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d'en recueillir les fruits, jus fruendi, en d'autres termes, l'usus et le fructus; d'où les dénominations d'usufruit, usufruitier. Il ne reste donc au propriétaire que le jus abutendi ususfructus est jus utendi et fruendi SED NON ABUTENDI. Et c'est pourquoi on l'appelle nu propriétaire, parce qu'il ne conserve qu'une nue propriété, c'est-à-dire une propriété dépouillée pour le moment de ses principaux avantages et par conséquent stérile.

En nous disant que l'usufruit est le droit de jouir, la loi nous dit implicitement qu'il est un droit viager; car la mort est le terme de toutes. les jouissances. On a donc reproché à tort au législateur de n'avoir pas indiqué dans sa définition ce caractère essentiel de l'usufruit.

Le texte ajoute : des choses dont UN AUTRE a la propriété. Donc le droit de jouissance, qui appartient au propriétaire sur sa propre chose, ne constitue pas un usufruit. La raison en est que l'usufruit est une servitude et que nul ne peut avoir de servitude sur sa propre chose. Le droit de jouir est pour le propriétaire un attribut de son droit de propriété, et non une servitude. Nemini res sua servit jure servitutis, sed prodest jure dominii.

On donne quelquefois, sur l'autorité du droit romain, le nom d'usufruit au droit de jouissance qui appartient au propriétaire sur sa propre chose; et, pour distinguer cet usufruit improprement dit du véritable usufruit, de celui qui existe au profit d'un autre que le propriétaire, on appelle le premier, usufruit causal, et le second, usufruit formel. L'usufruit du propriétaire est dit CAUSAL, causalis, parce qu'il a pour cause la propriété, quia competit ex CAUSA proprietatis; quia causæ suæ, id est dominio junctus est. Au contraire l'usufruit qui appartient à un autre qu'au propriétaire est qualifié de FORMEL quia per se consistit; quia propriam FORMAM habet. Il faut débarrasser la science du droit de ce bagage inutile. Le droit de jouissance du propriétaire n'est pas un usufruit.

Les mots comme le propriétaire lui-même nous indiquent qu'en principe, et sauf la restriction contenue dans la partie finale de notre texte, le droit de jouissance de l'usufruitier est aussi étendu que celui du propriétaire. L'usufruitier peut donc, comme le propriétaire, ou jouir par lui-même, ou jouir par l'intermédiaire d'un tiers auquel il donnera la chose à bail. Il peut même céder son droit de jouissance (art. 595).

On répète partout que la loi s'exprime en termes beaucoup trop généraux, quand elle dit que l'usufruitier jouit comme le propriétaire lui-même, parce que d'une part le propriétaire a droit à tous les produits de la chose, tandis que l'usufruitier n'a droit qu'à ceux de ces produits qui ont le caractère de fruits, et parce que d'autre part le propriétaire jouit comme il l'entend, il peut même, si cela lui plaît, jouir d'une manière abusive, tandis que l'usufruitier doit jouir en bon père de famille (art. 601). Cette critique ne nous semble pas fondée. Le droit pour le propriétaire de percevoir les produits non-fruits et celui de jouir d'une manière abusive sont une conséquence de son droit de disposer, plutôt que de son droit de jouir; ils touchent à l'abusus bien plus qu'au fructus et à l'usus, et, en accordant seulement à l'usufruitier le droit de jouir (ce qui exclut le droit de disposer), la loi donne assez clairement à entendre que l'usufruitier ne peut, ni recueillir les produits non-fruits, ni jouir d'une manière abusive.

Enfin notre article se termine par ces mots : à la charge d'en conserver la substance. Que ce membre de phrase soit ou non la traduction fidèle des mots salva rerum substantia, qui terminent la définition donnée par les Institutes de Justinien, ils expriment une idée exacte, à savoir que l'usufruitier ne doit pas dénaturer la chose sur laquelle porte son droit. Ainsi l'usufruitier ne pourra pas transformer une vigne en un pré, ou une terre labourable en un étang; ce serait altérer la substance de la chose. On voit que le législateur entend ici par substance l'ensemble des qualités constitutives de la chose, c'est-à-dire les qualités en l'absence desquelles la chose ne mériterait plus de porter le nom sous lequel on la désigne. Perditur substantia, dit Bartole, quum res perdit nomen appellativum et transit in aliud nomem appellativum.

