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traire transmettre ni recevoir des biens situés en France, soit par tes. tament, soit par succession ab intestat (1), parce que ces actes étaient considérés comme appartenant au droit civil stricto sensu (2). Que devenaient les biens que l'étranger se trouvait ainsi empèché de transmettre ou de recevoir ? Le roi s'en emparait en vertu d'un droit connu sous le nom de droit d'aubaine.

145. Il convient d'insister quelque peu sur la double incapacité de transmettre et de recevoir dont les étrangers étaient ainsi frappés et sur le droit d'aubaine qui en était la conséquence.

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a. — Incapacité de transmettre. L'étranger était incapable de transmettre, soit par testament, soit par succession ab intestat, les biens qui lui appartenaient en France. Les biens laissés en France par un étranger décédé ne pouvaient donc passer à ceux au profit desquels il en avait disposé par son testament, ni à ses héritiers légitimes (ses parents les plus proches). Le roi s'en emparait comme nous venons de le dire. Cette règle souffrait cependant exception lorsque l'étranger laissait un ou plusieurs enfants légitimes et régnicoles. On nomme régnicole, dit Favard de Langlade, celui qui est né sujet du roi et qui est censé avoir son domicile dans le royaume ». Les enfants de l'étranger avaient alors la préférence sur le roi, soit qu'ils fussent appelés à la succession de leur père par le testament de celui-ci, soit qu'ils y fussent appelés en vertu des seules dispositions de la loi. Et si l'étranger laissait plusieurs enfants légitimes dont les uns étaient régnicoles et les autres non régnicoles, ceuxci étaient admis, sous la seule condition qu'ils résidassent en France, à succéder concurremment avec les enfants régnicoles. Le roi n'avait pas d'intérêt à les exclure, puisqu'il se trouvait lui-même exclu par les enfants régnicoles. Pour le même motif, le testament fait par l'étranger laissant des enfants régnicoles au profit d'autres que ces enfants, recevait son exécution, pourvu, bien entendu, que le légataire fût capable.

En résumé le roi recueillait, à l'exclusion de tous autres, les biens laissés en France par l'étranger décédé testat ou intestat sans enfants légitimes et régnicoles. Pourquoi ce droit, qui était une sorte de confiscation, s'appelait-il droit d'aubaine? Parce qu'il s'exerçait contre les étrangers ou aubains. Aubain vient de alibi natus. D'après quelques-uns il viendrait d'Albanus, habitant d'Albion. Quoi qu'il en soit de l'étymologie, ce qui est certain c'est que le mot aubain désignait les étrangers dont on connaissait la patrie. On appelait épaves ceux dont la patrie était ignorée.

b. Incapacité de recevoir. L'étranger ne pouvait pas recevoir des biens situés en France, soit par testament, soit par succession ab intestat.

Par testament. Le testament, fait au profit de l'étranger relativement à des biens situés en France, était nul; les biens qui lui avaient été légués revenaient par voie de succession ab intestat aux héritiers légitimes du défunt, s'ils étaient capables, et à défaut au roi.

Par succession ab intestat. Quand une personne venait à mourir sans testament, laissant des biens situés en France, si son héritier le plus proche était un étranger, celui-ci ne pouvait pas les recueillir. Ils passaient à son défaut aux héritiers français s'il y en avait, et, dans le cas contraire, le roi s'en emparait. Ce droit du roi était encore désigné, mais improprement, sous le nom de droit d'aubaine.

(1) La succession AB INTESTAT est celle qui est laissée AB INTESTATO, c'est-à-dire par un homme mort sans testament.

(2) D'une manière générale, notre ancien droit considérait comme appartenant au droit naturel tous les actes entre vifs, même la donation. Les actes de transmission à cause de mort, MORTIS CAUSA (succession et testament) étaient au contraire considérés comme appartenant au JUS CIVILE OU droit civil STRICTO

SENSU.

146. Dès avant 1789 le droit d'aubaine avait été aboli par des conventions diplomatiques passées entre la France et un grand nombre d'états étrangers. Toutefois cette abolition n'avait été réalisée que sous la réserve au profit du roi d'une certaine fraction, égale généralement à un dixième, de ce qui aurait dû lui revenir à titre de droit d'aubaine, et connue sous le nom de droit de detraction.

