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qui déterminent quelles personnes sont françaises, quelles autres étrangères; telles encore les lois relatives au mariage, à la majorité et à la capacité qui en résulte, à la minorité, à la puissance paternelle ou maritale, à l'interdiction, etc.

71. Mais il y a des lois, et ce sont les plus nombreuses, qui sont relatives à la fois aux personnes et aux biens; font-elles partie du statut réel ou du statut personnel? Quelques auteurs avaient imaginé, dans notre ancien droit, de les classer dans une catégorie intermédiaire sous le nom de statuts mixtes; mais cette solution n'est pas proposable aujourd'hui en présence de l'art. 3 qui ne reconnaît que deux catégories de statuts, entre lesquelles il faut nécessairement opter.

La question ne semble pas susceptible de recevoir une solution absolue. Pour déterminer le caractère des lois dont nous parlons, il faut rechercher avant tout le but principal que s'est proposé le législateur en les édictant. On rangera dans la catégorie des statuts réels les lois dans lesquelles le législateur s'est préoccupé de régler principalement le sort des biens et accessoirement l'état et la capacité des personnes. Au contraire toute loi, dans laquelle la personne fait l'objet principal et les biens l'objet accessoire de la préoccupation du législateur, appartiendra au statut personnel. Ainsi on considérait dans notre ancien droit et on considère encore aujourd'hui les lois sur les successions ab intestat comme appartenant au statut réel. Les biens y font le principal objet des préoccupations du législateur : ce qu'il veut avant tout, c'est régler la dévolution de ces biens, leur sort après le décès du propriétaire. Il est sans doute obligé pour cela de s'occuper des personnes, de dire à quelles personnes les biens passeront, quelles conditions ces personnes devront remplir pour succéder..., mais encore une fois ce sont principalement les biens qu'il a en vue. Donc la loi appartient au statut réel. Pour les mèmes motifs, les lois relatives à la réserve et à la quotité disponible ont été dans notre ancien droit et doivent être encore aujourd'hui considérées comme appartenant au statut réel.

En sens inverse, les lois relatives à la majorité, à la minorité, et à la capacité ou à l'incapacité qui en résulte, sont considérées par tous à peu près comme appartenant au statut personnel. Le législateur s'y occupe, il est vrai, des biens; il dit que le mineur ne peut pas les aliéner ni même les administrer, que son tuteur le représentera dans tous les actes civils... Mais ce qui domine dans ces lois, c'est une idée de protection pour la personne. Donc elles appartiennent au statut personnel.

72. Tout le monde admet le criterium qui vient d'être indiqué pour la distinction du statut réel et du statut personnel; mais son application est la source d'une foule de difficultés. Comment en serait-il autrement? Cette application suppose la

connaissance de l'intention du législateur; or il ne l'a pas exprimée et dans une foule de cas elle demeure douteuse. Ces difficultés ne sont pas nouvelles; elles avaient divisé les meilleurs esprits dans notre ancien droit. Voët dit, et l'état des choses n'a guère changé sur ce point, que les controverses sur la réalité et sur la personnalité des statuts sont presque insolubles. La nature de cet ouvrage ne nous permet pas d'entrer dans leur examen détaillé; nous nous bornerons presque à une table des matières.

On considère généralement comme appartenant au statut réel les dispositions des art. 907, 908, 1554 et les lois sur la prescription.

Au contraire, la majorité des auteurs range parmi les statuts personnels les lois relatives à la puissance paternelle ou maritale, à la jouissance légale de l'art. 384, qui n'est qu'un attribut de la puissance paternelle, enfin à l'interdiction.

On se tromperait d'ailleurs en croyant que la distinction du statut réel et du statut personnel embrasse toutes les lois; quelques-unes y échappent, notamment les lois de police et de sûreté et les lois relatives à la forme des actes.

73. Importance de la distinction du statut réel et du statut personnel. On peut la formuler ainsi : Les statuts réels régissent tous les immeubles situés en France, quel que soit leur propriétaire; les statuts personnels régissent tous les Français, mème résidant en pays étranger.

Examinons successivement ces deux points.

