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chons maintenant quelle est la nature de ce bénéfice. Il consiste en ce que l'enfant, né en France d'un étranger, peut acquérir la qualité de Français beaucoup plus facilement que ne le pourrait un autre étranger. Il lui suffit en effet de remplir les trois conditions suivantes :

PREMIÈRE CONDITION. Il doit réclamer la qualité de Français dans l'année qui suivra sa majorité. Faite avant la majorité, la réclamation de la qualité de Français serait prématurée; faite après l'expiration du délai d'un an depuis la majorité, elle serait tardive et par suite inefficace, car il s'agit d'une faveur accordée par dérogation aux règles du droit commun, et par suite elle doit être sévèrement restreinte dans les termes de la disposition qui l'établit. Favores non sunt ampliandi.

Le délai d'un an étant fatal, il y a une grande importance à en déterminer le point de départ avec précision. La loi le fait courir à dater de la majorité de l'impétrant. Mais de quelle majorité s'agit-il ? De la majorité fixée par la loi française ou bien de la majorité fixée par la loi du pays étranger auquel il appartient? Ainsi supposons un enfant né en France d'un Espagnol. Le délai courra-t-il à dater de l'époque où l'enfant aura atteint la majorité telle qu'elle est fixée par la loi française, c'est-àdire l'âge de 21 ans, ou à dater de l'époque à laquelle il aura atteint la majorité telle qu'elle est fixée par la loi espagnole, c'est-à-dire l'âge de 25 ans? La doctrine est divisée sur cette question. On se l'explique difficilement, car il y a une raison décisive pour s'en tenir à la majorité fixée par la loi étrangère. L'impétrant est étranger jusqu'à l'époque où il réclame la qualité de Français; il est donc provisoirement régi, au point de vue de son état et de sa capacité, par conséquent au point de vue de sa majorité, par la loi de son pays (supra n. 72 et 80).

Qu'importe après cela que, dans un cas à peine voisin de celui dont il s'agit, l'art. 3 de la constitution de l'an VIII ait pris en considération la majorité fixée par la loi française? C'est une dérogation au droit commun. Or une dérogation au droit commun ne s'étend pas d'un cas à un autre surtout lorsqu'il diffère notablement de celui prévu par la loi.

La même réponse s'applique à l'argument que l'on prétendait tirer, en faveur de l'opinion contraire, de l'art. 1 de la loi du 29 juin 1867 sur la naturalisation, qui fixe à 21 ans accomplis l'âge auquel un étranger peut obtenir du gouvernement français l'autorisation dont il a besoin pour établir son domicile en France en vue du stage requis pour la naturalisation.— D'ailleurs l'art. 1 de la loi du 29 juin 1867, pas plus que l'art. 3 de la constitution de l'an VIII, ne prescrit un délai fatal, et il n'y avait par suite aucun inconvénient à s'attacher à la majorité telle qu'elle est fixée par la loi française. Au contraire le délai de l'art. 9 est fatal, et, si on le fait courir à dater de la majorité telle qu'elle est fixée par la loi française, on mettra souvent en fait les étrangers, en vue desquels cet article a été écrit, dans l'impossibilité de profiter de la faveur qu'il leur accorde. Se préoccuperont-ils de remplir les formalités prescrites par l'art. 9, tant qu'ils ne seront pas majeurs d'après la loi du pays auquel ils appartiennent provisoirement ?

Les monuments de la jurisprudence sont rares sur cette question. Un jugement du tribunal de la Seine du 1er décembre 1883, rapporté dans le journal le Droit du 2 décembre, l'a résolue dans notre sens.

DEUXIÈME CONDITION. Si l'étranger réside en France, il doit déclarer que son intention est d'y fixer son domicile; s'il réside en pays étranger,

il doit FAIRE SA SOUMISSION (c'est-à-dire prendre l'engagement) de fixer son domicile en France.

