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revendiquant (Instit. Just., liv. II, tit. I, § 35). Mais le code civil n'a pas reproduit cette restriction, que notre ancien droit avait déjà écartée. Elle donnait lieu dans la pratique à des difficultés graves : comment savoir en effet si le possesseur a ou non consommé les fruits par lui perçus? La loi présume, parce que les choses se passent ordinairement ainsi, que le possesseur consomme les fruits au fur et à mesure qu'il les perçoit, et, sur le fondement de cette présomption, elle le dispense de toute restitution.

*1274. C'est donc par la perception que le possesseur de bonne foi fait les fruits siens. Cette règle s'applique sans difficulté aux fruits naturels et aux fruits industriels; car elle n'est en ce qui les concerne que l'application du droit commun (cpr. art. 585). S'applique-t-elle aussi aux fruits civils? La négative est adoptée par un grand nombre d'auteurs, qui pensent qu'il y aurait lieu de suivre ici la règle établie en l'art. 586, d'après lequel les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour. Voilà, dit-on, le droit commun quant aux fruits civils; dans le silence de la loi, il faut l'appliquer. Le possesseur de bonne foi aurait donc droit à une part des fruits civils exactement proportionnelle à la durée de sa jouissance : ce qui lui permettrait de réclamer, dans certains cas, des fruits qu'il n'a pas encore perçus au moment de l'action en revendication.

Même en admettant, ce qui est contestable à raison de la place qu'il occupe (titre De l'usufruit), que l'art. 586 formule une règle de droit commun relativement aux fruits civils, le législateur n'a-t-il pas manifesté très clairement l'intention d'y déroger en ce qui concerne le possesseur de bonne foi? Cette intention ne résulte-t-elle pas : 1o de l'art. 138 qui, faisant une application particulière du principe contenu dans les art. 549 et 550, dit que «< ceux qui auront recueilli la succes»sion gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi»; 2o de l'art. 549, in fine, qui, opposant le possesseur de mauvaise foi au possesseur de bonne foi, dispose que le premier « est tenu de rendre les produits avec la chose au propriétaire qui » la revendique » : ce qui donne très clairement à entendre que le privilège accordé au possesseur de bonne foi consiste dans une dispense de restitution et ne s'applique par conséquent qu'à des fruits perçus; 3o enfin de ce que le motif sur lequel se fonde la disposition de l'art. 549 est inapplicable ici : comment en effet pourraiton craindre de ruiner le possesseur en le privant du droit de réclamer des fruits qu'il n'a pas encore perçus? Tel serait notre sentiment. La jurisprudence et la doctrine sont divisées sur la question.

1275. Ce sont seulement les fruits, que l'art. 549 attribue au possesseur de bonne foi. Et, comme cette disposition, qui est toute de faveur, ne doit pas, par cela même, recevoir une interprétation extensive, il faut en conclure que le possesseur de bonne foi ne serait pas dispensé de restituer au propriétaire les produits non-fruits qu'il aurait perçus, par exemple le produit de la coupe d'une haute futaie non aménagée. Cette induction est fortifiée par la partie finale de l'art. 549, qui oblige le possesseur de mauvaise foi à restituer les produits avec la chose. Il est difficile de ne pas voir dans ce texte une opposition, faite à dessein, entre les produits, que le possesseur de mauvaise foi doit restituer, et les fruits, que le possesseur de bonne foi a le droit de garder le possesseur de mauvaise foi restituera avec la chose tous les produits qu'il en a retirés ; le possesseur de bonne foi sera dispensé de restituer, non pas tous les produits qu'il a perçus, mais seulement ceux de ces produits qui ont le caractère de fruits. Telle était d'ailleurs la solution admise dans notre ancien droit, et elle est en harmonie avec les motifs sur lesquels se

fonde la faveur attribuée au possesseur de bonne foi; car, s'il est naturel de supposer qu'il a consommé les fruits par lui perçus, cette présomption n'aurait plus sa raison d'être en ce qui concerne les produits non-fruits, qu'on met ordinairement en réserve en vue des éventualités de l'avenir.

