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incontestablement préférable à celle du constructeur de mauvaise foi, elle paraît plus désavantageuse du second, car, la plus-value étant presque toujours inférieure à l'impense, le constructeur de bonne foi recevra à titre d'indemnité moins qu'il n'a dépensé, tandis que le constructeur de mauvaise foi rentrera complètement dans ses déboursés. Le législateur a donc, sur un point, fait la part du constructeur de mauvaise foi plus belle que celle du constructeur de bonne foi, ce qui constitue une inelegantia juris. On dit, il est vrai, que le propriétaire, ayant le droit de forcer le constructeur de mauvaise foi à démolir, en usera comme d'une menace pour l'obliger à accepter une indemnité même inférieure à la plus-value. Le propriétaire dira au constructeur de mauvaise foi: Vos constructions ont coûté 30,000 fr. ; elles donnent au fonds une plus-value de 20,000 fr. seulement; je vous offre 10,000 fr. ou bien j'exige que vous démolissiez. Et la plupart du temps le constructeur acceptera les offres du propriétaire, parce que la démolition lui procurerait un avantage moindre encore. Mais il reste toujours que, si le constructeur de mauvaise foi s'obstine (et il n'y manquera pas quand il saura que le propriétaire tient à conserver les constructions), celui-ci devra rembourser le prix qu'elles ont coûté, tandis qu'il aurait à payer une somme moindre (la plus-value) à un constructeur de bonne foi.

* 1291 bis. Sur un point, l'art. 555 parait faire la même situation au possesseur de mauvaise foi et au possesseur de bonne foi. En aucun cas, sauf celui de composition amiable, la loi ne permet au propriétaire revendiquant de s'enrichir aux dépens du possesseur qu'il évince. Nous en concluons que le possesseur, même de mauvaise foi, aurait droit au remboursement de la plus-value résultant de ses travaux, si ces travaux ne sont pas susceptibles de destruction, comme il arrivera par exemple s'ils consistent en défrichements. Cpr. Cass., 11 janvier 1887, Sir., 87. 1. 225.

§ II. De l'accession résultant du voisinage d'un cours d'eau.

1292. Pascal dit quelque part : « Les fleuves sont comme la fortune, ils donnent et ils ôtent ». On va bien en avoir la preuve en étudiant les diverses hypothèses que la loi prévoit et règle dans les art. 556 à 563.

a. De l'alluvion.

1293. L'art. 556 al. 1 nous donne la définition suivante de l'alluvion ou lai: «Les attérissements et accroissements qui se forment succes» sivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluvion ».

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L'alluvion est donc l'accroissement qu'un cours d'eau (fleuve, rivière ou même simple ruisseau) procure insensiblement aux fonds riverains par le dépôt successif des matières tenues en suspension dans l'eau. L'oeil ne peut saisir l'oeuvre mystérieuse de la nature, incrementum latens ce qui n'empêche pas qu'avec le temps l'accroissement produit par l'alluvion devient parfois très considérable.

D'où viennent les matières dont l'accumulation sur un point de la rive produit l'alluvion? Nul ne le sait; a nullo vindicari possunt, quia unde veniant nescitur. D'un autre côté, l'alluvion fait corps avec le ter

rain dont elle est venue augmenter l'étendue : la jonction est si intime qu'il est quelquefois difficile de dire où l'alluvion commence. Aussi la loi, ratifiant l'œuvre de la nature, attribue-t-elle l'alluvion au riverain qu'elle a favorisé. « L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit » qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non; à » la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de » halage, conformément aux règlements » (art. 556 al. 2).