74. I. Les statuts réels régissent tous les immeubles situés en France, même ceux qui appartiennent à des étrangers (art. 3 al. 2). En d'autres termes, les statuts réels s'appliquent non-seulement aux Français, mais encore aux étrangers propriétaires d'immeubles en France. Les immeubles français ont donc leurs lois, auxquelles ils n'échappent pas en changeant de propriétaire. La raison en est que le droit de souveraineté, dans chaque état, s'étend non seulement aux personnes, mais encore au territoire. Ce droit est indivisible, c'est-à-dire qu'il s'applique nécessairement à tous les immeubles qui composent le territoire et à chacun d'eux. L'indivisibilité du droit de souveraineté serait brisée, si, dans un même état, les lois relatives aux immeubles variaient suivant la nationalité de leurs propriétaires. Un étranger propriétaire d'immeubles en France ne pourrait donc pas, sous prétexte que les lois de son pays l'y autorisent, établir sur ces immeubles des servitudes contraires à la loi française (art. 686), ou les grever d'une hypothèque générale en violation de l'art. 2429, réclamer sur ces immeubles des droits que ne reconnaît pas la loi française, notamment un droit de douaire légal (Cass., 4 avril 1881, Sir., 83. 1. 65). De même, quelle que soit la législation du pays auquel appartient un étranger, les immeubles qu'il possède en France pourraient être expropriés pour cause d'utilité publique, et saisis conformément aux lois françaises.

ou

75. La règle que les immeubles français sont régis par la loi française, même quand ils appartiennent à des étrangers, est formulée par l'art. 3 dans des termes

tellement généraux qu'on ne doit y admettre aucune exception; elle s'appliquerait donc, mais il y a quelques dissidences à ce sujet, même à la transmission de ces immeubles par succession. Un étranger propriétaire d'immeubles en France vient à mourir. Sa succession quant aux immeubles situés en France sera régie par la loi française; elle sera donc attribuée aux héritiers désignés par la loi française et non à ceux désignés par la loi étrangère, en supposant qu'il y ait conflit entre les deux législations sur ce point. C'est aussi la loi française qu'il faudrait appliquer relativement à la réserve qui pourrait être réclamée sur ces immeubles par certains héritiers.

76. Par une juste réciprocité, les immeubles situés en pays étranger sont régis par la loi étrangère, même quand ils appartiennent à des Français. Les statuts réels expirent à la frontière : clauduntur terri

torio.

De là il résulte que la succession d'un individu, propriétaire d'immeubles en France et à l'étranger, devra être régie conformément à la loi française quant aux immeubles français, et conformément à la loi étrangère quant aux immeubles étrangers. Quot sunt bona diversis territoriis obnoxia, totidem patrimonia intelliguntur.

77. L'art. 3 al. 2 ne parle que des immeubles. De là est née la question de savoir s'il faut l'appliquer aux meubles. En d'autres termes, les meubles situés en France sont-ils, comme les immeubles, régis par la loi française, même quand ils appartiennent à des étrangers ?

:

En principe la règle s'applique aux meubles comme aux immeubles, parce que les motifs sont les mêmes. Nul doute par exemple que les meubles qu'un étranger possède en France ne restent soumis aux lois françaises en ce qui concerne la saisie dont ils peuvent être l'objet, ou les différents privilèges dont ils peuvent être grevés ainsi il est bien certain que les meubles, garnissant la maison dont un étranger est locataire en France, seraient soumis au privilège du locateur (art. 2102). On doit admettre aussi que la règle En fait de meubles la possession vaut titre (art. 2279) serait applicable aux meubles corporels qu'un étranger possède en France. Enfin nous pensons, mais ce dernier point est plus délicat, que, si un étranger propriétaire de meubles en France vient à mourir intestat sans laisser d'héritier au degré successible, c'est l'Etat français qui recueillera ces meubles par droit de déshérence (art. 768); le droit de déshérence est une conséquence du droit de souveraineté.

