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jouissance des droits politiques; tous aussi ont en France la jouissance des droits naturels; tous enfin sont régis en France par leur statut personnel.

2o Les étrangers qui ont en France un domicile autorisé y jouissent de tous les droits civils tant qu'ils continuent d'y résider (art. 13). De plus ils ne sont pas soumis, pendant le même temps, aux mesures de défaveur connues sous le nom de privilegia odiosa, notamment à l'obligation de fournir la caution judicatum solvi.

3o Les étrangers qui n'ont pas en France un domicile autorisé n'ont pas en principe la jouissance des droits civils stricto sensu; de plus ils sont soumis aux privilegia odiosa. Ils ne peuvent acquérir la jouissance des droits civils ou cesser d'être soumis aux privilegia odiosa qu'en vertu de la réciprocité dérivant d'un traité (art. 11).

CHAPITRE II

DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS

170. La privation totale ou partielle des droits civils peut résulter de deux causes, savoir la perte de la qualité de Français et certaines condamnations judiciaires. Le législateur s'en occupe successivement dans les deux sections dont se compose notre chapitre.

SECTION PREMIÈRE

DE LA PRIVATION DES DROITS CIVILS PAR LA PERTE DE

LA QUALITÉ DE FRANÇAIS

171. Les art. 17 à 21, qui régissent cette matière, ont été profondément modifiés sur plusieurs points par les décrets du 6 avril 1809 et du 26 août 1811.

Ces décrets constituaient un empiètement sur le pouvoir législatif qui seul a le droit de faire la loi et par suite de la modifier. A ce titre ils auraient pu être annulés par le sénat comme inconstitutionnels. Mais le sénat n'ayant pas usé de ce droit dans le délai fixé par la constitution de l'an VIII, encore en vigueur à cette époque (supra n. 19), on admet en doctrine et en jurisprudence qu'ils ont force de loi.

Bien entendu lesdits décrets ne sont obligatoires que dans celles de leurs dispositions qui n'ont pas été tacitement abrogées par des lois postérieures. Ainsi les dispositions des décrets précités, prononçant la peine de la confiscation, se trouvent virtuellement abrogées par la charte de 1814 (art. 66) qui abolit la confiscation. De même celles prononçant la peine de la mort civile ont été abrogées implicitement par la loi du 31 mai 1854, abolitive de la mort civile. Il est arrivé de cette façon qu'il ne subsiste plus, du décret du 6 avril 1809, que les dispositions relatives au rappel

des Français se trouvant au service d'une nation étrangère lorsque la guerre éclate entre cette nation et la France et au mode de constatation de leur retour sur le territoire. Cette matière étant étrangère au droit civil, nous la laisserons de côté, et nous ne reparlerons plus du décret de 4809. Quant au décret de 1811, plusieurs de ses dispositions, qui ont modifié les articles de notre section, sont encore en vigueur; nous les signalerons en temps et lieu. V. infra n. 174, 180, 185.

172. La jouissance des droits civils étant attachée à la qualité de Français (art. 8), il est tout naturel que la perte de cette qualité entraine la privation des droits civils. C'est ce que dit la rubrique de notre section.

Reste à savoir quelles sont les causes qui entraînent la perte de la qualité de Français et par suite la privation des droits civils. Le code civil en mentionne cinq, savoir: 1° la naturalisation acquise en pays étranger; 2o l'acceptation non autorisée par le chef de l'Etat de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger; 3° l'établissement en pays étranger sans esprit de retour (ces trois premières causes sont indiquées par l'art. 17); 4° le mariage d'une Française avec un étranger (art. 19); 5° l'entrée d'un Français au service militaire d'une nation étrangère sans autorisation du gouvernement français (art. 21.) A cette énumération, il y a lieu d'ajouter: 6° le démembrement d'une portion du territoire français; 7° la possession ou le trafic des esclaves, même en pays étranger.

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Etudions successivement ces diverses causes.

173. I. « La qualité de Français se perdra par la naturalisation acquise » en pays étranger », dit l'art. 17-1°. De ce fait qu'un Français a sollicité et obtenu la naturalisation en pays étranger, la loi tire cette conséquence qu'il a abdiqué sa patrie, et, sur le fondement de cette présomption elle lui retire sa qualité de Français, sans qu'il puisse se soustraire à cette déchéance en protestant qu'il entend conserver la nationalité française: protestatio contra actum non valet. La qualité de Français est incompatible avec celle d'étranger, parce que nul ne peut servir deux patries à la fois.

La perte de la qualité de Français est attachée par l'art. 17-1° à la naturalisation ACQUISE en pays étranger. Or, pour que la naturalisation soit acquise, il faut, d'une part qu'elle ait été sollicitée par le Français, et d'autre part qu'elle constitue un fait accompli.

Il faut d'abord que la naturalisation ait été demandée. Si donc la naturalisation a été conférée à un Français sans qu'il l'ait sollicitée, il ne perdra pas sa nationalité. Par application de ce principe, la cour de Paris a jugé avec raison que le Français, qui a fondé en Espagne un établissement commercial, ne perd pas sa qualité de Français, bien qu'à raison de ce seul fait la loi espagnole le déclare naturel espagnol.

