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puisse céder son droit à la redevance séparément du fonds, et alors ce droit, étant détaché du fonds, perd sa nature immobilière. Cass., 27 octobre 1885, Sir., 87. 1. 252. 1282. Du principe que la propriété du sol emporte la propriété du dessus résulte cette conséquence, signalée par l'art. 552 al. 2, que : « Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations et construc» tions qu'il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre des Servi>>tudes ou Services fonciers ». Les restrictions annoncées par ce dernier membre de phrase sont assez nombreuses. Ainsi il n'est pas permis à un propriétaire de planter trop près de l'héritage voisin (art. 671); de même un propriétaire ne peut établir des vues dans un mur qu'autant qu'il est situé à une certaine distance de l'héritage voisin (art. 678 et s.); il doit disposer le toit de sa maison de manière que les eaux pluviales ne se déversent pas sur le fonds de son voisin (art. 681)...

1283. Aux termes de l'art. 553: « Toutes constructions, plantations » et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur, sont présumés faits par » le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est » prouvé; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir » acquise ou pourrait acquérir par prescription, soit d'un souterrain » sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment ». Ce texte établit une double présomption.

1o Les constructions, qui existent sur un terrain ou dans son intérieur, sont présumées avoir été faites par le propriétaire du sol et à ses frais. Présomption toute naturelle, et qui sera presque toujours conforme à la réalité des choses: is fecit cui prodest. Le cas d'une construction faite sur un terrain par un autre que le propriétaire est un cas tout à fait exceptionnel; or les exceptions ne se présument pas. Præsumptio sumitur ex eo quod plerumque fit.

2o La deuxième présomption n'est qu'une conséquence de la première. Les constructions, qui existent sur un terrain ou dans son intérieur, sont présumées appartenir au propriétaire du terrain.

Cette double présomption dispense le propriétaire du sol de prouver son droit sur les constructions ou les plantations qu'il porte.

Mais l'une et l'autre sont susceptibles d'être combattues par la preuve contraire, qui est formellement réservée par notre article.

Ainsi, tout d'abord, je puis prouver, contre la première présomption, que les constructions, qui couvrent un terrain appartenant à autrui, ont été faites par moi et à mes frais ce qui n'aura pas pour conséquence d'empêcher que les constructions appartiennent au maître du sol (voy. art. 555), mais pourra seulement, suivant les cas, m'autoriser à réclamer une indemnité au propriétaire ou à démolir les constructions (art. 555).

D'autre part, je puis prouver, contre la deuxième présomption, que les constructions ou plantations existant à la surface d'un terrain dont je ne suis pas propriétaire m'appartiennent soit en vertu d'un titre, soit par la prescription: auquel cas la propriété se trouvera démembrée, la superficie appartenant à l'un et le tréfonds à l'autre.

Notre article dit aussi que l'on peut acquérir par la prescription la propriété, « soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâti>>ment ». Relativement à la prescription d'un souterrain, il faut remarquer qu'elle ne pourrait s'accomplir qu'autant que la possession présenterait les caractères exigés par l'art. 2229, et notamment celui de la publicité. Si donc la possession a été clandestine, ce qui arrivera presque toujours quand aucun signe extérieur ne révèlera l'existence du souterrain, il n'y aura pas de prescription possible.

No 2. Développement du principe.

I. Des constructions faites par un propriétaire sur son fonds avec des matériaur appartenant à autrui.

1284. Un propriétaire a fait des constructions ou autres ouvrages, un pavé par exemple, avec les matériaux d'autrui; ou il a employé pour faire des plantations des plants appartenant à un autre. Cette ciconstance empêchera-t-elle qu'il devienne propriétaire des constructions, plantations ou autres ouvrages? La négative résulte de l'art. 554, ainsi conçu : « Le propriétaire du sol, qui a fait des construc» tions, plantations et ouvrages avec des matériaux qui ne lui apparte» naient pas, doit en payer la valeur; il peut aussi être condamné à des » dommages et intérêts, s'il y a lieu mais le propriétaire des matériau.r » n'a pas le droit de les enlever ».

Il y a de cette décision une raison de droit et une raison d'équité. En droit, les matériaux incorporés dans la construction ont perdu leur individualité : nous n'avons plus désormais des pierres, du bois, du fer, des tuiles... mais un édifice composé de ces divers éléments. Juridiquement parlant, les matériaux n'existent donc plus ce qui amène l'application de la règle Extinctæ res vindicari non possunt. En équité, convenait-il d'autoriser le propriétaire des matériaux à exiger, pour en obtenir la restitution, la démolition de constructions faites à grands frais, alors que, grâce à l'indemnité qui lui sera payée, il pourra se procurer très facilement des matériaux équivalents et même préférables à ceux qu'il retirerait de la démolition de l'ouvrage? A ces raisons on peut ajouter subsidiairement que l'intérêt public exige le maintien des constructions: ne ruinis aspectus urbis deformetur.