78. Mais il est généralement admis, tant en jurisprudence qu'en doctrine, que la règle, d'après laquelle les meubles situés en France sont régis par la loi française même quand ils appartiennent à des étrangers, souffre exception au point de vue de leur transmission par succession (ou par legs universel). On est loin toutefois de s'entendre sur la portée de l'exception, c'est-à-dire sur le point de savoir quelle est la loi à appliquer pour le règlement de la succession mobilière de l'étranger, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer les héritiers auxquels appartient le droit de réclamer cette succession et le montant de la réserve à laquelle ils peuvent avoir droit.

D'après une première opinion, vers laquelle nous inclinons et qui, outre des suffrages importants dans la doctrine, peut aussi revendiquer quelques décisions judiciaires (v. notamment Paris, 29 juillet 1872, Sir., 73. 2. 148), ce serait toujours et dans tous les cas sans distinction la loi nationale de l'étranger qui devrait être appliquée pour le règlement de sa succession mobilière. On peut invoquer tout d'abord en ce

sens la tradition, qui a nécessairement une grande autorité dans une matière sur laquelle le législateur garde un silence absolu; car il est naturel de croire que le législateur a voulu consacrer le droit existant, lorsqu'il n'a pas manifesté l'intention de le changer. Or, dans notre ancien droit, on ne tenait pas compte en cette matière de la situation des meubles, sans doute à cause de la facilité avec laquelle ils peuvent être déplacés, témoin l'adage Mobilia ossibus personæ cohærent. S'identifiant en quelque sorte avec la personne de celui à qui elle appartient, la fortune mobilière devait naturellement après la mort du propriétaire être régie, au point de vue de la transmission héréditaire, par la loi qui régissait le propriétaire lui-même pendant sa vie, c'est-à-dire par sa loi nationale. On allait même, et c'était peut-être une exagération, jusqu'à considérer les lois régissant les meubles au point de vue de leur transmission héréditaire comme appartenant au statut personnel. D'autre part, toute loi sur les successions ab intestat peut être regardée comme étant l'expression de la volonté présumée du défunt: c'est le testament de tous ceux qui n'en font pas; toute personne qui meurt sans avoir exprimé ses volontés dernières est censée avoir accepté ce testament légal. Cela posé il est vraisemblable que la loi à laquelle chacun de nous entend se référer, quand il meurt sans testament, est sa loi nationale; c'est donc cette loi qu'il faut appliquer, puisqu'elle tient lieu du testament que le défunt aurait pu faire. Enfin on ne peut se dissimuler ce qu'il y aurait de bizarre à faire dépendre le règlement de la succession d'un étranger de cette circonstance, peut-être purement fortuite, que les meubles à lui appartenant se trouvaient en France à l'époque de l'ouverture de sa succession. En tout cas il paraîtrait difficile de contester l'exactitude de la solution que nous venons de développer, en ce qui concerne les valeurs mobilières appartenant à un étranger, telles que rentes sur l'Etat, actions ou obligations industrielles, dont les titres se trouveraient en France lors de son décès; car une valeur mobilière, en sa qualité de chose incorporelle, n'a pas de situation déterminée, et en eût-elle qu'on ne pourrait pas la considérer comme située là où se trouvent les titres qui en constatent la propriété.

Une seconde opinion s'attache à la loi du domicile qu'avait le défunt au moment de son décès. Ce domicile, dit-on, doit être considéré comme étant le siège juridique de la fortune mobilière laissée par le défunt: c'est là qu'elle est située juridiquement, bien que, matériellement, elle soit peut-être située ailleurs; elle doit donc, au point de vue de la transmission héréditaire, être régie par la loi de ce lieu. Ce qui conduit à dire que si l'étranger était domicilié en France au moment de son décès, sa succession mobilière sera régie par la loi française, tandis qu'elle le serait par la loi nationale de l'étranger s'il était domicilié dans son pays.

