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Cela posé, la filiation d'un enfant naturel est-elle établie pendant sa minorité par rapport à ses deux auteurs à la fois dans un seul et même acte? On applique la même règle que s'il s'agissait d'un enfant légitime. L'enfant suit la nationalité de son père. C'est ce qui arrivera par exemple si le père et la mère d'un enfant naturel se sont présentés en même temps devant un notaire pour reconnaître leur enfant et que le notaire ait dressé un seul et même acte de cette double reconnaissance.

Au contraire, si la filiation de l'enfant se trouve établie par rapport à chacun de ses auteurs dans un acte distinct, l'enfant suivra la nationalité de celui à l'égard duquel sa filiation a été constatée en premier lieu. Ainsi la mère d'un enfant naturel mineur le reconnaît en 1889; l'enfant suivra la nationalité de sa mère. Il importera peu que plus tard la filiation de cet enfant soit établie par rapport à son père, qui a, on le suppose, une nationalité autre que celle de la mère; l'enfant conservera la nationalité de sa mère; elle lui a été définitivement acquise par la reconnaissance émanée de celle-ci. A plus forte raison en sera-t-il ainsi si l'enfant n'est jamais reconnu par son père.

Pour que la reconnaissance d'un enfant naturel puisse influer sur sa nationalité, il faut supposer que cette reconnaissance survienne pendant la minorité de l'enfant. Autrement on lui appliquerait, s'il est né en France, la règle de l'alinéa suivant de l'art. 8, auquel nous arriverons bientôt et d'après lequel tout individu né en France de parents inconnus est Français.

118. Une dernière question reste à résoudre. A quelle époque faut-il se placer pour déterminer la nationalité que le père ou la mère transmet à son enfant, suivant les distinctions qui viennent d'être établies? Est-ce à l'époque de la conception de l'enfant ou à celle de sa naissance? La question ne présente d'intérêt, bien entendu, que lorsque l'auteur, qui doit transmettre sa nationalité à l'enfant, a changé de nationalité dans l'intervalle de la conception à la naissance. Ainsi le père légitime d'un enfant est étranger lors de la naissance de cet enfant, mais il était Français à l'époque de sa conception; dans l'intervalle entre la conception et la naissance, il s'est fait par exemple naturaliser étranger. Quelle nationalité transmettra-t-il à son enfant? Celle qu'il avait lors de la naissance de l'enfant, c'est-à-dire une nationalité étrangère? Ou bien celle qu'il avait lors de la conception, c'est-à-dire la nationalité française? L'opinion dominante en doctrine et en jurisprudence admet avec raison qu'en principe il faut se reporter à la naissance de l'enfant, pour déterminer la nationalité qui lui est transmise, car c'est seulement à dater de sa naissance que l'enfant compte comme un être distinct dans la société; mais toutefois sauf l'application de la maxime Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur. C'est-à-dire qu'il y aurait lieu de se reporter à l'époque de la conception de l'enfant pour déterminer sa nationalité, toutes les fois que cela devrait avoir pour résultat de le faire bénéficier de la qualité de Français, comme dans l'exemple cité tout à l'heure; car, au point de vue de la loi française, c'est un avantage de naitre Français. Il est vrai que l'art. 8 al. 3, reproduisant sur ce point les termes de l'ancien art. 10, paraît s'attacher exclusivement au fait de la naissance, puisqu'il parle de l'enfant né d'un Français. Mais on a fort bien répondu que ne est ici synonyme d'issu.

Nous appliquerions la solution qui vient d'être développée, sans distinguer, comme le font certains auteurs, si l'enfant doit suivre la nationalité de son père ou celle de sa mère. Ainsi un enfant naturel, reconnu par sa mère seulement, doit être considéré comme Français de naissance, si sa mère, Française lors de sa conception, était devenue étrangère lors de sa naissance, par exemple par la naturalisation. Les arguments invoqués pour soutenir que la règle Infans conceptus... n'est pas appli cable lorsque l'enfant doit suivre la nationalité de sa mère, et qui sont principale

ment tirés du droit romain, sont loin d'être concluants. Il semble bien que notre législateur a entendu donner à l'ancienne règle la portée la plus générale, car il en fait l'application à des cas moins favorables que celui de la transmission de la nationalité (art. 725 et 906).

2. Enfant né en France de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue.

119. L'art. 8 al. 5 déclare Français : « Tout individu né en France » de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue ». C'était la solution généralement admise sous l'empire du code civil qui ne résolvait pas la question en termes formels. Lorsque l'origine de l'enfant est inconnue ou lorsque l'on ignore la nationalité de ses auteurs, le lieu de sa naissance doit avoir une influence décisive au point de vue de la détermination de sa nationalité.

3. Enfant né en France d'un étranger qui lui-même y est né.

120. L'art. 8 al. 6 déclare Français : « Tout individu né en France » d'un étranger qui lui-même y est né ».

Un étranger est né en France; un enfant lui survient en France. Cet enfant naît Français. Son origine est étrangère, il est vrai! Mais d'une part on suppose que l'enfant aura une certaine affection pour le pays qui l'a vu naître. Et d'autre part son auteur, étant lui même né en France et y ayant probablement résidé longtemps, était Français, sinon d'après la loi, au moins d'après les mœurs et les habitudes.

