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propriétaire et se comporte comme tel, cultivant, percevant les fruits, etc. Il possède, et par conséquent je ne possède plus.

Posséder une chose, c'est l'avoir sous sa puissance possidere vient de posse, pouvoir.

Il y a deux éléments dans la possession: 1° le fait, corpus, qui consiste à détenir la chose, c'est-à-dire à l'avoir sous sa main. Peu importe d'ailleurs qu'on la détienne par soi-même ou par un intermédiaire, tel qu'un locataire, un emprunteur, un dépositaire; 2° l'intention, animus, c'est-à-dire la volonté d'avoir la chose à titre de propriétaire, animus rem sibi habendi ou animus domini. L'intention sans le fait ne suffit pas. Ni le fait sans l'intention : la nuda detentio sine animo domini ne constitue pas une possession, du moins une possession civile, susceptible de produire des effets juridiques, mais seulement une possession naturelle ou détention.

Les principaux avantages de la possession sont : 1o de déterminer dans une instance le rôle respectif de deux adversaires qui se disputent la propriété d'un bien. C'est le possesseur qui sera défendeur. Avantage considérable car le fardeau de la preuve incombe au demandeur : Actori incumbit probatio; 2o l'acquisition des fruits par le possesseur, lorsqu'il est de bonne foi (art. 549 et 550); 30 enfin la possession conduit à la prescription.

1266. Aux termes de l'art. 546: « La propriété d'une chose, soit » mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et » sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificielle»ment. Ce droit s'appelle droit d'accession ». Le droit du propriétaire s'étend aux accessoires de la chose, conformément à la règle Accessorium sequitur principale. Cette extension porte le nom d'accession, de accedere, s'ajouter. La loi considère ici comme accessoires de la chose 1o ses produits; 2° tout ce qui s'unit accessoirement à la chose, soit naturellement, soit artificiellement.

CHAPITRE PREMIER

DU DROIT D'ACCESSION SUR CE QUI EST PRODUIT PAR LA CHOSE

1267. « Les fruits naturels ou industriels de la terre,

» civils, Le croit des animaux, » droit d'accession » (art. 547).

Les fruits Appartiennent au propriétaire par

On désigne sous le nom de fruits les produits périodiques d'une chose, quidquid ex re nasci et renasci solet. Exemples: les récoltes, les coupes des bois taillis, les fermages des terres, les loyers des maisons. Les produits qui ne se perçoivent pas périodiquement, comme la

coupe d'une haute futaie non aménagée, ne sont pas des fruits. On voit que si tous les fruits sont des produits, en sens inverse tous les produits ne sont pas des fruits, mais seulement ceux qui reviennent périodiquement, et constituent ainsi un revenu, reditus.

Il y a trois espèces de fruits, que l'art. 547 indique ici sans les définir, savoir les fruits naturels, les fruits industriels et les fruits civils. La loi ajoute, on ne sait pourquoi, le croit des animaux, qui rentre évidemment dans la catégorie soit des fruits naturels, soit des fruits industriels. Nous trouverons au titre De l'usufruit (art. 583 et s.) les définitions légales de ces diverses espèces de fruits. Disons tout de suite que les fruits naturels sont ceux qu'une chose produit spontanément, sans le secours de la main de l'homme; exemples: l'herbe des prairies naturelles, les roseaux qui croissent dans un marais. Les fruits industriels sont obtenus par l'industrie de l'homme appliquée à la chose telles sont les récoltes qu'on retire d'un fonds à l'aide de la culture. Enfin les fruits civils consistent dans une somme d'argent, que le propriétaire touche périodiquement en vertu d'un contrat relatif à sa chose, comme les fermages des terres, les loyers des maisons, les intérêts des capitaux.

1268. Les fruits sont une partie intégrante du fonds qui les a produits, tant qu'ils n'en ont pas été détachés: fructus pendentes pars fundi esse videntur. Aussi appartiennent-ils au propriétaire, même quand ils sont le résultat des travaux d'autrui; à moins, bien entendu, que celui qui a fait ces travaux (culture, semences, etc.) n'ait un droit aux fruits en qualité de fermier, d'usufruitier ou à tout autre titre. Mais la plus vulgaire équité exige que le propriétaire paye les frais de la récolte que les sueurs d'un autre ont préparée. Aussi l'art. 548 dispose-t-il: « Les fruits produits par la chose n'appartiennent au proprié» taire qu'à la charge de rembourser les frais des labours, travaux et » semences faits par des tiers ».

Ce texte suppose que le propriétaire d'un fonds le revendique contre celui qui le détient sans droit, contre un usurpateur par exemple. Il y a des fruits pendants au moment de la demande en revendication. Ces fruits appartiennent au propriétaire, comme et avec le fonds dont ils sont un accessoire. Ils sont donc compris dans l'action en revendication, et devront être restitués au propriétaire avec le fonds, sauf l'obligation que notre article impose au revendiquant, de rembourser au possesseur évincé les frais des labours, travaux et semences faits par lui; car autrement il s'enrichirait à ses dépens. Non sunt fructus nisi deductis impensis.

