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débiteur; peu importerait qu'il y eût eu ou non un règlement amiable ou judiciaire ou une demande. Enfin d'autres pensent que la dette est transmissible aux héritiers dans tous les cas et sans condition aucune. Ces divergences ne prouvent-elles pas qu'on fait fausse route? Quand on est sorti de la bonne voie, on ne peut que s'égarer, et chacun va de son côté.

* 610. Je suis créancier d'une personne à laquelle je serai tenu de fournir des aliments si elle tombe dans le besoin ; je saisis ses biens pour obtenir mon paiement; peut-elle m'opposer ce que les commentateurs du droit romain appelaient le bénéfice de compétence et obtenir ainsi de n'être poursuivie que in id quod facere potest et de conserver ce qui lui est nécessaire pour vivre, ne egeat? Non. De ce que je dois des aliments à quelqu'un, il n'en résulte pas que je doive lui laisser de quoi vivre. Je puis tout lui prendre, si c'est nécessaire pour me payer, sauf à lui fournir ensuite une pension alimentaire dans le cas où son travail ne lui suffirait pas pour vivre. Il faudrait un texte formel pour limiter les droits d'un créancier à l'égard de son débiteur auquel il doit des aliments, et ce texte n'existe pas. Un fils créancier de son père pourra donc agir contre lui comme il le pourrait contre le premier venu; il pourra le poursuivre usque ad saccum et peram. C'est une impiété ! mais notre loi la tolère.

En aucun cas d'ailleurs, celui qui est tenu de fournir les aliments ne peut être obligé de payer les dettes de l'alimentaire, du moins celles qu'il aurait contractées pour une cause autre que les aliments.

610 bis. Terminons en faisant observer qu'à raison de son caractère particulier de nécessité, la créance d'aliments due en vertu de la loi jouit d'une double faveur. D'abord elle est en règle générale insaisissable (C. pr. art. 581 et 582) et par suite non susceptible de compensation légale (art. 1293-3°). En second lieu, elle est incessible. Cependant on devrait considérer comme valable la cession ou la délégation d'arrérages faite dans le but, soit d'assurer l'entretien du créancier, soit de payer les aliments qui lui auraient été fournis.

CHAPITRE VI

DES DROITS ET DES DEVOIRS RESPECTIFS DES ÉPOUX

611. Les droits respectifs des époux, c'est-à-dire les droits de l'un à l'égard de l'autre, dérivent de leurs devoirs respectifs.

Il y a des devoirs communs aux deux époux; d'autres sont particuliers à chaque époux.

§ I. Des devoirs communs aux deux époux.

612. « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance », dit l'art. 212.

No 1. Du devoir de fidélité.

613. La violation la plus grave du devoir de fidélité constitue l'adultère (de ad alterum, ad alteram).

Les Romains désignaient quelquefois l'adultère sous le nom de majores mores,

par opposition aux autres violations du devoir de fidélité (cætera omnia) qui étaient comprises sous la dénomination de minores mores.

Notre loi établit contre l'adultère une double sanction, savoir une sanction civile et une sanction pénale.

a.

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La sanction civile consiste en ce que l'adultère commis par l'un des époux peut servir de fondement pour l'autre à une demande en divorce ou en séparation de corps. Nous reviendrons sur ce point. b. La sanction pénale est écrite dans les art. 337 et 339 du code pénal. De la comparaison de ces deux articles, il ressort :

1° Que l'adultère de la femme est puni plus sévèrement que celui du mari: peine de l'emprisonnement dans un cas, simple amende dans l'autre;

2o Que tout adultère de la femme, quel que soit le lieu où il a été commis, et alors même qu'il constituerait un fait isolé, donne lieu à l'application de la peine édictée par l'art. 337; tandis que l'adultère du mari n'entraîne la répression pénale de l'art. 339 qu'autant qu'il est accompagné de cette circonstance aggravante, que le mari a tenu sa concubine dans la maison conjugale; de sorte que l'adultère, ou la série d'adultères commis par le mari en dehors de la maison conjugale, et même l'adultère dont il s'est rendu coupable accidentellement dans cette maison avec une femme qu'il n'y entretient pas, échappent à toute répression pénale.

Les rigueurs de la loi pénale sont donc plus grandes pour la femme adultère que pour le mari qui se rend coupable du même délit. Quelle en est la raison? En supposant que l'adultère du mari soit aussi répréhensible que celui de la femme au point de vue moral, il l'est certainement moins au point de vue social dont le législateur, ici comme ailleurs, s'est surtout préoccupé. En effet l'adultère de la femme peut donner le jour à des bâtards, qui s'introduiront dans la famille du mari, prendront son nom, et viendront un jour usurper sa succession; tandis que les enfants auxquels pourra donner naissance l'adultère du mari n'entreront pas dans la famille de la femme.