La déclaration de l'impétrant qui réside en France, doit être faite devant la municipalité du lieu de sa résidence. La soumission de celui qui réside en pays étranger, sera faite devant les agents diplomatiques ou consulaires accrédités dans son pays par le gouvernement français. C'est du moins ce que l'on peut induire par argument de l'art. 1 de la loi du 7 février 1851 (supra n. 120). Et toutefois ces formes n'étant pas prescrites par un texte exprès, il serait difficile de considérer leur inobservation comme une cause de nullité.

Une jurisprudence constante décide que la déclaration ou la soumission, exigée par l'art. 9, ne pourrait pas être suppléée par des actes manifestant d'une manière plus ou moins significative l'intention d'acquérir la qualité de Français, tels que le mariage en France avec une Française, ou même le fait d'avoir contracté un engagement dans l'armée française. La loi exige une manifestation expresse de volonté, idée que révèlent clairement les mots déclaration, soumission. Donc une manifestation tacite de volonté serait inefficace. Il doit en être ainsi surtout dans une matière toute d'exception par cela même qu'elle est toute de faveur.

TROISIÈME CONDITION. L'impétrant doit établir son domicile en France dans l'année à compter de sa soumission.

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127. Modifications apportées à l'art. 9. Plusieurs lois postérieures au code civil sont venues modifier l'art. 9.

La première, dans l'ordre des dates, est la loi du 22 mars 1849, dont l'article unique est ainsi conçu: L'individu né en France d'un étranger sera admis, MÊME APRÈS L'ANNÉE QUI SUIVRA L'ÉPOQUE DE SA MAJORITÉ, à faire la déclaration prescrite par l'article 9 du Code civil, s'il se trouve dans l'une des deux conditions suivantes: 1° s'il sert ou s'il a servi dans les armées françaises de terre ou de mer; 20 s'il a satisfait à la loi du recrutement sans exciper de son extranéité ». L'existence de l'une ou de l'autre de ces deux conditions permet de faire la déclaration prescrite par l'art. 9 à une époque quelconque (Aix, 7 février 1885, Sir., 85. 2. 137); mais elle ne supprime pas la nécessité de cette déclaration.

La deuxième modification résulte de l'art. 1 de la loi du 7 février 1851, déjà expliqué. Elle consiste en ce que l'enfant, né en France d'un étranger, est Français de plein droit, quand son auteur est lui-même né en France, et sauf la faculté que la loi lui réserve de réclamer la qualité d'étranger dans l'année de sa majorité.

Enfin l'art. 9 a encore été modifié par deux lois de date toute récente dont nous allons parler bientôt, la loi du 14 février 1882, et celle du 28 juin 1883.

2. Cas prévu par l'art. 2 de la loi du 7 février 1851.

128. « L'article 9 du Code civil est applicable aux enfants de l'étranger naturalisé, quoique nés en pays étranger, s'ils étaient mineurs lors de la naturalisation. A l'égard des enfants nés en France ou à l'étranger, qui

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étaient majeurs à cette même époque, l'article 9 du Code civil leur est applicable dans l'année qui suivra celle de la naturalisation ». Ainsi s'exprime l'art. 2 al. 1 et 2 de la loi du 7 février 1851.

Un étranger, qui se fait naturaliser Français, a des enfants nés lors de sa naturalisation. Le changement de nationalité du père n'influe pas sur la nationalité des enfants; mais il leur facilite l'acquisition de la qualité de Français, au cas où, comme il arrivera souvent, ils voudraient suivre le sort de leur père. A cet effet la loi décide que les enfants de l'étranger naturalisé pourront invoquer le bénéfice de l'art. 9 dans l'année à compter de leur majorité, s'ils étaient mineurs lors de la naturalisation, et dans l'année à compter de la naturalisation, s'ils étaient alors majeurs. Quant aux enfants qui naîtront postérieurement à la naturalisation, il est clair qu'ils naîtront Français.