Mais le propriétaire des matériaux ne pourrait-il pas du moins les revendiquer si l'édifice venait à être démoli avant qu'il en eût touché la valeur? Quelques auteurs lui reconnaissent cette faculté. Le droit du propriétaire des matériaux était, dit-on, paralysé plutôt qu'éteint par leur incorporation à l'édifice; rien ne fait plus obstacle à leur revendication, une fois que l'édifice est détruit. Nous préférons la solution contraire. En refusant au propriétaire des matériaux le droit de les enlever, l'art. 554 nous dit implicitement que ces matériaux sont devenus la propriété du constructeur; il en est devenu propriétaire par accession, à raison de leur incorporation au sol, dont ils sont désormais une dépendance. Pour que le droit de propriété de leur ancien maître pût renaître, il faudrait une disposition de la loi, qui n'existe pas.

En droit romain, le constructeur qui avait employé les matériaux d'autrui, était tenu d'en restituer la valeur au double, sur l'action dite de tigno juncto. Nous n'avons plus dans notre droit actuel d'actions in duplum. Mais en fait le juge français peut, comme le juge de l'action de tigno juncto, prononcer contre le constructeur une condamnation au double. Il doit en effet, d'après notre article, condamner le constructeur à payer la valeur des matériaux, et il peut en outre le condamner à payer des dommages et intérêts, que rien ne l'empêche de tarifer à une somme égale à la valeur des matériaux. Les dommages et intérêts ne sont dus que « s'il y a lieu », c'est-à-dire s'il y a préjudice : ce qui pourrait arriver par exemple dans le cas où il s'agirait de matériaux que le propriétaire se proposait d'employer immédiatement, et dont la privation l'oblige à suspendre ses travaux. Le tout sans préjudice des condamnations pénales qui pourraient être prononcées contre le constructeur s'il avait volé les matériaux.

1285. Tout ce qui vient d'être dit des constructions doit être appliqué aux plantations faites avec des plants appartenant à autrui. Le maître du terrain, sur lequel les plantations ont été faites, en deviendra immédiatement propriétaire, sans qu'il soit nécessaire d'attendre, comme en droit romain, le moment, impossible à préciser, où les plantes auront pris racine. Le propriétaire des plants n'aura droit qu'à une indemnité qui sera réglée comme il vient d'être dit.

1286. Ce que la loi dit de l'incorporation ne devrait pas être étendu à l'immobilisation par destination. En d'autres termes, si un propriétaire place des objets mobiliers sur son fonds dans les conditions requises par la loi pour entraîner l'immobilisation par destination, l'immobilisation ne se produira pas si ces objets sont la propriété d'autrui. Ainsi je place dans une niche, pratiquée exprès pour la recevoir, une statue appartenant à un autre; elle ne deviendra pas immeuble par destination, et le propriétaire pourra la revendiquer, sauf à se voir opposer l'art. 2279 al. 1. En effet les objets dont il s'agit n'ont pas perdu leur individualité; ils ne sont pas incorporés au fonds, et peuvent en être facilement séparés.

II. Des constructions, plantations ou autres ouvrages faits sur le terrain d'autrui.

1287. Cette circonstance que des plantations, constructions ou autres ouvrages ont été faits sur un fonds par un tiers, n'empêche pas qu'ils ne deviennent la propriété de celui auquel le fonds appartient, en qualité d'accessoires de ce fonds. Superficies solo cedit. Seulement la règle d'équité, qui ne permet pas de s'enrichir aux dépens d'autrui, obligera en pareil cas le propriétaire du fonds à indemniser le constructeur ou le planteur. C'est ce qui résulte de l'art. 555, ainsi conçu: « Lorsque les plantations, constructions et » ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le proprie» taire du fonds a droit ou de les retenir, ou d'obliger ce tiers à les enle» ver. Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plan»tations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans » aucune indemnité pour lui; il peut même être condamné à des dom»mages et intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé » le propriétaire du fonds. Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des » matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins PRÉCIS DE DROIT CIVIL. 3e éd., I.

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grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir. Néanmoins, » si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers » évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu »sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression des» dits ouvrages, plantations et constructions; mais il aura le choix, ou de » rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, » ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté » de valeur ».

Notre article suppose que les constructions ont été faites par un tiers, c'est-à-dire par un autre que le propriétaire du fonds, et avec ses matériaux. Mais la solution serait évidemment la même, si les constructions avaient été faites avec des matériaux appartenant à autrui, sauf à régler, comme il a été dit ci-dessus, la situation respective du constructeur et du propriétaire des matériaux.

La rédaction de l'art. 555 est très défectueuse. Son alinéa final, à partir du mot Néanmoins, a été ajouté après coup, sur la demande du tribunat. Cette addition, qui a modifié les deux premiers alinéas de l'article, aurait dû amener sa refonte complète.

Dans les explications qui vont suivre, nous ne parlerons que des constructions. Ce que nous dirons à cet égard s'appliquera facilement mutatis mutandis aux plantations et autres ouvrages.