121. Notre texte n'exige aucune condition de résidence, ni à plus forte raison de domicile en France, soit de la part de l'auteur de l'enfant, soit de la part de l'enfant lui-même. Il importerait donc peu que l'enfant ou son auteur fût né accidentellement en France, pendant le cours d'un voyage par exemple, et n'y eût jamais résidé. Et cependant on ne peut se dissimuler qu'en pareil cas les motifs qui ont fait édicter la loi semblent ne plus exister. Est-il possible de dire que l'enfant aura de l'affection pour un pays où il est né, mais dont il n'a pu conserver le moindre souvenir, puisqu'il l'a quitté aussitôt après sa naissance? Peut-on dire surtout que l'auteur de l'enfant était Français par les mœurs et par les habitudes, quand il n'a jamais résidé en France?

D'un autre côté, l'article parle de l'enfant « né en France d'un ÉTRANGER qui luimême y est né ». La loi ne dit pas de parents étrangers. Il suffira donc, pour qu'un enfant né en France soit Français, qu'un seul de ses auteurs soit lui-même né en France. Et il importera peu que ce soit le père ou la mère. La loi emploie, il est vrai, l'expression d'un étranger, qui semble ne pouvoir s'appliquer à la mère. Mais, comme le dit la loi romaine, pronunciatio sermonis in sexu masculino ad utrumque sexum plerumque porrigitur.

Bref, deux conditions sont nécessaires et suffisantes pour l'application de notre disposition, savoir : naissance en France de l'un des auteurs de l'enfant; naissance en France de l'enfant lui-même.

122. La loi du 7 février 1851, à laquelle a été empruntée la disposition de l'art. 8 al 6, que nous venons de rapporter, n'imposait pas la qualité de Français à l'enfant né en France d'un étranger qui lui

même y est né. Elle lui donnait le droit de revendiquer la qualité d'étranger dans l'année suivant sa majorité. Beaucoup abusèrent de cette faculté pour se soustraire à la charge du service militaire qui pèse sur tous les Français, et la loi du 16 décembre 1874 n'apporta à ce mal qu'un remède insuffisant, en obligeant le réclamant qui revendiquait la qualité d'étranger à justifier qu'il avait conservé sa nationalité d'origine. Voilà pourquoi la loi nouvelle déclare Français purement et simplement l'enfant né en France d'un étranger qui lui-même y est né, et supprime ainsi la faculté d'option accordée par la loi du 7 février 1851.

II. Français par le bienfait de la loi.

123. On désigne sous le nom de bienfait de la loi une sorte de naturalisation privilégiée. Elle diffère essentiellement de la naturalisation ordinaire, en ce qu'elle est acquise de plein droit à celui qui se trouve dans les conditions prescrites, tandis que la naturalisation ordinaire est subordonnée au bon plaisir du gouvernement qui peut arbitrairement en refuser le bénéfice à celui qui remplit toutes les conditions légales.

124. On devient Français par le bienfait de la loi dans quatre cas prévus: le premier par l'art. 8 al. 7 et l'art. 9; le second par l'art. 10; le troisième par l'art. 12; le quatrième par l'art. 4 de la loi du 26 juin 1889.

1. PREMIER CAS, prévu par l'art. 8 al. 7 et l'art. 9.

125. Transcrivons d'abord les textes. Le nouvel art. 8 al. 7 déclare Français « Tout individu né en France d'un étranger et qui, à l'époque » de sa majorité, est domicilié en France, à moins que, dans l'année qui » suit sa majorité, telle qu'elle est réglée par la loi française, il n'ait » décliné la qualité de Français et prouvé qu'il a conservé la nationalité » de ses parents par une attestation en due forme de son gouvernement, » laquelle demeurera annexée à la déclaration, et qu'il n'ait en outre produit, s'il y a lieu, un certificat constatant qu'il a répondu à l'appel » sous les drapeaux, conformément à la loi militaire de son pays, sauf les » exceptions prévues aux traités ».

Voici maintenant le texte du nouvel art. 9: « Tout individu né en » France d'un étranger et qui n'y est pas domicilié à l'époque de sa majo» rité pourra, jusqu'à l'âge de vingt-deux ans accomplis, faire sa soumis»sion de fixer en France son domicile, et, s'il l'y établit dans l'année à » compter de l'acte de soumission, réclamer la qualité de Français par une » déclaration qui sera enregistrée au ministère de la justice. S'il est âgé » de moins de vingt et un ans accomplis, la déclaration sera faite en son » nom par son père; en cas de décès, par sa mère; en cas de décès du

» père et de la mère ou de leur exclusion de la tutelle, ou dans les cas » prévus par les articles 141, 142 et 143 du code civil, par le tuteur auto» risé par délibération du conseil de famille. Il devient également » Français si, ayant été porté sur le tableau de recensement, il prend part » aux opérations de recrutement sans opposer son extranéité ».