Toutefois le principe que l'usufruitier ne peut pas altérer la substance de la chose, doit être combiné avec cet autre principe qu'il a le droit de jouir. De là il suit que l'usufruitier pourra faire subir à la substance de la chose les modifications nécessaires à l'exercice de son droit de jouissance. Ainsi l'usufruitier d'une vigne pourra la transformer en terre labourable à partir du jour où, devenue trop vieille, elle ne rapportera plus de quoi récompenser des frais de culture qu'elle occasionne c'est alors un acte de bonne administration de l'arracher, et tout propriétaire soucieux de ses intérêts en agirait ainsi.

1308. L'usufruitier étant tenu de conserver la substance de la chose, pour la restituer au propriétaire lors de la cessation de l'usufruit, il semble que, par définition même, l'usufruit soit inapplicable aux choses consomptibles, quæ ipso usu consumuntur vel minuuntur, telles que l'argent, les denrées alimentaires. En effet il est impossible dejouir de ces choses en conservant leur substance, puisqu'on ne peut en jouir sans les consommer. Cependant des raisons d'utilité pratique ont fait admettre chez nous, comme en droit romain, la possibilité d'établir sur les choses de consommation, sinon un véritable droit d'usufruit, du moins quelque chose d'analogue, quasi ususfructus; d'où les commentateurs ont fait le mot quasi-usufruit. Le quasi-usufruitier aura la faculté de consommer les choses sur lesquelles porte son droit, puisqu'on ne peut pas en jouir autrement, et il devra rendre à la cessation. de l'usufruit, non pas les choses mèmes qu'il a reçues, puisqu'elles n'existeront plus, ayant été consommées, mais leur équivalent, c'està-dire leur estimation ou des choses semblables (art. 587). Ici tantumdem est idem.

1307. L'usufruit est un droit réel, jus in re. L'art. 543 le dit à peu près explicitement, et l'art. 578 le donne à entendre en nous disant que l'usufruit« est le droit de jouir d'une chose », mettant ainsi l'usufruitier en rapport direct et immédiat avec la chose, ce qui est le caractère distinctif du droit réel. Le législateur s'exprime tout autrement, uand il définit le contrat de louage, qui ne confère au locataire, ou

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mieux au preneur qu'un droit personnel de jouissance. « Le louage » des choses, dit l'art. 1709, est un contrat par lequel l'une des par» ties s'OBLIGE à faire jouir l'autre d'une chose... ». Ainsi l'usufruitier a le droit de jouir; le preneur a le droit d'exiger que le bailleur le fasse jouir. Il y a donc, entre le bailleur et le preneur, relativement au droit de jouissance, un lien d'obligation, qui n'existe pas entre le nu propriétaire et l'usufruitier. Le nu propriétaire n'est tenu que d'un rôle passif à l'égard de l'usufruitier il ne doit pas entraver son droit de jouissance; mais il n'est pas obligé de le faire jouir; ainsi il ne sera pas tenu de faire les réparations nécessaires pour que l'usufruitier puisse employer la chose à l'usage auquel elle est destinée (art. 600). Tenetur in non faciendo non in faciendo. Au contraire le bailleur est obligé de faire jouir le preneur, c'est-à-dire de lui procurer la jouissance de la chose, par exemple de faire les réparations nécessaires pour rendre la maison louée habitable (art. 1720). En un mot l'usufruitier a un droit réel de jouissance, le preneur un droit personnel.

On dit cependant quelquefois que l'usufruit est un droit personnel; mais cette locution a ici un sens tout à fait spécial. Elle ne signifie pas que l'usufruit soit un droit d'obligation; elle ne signifie pas non plus que le droit d'usufruit soit exclusivement attaché à la personne de l'usufruitier (l'art. 595 lui permet en effet de se substituer quelqu'un quant à la jouissance de la chose); elle exprime purement et simplement cette idée que le droit d'usufruit réside sur la tète de l'usufruitier, et meurt avec lui. En d'autres termes, le droit d'usufruit ne passe pas aux héritiers de l'usufruitier; il n'est pas héréditairement transmissible.

C'est là un caractère essentiel du droit d'usufruit. Dans des vues d'intérêt général, ne in universum inutiles essent proprietates, semper abscedente usufructu, le législateur a voulu que l'usufruit ne pût pas être perpétuellement séparé de la propriété, qui deviendrait alors un titre illusoire; et c'est pour cela qu'il a fait de l'usufruit un droit viager. Il faudrait donc déclarer nulle toute clause de l'acte constitutif de l'usufruit, qui aurait pour but de rendre l'usufruit transmissible aux héritiers de l'usufruitier (arg. art. 6).

