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tribunat, les discours prononcés devant le corps législatif par les orateurs du gouvernement. Toutefois il ne faut pas s'exagérer l'importance de ces documents. Ils n'émanent pas du législateur, et ne peuvent par conséquent nous renseigner que d'une manière fort imparfaite sur ses idées et ses intentions. Le législateur, en ce qui concerne le code civil, c'était le corps législatif. Or le corps législatif votait la loi sans la discuter (ce qui lui a fait donner le nom de corps des muets). La discussion de la loi se concentrait dans le sein du conseil d'Etat et du tribunat, et ni l'un ni l'autre de ces deux corps ne votait la loi. On se tromperait donc gravement, en considérant les opinions émises au conseil d'Etat ou au tribunat comme un commentaire officiel la loi. Quant aux discours des orateurs du gouvernement, ils offrent encore moins de garanties; de nombreuses erreurs s'y rencontrent. Pour n'en citer qu'un exemple, Bigot-Préameneu dit, dans l'exposé des motifs du titre Des transactions, que les jugements ne peuvent pas être attaqués pour erreur de droit (Fenet, t. XV, p. 108). Hérésie d'autant plus surprenante qu'elle est tombée de la bouche d'un commissaire du gouvernement près la cour de cassation. Sur quoi donc étaient fondés les pourvois qu'il jugeait tous les jours ?

4 Apprécier les conséquences que produirait la loi, suivant qu'on l'entendrait dans tel sens ou dans tel autre. On doit toutefois user avec discrétion de ce moyen d'interprétation.

5° Consulter l'esprit de la loi, c'est-à-dire rechercher ses motifs et son but (ratio legis). On les trouve surtout dans les travaux préparatoires et dans les sources auxquelles la loi a été puisée.

C'est principalement à l'aide de l'esprit de la loi qu'on parvient à en déterminer la portée. La loi, sauf en matière pénale, s'applique à tous les cas, qui, quoique non compris dans son texte, rentrent dans son esprit. Ubi eadem ratio, ibi idem jus. En sens inverse, la loi ne s'applique pas aux cas, qui, quoique compris dans son texte, sont exclus par son esprit. Cessante ratione legis, cessat ejus dispositio. En d'autres termes, l'esprit de la loi prévaut sur son texte, en tant qu'il s'agit de mesurer la portée de la loi, c'est-à-dire de déterminer les hypothèses auxquelles elle est applicable.

102. B. La deuxième partie de la mission de l'interprète consiste à résoudre les questions qui n'ont pas été prévues par la loi, en faisant l'application des principes qu'elle contient.

Les principaux moyens à employer dans ce but sont :

1° L'argument d'analogie, qui est formulé dans l'adage suivant : Ubi eadem est legis ratio, ibi eadem est legis dispositio. L'analogie, nous l'avons déjà dit, est la boussole du juge et de l'interprète. Toutefois l'argument qu'on en tire n'est pas admissible, lorsque la disposition

qu'il s'agit d'étendre d'un cas à un autre est exceptionnelle : Exceptio est strictissimæ interpretationis.

2o L'argument a contrario sensu, qui est formulé dans les adages suivants: Qui dicit de uno negat de altero; Inclusione unius fit exclusio alterius. L'argument a contrario est dangereux; il n'est ordinairement concluant que lorsque, pris d'une disposition exceptionnelle, il a pour résultat de favoriser le retour au droit commun. Cpr. art. 1164.

3° L'argument a fortiori ou argument a majori ad minus et a minori ad majus. En vertu de cet argument, on étend la disposition de la loi à un cas qu'elle ne prévoit pas, mais où ses motifs se retrouvent avec plus de force que dans le cas prévu.

LIVRE PREMIER

Des Personnes

103. On sait que le code civil est divisé en trois livres. Le premier traite des personnes ; le deuxième, des biens et des différentes modifications de la propriété ; le troisième, des différentes manières d'acquérir la propriété. Le législateur a parlé des personnes tout d'abord, parce que, le droit tout entier étant créé en vue des personnes, la première place leur était tout naturellement réservée. « Quum igitur hominum causa omne jus constitutum sit, primo de personarum statu ac post de cæteris... dicemus » (L. 2, D., De statu hominum, I, 5). Notre mot personne est la traduction du mot latin persona, qui désignait originairement le masque dont se servaient les acteurs pour jouer sur la scène. Ce masque était disposé de manière à rendre la voix plus retentissante, vox PERSONABAT: d'où le nom de persona, donné au masque. Plus tard on employa le mot persona pour désigner le rôle lui-même que jouait l'acteur, parce que ce rôle était souvent représenté sur le masque. Enfin on en arriva à désigner sous le nom de persona le rôle que tout individu joue dans la société ou l'individu lui-même envisagé au point de vue de ce rôle. C'est en ce sens que nous prenons dans la langue juridique le mot personne.