Le chemin de halage et le marchepied ou contre-halage sont des voies établies sur les rives des cours d'eau navigables, et qui servent pour le halage des bateaux. Notre article a tort de les confondre; car le chemin de halage est établi sur l'une des rives, et le marchepied sur l'autre. Le terrain, affecté au chemin de halage et au marchepied (la largeur en est législativement fixée), appartient aux riverains; il est seulement grevé d'une servitude établie dans l'intérêt de la navigation. La servitude de halage est un peu plus onéreuse que celle de marchepied; car elle entraîne l'interdiction de planter à une plus grande distance. Quand l'alluvion se produit sur la rive d'un fleuve navigable, la limite du chemin de halage ou du marchepied, dont la largeur doit toujours rester la même, se déplace, et une portion ou même quelquefois la totalité du terrain qui se trouvait primitivement grevée de la servitude en est désormais affranchie.

L'alluvion ne profite qu'au propriétaire riverain. Si donc un fonds est séparé d'un cours d'eau par un chemin public contigu à ce cours d'eau, l'alluvion profitera non à celui auquel appartient ce fonds, mais au propriétaire du chemin, c'est-à-dire à l'Etat, au département ou à la commune, suivant les cas.

Comment se partage l'alluvion, quand elle s'est formée sur la même rive, en face de plusieurs propriétés riveraines contiguës? Le partage doit s'effectuer pro modo lalitudinis cujusque fundi, quæ latitudo prope ripam sit (Instit. Just., § 22, De rerum divisone, II. I), c'est-à-dire que l'on considère uniquement, pour le partage de l'alluvion, l'étendue de chaque fonds en longueur sur la rive, quæ latitudo prope ripam sit, sans aucun égard à sa profondeur. Chaque propriétaire a droit à toute la portion de l'alluvion qui fait face à son fonds.

L'alluvion devient une dépendance du fonds au profit duquel elle s'est produite. Eodem jure, eadem causa et qualitate acquiritur et possidetur sicut ager cui adjectum est incrementum. L'augmentation produite par l'alluvion serait donc soumise au droit d'usufruit qui existerait sur le fonds (art. 596); elle serait soumise aussi aux droits de privilége ou d'hypothèque dont le fonds serait grevé (art. 2133). Par où l'on voit que l'alluvion profite à la propriété, plutôt qu'au propriétaire riverain comme le dit l'art 556.

b. Des relais.

1294. Le mot relai vient du latin relictum. Il s'agit du cas où un cours d'eau se déplace graduellement, abandonnant insensiblement l'une de ses rives, qu'il laisse à découvert, pour se porter sur l'autre, qu'il envahit. Bien que cette hypothèse diffère sensiblement de celle de l'alluvion, la loi lui applique la même règle, et elle a été ainsi entraînée

à la désigner sous le même nom dans la partie finale de l'art. 557 al. 1, ainsi conçue : « Il en est de même des relais que forme l'eau courante qui » se retire insensiblement de l'une de ses rives en se portant sur l'autre : » le propriétaire de la rive découverte profite de l'alluvion, sans que le » riverain du côté opposé y puisse venir réclamer le terrain qu'il a perdu ». Il y aura donc un riverain qui perdra une partie de son terrain, et l'autre qui verra sa propriété s'accroître.

Autre serait le cas où un cours d'eau abandonnerait brusquement l'une de ses rives pour se porter sur l'autre ; on appliquerait alors l'art. 563 relatif au changement de lit.

Les lais et relais de mer ne profitent pas aux propriétaires riverains. « Ce droit n'a pas lieu à l'égard des relais de la mer », dit l'art. 557 al. 2, Ils appartiennent à l'Etat. La raison en est que le propriétaire riverain est ici l'Etat, auquel appartient le rivage de la mer; c'est donc à lui que doit profiter le lai ou le relai. Les propriétaires voisins n'y peuvent prétendre; ils sont riverains du rivage de la mer, mais non de la mer elle-même.

« L'alluvion n'a pas lieu à l'égard des lacs et étangs, dont le pro» priétaire conserve toujours le terrain que l'eau couvre quand elle est » à la hauteur de la décharge de l'étang, encore que le volume de l'eau » vienne à diminuer. Réciproquement le propriétaire de l'étang » n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines que son eau vient à » couvrir dans des crues extraordinaires » (art. 558).