C'est l'opinion qui triomphe en jurisprudence. Il faut noter toutefois que la cour de cassation n'admet l'application de la loi française pour le règlement de la succession mobilière de l'étranger, domicilié en France au moment de son décès, qu'autant qu'il avait obtenu du chef de l'Etat l'autorisation dont parle l'art. 13. A défaut de cette autorisation, la cour déclare applicable la loi nationale de l'étranger, eût-il manifesté de la manière la plus formelle l'intention d'établir en France son domicile en même temps que sa résidence. En un mot le système de la cour de cassation peut être ainsi formulé: La succession mobilière de l'étranger, qui, au moment de son décès, a en France un domicile autorisé conformément à l'art. 13, est régie par la loi française; dans tous les autres cas la loi française est inapplicable. La cour suprême n'admet pas, ainsi que nous le verrons sous l'art. 13, qu'un étranger puisse avoir en France un véritable domicile, un domicile légal, sans l'autorisation du gouvernement. Proposition qui nous parait difficile à justifier. V. Cass., 22 février 1882, Sir., 82. 1. 393, et infra n. 151. Cpr. Cass., 2 avril 1884, Sir., 86,

1. 121.

Avec la question que nous venons d'examiner il ne faut pas confondre celle de savoir quel est le tribunal compétent pour statuer sur l'action en liquidation et en partage de la succession mobilière d'un étranger, lorsque les meubles dépendant de cette succession sont en totalité ou en partie situés en France. Une jurisprudence constante admet la compétence du tribunal du dernier domicile du défunt, ou en d'autres termes du tribunal de l'ouverture de sa succession. C'est donc un tribunal français qui sera compétent si l'étranger avait son domicile en France. Et ici la cour de cassation n'exige plus un domicile autorisé conformément à l'art. 13; un simple domicile de fait suffit. Cass., 7 juillet 1874, Sir., 75. 1. 19. Voyez aussi Bordeaux, 19 août 1879, Sir., 80. 2. 247.

79. Résumons en quelques mots tout ce que nous venons de dire dans les deux numéros qui précèdent. Les meubles qu'un étranger possède en France sont soumis à la loi française, en tant qu'on les considère comme objets particuliers, ainsi qu'il arrive dans les questions de revendication, de possession, de saisie, de privilège; ils sont au contraire, sauf controverse, soumis à la loi nationale de leur propriétaire en tant qu'on les considère comme dépendant de l'universalité qui constitue le patrimoine, c'est-à-dire au point de vue de leur transmission par succession.

Telle étant la pensée du législateur, on s'explique très bien que, dans l'art. 3, il n'ait pas parlé des meubles, puisqu'ils ne sont pas soumis comme les immeubles à une règle fixe et invariable.

80. II. Les statuts personnels régissent les Français, même quand ils résident en pays étranger (art. 3 al. final). Ils le suivent, disaient nos anciens, comme l'ombre suit le corps. La raison en est que les lois personnelles sont l'expression de la nationalité; elles doivent donc rester attachées à l'individu tant qu'il conserve sa nationalité; il ne peut s'y soustraire qu'en la perdant. Ainsi un Français, qui n'a pas atteint l'âge fixé par la loi française (art. 144), ne peut pas se marier en pays étranger, alors même qu'il aurait atteint l'âge fixé pour le mariage par la loi du pays où il se trouve. Ce serait trop commode en vérité, s'il suffisait de passer la frontière pour se soustraire aux lois personnelles de son pays!

81. Une juste loi de réciprocité doit faire admettre que les étrangers qui se trouvent en France, eussent-ils obtenu l'autorisation d'y fixer leur domicile, sont régis par les lois de leur pays, quant à leur état et à leur capacité. Si donc un étranger veut se marier en France, sa capacité sera régie par la loi de son pays et non par la loi francaise, notamment en ce qui concerne la question d'âge. De même un étranger résidant en France sera majeur, et par suite capable de contracter, quand il aura atteint l'âge fixé par la loi de son pays, et seulement quand il aura atteint cet âge, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper des dispositions de la loi française sur ce point. Ainsi enfin un étranger, dont la loi nationale fixe la majorité à 25 ans, ne sera majeur même en France qu'à cet àge, bien que notre loi fixe la majorité à 21 ans; par suite il pourrait y avoir lieu d'annuler les contrats qu'il aurait passés en France avant d'avoir atteint l'âge de 25 ans, et

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