Notre article ne faisant aucune distinction, sa disposition serait applicable à tout possesseur qui succombe sur l'action en revendica

tion, même au possesseur de bonne foi; il n'aurait donc droit, comme l'usurpateur, qu'au remboursement de ses frais, sans pouvoir élever aucune prétention aux fruits pendants.

1269. Mais le possesseur, contre lequel l'action en revendication est dirigée, détenait peut-être la chose depuis un certain temps déjà. Quelle sera sa situation à l'égard du propriétaire revendiquant, relativement aux fruits qu'il a perçus et peut-être consommés? En sera-t-il comptable? La loi résout la question par une distinction: « Le simple » possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de » bonne foi: dans le cas contraire, il est tenu de rendre les produits » avec la chose au propriétaire qui la revendique » (art. 549).

Ainsi le possesseur est-il de bonne foi? Il ne doit aucun compte au propriétaire revendiquant des fruits perçus, alors même qu'il ne les aurait pas consommés. Est-il de mauvaise foi ? Il doit compte des fruits perçus, consommés ou non. Il nous faut envisager successivement cette double situation, si différente dans ses résultats, que la loi fait au possesseur suivant qu'il est de bonne ou de mauvaise foi.

a. Possesseur de bonne foi.

1270. Le possesseur est de bonne foi, lorsqu'il croit être propriétaire. Bona fides est illæsa conscientia putantis rem suam esse, dit Voët. La bonne foi du possesseur est donc basée sur une erreur : il croit être propriétaire, alors qu'en réalité il ne l'est pas.

Pour que la bonne foi du possesseur lui fasse acquérir les fruits, il faut que son erreur soit excusable, et elle n'a ce caractère aux yeux de la loi qu'autant qu'elle est appuyée sur un juste titre. En d'autres termes, pour que le possesseur fasse les fruits siens, il ne suffit pas qu'il se croie propriétaire, il faut qu'il ait juste sujet de se croire tel, justa opinio quæsiti dominii, et, d'après notre loi, cette condition ne se trouve remplie qu'autant qu'il possède en vertu d'un juste titre.

C'est ce que dit l'art. 550, qui nous donne en même temps la définition du juste titre «Le possesseur est de bonne foi quand il possède » comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il » ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices

» lui sont connus ».

Ainsi la loi exige deux conditions pour que le possesseur soit considéré comme étant de bonne foi et fasse à ce titre les fruits siens : 1° que sa possession soit basée sur un juste titre; 2° qu'il en ignore les vices.

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1o Le possesseur doit avoir un juste titre. Le mot titre ne désigne pas ici un écrit, mais bien la cause en vertu de laquelle le possesseur détient la chose. Ce titre ou cette cause doit être juste, justa causa,

c'est-à-dire de nature à inspirer au possesseur la légitime croyance qu'il est propriétaire. Pour cela le titre doit être par sa nature translatif de propriété, ad transferendum dominium idoneus: telle est la vente, la donation; mais non le louage, le prêt, le dépôt.

Mais, dira-t-on, celui qui possède une chose comme l'ayant achetée, ou comme l'ayant reçue en vertu d'une donation ou de tout autre titre translatif de propriété, en est propriétaire; comment donc la loi admet-elle qu'il peut succomber dans une action en revendication intentée par le propriétaire, et lui accorde-t-elle pour ce cas le droit de conserver les fruits par lui perçus? Il faut supposer que le titre est infecté d'un vice qui a empêché la translation de propriété de s'effectuer au profit de l'acquéreur. Ordinairement ce vice consistera dans le défaut de propriété chez l'auteur du titre, c'est-à-dire chez l'aliénateur. Exemple: J'achète un immeuble de quelqu'un que j'en crois propriétaire et qui ne l'est pas, a non domino quem dominum esse credideram. La vente ne peut pas me rendre propriétaire (arg. art. 1599); mais elle me servira de juste titre à l'effet de me faire acquérir les fruits. Le vice peut consister aussi dans l'incapacité de l'aliénateur, ou dans l'inaliénabilité du bien, ou encore dans la nullité du titre pour défaut de forme: tel serait le cas d'une donation faite par acte sous seing privé (arg. art. 931).

2o Il faut que le possesseur ignore les vices de son titre. Ce sont les termes mêmes de la loi, et il en résulte que s'il y a plusieurs vices, le possesseur doit les ignorer tous. Du moment qu'il en connaît un seul, il n'a pas la justa opinio quæsiti dominii.