No 2. Condition des étrangers dans notre droit intermédiaire. 147. Nos jurisconsultes et nos philosophes avaient flétri le droit d'aubaine. Bouteiller l'appelle un droit haineux, Montesquieu, un droit sauvage. Le législateur de cette époque, qui rêvait la fraternité universelle, ne pouvait laisser subsister le droit d'aubaine. Il fut aboli effectivement, ainsi que le droit de détraction qui en était un vestige, par la loi du 18 août 1790. Cette œuvre fut complétée par la loi du 15 avril 1791, dont l'art. 3 décida que les étrangers seraient capables de succéder ab intestat, de disposer et de recevoir à quelque titre et par quelque mode que ce soit. On espérait donner ainsi aux autres peuples un grand exemple, et les déterminer à prendre envers nous des mesures analogues. Mais cet appel ne fut pas entendu. Les états étrangers acceptèrent la faveur qu'on leur offrait et ne donnèrent rien

en retour.

No 3. Condition des étrangers en France dans notre droit nouveau. 148. Le code civil établit une distinction, inconnue jusqu'alors, entre les étrangers qui ont été admis à fixer leur domicile en France et ceux qui n'ont pas obtenu cette faveur. La première hypothèse est régie par l'art. 13, la deuxième par les art. 11, 14, 15 et 16.

A. Des étrangers admis à fixer leur domicile en France.

149. Aux termes de l'art. 13: « L'étranger qui aura été admis par » l'autorisation du Roi à établir son domicile en France, y jouira de » tous les droits civils, tant qu'il continuera d'y résider ».

L'étranger domicilié en France en vertu d'une autorisation du chef de l'Etat est donc l'objet d'une faveur importante: il jouit « de tous les droits civils » tant qu'il continue de résider en France. De tous les droits civils sans exception, même du droit d'adopter et d'être adopté. Il cesse aussi d'être soumis aux mesures de défiance, privilegia odiosa, qu'entraîne l'extranéité, telles que l'obligation de fournir la caution dont parle l'art. 16.

Est-ce à dire que l'étranger, qui a fixé son domicile en France en vertu d'une autorisation du chef de l'Etat, soit absolument de même condition qu'un Français? Non; sa situation diffère de celle d'un Français à deux points de vue :

1o Il demeure régi par les lois de son pays en ce qui concerne son état et sa capacité.

2o Il n'a pas la jouissance des droits politiques. Le droit d'élection et d'éligibilité lui est donc refusé; il ne peut pas aspirer aux fonctions publiques ni être témoin dans un testament (art. 980).

Suivant quelques-uns, il ne pourrait pas non plus être tuteur en France ni membre d'un conseil de famille, parce que, dit-on, la capacité requise pour exercer ces fonctions est une dépendance de la capacité politique; mais ce point est gravement contesté. La cour de cassation admet à être tuteur l'étranger même non domicilié en France, à plus forte raison celui qui a en France un domicile autorisé. Cass., 16 février 1875, Sir., 75. 1. 193. Nous reviendrons du reste sur ce point. 150. L'étranger, qui veut jouir du bénéfice de l'art. 13, doit demander au chef de l'Etat l'autorisation de fixer son domicile en France. Cette autorisation peut lui ètre refusée. Quand elle a été accordée elle est révocable, et quand elle a été révoquée, l'étranger est pour l'avenir dans la même situation que s'il ne l'avait jamais obtenue.

L'autorisation dont il vient d'être parlé suffit-elle à l'étranger pour lui permettre d'invoquer le bénéfice de l'art. 13? Non; il faut de plus qu'il ait mis cette autorisation à profit en établissant son domicile en France, et pour cela il doit venir y résider, c'est-à-dire y demeurer.

Ces deux conditions sont exigées cumulativement. La résidence sans l'autorisation, ne suffirait pas pour que l'étranger pût jouir des droits civils en France, non plus que l'autorisation sans la résidence. L'étranger qui a acquis le bénéfice de l'art. 13 ne le conserve que pendant la durée de sa résidence. Si donc il cesse de résider en France, il cessera d'y jouir des droits civils ce qu'il faut entendre toutefois d'une manière raisonnable; car nul ne croira qu'une absence temporaire, pour affaires par exemple ou pour un voyage d'agrément, puisse avoir pour résultat de faire perdre à l'étranger le bénéfice de sa situation privilégiée.