104. On a dit avec exactitude: La personne c'est l'homme envisagé au point de vue du droit. C'est l'homme moral, si l'on peut ainsi parler. Chez les Romains tous les hommes n'étaient pas des personnes : on refusait ce titre aux esclaves, qui, au point de vue du droit, étaient assimilés à des bêtes de somme. Chez nous tous les hommes (et cette expression comprend les deux moitiés du genre humain, genus masculinum complectitur et femininum) sont des personnes. Il en est ainsi surtout depuis que le décret du 27 avril 1848 a aboli l'esclavage dans toutes les colonies et possessions françaises.

105. L'homme constitue une personne dès le moment même de sa naissance, mais à la condition cependant qu'il naisse vivant et viable.

Vivant. L'enfant mort-né n'est qu'un fruit avorté. Au point de vue du droit, il ne compte pas. Qui mortui nascuntur, liberorum loco non

sunt.

Viable, c'est-à-dire ayant l'aptitude à vivre, vitæ habilis. Ne remplit pas cette condition l'enfant qui naît avec une conformation tellement imparfaite que la prolongation de son existence est matériellement impossible ce qui est une question de fait, à résoudre en cas de difficulté par le juge. On assimile l'enfant qui naît non viable à l'enfant mort-né, parce que, au point de vue du droit, c'est la même chose d'être mort ou de ne pouvoir vivre. L'enfant non viable n'étant pas considéré comme une personne, aucun droit n'a pu se fixer sur sa tête, notamment un droit de succession (art. 725).

L'enfant n'a d'existence propre qu'après sa naissance. Jusque-là il n'est encore que pars viscerum matris, et ne constitue pas une personne distincte de celle de sa mère. En droit romain cependant, on considérait, en vertu d'une fiction de droit, l'enfant simplement conçu comme déjà né, lorsque son intérêt l'exigeait. Ce principe, qui avait aussi été admis dans notre ancien droit, a été formulé dans un adage célèbre Infans conceptus pro nato habetur, quoties de commodis ejus agitur. Le code civil en consacre plusieurs applications (voyez notamment les art. 725 et 906); d'où l'on est fondé à conclure qu'il a maintenu le principe lui-même dans toute sa généralité. Il est bien entendu toutefois que le bénéfice de la maxime Infans conceptus... ne peut être invoqué par les ayant cause d'un enfant qu'autant qu'il est né vivant et viable.

106. Les personnes étant seules susceptibles d'avoir des droits, les jurisconsultes ont été conduits tout naturellement à personnifier certaines agrégations d'intérêts ou d'individus, telles que l'Etat, les communes, les sociétés commerciales, etc., auxquelles la loi reconnaît divers droits. Et, pour les distinguer des personnes physiques ou réelles, on les a désignées sous le nom de personnes morales ou civiles. Ce sont des personnes fictives. Elles jouent le rôle de personnes relativement à certains actes de la vie civile, personæ vice funguntur.

Mais les personnes morales ne sont pas des personnes à proprement parler. Aussi la loi s'est-elle bien gardée de les désigner sous cette dénomination, qui aurait pu donner à entendre qu'elles ont les mêmes droits que des personnes véritables, tandis qu'elles en ont de beaucoup plus restreints. En effet tout d'abord il y a des droits, qui, par leur nature même, ne peuvent pas appartenir aux personnes morales: tels sont les droits de famille, et par suite le droit de succession qui en dérive. Et d'autre part, en ce qui concerne les droits relatifs aux biens, si leur nature ne s'oppose pas en général à ce qu'ils puissent appartenir aux personnes morales, elles ne les possèdent cependant pas tous: elles ne peuvent avoir que ceux qui leur sont accordés, soit explicitement, soit implicitement, en tant qu'ils sont nécessaires à la réalisation du but en vue duquel elles ont été créées. Ils se résument dans le droit d'acquérir à titre gratuit ou onéreux, par conséquent de faire certains contrats et d'ester en justice (stare in judicio).

Une personne morale ne peut exister que moyennant l'intervention de la puis

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