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171. Les art. 17 à 21 qui régissent cette matière ont été profondément modifiés par la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité.

172. La jouissance des droits civils étant attachée à la qualité de Français (art. 8 al. 1), il est tout naturel que la perte de cette qualité entraîne la privation des droits civils. C'est ce que donne à entendre la rubrique de notre section.

Reste à savoir quelles sont les causes qui entraînent la perte de la qualité de Français. Le code civil (textes nouveaux de la loi du 26 juin 1889) en indique cinq, savoir: 1° L'acquisition volontaire de la qualité d'étranger; 2° La répudiation de la qualité de Français, dans les cas où la loi l'autorise; 3o Le fait d'avoir conservé des fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger, malgré l'injonction du gouvernement français de les résigner dans un délai déterminé; 4o Le fait d'avoir pris du service militaire à l'étranger sans l'autorisation du gouvernement français (ces quatre premières causes sont indiquées par le nouvel art. 17); 5° Le mariage d'une Française avec un étranger (art. 19). A cette énumération il y a lieu d'ajouter : 6° Le démembrement d'une portion du territoire français; 7° La possession ou le trafic des esclaves même en pays étranger. D'après le code civil. de 1804 (ancien art. 17-3°), la qualité de Français se perdait en outre par l'établissement en pays étranger sans esprit de retour. Etudions successivement ces diverses causes.

173. I. Le nouvel art. 17 dit dans sa première partie : « Perdent la » qualité de Français : — 1o Le Français naturalisé à l'étranger ou celui » qui acquiert sur sa demande la nationalité étrangère par l'effet de la » loi ». Le Français qui sollicite et acquiert volontairement une nationalité étrangère renonce implicitement à la nationalité française. Nul ne peut servir deux patries à la fois. Il en serait autrement du Français auquel une nationalité étrangère aurait été conférée sans qu'il l'eût sollicitée, alors même que ce serait à la suite d'un fait volontairement accompli par lui. Ainsi le Français qui fonde en Espagne un établissement commercial ne perd pas la qualité de Français, bien qu'à raison de ce seul fait la loi espagnole le déclare naturel espagnol.

A plus forte raison, faut-il décider que le Français, qui a seulement fixé son domicile dans un pays étranger en vertu d'une autorisation accordée par le souverain de ce pays, y eût-il acquis la jouissance des droits civils, ne perd pas sa qualité de Français. Ainsi le Français, qui a obtenu en Angleterre ce qu'on appelle la dénization, ne perd pas sa nationalité. Le dénizen en effet n'a pas la qualité naturel anglais; il est seulement autorisé à fixer son domicile en Angleterre et à y jouir de certains droits civils qui sont refusés aux étrangers en général. La dénization n'est donc pas une naturalisation; elle en diffère non seulement quant au fond, mais aussi quant à la forme la naturalisation ne peut en effet résulter que d'un bill du parlement, tandis que la dénization est accordée par des lettres de dénization, remplacées aujourd'hui par un certificat que délivre un secrétaire d'Etat.

174. L'art. 17-1° ajoute : « S'il [le Français naturalisé en pays » étranger] est encore soumis aux obligations du service militaire pour » l'armée active, la naturalisation à l'étranger ne fera perdre la qualité » de Français que si elle a été autorisée par le gouvernement français ». Dans tous les autres cas, un Français peut, sans l'autorisation du gouvernement, abdiquer sa qualité de Français en se faisant naturaliser étranger. Et cette abdication n'entraîne pour lui aucune déchéance. Il ne peut plus être question de lui appliquer celle résultant des art. 6 et 7 du décret du 26 août 1811 (déchéance du droit de succéder en France), ce décret étant abrogé par la loi nouvelle (art. 6).

175. II. Perd en second lieu la qualité de Français : « Le Français » qui a décliné la nationalité française dans les cas prévus au paragraphe » 4 de l'article 8 et aux articles 12 et 18 » (nouvel art. 17-2o). L'individu auquel cette disposition s'applique a deux nationalités, la nationalité francaise, que notre loi lui attribue, et une autre nationalité qui lui est attribuée par une loi étrangère. S'il opte pour la nationalité étrangère, dans l'année qui suit sa majorité, ainsi que notre loi le lui permet, il perd nécessairement la nationalité française et les droits qui y sont attachés.

176. III. Perd la qualité de Français..... « 3° Le Français qui, ayant » accepté des fonctions publiques conférées par un gouvernement étran»ger, les conserve nonobstant l'injonction du gouvernement français de » les résigner dans un délai déterminé ». D'après le code civil (art. 17-2o), le simple fait d'avoir accepté sans autorisation du gouvernement français des fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger entraînait la perte de la qualité de Français. Moins rigoureux, le législateur de 1889 n'attache la perte de la qualité de Francais qu'au refus d'obtempérer à l'injonction du gouvernement français de résigner la fonction dans un délai déterminé.