151. La faveur, accordée à l'étranger qui a en France un domicile autorisé, lui est exclusivement personnelle; favores non sunt ampliandi. Elle ne profitera donc pas aux membres de sa famille qui seraient venus s'établir avec lui en France, à moins qu'ils n'aient été compris dans la demande et dans la concession de l'autorisation. Cette règle paraît devoir être appliquée même à la femme, aux enfants et aux domestiques de l'étranger, qui n'auraient pas été individuellement autorisés à établir leur domicile en France. Mais non à notre avis aux enfants de l'étranger, qui naîtraient en France après l'autorisation accordée; ils semblent en effet virtuellement compris dans la demande et dans la concession de l'autorisation.

Dans la pratique, les étrangers, désireux de se faire naturaliser Français, sont à peu près les seuls qui sollicitent du chef de l'Etat l'autorisation d'établir leur domicile en France. On conçoit aisément qu'ils demandent cette autorisation, puisqu'elle est nécessaire pour fixer le point de départ du stage exigé comme condition de la naturalisation (supra n. 136). Elle leur procure en outre l'avantage important de

jouir des droits civils, en attendant que la naturalisation constitue un fait accompli. Quant aux autres étrangers, ils ne demandent guère cette autorisation, parce qu'ils peuvent craindre que le fait de l'avoir sollicitée et obtenue ne les fasse considérer comme s'étant établis en France sans esprit de retour: ce qui peut avoir pour conséquence d'entraîner la perte de leur nationalité, s'il existe dans la loi de leur pays un texte analogue à celui de notre art. 17-3o.

* 151 bis. Un étranger peut-il acquérir un domicile en France sans l'autorisation du gouvernement? Pour la négative on peut dire : Aux termes de l'art. 102, le domicile de tout Français... est au lieu où il a son principal établissement. C'est donner à entendre que les Français peuvent seuls avoir un domicile en France; autrement on aurait dit: le domicile de toute personne... On peut ajouter que le domicile étant le résultat d'une fiction légale (infra n. 297) constitue un droit civil stricto sensu: c'est dans la loi civile, dans le jus civile, qu'il a sa source et non dans la loi naturelle. Un étranger, à moins qu'il ne puise ce droit dans la réciprocité résultant d'un traité, ne saurait donc acquérir un domicile en France qu'en vertu d'une autorisation du gouvernement. L'étranger qui ne peut invoquer ni l'art. 11 ni l'art. 13, peut bien avoir en France une résidence mais non un domicile.

L'affirmative nous paraît préférable. Si l'art. 102 ne parle que des Français, ce n'est pas pour exclure les étrangers du bénéfice de sa disposition, mais uniquement parce qu'il veut établir une opposition entre le domicile civil et le domicile politique (arg. des mots quant à l'exercice de ses droits civils), opposition qui n'est possible que pour les Français. D'autre part, est-il bien vrai que le domicile soit un droit civil stricto sensu ? N'est-ce pas plutôt un droit naturel? Ce qui tendrait à le prouver, c'est qu'il n'y a pas de législation qui ne consacre le domicile, et on ne concevrait guère qu'il en existàt. La réciprocité résultant d'un traité n'est donc pas nécessaire pour permettre à l'étranger d'acquérir un domicile en France, car les étrangers jouissent en France des droits naturels indépendamment de tout traité. L'autorisation du gouvernement n'est pas nécessaire non plus. L'art. 13 ne dit pas qu'un étranger ne peut acquérir un domicile en France sans l'autorisation du gouvernement; il détermine seulement les effets de cette autorisation quand elle a été accordée. Et même, en disposant que l'étranger autorisé à fixer son domicile en France y jouira de tous les droits civils, il donne à entendre que celui qui l'y aura établi sans autorisation ne jouira pas des droits civils et reconnaît ainsi que l'étranger peut avoir un domicile en France sans autorisation. Enfin la question n'est-elle pas aujourd'hui résolue in terminis par l'art. 4 de la loi du 23 août 1871 qui parle d'un étranger domicilié en France avec ou sans autorisation ». Bien entendu l'étranger qui a établi son domicile en France sans autorisation n'y jouira pas du bénéfice de l'art. 13 et ne cessera pas d'être soumis aux mesures de défaveur, privilegia odiosa, établies contre l'étranger.