Les lacs sont l'œuvre de la nature; au contraire, c'est a main l'homme qui fait les étangs. D'ailleurs l'eau des étangs, comme celle des lacs, est stagnante, et c'est pourquoi elle ne peut pas donner naissance à des alluvions.

c. De l'éluvion ou avulsion.

1295. Avulsion vient de avellere, avulsum, arracher. Il s'agit du cas où une portion de terrain reconnaissable est arrachée par la violence des eaux, vis repentina fluminis, et transportée vers un champ inférieur ou sur la rive opposée. Ce cas diffère notablement de l'alluvion, qu est formée elle aussi de matières enlevées par l'eau courante à des fonds supérieurs, mais sans qu'il soit possible de dire lesquels : unde veniant nescitur. Ici au contraire le propriétaire spolié peut reconnaitre son bien. Cette hypothèse est régie par l'art. 559, ainsi conçu : » Si un fleuve ou une rivière, navigable ou non, enlève par une force » subite une partie considérable et reconnaissable d'un champ riverain, » et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée, le proprié» taire de la partie enlevée peut réclamer sa propriété; mais il est tenu » de former sa demande dans l'année après ce délai, il n'y sera plus

» recevable, à moins que le proprietaire du champ auquel la partie enle» vée a été unie n'eût pas encore pris possession de celle-ci ».

Par ces mots << une partie de terrain considérable », la loi nous paraît désigner une portion de terrain digne d'être prise en considération. Le mot considérable est quelquefois employé dans ce sens (voyez le dictionnaire de l'Académie). S'il désignait un terrain d'une grande étendue, il ferait double emploi avec le mot reconnaissable qui vient immédiatement après.

Il résulte de notre article que le propriétaire du terrain arraché en conserve la propriété ; d'où la conséquence qu'il peut le réclamer.

Il y a quelque difficulté sur le sens du mot réclamer. La loi veut-elle dire que le propriétaire du terrain arraché a le droit de le conserver là où il se trouve, ou qu'il a seulement le droit de l'enlever? Avant de rechercher la solution dont cette question est susceptible, remarquons que deux hypothèses bien distinctes peuvent se présenter celle de la juxtaposition et celle de la superposition. Il y a juxtaposition, lorsque le terrain arraché, sans sortir du lit du cours d'eau, vient simplement adhérer à un autre fonds riverain le long duquel il se fixe. Il y a au contraire superposition, lorsque le terrain arraché sort du lit du cours d'eau, entre dans un fonds, riverain ou non, et s'y fixe en un point quelconque. Notre article paraît bien avoir prévu l'une et l'autre hypothèse; car, si les mots « vers un champ inférieur » semblent se rapporter à la juxtaposition, les mots « sur la rive opposée » paraîtraient plutôt faire allusion à une superposition.

Cela posé, au cas de superposition, il paraît incontestable que le propriétaire du terrain arraché n'a que le droit de l'enlever; car s'il pouvait en jouir en le laissant là où il est, non seulement il priverait le propriétaire du terrain recouvert de la jouissance de ce terrain, mais encore il faudrait lui reconnaître le droit de pénétrer chez ce propriétaire qui ne serait plus maître chez lui. Le mot réclamer de l'art. 559 signifie donc pour ce cas, que le propriétaire n'a que le droit d'enlever son terrain. Comment dès lors aurait-il un autre sens pour le cas de la juxtaposition? En d'autres termes, la loi, statuant dans une même disposition sur l'hypothèse de superposition et sur celle de juxtaposition, dit que le propriétaire du terrain arraché peut le réclamer. Or, si réclamer signifie enlever au cas de superposition, comment signifierait-il autre chose pour le cas de juxtaposition? Tel est d'ailleurs le sens naturel du mot réclamer, qui serait assez mal choisi pour désigner le droit du propriétaire de conserver son terrain là où il est. Ajoutons que si, au cas de juxtaposition, le propriétaire du terrain arraché pouvait le conserver là où il s'est fixé, le propriétaire riverain perdrait en cet endroit le bénéfice du voisinage du cours d'eau. La doctrine est divisée sur cette question.