129. La loi du 14 février 1882, intitulée Loi relative aux droits des enfants nés en France d'un père étranger naturalisé après leur naissance, a ajouté à l'art. 2 de la loi du 7 février 1851, que nous venons de reproduire, trois alinéas ainsi conçus : « Les enfants mineurs, même ceux nés à l'étranger avant la naturalisation des parents, peuvent soit s'engager volontairement dans les armées de terre et de mer, soit contracter l'engagement conditionnel d'un an, conformément à la loi du 27 juillet 1872, titre IV, 3o section, soit entrer dans les écoles du Gouvernement à l'âge fixé par les lois et règlements, en déclarant qu'ils renoncent à la qualité d'étranger et adoptent la nationalité française. Cette déclaration ne peut être faite qu'avec le consentement exprès et spécial du père; à défaut du père, de la mère, et, à défaut du père et de la mère, avec l'autorisation de la famille, conformément au statut personnel. Elle ne doit être reçue qu'après les examens d'admission et s'ils sont favorables. La même faculté est accordée et aux mêmes conditions, aux enfants mineurs d'un Français qui aurait perdu la qualité de Français par l'une des trois causes exprimées dans l'article 17 du Code civil, si le père recouvre sa nationalité d'origine, conformément à l'article 18. Les enfants majeurs pourront réclamer la qualité de Français par une déclaration faite dans l'année qui suivra le jour où le père a recouvré sa nationalité ».

La loi que nous venons de transcrire ne fait qu'étendre aux enfants mineurs de l'étranger naturalisé, nés avant la naturalisation, et aux enfants mineurs d'un Français qui, après avoir perdu sa qualité de Français par l'une des causes exprimées en l'art. 17, l'a recouvrée conformément à l'art. 18, la faveur que la loi du 16 décembre 1874 avait déjà accordée aux enfants mineurs nés en France d'un étranger qui lui-même y est né. Les uns comme les autres peuvent désormais, en optant définitivement pour la qualité de Français, bien qu'ils soient.

encore mineurs, s'engager dans les armées françaises, contracter l'engagement conditionnel d'un an ou se faire admettre dans les écoles du gouvernement. Le cas des enfants en vue desquels a été édictée la loi de 1882 était plus délicat que celui des enfants auxquels s'applique la loi de 1874; car ces derniers sont provisoirement Français, sauf à réclamer plus tard la qualité d'étrangers, tandis que les premiers sont provisoirement étrangers, sauf à réclamer plus tard la qualité de Français.

Il faut supposer, pour l'application de la loi du 14 février 1882, que, soit le père, soit les enfants sont nés en pays étranger; car si père et enfants étaient nés en France, on retomberait dans le cas des lois de 1851 et 1874, les enfants étant Français de naissance.

La partie finale du texte que nous analysons, relative aux enfants majeurs du Français qui recouvre sa qualité, nous paraît être le résultat d'une distraction législative. Nous la transcrivons de nouveau : « Les enfants majeurs pourront réclamer » la qualité de Français par une déclaration faite dans l'année qui suivra le jour où » le père a recouvré sa nationalité ». Il s'agit d'enfants d'un ex-Français; par conséquent l'art. 10 du code civil les autorisait à réclamer, à une époque quelconque (arg. du mot toujours), la qualité de Français, en remplissant les formalités de l'art. 9. Or voilà que le législateur de 1882, avec l'intention de leur accorder une faveur, sans nul doute, les autorise à réclamer la qualité de Français dans l'année qui suivra le jour où leur père a recouvré sa nationalité, c'est-à-dire qu'il empire la situation que leur faisait le code civil. Evidemment le rédacteur de la loi avait oublié l'art. 10, et personne n'a songé à le lui remettre en mémoire. On devrait bien faire les lois avec un peu moins de légèreté.

130. La faveur, accordée par la loi du 14 février 1882 aux enfants mineurs d'un Français qui, après avoir perdu la qualité de Français par l'une des trois causes exprimées en l'art. 17, la recouvre conformément à l'art. 18, devait naturellement être étendue aux enfants mineurs d'une femme qui, après avoir perdu sa qualité de Française par son mariage avec un étranger, la recouvre à la suite de son veuvage conformément à l'art. 19 al. 2. Cette extension a été réalisée par la loi du 28 juin 1883 qui, toutefois, n'accorde cette faveur qu'aux enfants de la veuve nés en France. Restriction d'autant plus difficile à expliquer qu'elle s'écarte du système admis par la loi du 14 février 1882 où on lit ces mots : même ceux nés à l'étranger.