1276. Jusqu'à quelle époque le possesseur de bonne foi fait les fruits siens. L'effet ne peut survivre à la cause. Donc, à partir du moment où le possesseur cessera d'être de bonne foi, il ne gagnera plus les fruits par lui perçus. Aux termes de l'art. 550 al. 2, le possesseur cesse d'ètre de bonne foi du moment où les vices de son titre lui sont connus. Il suffirait même qu'il en connût un, s'il y en a plusieurs.

La bonne foi du possesseur doit être appréciée exclusivement par rapport à lui, et non par rapport à son auteur. Ainsi un possesseur de mauvaise foi meurt, laissant un héritier qui ignore personnellement les vices du titre et qui par conséquent est de bonne foi. Celui-ci gagnera les fruits qu'il percevra. On objecterait inutilement que, le possesseur de mauvaise foi étant comptable envers le propriétaire de tous les fruits perçus ou à percevoir, son héritier doit être tenu de la même obligation. Il faut répondre que l'obligation du possesseur de mauvaise foi ne saurait dépasser la durée de sa propre possession; par conséquent son héritier ne peut être tenu en cette qualité que de la restitution des fruits perçus durant cette possession, mais non de ceux qu'il a perçus personnellement.

Quand le propriétaire obtient gain de cause dans une action en revendication intentée contre un possesseur de bonne foi, celui-ci doit être condamné à la restitution de tous les fruits par lui perçus postérieurement à la demande. Ce n'est pas, comme on le dit souvent, parce que le possesseur doit être considéré comme étant de mauvaise foi à dater du jour où la demande du propriétaire lui a ouvert les yeux sur les vices de son titre; car il arrivera quelquefois que la confiance du possesseur dans la solidité de son titre ne sera nullement ébranlée par une action qu'il peut croire mal foudée, et que par suite sa bonne foi persistera pendant toute la durée de l'instance Le véritable motif de la solution est dans ce principe que le juge doit, quand il rend sa sentence, se reporter à l'état de choses existant au moment de la demande, et placer les parties dans la situation où elles se seraient trouvées respectivement, s'il avait pu statuer immédiatement; car les plaideurs ne doivent pas souffrir des lenteurs de la justice, qui ne leur sont pas imputables. En ce sens, Cass., 2 avril 1878, Sir., 79. 1. 261, et 4 juillet 1882, Sir., 83. 1. 105. V. cependant Cass., 11 janvier 1887, Sir., 87. 1. 225.

1277. L'acquisition des fruits n'est pas le seul avantage que procure au possesseur sa bonne foi appuyée sur un juste titre; elle lui facilite en outre l'acquisition de la propriété par la prescription. Ordinairement la prescription ne s'accomplit qu'au bout de trente années de possession (art. 2262). Elle s'accomplira en faveur du possesseur, qui a juste titre et bonne foi, au bout de dix à vingt ans s'il s'agit d'un immeuble (art. 2265), et instantanément s'il s'agit d'un objet mobilier corporel, car alors il pourra opposer à tout revendiquant la maxime En fait de meubles la possession vaut titre (art. 2279).

Il y a des différences importantes à signaler entre la bonne foi requise pour l'ac quisition des fruits et celle requise pour l'acquisition de la propriété des immeubles par la prescription de dix à vingt ans.