1296. Le propriétaire du terrain arraché n'est pas obligé de le reprendre; souvent il y renoncera à cause des frais qu'entraînerait cette opération. Sa renonciation peut être expresse ou tacite. La loi voit une renonciation tacite dans le silence qu'il garde pendant un an. Après ce délai, il ne pourra donc plus réclamer son terrain, qui sera définitivement acquis au propriétaire du champ auquel la partie enlevée a été unie, pourvu toutefois que celui-ci en ait pris possession; car l'acquisition de la propriété suppose la volonté d'acquérir, et aux yeux de la loi cette volonté n'est manifestée que par la prise de possession. Jusque-là, et même après l'expiration du délai d'un an, le propriétaire du terrain arraché peut le réclamer sa renonciation.

tacite ne lui est pas opposable, tant que celui au profit duquel elle s'est produite n'a pas manifesté la volonté d'en profiter.

1297. Qu'il réclame ou non son terrain, le propriétaire ne peut pas être condamné à des dommages et intérêts pour le préjudice que l'avulsion a pu causer aux propriétaires voisins, soit à celui vers ou sur le fonds duquel le terrain arraché est venu se fixer, soit aux autres. L'avulsion est le résultat d'un cas fortuit, dont personne ne répond. Nemo præstat casus fortuitos. Mais le propriétaire du terrain arraché serait responsable, conformément au droit commun, du préjudice qu'il causerait par sa faute en reprenant son terrain.

d. Des iles et ilots.

soit par l'effet

1298. Une ile peut se former dans un cours d'eau, d'un abaissement permanent du niveau de l'eau, qui met à nu une partie du lit, soit par suite de l'accumulation sur un même point de matières charriées par l'eau courante, qui arrive à former un exhaussement dépassant le niveau de l'eau. Dans ce dernier cas, le terrain qui émerge à la surface, porte plus particulièrement le nom d'attéris

sement.

« Les îles, ilots, attérissements, qui se forment dans le lit des fleuves » ou des rivières navigables ou flottables, appartiennent à l'Etat, s'il n'y » a titre ou prescription contraire » (art. 560).

« Les îles et atterissements qui se forment dans les rivières non naviga»bles et non flottables appartiennent aux propriétaires riverains du côté » où l'ile s'est formée: si l'ile n'est pas formée d'un seul côté, elle appar»tient aux propriétaires riverains des deux côtés, à partir de la ligne qu'on suppose tracée au milieu de la rivière (art. 561).

Pothier dit que les îles doivent appartenir à celui qui est propriétaire de la rivière où elles se sont formées. Notre législateur paraît être parti de ce principe. Il attribue à l'Etat les iles qui se forment dans les cours d'eau dépendant du domaine public (fleuves et rivières navigables ou flottables), parce que ces cours d'eau appartiennent à l'Etat. Il attribue aux propriétaires riverains, les îles, qui se forment dans les cours d'eau ne dépendant pas du domaine public, sans doute parce qu'il considère ces cours d'eau comme appartenant aux propriétaires riverains. L'art. 561 fournit ainsi un argument très puissant à ceux qui soutiennent que le lit des petites rivières appartient aux riverains. Mais cette question est très controversée.

L'ile, qui se forme dans un cours d'eau navigable ou flottable, fait partie du domaine privé de l'Etat. A ce titre elle est aliénable et prescriptible, ainsi que le reconnaît d'ailleurs formellement l'art. 560.

L'art. 561 indique quels sont les riverains qui ont droit à l'ile formée dans un cours d'eau non navigable ni flottable. Il faut tracer par la pensée une ligne au milieu de la rivière. Si l'ile n'est pas traversée par cette ligne, elle appartient tout entière aux proprietaires riverains du côté où elle se trouve. Dans le cas contraire, les propriétaires de chaque rive ont droit à la portion de l'île qui se trouve de leur côté.

Ce premier partage opéré entre chaque rive, il peut y avoir lieu à un autre par

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