Mais rien ne fait obstacle à ce que le droit d'usufruit soit établi sur plusieurs têtes soit conjointement, soit successivement. Ainsi un testateur peut dire : Je lègue l'usufruit de mon domaine de N. à Primus, puis à sa mort à Secundus, à la mort de celui-ci à Tertius... C'est le cas d'un usufruit successif. Une disposition de ce genre ne viole pas la règle que l'usufruit n'est pas transmissible aux héritiers de l'usufruitier; car chaque légataire, appelé successivement à l'usufruit, tient son droit du constituant, et non du précédent usufruitier. Et de là résultent deux conséquences: 1o Si l'usufruit, établi sur plusieurs têtes successivement, a été constitué par donation entre vifs, chaque bénéficiaire devra exister, par conséquent être au moins conçu, à l'époque de la donation (arg. art. 906), et la donation devra être l'objet d'une acceptation distincte faite par ou pour chacun (arg. art. 932).

29 Si l'usufruit a été constitué par testament, chaque bénéficiaire devra être au moins conçu lors du décès du disposant (arg. art. 906).

Par ou l'on voit qu'en aucun cas des dispositions de ce genre ne pourront arriver à constituer un usufruit dépassant la durée d'une vie d'homme. En effet, quel que soit le nombre des bénéficiaires successifs, l'usufruit ne durera pas plus longtemps que s'il avait été constitué exclusivement au profit de celui qui survivra à tous les

autres.

1308. L'usufruit constitue un droit tout à fait distinct de la nue propriété. Ce sont deux droits rivaux, mais de nature différente, sur une même chose. De là résultent deux conséquences :

1o Il n'y a pas communauté entre le nu propriétaire et l'usufruitier d'un même bien; car la communauté suppose deux droits de même nature sur une même chose. Il n'y a lieu par suite à aucun partage entre le nu propriétaire et l'usufruitier. Dijon, 24 décembre 1883, Sir., 84. 2. 28.

*Il y aurait au contraire communauté entre plusieurs personnes, qui seraient co-usufruitières du même bien soit pour des parts égales, soit pour des parts différentes. Chacun des usufruitiers pourrait alors demander contre les autres un partage de jouissance, et, si un partage en nature était impossible, la licitation, mais toujours quant à la jouissance seulement. Il en serait ainsi, même dans le cas où la jouissance d'un bien se trouverait indivise entre l'usufruitier d'une partie de ce bien et le propriétaire du surplus. Tel serait le cas d'une veuve usufruitière, en vertu du testament de son mari, de la moitié des biens de celui-ci, l'autre moitié appartenant en pleine propriété aux héritiers du mari; il y aurait lieu à un partage de jouissance entre la veuve, qui a droit à la jouissance d'une moitié, et les héritiers du mari, auxquels appartient, en qualité de propriétaires, la jouissance de l'autre moitié. Il importe peu que l'un de ces droits de jouissance, celui de la veuve, soit un usufruit, et que l'autre, celui des propriétaires, n'ait pas ce caractère (supra n. 1305). Cela n'empêche pas que le droit de jouir de la même chose, droit qui pour le propriétaire se distingue nettement du droit de disposer, appartient en commun à plusieurs personnes différentes: ce qui doit nécessairement donner lieu à un partage ou à une licitation. En ce sens, Cass., 25 août 1879, Sir., 80. 1. 181.

*En sens inverse, si l'usufruit d'un même bien ou d'un même patrimoine appartient à un seul et la nue propriété à plusieurs, il ne peut y avoir lieu qu'au partage ou à la licitation de la nue propriété, l'indivision n'existant pas entre les divers ayant droit quant à la jouissance. Voyez en ce sens : Caen, 20 août 1880, Sir., 81. 2. 118; Orléans, 8 décembre 1881, Sir., 83. 2. 113.

2o L'usufruit d'un bien est susceptible soit d'être cédé (art. 595), soit d'être saisi par les créanciers de l'usufruitier (art. 2204), soit même d'être hypothéqué, quand il porte sur un immeuble (art. 2118), séparément de la nue propriété. Il en est autrement des servitudes réelles, qui sont des qualités des fonds, qualitates prædiorum, et qui à ce titre ne peuvent en être séparées.

1309. Comment l'usufruit peut être établi. « L'usufruit est » établi par la loi ou par la volonté de l'homme », dit l'art. 579.