10 Pour la prescription de dix à vingt ans, la bonne foi du possesseur n'est exigée qu'au moment de l'acquisition (art. 2269); il importera donc peu que sa bonne foi cesse pendant le cours de la prescription. Mala fides superveniens usucapionem non impedit. Au contraire, le possesseur qui cesse d'être de bonne foi cesse de faire les fruits siens. En d'autres termes, la cessation de la bonne foi du possesseur lui fait perdre le bénéfice de l'art. 549, mais non celui de l'art. 2265. La raison de cette différence est, disent MM. Aubry et Rau, que « la prescription acquisitive repose sur la possession, c'est-à-dire sur un état de choses permanent, dont le caractère se détermine en général d'une manière invariable, d'après les circonstances qui en ont accompagné l'origine. L'acquisition des fruits repose au contraire sur une perception opérée de bonne foi. Or, chaque acte de perception constituant un fait isolé, dont le caractère est indépendant de celui des perceptions antérieures, il s'ensuit que le possesseur ne saurait, pour se dispenser de la restitution des fruits qu'il a perçus depuis la survenance de sa mauvaise foi, se prévaloir de sa bonne foi originaire ». Et toutefois le possesseur, qui a prescrit par dix à vingt ans la propriété d'un immeuble, sera dispensé de la restitution de tous les fruits, même de ceux qu'il a perçus postérieurement à la cessation de sa bonne foi; car ces fruits sont une dépendance de l'immeuble, et ne peuvent appartenir qu'à son propriétaire. C'est d'ailleurs ce que donne à entendre l'art. 549, qui parle de la restitution des fruits au propriétaire revendiquant, et suppose ainsi évidemment un propriétaire qui triomphe dans son action en revendication.

2o Aux termes de l'art. 2267 : « Le titre nul par défaut de forme, ne peut servir » de base à la prescription de dix et vingt ans ». Au contraire un semblable titre pourrait servir de base à l'acquisition des fruits; car l'art. 550 parle d'un titre dont le possesseur ignore les vices, sans distinguer s'il s'agit d'un vice de forme ou de

tout autre.

3o L'héritier d'un possesseur de mauvaise foi fait les fruits siens, s'il ignore les vices du titre en vertu duquel son auteur possédait (supra n. 1276). Au contraire l'héritier d'un possesseur de mauvaise foi, fût-il personnellement de bonne foi, ne pourra pas prescrire par dix à vingt ans; car on ne considère ici que l'origine de la possession (art. 2269), et la possession était vicieuse, on le suppose, à cette époque.

b. Possesseur de mauvaise foi.

1278. Le possesseur de mauvaise foi est celui qui possède sans titre, celui qui interrogé sur la cause de sa posssesion, répondra: possideo quia possideo, ou celui qui possède en vertu d'un titre dont il connaît les vices. La loi le place dans une situation plus défavorable que le possesseur de bonne foi soit au point de vue de la prescription, soit au point de vue de l'acquisition des fruits.

Au point de vue de la prescription. Le possesseur de mauvaise foi ne prescrira jamais que par trente ans, tandis que le possesseur de bonne foi peut prescrire par dix à vingt ans s'il s'agit d'un immeuble, et même instantanément s'il s'agit d'un objet mobilier corporel.

Au point de vue de l'acquisition des fruits. Le possesseur de mauvaise foi ne fait pas les fruits siens. Il doit, dit l'art. 549, restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique. On décide même qu'il doit restituer, non seulement les fruits qu'il a perçus, mais ausis

ceux qu'il a négligé de percevoir, fructus quos percipere poterat. En ce sens, Cass., 2 avril 1878, Sir., 79. 1. 261.

Bien entendu, le propriétaire n'a droit à la restitution des fruits percus par le possesseur de mauvaise foi que déduction faite des sommes qu'a dû dépenser celui-ci pour obtenir ces fruits (frais de labour, travaux et semences), et aussi déduction faite des charges de ces fruits qui ont été acquittées par le possesseur, telles que les contributions et les réparations d'entretien. Non sunt fructus nisi deductis impensis. Autrement, le propriétaire s'enrichirait aux dépens du possesseur.

En ce qui concerne le mode de restitution des fruits, il faut se référer à l'art. 129 du code de procédure civile.

CHAPITRE II

DU DROIT D'ACCESSION SUR CE QUI S'UNIT ET S'INCORPORE A LA CHOSE

1279. « Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au pro» priétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies » (art. 551). Suivent deux sections, dans lesquelles le législateur envisage successivement le droit d'accession quant aux immeubles et quant aux choses mobilières.

SECTION PREMIÈRE

DU DROIT D'ACCESSION RELATIVEMENT AUX CHOSES IMMOBILIÈRES.