126. Ces textes sont fort mal rédigés. Ils auraient dû être fondus dans une disposition unique. Voici quelle nous parait être leur signification.

127. L'enfant né en France d'un étranger qui lui même n'y est pas né, nait étranger. Cela résulte par argument de l'art. 9 al. final où on lit que cet enfant devient Français s'il satisfait à la loi du recrutement sans opposer son extranéité. Donc à ce moment il était étranger. 128. Maintenant l'individu qui nous occupe peut acquérir la qualité de Français en vertu d'une naturalisation privilégiée.

D'abord il devient Français par cela seul qu'il se trouve domicilié en France à l'époque de sa majorité.

Toutefois il est admis dans ce cas à répudier la qualité de Français dans l'année qui suivra sa majorité. Pour cela il devra prouver dans le délai prescrit qu'il a conservé la nationalité de ses parents. Cette preuve se fait par une attestation en due forme du gouvernement du pays auquel le réclamant prétend appartenir, attestation qui doit rester annexée à la déclaration. En outre et sauf les exceptions prévues aux traités, le réclamant doit produire, s'il y a lieu, un certificat attestant qu'il a satisfait aux exigences de la loi militaire de son pays. Autrement, la réclamation pourrait n'avoir d'autre but que de permettre au réclamant de se soustraire aux obligations de la loi militaire dans le pays dont il réclame la nationalité et en France tout à la fois.

La loi dit que ce certificat ne pourra être exigé que s'il y a lieu. Il existe en effet des pays, l'Angleterre par exemple, dans lesquels le service militaire n'est pas obligatoire.

S'il n'est pas domicilié en France à l'époque de sa majorité, l'individu né en France d'un étranger qui lui même n'y est pas né, est admis jusqu'à l'âge de vingt-deux ans à faire sa soumission, c'est-à-dire à prendre l'engagement d'établir son domicile en France, et, s'il l'y établit dans l'année à compter de sa soumission, il peut réclamer la qualité de Français par une déclaration qui sera enregistrée au ministère de la justice. Cette réclamation nous parait pouvoir être formée pendant un temps indéfini, car la loi ne fixe pas de délai.

129. Mais il se peut qu'un individu né en France d'un étranger qui lui-même n'y est pas né ait intérêt à acquérir la qualité de Français avant l'époque de sa majorité. Par exemple il veut entrer dans une école du Gouvernement, ou contracter un engagement dans l'armée

française. La loi autorise alors une soumission et une déclaration anticipées. Elle sera faite au nom du mineur par son représentant légal, ainsi qu'il est expliqué dans le nouvel art. 9 al. 2.

130. Enfin, le seul fait d'avoir satisfait en France à la loi du recrutement sans exciper de son extranéité, fait acquérir à l'individu qui nous occupe la qualité de Français (nouvel art. 9 al. 3).

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DEUXIÈME CAS, prévu par l'art. 10.

131. « Tout individu né en France ou à l'étranger de parents dont » l'un a perdu la qualité de Français pourra réclamer cette qualité à » tout âge, aux conditions fixées par l'art 9, à moins que, domicilié en » France et appelé sous les drapeaux, lors de sa majorité, il n'ait revendiqué la qualité d'étranger ». Ainsi s'exprime le nouvel art 10. La loi accorde une double faveur à l'enfant né d'un étranger qui a eu autrefois la qualité de Français. D'abord cet enfant est admis au bénéfice de l'art. 9 même quand il est né en pays étranger. En second lieu ce même enfant peut réclamer la qualité de Français à tout âge, par conséquent même après l'expiration de l'année qui suit sa majorité.

Le bénéfice de notre disposition pourrait évidemment être invoqué par l'individu dont le père et la mère aujourd'hui étrangers auraient eu autrefois la qualité de Français. Il importe peu que le texte suppose que l'un seulement des auteurs de l'enfant a été autrefois Français.

TROISIÈME CAS, prévu par l'art. 12.

132. Le nouvel art. 12 al. 1 dispose : « L'étrangère qui aura épousé » un Français suivra la condition de son mari ». La loi présume que la femme étrangère qui consent à associer son existence à celle d'un Français entend aussi partager sa nationalité, et, sur le fondement de cette présomption, elle la déclare Française de plein droit par le seul fait de son mariage, alors même qu'elle serait mineure et sans qu'une manifestation de volonté de sa part soit nécessaire. Bien plus, la manifestation d'une volonté contraire devrait être tenue pour inefficace. Le changement de nationalité est ici un effet du mariage; or la loi règle souverainement ces effets les parties ne peuvent pas sur ce point modifier ses dispositions (arg. art. 6). Si une femme étrangère veut conserver sa nationalité, il ne faut pas qu'elle épouse un Français.

133. Supposons qu'un étranger marié se fasse naturaliser Français. Sa femme deviendra-t-elle Française de plein droit par le fait de cette naturalisation? Non. La femme étrangère qui épouse un Français devient nécessairement Française. La loi présume, nous l'avons déjà dit, qu'elle accepte la nationalité de son mari, et cette présomption

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