= Par la loi. Les orateurs du gouvernement et du tribunat ont cité comme exemple d'usufruit légal l'usufruit paternel, ou droit de jouissance légale, de l'art. 384.

Que ce droit soit établi par la loi, c'est incontestable; qu'il constitue un véritable usufruit, c'est plus douteux, bien que la loi lui donne ce nom dans l'art. 601. Nous avons constaté en effet d'importantes différences entre l'usufruit paternel et un usufruit ordinaire: notamment il n'est pas susceptible d'être cédé ni hypothéqué (supra n. 980). Le seul cas d'usufruit légal, à proprement parler, que contienne le code civil est celui de l'art. 754. Voyez ce texte. En dehors du code civil, on en trouvePRÉCIS DE DROIT CIVIL. 30

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- 3e éd., I.

rait un certain nombre. Citons notamment celui que l'art. 1 al. 2 de la loi du 14 juillet 1866 établit au profit du conjoint survivant d'un auteur, compositeur ou artiste.

* Quant au droit de jouissance, qui appartient au mari sur les biens de sa femme, sous le régime de la communauté et sous la plupart des autres régimes matrimoniaux, on verra plus loin que ce n'est pas un véritable usufruit comme le droit de jouissance légale de l'art. 384, il ne peut être cédé ni hypothéqué. En tout cas, ce ne serait pas un usufruit legal; car il résulte, non de la loi, mais de la volonté des époux, volonté qu'ils ont exprimée dans leur contrat de mariage, s'ils en ont fait un, et que la loi considère comme sous-entendue pour le cas où, n'ayant pas fait de contrat, ils se trouvent soumis au régime de la communauté légale.

Par la volonté de l'homme. C'est-à-dire du propriétaire. Cette volonté peut être manifestée par convention ou par testament.

a. Par convention: soit à titre onéreux, quand le constituant stipule quelque chose comme contre-valeur de ce qu'il donne, par exemple si l'usufruit est établi par vente ou par échange; soit à titre gratuit, lorsqu'il agit dans des vues désintéressées, c'est-à-dire lorsqu'il établit l'usufruit par donation entre vifs. Les contrats de mariage contiennent fréquemment des dispositions de cette dernière espèce, faites par l'un des époux au profit de l'autre.

b. Par testament, comme si un testateur lègue l'usufruit de tel immeuble à Primus et la nue propriété à Secundus. Avec le contrat de mariage, le testament est le mode de constitution le plus usuel de l'usufruit.

1310. On admet généralement que l'usufruit peut s'établir aussi par la prescription.

Ainsi je constitue à votre profit un droit d'usufruit sur un bien qui ne m'appartient pas et que vous croyez m'appartenir la constitution d'usufruit est nulle comme faite a non domino; vous exercez néanmoins le droit d'usufruit, sans opposition du propriétaire, pendant le temps fixé par l'art. 2265. Vous aurez acquis le droit d'usufruit par la prescription. On ne voit pas en effet, pourquoi l'exercice prolongé d'un droit d'usufruit ne pourrait pas fonder une prescription, tout aussi bien que l'exercice prolongé d'un droit de propriété. D'ailleurs le code civil n'ayant pas réglementé d'une manière spéciale l'acquisition du droit d'usufruit par la prescription, il y aurait lieu de se référer sur ce point aux règles du droit commun, contenues dans les art. 2262, 2265 et 2279.

On a fait contre cette solution plusieurs objections.

La première est tirée du silence que garde relativement à la prescription l'art. 579 qui énumère les modes de constitution de l'usufruit. Nous répondons Le mot prescription n'est pas écrit, il est vrai, dans l'art. 579, mais l'idée qu'exprime ce mot s'y trouve en réalité contenue, car la prescription est un mode d'acquisition fondé sur la loi et sur la volonté (présumée) de l'homme tout à la fois. On s'explique d'ailleurs à merveille que le législateur se soit borné à sous-entendre ici ce mode d'acquisition, du moment qu'il le laissait soumis pour le tout aux règles du droit commun; il a dû au contraire en faire une mention particulière en ce qui concerne les servitudes réelles (art. 690 et s.), parce qu'il le soumettait alors à des règles toutes spéciales.

La deuxième objection est tirée de l'art. 2236, ainsi conçu : « Ceux qui possè»dent pour autrui, ne prescrivent jamais... Ainsi le fermier... l'usufruilier et tous

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