Ce motif, qui justifie tant bien que mal les deux différences signalées jusqu'ici entre l'adultère du mari et celui de la femme, paraît tout à fait insuffisant pour justifier les trois différences suivantes, qui cependant sont consacrées par notre loi:

1o Le complice de la femme adultère est punissable (C. pén. art. 338); au contraire la complice du mari adultère ne l'est pas en cette qualité;

2o Le meurtre commis par le mari sur la personne de sa femme et sur celle de son complice, au moment où il les surprend en flagrant délit, in ipsa turpitudine, est excusable (C. pén. art. 324 al. 2). La loi n'admet pas la même excuse pour le meurtre que commettrait la femme sur la personne de son mari, qu'elle surprend en flagrant délit, ou sur celle de sa complice. Aux yeux de la loi, dit Taulier, les femmes n'ont pas le droit d'avoir de telles susceptibilités!

3o Enfin le mari peut faire grâce à sa femme condamnée pour cause d'adultère

(C. pén. art. 337 al. 2); le même droit au contraire n'appartient pas à la femme à l'égard du mari.

Sur un point cependant, la loi fait la même situation aux deux époux : le ministère public ne peut poursuivre l'adultère de l'un que sur la plainte de l'autre (C. pén. art. 336 et 339).

No 2. Du devoir de secours.

614. Le secours consiste dans la prestation, en nature ou en argent, des choses nécessaires à la vie.

Les époux se devant mutuellement secours, il en résulte qu'ils sont tenus l'un envers l'autre de l'obligation alimentaire.

Régulièrement l'obligation alimentaire entre époux s'exécute en nature, car les deux époux doivent vivre de la vie commune. Par exception, il peut y avoir lieu au paiement en argent d'une pension alimentaire, par l'un des époux à l'autre, dans les hypothèses suivantes :

1° Au cas de séparation de corps. — Une jurisprudence constante. reconnaît que l'obligation alimentaire entre époux survit à la séparation de corps, qui relâche seulement, sans le briser, le lien du mariage. Mais, bien évidemment, il ne peut pas être alors question de la prestation en nature des aliments, cette prestation supposant la vie commune entre les époux;

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2o Quand le mari refuse de recevoir sa femme au domicile conjugal. — Le mari est tenu, aux termes de l'art. 214 : 1o de recevoir sa femme; 2o de lui fournir tout ce qui lui est nécessaire pour les besoins de la vie, suivant ses facultés et son état. Si l'on manque de moyens directs pour assurer l'exécution de la première obligation, il en existe au contraire pour assurer l'exécution de la seconde. Le mari, qui refuse de recevoir sa femme, et de la nourrir et entretenir à son domicile, devra être condamné à lui payer une pension alimentaire ;

3° Quand le mari oblige sa femme à quitter le domicile conjugal par les mauvais traitements qu'il lui fait subir.

Souvent en pareil cas le mari, pour échapper à la pension alimentaire que sa femme réclame, allègue qu'il est prêt à la recevoir, qu'elle n'a par conséquent qu'à réintégrer le domicile conjugal. Mais cette fin de non-recevoir ne doit pas être admise, quand il est avéré que le mari rend la vie en commun impossible. L'obligation pour la femme d'habiter avec son mari est corrélative de l'obligation imposée à celui-ci de l'y recevoir et de l'y traiter convenablement; donc elle n'est pas obligée de remplir son obligation si le mari ne remplit pas la sienne.

Cette solution est contestée. La femme, dit-on, est tenue d'habiter avec son mari (art. 214); elle ne peut être légalement affranchie de cette obligation que par la séparation de corps, mais elle n'a pas le droit de s'y soustraire elle-même sous prétexte que son mari la maltraite. Que la femme demande donc la séparation de corps ; une fois qu'elle l'aura obtenue, le juge lui accordera sans difficulté une pension alimentaire. — Il faut répondre que c'est un droit pour la femme, et non une obligation, de demander la séparation de corps, quand elle est maltraitée par son mari. D'ailleurs la loi voit la séparation de corps d'un œil défavorable, et on irait en PRÉCIS DE DROIT CIVIL. - 3 éd., I.

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sens contraire de ses vues, en forçant la femme à la demander pour obtenir justice. Enfin il n'y a pas à craindre d'abus dans la pratique; car les juges, auxquels la femme adressera la demande d'une pension alimentaire, ne manqueront pas de vérifier s'il est exact, comme elle l'affirme, que les mauvais traitements de son mari lui rendent intolérable le séjour au domicile conjugal.

615. Quelquefois deux époux se séparent volontairement, et conviennent ensemble d'une pension que le mari s'engage à payer à la femme. Il est certain qu'une pareille convention est nulle et de nul effet, comme dérogeant à une loi d'ordre public, à l'art. 214 qui oblige les époux à habiter ensemble (arg. art. 6). A une époque quelconque, l'un des conjoints pourra donc refuser d'exécuter la convention, et réclamer les droits que lui confère son titre d'époux.