Quoi qu'il en soit voici le texte de la loi : « Pourront, à l'âge fixé par les lois et règlements, s'engager dans l'armée de terre et de mer, contracter l'engagement volontaire d'un an, se présenter aux écoles du Gouvernement, les enfants mineurs NÉS EN FRANCE d'une femme française mariée avec un étranger, lorsqu'elle recouvre la qualité de Française conformément à l'article 19 du Code civil. Auront les mêmes droits les mineurs, orphelins de père et mère, NÉS EN FRANCE d'une femme française mariée avec un étranger. Lesdits mineurs pourront, dans les cas prévus par les deux paragraphes précédents, s'engager, concourir pour

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les écoles et opter pour la nationalité française aux conditions et suivant les formes déterminées par la loi du 14 février 1882 ».

Une femme française a perdu sa nationalité pour s'être mariée avec un étranger (art. 19). Si cette femme est née en France, ses enfants, en les supposant nés eux-mêmes en France, naitront Français (supra n. 120), et leur situation sera régie par les lois des 7 février 1851 et 16 décembre 1874. Si au contraire ladite femme n'est pas née en France (ce qui rend inapplicables les lois précitées), ses enfants pourront réclamer, dans certaines circonstances que nous allons préciser tout à l'heure, le bénéfice de la loi de 1883 qui est moins libérale que celles de 1851 et 1874. Nous ne voyons pas d'autre moyen de concilier ensemble ces diverses lois.

Cela posé, le bénéfice de la loi de 1883 est subordonné à deux conditions: 1o il faut que l'enfant qui le réclame soit né en France; 2° il faut que ce mème enfant soit orphelin de père et mère, ou, s'il est orphelin de père seulement, que sa mère ait recouvré sa nationalité conformément à l'art. 19. - Dans toutes les autres hypothèses, les enfants ne peuvent invoquer le bénéfice de la loi nouvelle. Ainsi ils ne jouissent pas de ce droit lorsqu'ils ont encore leur père et leur mère, ou lorsqu'ils sont orphelins de mère seulement, ou lorsqu'étant orphelins de père, leur mère ne recouvre pas sa nationalité conformément à l'art. 19, et, dans tous les cas, lorsqu'ils ne sont pas nés en France.

Il y a bien d'autres jeunes étrangers, appelés à devenir Français par le bienfait de la loi, qui ne peuvent obtenir cette faveur qu'à l'époque de leur majorité. Citons seulement les enfants qui n'ont pas d'autre titre à l'acquisition de la qualité de Français que leur naissance en France (art. 9), et les enfants d'un Français qui, ayant-perdu sa nationalité pour l'une des causes exprimées en l'art. 17, ne l'a pas recouvrée conformément à l'art. 18.

3. Cas prévu par l'art. 10 al. 2.

131. « Tout enfant né, en pays étranger, d'un Français qui aurait » perdu la qualité de Français, pourra toujours recouvrer cette qualité, en » remplissant les formalités prescrites par l'article 9 ». Ainsi s'exprime l'art. 10 al. 2. La loi accorde une double faveur à l'enfant né d'un étranger qui a eu autrefois la qualité de Français: 1° cet enfant est admis au bénéfice de l'art. 9, même quand il nait en pays étranger; 2o ce même enfant pourra toujours invoquer le bénéfice de l'art. 9; toujours, par conséquent même après l'expiration du délai fixé par cet article, c'est-à-dire de l'année qui suit sa majorité.

La loi dit que l'enfant dont il s'agit pourra toujours << RECOUVRER » la qualité de Français...». C'est plutôt acquérir qu'il aurait fallu dire, car cet enfant a toujours été

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