D'ailleurs, la loi ne distinguant pas, l'ignorance des vices de son titre profiterait au possesseur, aussi bien lorsqu'elle est basée sur une erreur de droit que lorsqu'elle est le résultat d'une erreur de fait. Je reçois un bien par donation, de quelqu'un qui n'en est pas propriétaire et que je crois tel; l'ignorance où je suis du vice de mon titre est basée sur une erreur de fait. Au contraire je reçois un bien par donation de quelqu'un qui en est propriétaire; mais la donation est faite par acte sous seing privé, nulle par conséquent (arg. art. 931); je crois que les donations faites en cette forme sont valables, et j'ai la persuasion que la propriété du bien m'est acquise ma bonne foi est basée sur une erreur de droit. Dans l'un comme dans l'autre cas, j'aurai le droit de conserver les fruits par moi perçus jusqu'à la réclamation du propriétaire. C'est la solution admise par la cour de cassation, qui toutefois établit cette restriction que la bonne foi du possesseur ne peut pas lui profiter, lorsque le vice de son titre consiste dans une infraction à une loi d'ordre public. Cass., 11 janvier 1887, Sir., 87. 1. 225.

* 1271. Conformément à la règle que tout plaideur doit prouver en justice l'existence des conditions nécessaires au succès de sa prétention, le possesseur, qui réclame le bénéfice de l'art. 549, doit établir l'existence à son profit d'un juste titre. Doit-il prouver aussi qu'il ignorait les vices de ce titre? Les auteurs résolvent la question négativement, et c'est aussi la solution admise par la cour de cassation (voyez l'arrêt précité). On dit en ce sens que, dans le doute, la bonne foi du posses

seur doit être présumée, et on invoque à l'appui de cette assertion un argument a fortiori tiré de l'art. 2268, aux termes duquel : « La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. » Adde arg. art. 1116 in fine. On ajoute toutefois cette restriction, assez mal définie, que la bonne foi se présume moins facilement quand elle est basée sur une erreur de droit que lorsqu'elle est basée sur une erreur de fait. Mais, en étendant la présomption écrite en l'art. 2268 au cas qui nous occupe, ne viole-t-on pas cette règle que les présomptions légales sont de droit étroit, et qu'elles doivent à ce titre être sévèrement restreintes au cas précis en vue duquel elles ont été écrites? D'ailleurs, si la présomption est applicable, elle doit l'être tout à fait. Alors pourquoi la restriction relative au cas où la bonne foi est basée sur une erreur de droit? Nous concluons que le réclamant doit prouver sa bonne foi. Il la prouvera conformément aux règles du droit commun.

1272. La loi paraissant ne considérer le juste titre que comme un des éléments de la bonne foi, on admet généralement que le titre putatif équivaut au titre réel. Le titre putatif est celui qui n'existe que dans l'opinion du possesseur; il croit à l'existence d'un titre qui en réalité n'existe pas. Tel serait le cas où j'aurais pris possession d'un bien comme héritier d'une personne décédée, à la succession de laquelle je me croyais appelé comme plus proche parent, alors qu'il existait un parent d'un degré plus rapproché, qui vient aujourd'hui réclamer la succession. Et toutefois, pour que le titre putatif puisse être considéré comme équivalant au titre réel, il est nécessaire que l'erreur du possesseur soit excusable. Elle ne le serait pas, s'il venait dire par exemple qu'il croit avoir acheté le bien qu'il possède, tandis qu'en réalité il ne l'a pas acheté, si quis, quum non emit emisse se existimat. Les juges apprécieront. Cpr. t. III, n. 1700.

1273. Fondement de l'attribution des fruits au possesseur de bonne foi. - Dans la persuasion où il était que la propriété de la chose lui appartenait, le possesseur de bonne foi a probablement consommé les fruits par lui percus; car ils font partie du revenu, et ordinairement on depense son revenu. L'obligation de restituer ces fruits au véritable propriétaire, dont les droits sont aujourd'hui reconnus, surtout quand elle s'applique à un grand nombre d'années de jouissance, aurait souvent entraîné la ruine du possesseur. Il est vrai qu'en attribuant les fruits à celui-ci, on va infliger une perte au propriétaire; mais entre lui et le possesseur, la loi ne devait pas hésiter. Celui-ci a été victime d'une erreur presque invincible; sa situation est bien plus intéressante que celle du propriétaire, qui a fait preuve d'une négligence impardonnable en restant pendant de longues années sans réclamer son bien, et a ainsi fortifié le possesseur dans sa conviction que la chose lui appartenait.

Ce motif pourrait porter à penser que les seuls fruits dont le possesseur de bonne foi soit dispensé de rendre compte au propriétaire, sont ceux qu'il a consommés; car on ne peut pas craindre de le ruiner en l'obligeant à restituer des fruits qu'il a mis en réserve. Telle était en effet la solution du droit romain : « De fructibus CONSUMPTIS agere non potest », dit Justinien en parlant du propriétaire

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