177. Le Français qui a perdu sa qualité par l'une des trois causes que nous venons d'étudier, peut la recouvrer en vertu d'une naturalisation privilégiée dont le nouvel art. 18 indique les conditions en ces termes « Le Français qui a perdu sa qualité de Français peut la recou»vrer pourvu qu'il réside en France, en obtenant sa réintégration par » décret ». Il faut donc que l'ex-Français rentre en France, s'il a quitté le pays, et qu'il sollicite et obtienne du gouvernement un décret de réintégration. L'article ajoute: « La qualité de Français pourra être » accordée par le même décret à la femme et aux enfants majeurs s'ils en » font la demande. Les enfants mineurs du père ou de la mère réintégrés » deviennent Français, à moins que, dans l'année qui suivra leur majorité, » ils ne déclinent cette qualité, en se conformant aux dispositions de » l'article 8, paragraphe 4».

178. IV. Perd la qualité de Français... « 4° Le Français, qui, sans » autorisation du Gouvernement, prend du service militaire à l'étranger, » sans préjudice des lois pénales contre le Français qui se soustrait aux » obligations de la loi militaire » (nouvel art. 17-4°).

La loi se montre sévère pour le Français qui a perdu sa qualité par la cause que nous examinons. En effet l'art. 21 dispose: « Le Français » qui, sans autorisation du Gouvernement, prendrait du service militaire » à l'étranger, ne pourra rentrer en France qu'en vertu d'une permission » accordée par décret, et recouvrer la qualité de Français qu'en remplis»sant les conditions imposées en France à l'étranger pour obtenir la »> naturalisation ordinaire ».

179. V. Aux termes du nouvel art. 19 in principio: « La femme française qui épouse un étranger suit la condition de son mari ». C'est la contre-partie de l'art 12 al. 1, d'après lequel « L'étrangère qui aura » épousé un Français suivra la condition de son mari». De deux êtres le mariage n'en fait qu'un erunt duo in carne una. Il est donc naturel d'établir entre les deux époux l'unité de nationalité. C'est cette pensée qui a dicté les deux textes que nous venons de reproduire. Dans l'un et l'autre cas on fait prévaloir la nationalité du mari sur celle de la femme, en vertu du principe qui accorde la prééminence à l'époux sur l'épouse.

180. La femme française qui épouse un étranger perd sa qualité de Française alors même qu'elle est mineure. La loi ne distingue pas.

181. Le principe formulé par l'art. 12 al. 1 est absolu. Le législateur français peut en effet dans tous les cas conférer la nationalité française à une femme étrangère qui épouse un Français, alors même que d'après la loi de son pays la femme conserverait sa nationalité après son mariage. La femme aura dans ce cas deux nationalités. Française en France, elle sera considérée dans son pays comme ayant encore son ancienne nationalité.

Il n'en est pas de même du principe consacré par l'art. 19 première partie. Il est au-dessus du pouvoir du législateur français, de conférer à une femme française qui épouse un étranger la nationalité de son mari, si la loi du pays auquel le mari appartient s'y oppose. Tout ce que peut faire en pareil cas le législateur français, c'est de décider que la femme perdra sa qualité de Française. Mais pourquoi donc faire subir à la femme cette déchéance imméritée, qui aura pour résultat de la priver de toute nationalité ? Aussi le nouvel art. 19, modifiant sur ce point la disposition de l'ancien, décide-t-il que dans cette hypothèse la femme restera Française : « à moins, dit le nouveau texte, que » son mariage ne lui confère pas la nationalité de son mari, auquel cas » elle reste Française ». Autant il est rationnel de faire perdre la

nationalité francaise à la femme francaise qui épouse un étranger, lorsque son mariage lui fait acquérir la nationalité de son mari, autant cela serait peu justifiable dans l'hypothèse inverse.

182. Une femme française épouse un Français; son mari perd sa qualité de Français pendant le mariage, par exemple en se faisant naturaliser étranger. La femme perdra-t-elle du même coup sa qualité de Française ? Non. L'art 19 ne dit pas que la femme doive nécessairement avoir la même nationalité que son mari, d'où il résulterait que, toutes les fois que le mari change de nationalité, la femme en change également; il dit seulement que la femme française qui épouse un étranger suivra la condition de son mari. Or ici la femme française n'a pas épousé un étranger, elle a épousé un Français; on est donc en dehors du texte de l'art. 19. On est aussi en dehors de son esprit. La pensée du législateur a été celleci: La femme donnant sa personne à son mari, à tel point qu'elle devient en quelque sorte une partie de lui-même, il est assez rationnel de supposer que lorsqu'elle épouse un étranger elle accepte implicitement la nationalité qui appartient à son mari lors du mariage. En la lui donnant on ne blesse donc pas le principe que l'acquisition d'une nouvelle nationalité implique le consentement de celui qui l'acquiert. Mais on ne peut pas supposer, parce que cette supposition serait déraisonnable, que la femme entende accepter à l'avance et les yeux fermés en quelque sørte toute nationalité nouvelle qu'il plaira à son mari d'acquérir pendant le cours du mariage.