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Nous n'insistons pas beaucoup, parce que la question présente peu d'intérêt au point de vue pratique. En effet les auteurs qui ne permettent à l'étranger d'acquérir en France, indépendamment d'un traité ou de l'autorisation du gouvernement, qu'une simple résidence attachent en définitive à cette résidence à peu près tous les effets du domicile, et ils se trouvent ainsi bien près d'être d'accord avec leurs adversaires qui pensent que l'étranger peut acquérir un véritable domicile sans autorisation. Qu'importe que ce soit résidence ou domicile, si les effets sont les mêmes? D'un autre côté, les décisions de la jurisprudence, si on les envisage abstraction faite du principe d'où elles dérivent, sont à peu près d'accord avec celles des auteurs. C'est donc uniquement sur le principe que la dissidence existe. Et sur ce point il est assez difficile de dire quelle est l'opinion de la jurisprudence, car les termes des arrêts sont loin d'avoir la précision désirable. Ainsi, dans un arrêt du

7 juillet 1874 (Sir., 75. 1. 19), la cour de cassation, après avoir dit que « l'autorisation du gouvernement ne s'impose pas à l'étranger comme une condition préalable à l'établissement de son domicile en France, mais comme un moyen d'assurer les effets de cet établissement relativement aux droits civils dont il veut se procurer la jouissance », ajoute immédiatement : « qu'aucune loi ne s'oppose à ce qu'un étranger, fixé en France sans avoir obtenu cette autorisation, y acquière et y conserve un domicile de fait entraînant certaines conséquences, telles que de le soumettre à la juridiction des tribunaux français, et de déterminer la compétence du juge qui devra connaître, après son décès, de la succession qu'il laissera en France ». Dans la première phrase, la cour dit que l'étranger peut acquérir en France sans l'autorisation du gouvernement un domicile; dans la seconde qu'il peut seulement acquérir un domicile de fait, c'est-à-dire probablement une simple résidence. Cpr. Cass., 22 juillet 1886, Sir., 87. 1. 69; Aubry et Rau, t. I, p. 576; Laurent, t. II, n. 68.

B. Des étrangers qui n'ont pas en France de domicile autorisé.

152. « L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle cet étranger appartiendra ». Ainsi s'exprime l'art. 11.

Ce texte établit, entre la France et les autres nations, non une réciprocité de fait, mais une réciprocité diplomatique, c'est-à-dire une réciprocité ayant sa base dans un traité ou convention internationale. En d'autres termes, les droits civils dont un étranger jouit en France ne sont pas tous les droits civils accordés aux Français dans le pays de cet étranger par sa loi nationale, mais seulement ceux dont un Français jouit dans le pays de cet étranger en vertu d'un traité passé entre ce pays et la France. Comme le dit Demante, l'art. 11 accorde aux étrangers en France « la réciprocité des droits dont jouissent les Français dans leur pays, non en vertu des lois de ce pays, mais en vertu de traités faits avec la nation à laquelle ils appartiennent ».

Le projet de l'art. 11 consacrait un régime basé sur la réciprocité diplomatique et sur la réciprocité de fait tout à la fois. Le texte primitif portait : par les lois ou traités. Or, dans la rédaction définitive, on ne retrouve plus que les mots par les traités. A l'appui de cet amendement, on a fait valoir cette raison, que nous ne serions plus maitres chez nous, si une nation étrangère pouvait faire acquérir en France à ses sujets la jouissance des droits civils les plus importants, en concédant sur son territoire ces mêmes droits aux Français par une loi, c'est-à-dire par un acte auquel la France ne participe pas.

153. Quels sont les droits dont un étranger, n'ayant pas en France de domicile autorisé, peut jouir en l'absence de la réciprocité d'un traité? Précisons bien la question. Un étranger réside en France, sans avoir obtenu du chef de l'Etat l'autorisation d'y fixer son domicile; il n'y a pas de traité entre la France et le pays auquel il appartient; de quels droits cet étranger jouira-t-il? Ou bien il y a un traité; en vertu de la réciprocité créée par ce traité, l'étranger jouit en France de tels et tels droits; quelle est sa situation pour les autres droits? Grave est la controverse sur ce point. La question a toutefois un intérêt plutôt théorique que pratique; car, au point de vue des résultats, les différences ne sont pas très considérables entre les divers systèmes qui ont été proposés, et dont voici l'analyse sommaire.

PRÉCIS DE DROIT CIVIL.

3e éd., I.

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