No 3. Du devoir d'assistance.

616. L'assistance consiste dans les soins personnels, que l'un des conjoints doit à l'autre en cas de maladie. Assistance vient de sistere ad. Comme on l'a fort bien dit, le secours vient de la bourse, ex arca; l'assistance vient du cœur, ex virtute. — Le refus d'assistance pourrait, suivant les cas, constituer une injure grave, susceptible de servir de base à une demande en séparation de corps ou même en divorce.

§ II. Des devoirs particuliers à chaque époux.

617. « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son » mari » (art. 213). Le mariage constitue une société. Dans toute société il faut un chef; la loi donne ce titre au mari: vir caput est mulieris. De là le devoir d'obéissance imposé à la femme. Mulieres viris suis subditæ sint, dit saint Paul. Mais en retour de l'obéissance qu'il peut exiger de sa femme, le mari lui doit protection, et le législateur nous indique ainsi que la femme est à l'égard de son mari une alliée, et non une esclave. Pour être d'une autre nature que celui de l'époux, le rôle de l'épouse dans l'association conjugale n'est pas moins important. Au mari la conduite et le souci des affaires, la gestion des intérêts communs, le soin de subvenir par son travail aux nécessités du présent et aux exigences de l'avenir. A la femme la direction du ménage, l'emploi des ressources destinées aux dépenses de la maison, le soin d'élever les enfants.

Le devoir d'obéissance entraîne comme corollaires pour la femme l'obligation d'habiter avec son mari et l'incapacité d'accomplir les actes de la vie civile sans autorisation.

No 1. De l'obligation imposée à la femme d'habiter avec son mari et à celui-ci de recevoir sa femme.

618. « La femme est obligée d'habiter avec le mari, et de le suivre » partout où il juge à propos de résider: le mari est obligé de la recevoir,

» et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, » selon ses facultés et son état » (art. 214).

L'art. 108 impose à la femme mariée le domicile de son mari ; celui que nous venons de transcrire lui assigne la même résidence.

Obligée d'habiter avec son mari, la femme doit nécessairement << le suivre partout où il juge à propos de résider ». Pure application de ce précepte de l'écriture: Relinquet patrem suum et matrem.

Mais voilà que le mari veut aller se fixer en pays étranger; la femme devra-t-elle l'y accompagner? Le projet du code civil ne l'y obligeait pas; il portait : « Si le mari voulait quitter le sol de la République, il ne pourrait contraindre sa femme à le suivre, si ce n'est dans le cas où il serait chargé par le Gouvernement d'une mission à l'étranger exigeant résidence ». Cette disposition, conforme au sentiment de Pothier, fut supprimée dans la rédaction définitive de la loi, sur cette observation du premier consul que l'obligation pour la femme de suivre son mari est générale et absolue. Attachée à son mari par le lien le plus étroit qui puisse unir deux êtres, la femme doit partager sa fortune et suivre sa destinée.

La règle qui oblige la femme à habiter avec son mari, souffre exception dans trois

cas:

1o Lorsque le mari veut mener une vie errante et vagabonde. La loi dit que la femme doit suivre son mari « partout où il juge à propos de résider ». Donc, il faut que le mari juge à propos de résider, c'est-à-dire de se fixer quelque part.

20 Lorsque l'émigration est défendue par une loi politique. Si le mari viole cette loi en allant se fixer en pays étranger, il ne peut pas forcer sa femme à la violer avec lui.

3o Si le mari n'offre pas à sa femme un logement convenable eu égard à ses facultés et à son état, ou s'il tient une concubine dans la maison conjugale, ou s'il y exerce quelque profession déshonnête. En effet, l'obligation pour la femme d'habiter avec son mari est corrélative de l'obligation imposée à celui-ci de la recevoir d'une manière digne d'elle. Si le mari ne remplit pas cette obligation, la femme ne peut pas être tenue d'accomplir la sienne.

619. Quelle est la sanction des obligations imposées à chaque époux par l'art. 214: obligation pour la femme d'habiter avec son mari, obligation pour celui-ci de la recevoir et de la traiter maritalement? La loi est restée muette sur ce point. De là des difficultés.

On invoque en général la discussion qui s'est produite au conseil d'Etat pour soutenir que le juge a un pouvoir discrétionnaire pour le choix des moyens tendant à assurer l'observation de la loi. «< Toutes ces difficultés, a dit Boulay, doivent être abandonnées aux mœurs et aux circonstances ». Il faut s'entendre. Si l'on veut dire que, dans le silence de la loi, l'exécution des obligations imposées par l'art. 214 peut être assurée par les moyens que le droit commun autorise eu égard à la nature spéciale de ces obligations, rien de plus vrai, Mais si l'on soutient que le juge jouit ici d'un arbitraire sans limites, cette pré

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