183. Le mariage d'une Française avec un étranger demeure sans influence sur la nationalité des enfants que cette femme aurait eus d'un précédent mariage.

184. La femme française qui a perdu sa qualité pour s'être mariée avec un étranger peut facilement recouvrer cette qualité après la dissolution de son mariage. La loi lui offre à cet effet le bénéfice d'une naturalisation de faveur dont le nouvel art. 19 al. 1 in fine indique les conditions en ces termes : « Si son mariage est dissous par la mort du » mari ou le divorce, elle recouvre la qualité de Française, avec l'auto» risation du Gouvernement, pourvu qu'elle réside en France ou qu'elle y » rentre, en déclarant qu'elle veut s'y fixer ». Ainsi, à la seule condition de résider en France ou d'y rentrer en déclarant qu'elle veut s'y fixer, la femme peut obtenir du Gouvernement sa réintégration dans la qualité de Française. Le Gouvernement n'est pas obligé d'accorder cette faveur à la femme.

185. La femme qui se fait réintégrer dans la qualité de Française, que son mariage lui a fait perdre, a des enfants mineurs. On conçoit qu'elle puisse avoir le légitime désir de faire acquérir à ces enfants la nationalité qu'elle recouvre pour elle-même. L'unité de la nationalité favorise l'unité de la famille. La loi tient compte de ce désir, au moins dans le cas où le mariage s'est dissous par la mort du mari, car, s'il s'est dissous par le divorce, il est naturel que les enfants conservent la nationalité de leur père. Le nouvel art. 19 al. final dit à ce sujet : « Dans le cas où le mariage est dissous par la mort du mari, la

qualité de Français peut être accordée par le même décret de réinté gration aux enfants mineurs, sur la demande de la mère ou par un » décret ultérieur, si la demande en est faite par le tuteur avec l'appro»bation du conseil de famille ». Ainsi, la femme qui veut faire acquérir à ses enfants la nationalité qu'elle recouvre pour elle-même, formera une demande tant en son nom qu'au nom de ses enfants, et un mème décret pourra donner satisfaction à cette double demande. Et si la femme a seulement demandé et obtenu sa réintégration dans la qualité de Française, la qualité de Français pourra être conférée aux enfants par un décret ultérieur, sur la demande du tuteur autorisé par un conseil de famille.

188. A la fin de ce numéro ajouter ce qui suit :

Dans la deuxième délibération sur le projet qui a abouti à la loi du 26 juin 1889, le sénat avait voté l'abrogation du décret du 27 avril 1848. La chambre des députés a refusé de s'associer à cette manière de voir, et en définitive le décret et les lois qui le complètent sont encore debout dans toutes celles de leurs dispositions qui ne sont pas contraires à la loi nouvelle sur la nationalité. Mais cette législation ne pourra donner lieu désormais qu'à des applications de plus en plus rares. Elle ne constitue guère qu'une menace; on l'a laissée subsister pour l'honneur d'un principe.

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189. Coup d'œil rétrospectif sur la législation relative à la nationalité. Dans notre ancien droit, on considérait comme Français d'origine : 1° l'enfant né de parents français même en pays étranger. Origo notatur non natale solum, dit Cujas; 2° l'enfant né en France même de parents étrangers.

L'origine, indépendamment du lieu de la naissance, jus sanguinis, et le lieu de la naissance, indépendamment de l'origine, jus soli, étaient donc, dans notre ancien droit, également attributifs de la nationalité française.

Maintenu par les lois révolutionnaires (constitution de 1791), ce système fut également consacré par le projet de code civil. Le conseil d'Etat y donna son adhésion. Mais il fut vivement critiqué par le tribunat, en tant qu'il attribuait la qualité de Français à l'individu né en France de parents étrangers. N'est-ce pas prodiguer la qualité de Français, disait le tribunat? Quel dévouement à la France peut-on espérer de celui que le hasard peut-être a fait naître sur la terre française, surtout si, peu de temps après sa naissance, il a été ramené dans le pays auquel il appartient par son origine? L'observation porta ses fruits. On abandonna le principe du jus soli pour se rattacher au principe du jus sanguinis. En d'autres termes, d'après le système admis par le code civil, la qualité de Français se transmet par le sang. L'enfant d'un Français nait Français, quel que soit le lieu de sa PRÉCIS DE DROIT CIVIL, 3o éd. Supplément du tome 1.

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