner qu'il fût inscrit sur les registres de l'état civil; car les parties peuvent toujours, indépendamment de toute inscription, en obtenir une expédition quand besoin sera. L'utilité de l'inscription n'apparaît guère que pour les tiers, qui ne peuvent pas obtenir une expédition du jugement, et il est naturel de supposer que cette inscription a été prescrite par la loi dans leur intérêt, ce qui suppose qu'ils peuvent se prévaloir du jugement. On s'explique d'ailleurs à merveille que la loi ait voulu déroger ici à la règle, d'après laquelle la chose jugée n'a d'autorité qu'entre les parties qui ont figuré à l'instance. Le jugement qui condamne l'auteur de la suppression ou de l'altération de la preuve du mariage, et qui ordonne son rétablissement, a été rendu au nom de la société représentée par le ministère public; il est donc tout naturel que ce jugement

appartienne à tous, par conséquent que tous soient admis à s'en prévaloir, et qu'on puisse l'opposer à tous.

CHAPITRE V

DES OBLIGATIONS QUI NAISSENT DU MARIAGE

580. Les effets du mariage sont très nombreux. Pothier en énumère quatorze, et on pourrait ajouter à cette liste. Le plus important de tous consiste en ce que le mariage est la source de la parenté légitime et de l'alliance, et par suite de la famille légitime qui n'est pas autre chose que l'ensemble des parents légitimes et des alliés.

Le législateur ne traite pas dans notre chapitre, ainsi que pourrait le faire croire sa rubrique, des effets généraux du mariage. Il s'occupe seulement : 1o du devoir d'éducation imposé aux père et mère à l'égard de leurs enfants; 2° de l'obligation alimentaire entre certains parents et certains alliés. Nous allons étudier ces deux points dans deux paragraphes distincts. Ce ne sont là au surplus que des effets indirects du mariage. Le devoir d'éducation envers les enfants résulte plutôt du fait de la génération que du mariage: la preuve en est que les parents en sont tenus même envers leurs enfants nés hors mariage. Et quant à l'obligation alimentaire, elle dérive de la parenté ou de l'alliance, dont le mariage est la source, et se trouve ainsi n'être qu'un effet indirect du mariage.

§ I. Du devoir d'éducation imposé aux père et mère
à l'égard de leurs enfants.

581. « Les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, » l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants » (art. 203). De nourrir leurs enfants; c'est-à-dire de leur fournir tout ce qui leur est nécessaire pour l'entretien de leur existence physique.

De les entretenir, ou, autrement dit, de les vêtir et de les loger. De les élever; c'est-à-dire de les développer au point de vue physique, intellectuel et moral.

C'est dans cette triple obligation que consiste le devoir d'éducation. 582. L'obligation que la loi impose aux père et mère de subvenir aux frais de l'entretien et de l'éducation de leurs enfants, est une charge du mariage (arg. art. 1409-5o), et par conséquent la question de savoir dans quelle mesure chaque époux doit contribuer sur ses biens personnels au soutien de cette charge dépend du régime matrimonial adopté. Voy. art. 1409-5o, 1530, 1537, 1575. Lorsque ce régime est brisé par le divorce ou par la séparation de corps ou de biens, chaque époux doit contribuer aux frais de l'entretien et de l'éducation des enfants proportionnel

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