1280. Division de la matière. En ce qui concerne les immeubles, le principe de l'accession présente trois applications principales: la première est relative aux plantations, constructions et autres ouvrages qui peuvent être faits sur le sol ou dans son intérieur (art. 552 à 555); la deuxième concerne les accroissements qui peuvent résulter pour un fonds de terre du voisinage d'un cours d'eau (art. 556 à 563); enfin la troisième a lieu relativement à certains animaux sauvages qui, en se fixant sur le fonds, en deviennent l'accessoire (art. 564). Dans le premier cas, l'accession, étant le fruit du travail de l'homme, de son industrie, est dite industrielle ou, suivant l'expression de l'art. 546, artificielle; dans les deux derniers, elle est dite naturelle, parce qu'elle est l'œuvre de la nature.

§ I. De l'accession résultant des plantations, constructions et autres ouvrages.

No 1. Principe.

1281. Aux termes de l'art. 552 al. 1 : « La propriété du sol emporte » la propriété du dessus et du dessous ». Cujus est solum, hujus est usque ad cœlum et usque ad inferos, disaient nos anciens. C'est le fil à plomb qui détermine les limites du domaine aérien et du domaine souterrain du propriétaire d'un fonds de terre.

Du principe que la propriété du sol emporte la propriété du dessous, du tréfonds, comme on disait autrefois, l'art. 552 al. 3 déduit cette conséquence que le propriétaire « peut faire au-dessous toutes les cons»tructions et fouilles qu'il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous » les produits qu'elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant » des lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de » police».

Celui auquel appartient un fonds de terre est donc propriétaire des richesses naturelles qu'il recèle, et principalement des mines. Ce principe, que la loi romaine consacrait nettement, n'a pas toujours été fermement admis dans notre droit : c'est ainsi que quelques-unes de nos vieilles coutumes déclaraient les seigneurs propriétaires de l'avoir en terre non extrayé; et il a fallu l'intervention énergique de Napoléon pour le faire maintenir dans la loi du 21 avril 1810, qui, avec la loi du 27 juillet 1880, contient la législation actuellement en vigueur sur les mines. Et toutefois le droit du propriétaire reçoit ici une grave atteinte, qui trouve sa justification dans un intérêt social de premier ordre. « Les mines ne peuvent être exploitées » qu'en vertu d'un acte de concession délibéré en conseil d'Etat », dit l'art. 5 de la loi précitée du 21 avril 1810. Le gouvernement concède la mine à qui il veut ; le propriétaire n'a aucun droit de préférence. Il subira donc une véritable expropriation, si la mine est concédée à un autre que lui. C'est une expropriation pour cause d'utilité publique; car les mines forment une partie importante de la richesse nationale, et l'intérêt public exige qu'elle ne soit pas compromise par un propriétaire qui se refuserait à toute exploitation, ou qui l'entreprendrait sans avoir les talents ou les ressources nécessaires pour la mener à bonne fin.

L'expropriation pour cause d'utilité publique appelle une indemnité. La loi de 1810 respecte ce principe; mais, dans l'application qu'elle en fait, elle déroge sur deux points aux règles du droit commun. D'abord l'indemnité sera fixée par le gouvernement dans l'acte de concession, tandis que dans les cas ordinaires ce soin est confié à un jury d'expropriation. Puis l'indemnité consistera dans une redevance, c'est-àdire dans une rente à payer par le concessionnaire de la mine au propriétaire du sol, et par conséquent elle ne sera pas préalable, comme l'exige l'art. 545.

La mine, une fois concédée soit au propriétaire, soit à tout autre, forme une propriété immobilière distincte du sol, et susceptible à ce titre d'être aliénée, hypothéquée ou saisie séparément. Quant à la redevance, elle est due plutôt au sol qu'à son propriétaire. Aussi suit-elle le sort du fonds: elle est immobilière comme lui; les hypothèques qui grèvent le sol grèvent aussi la redevance; l'aliénation du fonds entraine celle du droit à la redevance. Ce qui n'empêche pas que le propriétaire

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