Il faut ensuite que la naturalisation constitue un fait accompli. Le

Français qui n'a fait que des tentatives en vue d'obtenir la naturalisation n'a pas encore perdu sa nationalité, parce qu'il n'a pas acquis une nationalité étrangère et qu'il n'est pas certain qu'il l'acquière, soit qu'on la lui refuse, soit qu'il renonce à l'obtenir.

A plus forte raison faut-il décider que le Français, qui a seulement fixé son domicile dans un pays étranger en vertu d'une autorisation accordée par le souverain de ce pays, y eût-il acquis la jouissance des droits civils, ne perd pas sa qualité de Français. Ainsi le Français, qui a obtenu en Angleterre ce qu'on appelle la dénization, ne perd pas sa nationalité. Le dénizen en effet n'a pas la qualité de naturel anglais; il est seulement autorisé à fixer son domicile en Angleterre et à y jouir de certains droits civils qui sont refusés aux étrangers en général. La dénization n'est donc pas une naturalisation; elle en diffère, non seulement quant au fond, mais aussi quant à la forme la naturalisation ne peut en effet résulter que d'un bill du parlement, tandis que la dénization est accordée par des lettres de dénizalion, remplacées aujourd'hui par un certificat que délivre un secrétaire d'Etat.

174. Le Français, qui s'est fait naturaliser en pays étranger, perd sa qualité de Français, même lorsqu'il a obtenu la naturalisation avec l'autorisation du gouvernement français. Lex non distinguit.

De là il ne faut pas conclure qu'il n'y a aucune utilité pour le Français, qui veut se faire naturaliser étranger, à demander l'autorisation du gouvernement; car si cette autorisation ne le préserve pas de la perte de la qualité de Français, elle peut le préserver d'une déchéance grave que lui ferait subir la naturalisation non autorisée. Cette déchéance résulte des art. 6 et 7 du décret du 26 août 1811, aux termes desquels le Français, naturalisé en pays étranger sans autorisation du gouvernement, perd le droit de succéder en France. D'après l'opinion générale, cette déchéance a survécu à la loi du 14 juillet 1819 qui restitue à tous les étrangers en général le droit de succéder en France, dont les avait privés l'art. 726 du code civil. En effet la loi de 1819 se borne à dire que l'art. 726 est abrogé, et qu'en conséquence les étrangers seront admis à succéder en France comme les Français. Elle accorde donc le droit de succéder à ceux auxquels il était retiré par l'art. 726, c'est-à-dire à ceux auxquels il était retiré en leur qualité d'étrangers. Or ce n'est pas en qualité d'étranger que le Français, naturalisé sans autorisation, était privé par l'art. 9 du décret de 1811 du droit de succéder ainsi entendu ce texte eût été d'une inutilité manifeste, puisque de droit commun tout étranger était alors incapable de succéder; pour lui donner un sens, il faut admettre qu'il établissait une déchéance pénale contre le Français naturalisé sans autorisation en lui faisant une situation plus dure qu'aux autres étrangers, en lui interdisant d'une manière absolue le droit de succéder en France, tandis que les autres étrangers étaient exceptionnellement admis à exercer ce droit, soit en vertu de traités (art. 11), soit comme ayant en France un domicile autorisé (art. 13). L'ex-Français dont il s'agit était donc frappé par le décret d'une déchéance pénale; ce n'est pas en qualité d'étranger qu'il était atteint, et par suite il n'a pas pu bénéficier d'une loi qui n'a fait que supprimer l'incapacité résultant de l'extranéité. 175. II. « La qualité de Français se perd... 2o par l'acceptation, non » autorisée par le Roi de fonctions publiques conférées par un Gouver»nement étranger» (art. 17-2°). Un Francais se doit à la France. Il doit faire tourner au profit de sa patrie son activité, son intelligence et ses talents. S'il les met au service d'une nation étrangère, en acceptant une fonction publique du gouvernement de cette nation, la loi le con

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sidère comme ayant renoncé à sa patrie, tout au moins lorsqu'il a
accepté ces fonctions sans autorisation du gouvernement français; car
s'il a demandé et obtenu cette autorisation, il a protesté par cet acte
de déférence contre l'induction que l'on pourrait tirer de sa con-
duite, et d'ailleurs l'autorisation donnée par le gouvernement impli-
que que celui-ci ne voit pas d'inconvénient, qu'il trouve même peut-
être un avantage à ce que le Français remplisse à l'étranger la fonction
publique dont on veut l'investir.

La perte de la qualité de Français n'est encourue qu'autant que la
fonction publique a été acceptée par le Français et acceptée sans
l'autorisation du gouvernement français. Mais il n'est nullement néces-
saire que cette acceptation ait eu pour résultat de conférer au Fran-
çais la nationalité du pays où il exerce la fonction.

Un Français ne perdrait pas sa nationalité pour s'être livré en pays étranger, sans l'autorisation du gouvernement français, à l'exercice d'une profession libérale comme celle de médecin, avocat, professeur..., pourvu bien entendu qu'il exerce cette profession d'une manière libre et indépendante, et non à titre de fonctionnaire public comme il arriverait par exemple pour le médecin directeur d'un hospice.