Pour régler la situation respective du propriétaire et du constructeur, la loi distingue si le constructeur est de mauvaise foi ou de bonne foi. 1288. PREMIÈRE HYPOTHÈSE. Le constructeur est de mauvaise foi; il a construit sur un terrain qu'il savait appartenir à autrui. Sa situation n'inspire pas beaucoup d'intérêt. Aussi la loi le traite-t-elle durement, trop durement peut-être. Elle autorise le propriétaire à choisir entre deux partis :

1° Forcer le constructeur à démolir les constructions et à rétablir les lieux dans leur ancien état. Le propriétaire, qui prend ce premier parti, ne doit aucune indemnité au constructeur. Il peut même en exiger une de lui, s'il prouve que le fait de la construction ou de la démolition lui cause quelque préjudice.

2o Garder les constructions. Dans ce cas, le constructeur a droit au remboursement de son impense, c'est-à-dire de la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de la plus-value que les constructions peuvent avoir procurée au fonds.

1289. DEUXIÈME HYPOTHÈSE. Le constructeur est de bonne foi. Pour que le constructeur soit de bonne foi hoc sensu, il ne suffit pas qu'il ait cru étre propriétaire du terrain sur lequel il construisait; il faut que son erreur soit basée sur un juste titre (argument des mots «< qui » n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa » bonne foi »). En d'autres termes, le constructeur de bonne foi est

ici celui qui a construit sur un fonds qu'il possédait avec juste titre et bonne foi. La bonne foi doit avoir existé au moment où les constructions ont été faites (arg. art. 550).

Le constructeur de bonne foi ne peut pas être contraint à démolir; il peut forcer le propriétaire à garder les constructions, et en outre exiger de lui une indemnité. Suivant notre article, cette indemnité doit être égale à la dépense faite par le constructeur ou à la plusvalue produite par les constructions, au choix du propriétaire. Le plus souvent le propriétaire demandera que l'indemnité soit réglée sur la plus-value, parce qu'elle sera inférieure à la dépense. Ainsi les constructions ont coûté 100,000 fr., mais la valeur du fonds n'en est augmentée que de 60,000 fr.; c'est seulement cette dernière somme que le propriétaire sera tenu de rembourser.

Il faut apprécier la plus-value d'après l'état actuel des choses, et non d'après celui qui existait à l'époque où les constructions ont été faites; car le propriétaire ne doit payer que la plus-value dont il profite. Il n'y aurait donc pas à tenir compte de la partie des constructions qui aurait péri par cas fortuit. D'autre part, la plusvalue doit être appréciée d'après l'augmentation de valeur vénale que les constructions donnent à l'immeuble, et sans qu'il y ait lieu de considérer le plus ou moins d'utilité qu'elles peuvent offrir pour le propriétaire.

* 1290. Supposons que le propriétaire soit dans l'impossibilité de payer l'indemnité dont nous venons de parler. En face d'un constructeur de mauvaise foi, le propriétaire se tirerait d'affaire en exigeant la démolition; mais il n'a pas ce droit à l'égard d'un constructeur de bonne foi. Pothier décidait que, dans cette hypothèse, le constructeur devrait se contenter d'une rente perpétuelle, constituée à son profit avec hypothèque sur le fonds, et correspondant au capital de l'indemnité. Quelque équitable que soit cette décision, il paraît difficile de l'admettre dans le silence de la loi. Le constructeur est, d'après notre article, créancier d'une indemnité; il peut en exiger le paiement d'après le droit commun, puisque la loi n'y déroge pas, et par conséquent saisir au besoin le fonds et le faire vendre pour se payer sur le prix.

Le constructeur de bonne foi n'aurait pas le droit, à notre avis, de retenir les constructions jusqu'au paiement de l'indemnité qui lui est due. Le droit de rétention aboutit, comme on le verra plus tard, à un véritable privilège, et il n'y a pas de privilége sans texte.

Le constructeur ne serait pas obligé de compenser l'indemnité qui lui est due avec les fruits qu'il a perçus et gagnés à raison de sa bonne foi. En effet la compensation suppose deux dettes réciproques (art. 1289 et 1290). Or on voit bien ici une dette du propriétaire envers le constructeur; mais le constructeur ne doit rien au propriétaire à raison des fruits, puisqu'il les a faits siens (art. 549).

1291. Si l'on compare la situation respective du constructeur de bonne foi et du constructeur de mauvaise foi, par rapport au propriétaire, sur le terrain duquel des constructions ont été faites, on voit d'une part que le propriétaire peut forcer le constructeur de mauvaise foi à démolir, tandis qu'il n'a jamais ce droit à l'égard du constructeur de bonne foi; et d'autre part que le propriétaire qui veut conserver les constructions doit payer au constructeur de mauvaise foi une indemnité égale à son impense, tandis qu'à l'égard d'un constructeur de bonne foi il a le choix entre le paiement de l'impense et celui de la plus-value. Or si, du premier chef, la situation du constructeur de bonne foi est

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