Il peut y avoir dans certains cas des difficultés pour distinguer la profession de la fonction publique. Le caractère principal qui permet de reconnaître la fonction publique est la nomination par le gouvernement. Comme caractères accessoires, on peut signaler la prestation du serment de fidélité et le salaire.

176. III. La qualité de Français se perd « ... 3° par tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour » (art. 17-3o). La conduite du Français prouve en pareil cas qu'il a voulu rompre définitivement le lien qui l'attachait à la France: il a tacitement abdiqué sa nationalité. C'est une question de fait, à résoudre en cas de difficulté par les juges, que celle de savoir si un établissement en pays étranger a été fait sans esprit de retour. Ainsi voilà un Français qui vend tout ce qu'il possède en France, et, après avoir réuni toutes ses ressources, il part pour l'Amérique où il va s'établir avec toute sa famille; là il achète des terres et se fait planteur; puis il cesse toutes relations avec la France. Il serait difficile de ne pas le considérer comme ayant perdu l'esprit de retour. Mais l'absence de l'esprit de retour ne se présume jamais; elle doit donc être prouvée par celui qui s'en prévaut contre un Français, établi en pays étranger, pour soutenir qu'il a perdu sa nationalité.

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Aux termes de l'art. 17 in fine: « Les établissements de commerce ne pourront jamais être considérés comme ayant été faits sans esprit de retour». Cette disposition, sur le véritable sens de laquelle on n'est pas tout à fait d'accord, signifie, non pas que celui qui a fait en pays étranger un établissement de commerce doit, toujours et dans tous les cas, être considéré comme ayant conservé l'esprit de retour, mais bien que l'établissement de commerce ne peut jamais entrer en ligne de compte, pour prouver la perte de l'esprit de retour. La preuve de son absence devrait donc résulter complète d'éléments étrangers à l'établissement de commerce. En d'autres termes, comme le disent fort

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bien MM. Aubry et Rau, si le Français, qui a fait un établissement de commerce en pays étranger, ne devient pas étranger comme commercant, il peut le devenir quoique commerçant.

Dans la pensée du législateur l'esprit de retour est donc inhérent aux établissements de commerce. Le Français qui s'expatrie pour aller faire le commerce court après la fortune, et son plus doux rève est ordinairement de revenir un jour dans son pays, pour y jouir en paix au sein de sa famille de trésors laborieusement conquis. La France serait une marâtre, si elle répudiait ceux de ses enfants qui ne l'ont abandonnée que pour travailler à l'enrichir en s'enrichissant eux-mêmes.

177. Retournant le principe que l'établissement fait par un Français en pays étranger sans esprit de retour lui fait perdre sa qualité de Français, il ne faudrait pas croire que l'établissement fait par un étranger en France sans esprit de retour lui fait acquérir la qualité de Français. Si prolongé que soit en France le séjour d'un étranger, il ne suffit pas pour lui faire acquérir la nationalité française, alors même qu'il aurait été autorisé à fixer son domicile en France et qu'il y aurait supporté les charges attachées à la qualité de Français, notamment l'impôt. Cette solution s'induit avec certitude de la loi du 22 mars 1849 (supra n. 127), qui ne considère pas comme Français l'étranger, même né en France, quí y a résidé depuis sa naissance et qui a payé l'impôt le plus lourd de tous, l'impôt du sang, mais lui facilite seulement à raison de ce fait l'acquisition de la qualité de Français.

178. L'art. 17 indiquait une quatrième cause de perte de la qualité de Français : l'affiliation à toute corporation étrangère qui exige des distinctions de naissance ». En effet la constitution de l'an VIII, alors en vigueur, ne reconnaissait pas ces distinctions. Napoléon ayant rétabli la noblesse en France, cette disposition n'avait plus sa raison d'être; aussi fût-elle retranchée dans l'édition impériale de 1807. On aurait dû aussi, par le même motif, supprimer dans l'article suivant les mots et qu'il renonce à toute distinction contraire à la loi française »; mais par inadvertance on les a laissés subsister.

179. Ceux qui ont perdu la qualité de Français par l'une des trois causes indiquées en l'art. 17 peuvent la recouvrer en vertu d'une naturalisation privilégiée. La patrie est une mère indulgente; elle ouvre volontiers ses bras à l'enfant prodigue qui, après l'avoir reniée, manifeste son repentir. Les conditions de cette naturalisation privilégiée sont indiquées par l'art. 18, ainsi conçu : « Le Français qui aura » perdu sa qualité de Français, pourra toujours la recouvrer, en rentrant » en France avec l'autorisation du Roi, et en déclarant qu'il veut s'y » fixer ».

Donc trois conditions sont exigées. Il faut :

1° Que le Français qui a perdu sa qualité rentre en France.

2° Qu'il y rentre avec l'autorisation du gouvernement. Cette autorisation peut lui ètre refusée.

3° Qu'il déclare que son intention est de fixer son domicile en France. Cette déclaration doit régulièrement être faite devant l'autorité municipale du domicile du réclamant.

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