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combats, des aventures romanesques, la ville sainte conquise, l'Orient dans toute sa magique splendeur, l'enthousiasme des grandes choses, n'était-ce pas là une source inépuisable d'inspiration pour les troubadours et les trouvères? Aussi que de chansons de geste, que de romans de chevalerie! Des princes, des rois, des empereurs, firent résonner la lyre de la même main qui brandissait le fer des batailles.

Pendant que les croisés se mesuraient avec leurs ennemis, ou s'occupaient de siéges, des religieux, dans un esprit de prosélytisme, traversant l'Euphrate, s'ouvrirent des routes nouvelles. Telle est l'origine des missions qui donnèrent plus tard à la Chine des ministres et des martyrs, et au Paraguay, la seule république au monde qui ait été fondée et soutenue par l'Évangile.

L'Asie explorée et mieux connue procura aux contrées occidentales tout ce qu'un commerce plus vaste et plus actif pouvait mettre en circulation dans le domaine de la botanique et de la zoologie; elle les dota de la canne à sucre, du maïs, etc. On vit saint Louis orner ses jardins de la renoncule, et le troubadour Thibaut parer les siens des roses de Jéricho. D'autres croisés emportèrent d'Ascalon de petits oignons dont la culture est si commune aujourd'hui. On apprit également l'usage du safran, de l'alun, de l'indigo, etc., etc. L'introduction des coursiers arabes et des chiens de chasse de Tartarie remonte à la même époque. Si les bornes que nous nous sommes prescrites ne s'y opposaient, nous aurions bien d'autres importations à mentionner.

Une large part de tant de conquêtes précieuses revient aux provinces de l'Ouest, car il y en a peu qui aient fourni aux expéditions d'outre-mer d'aussi nombreux contingents. Mais qui nous dira les noms de tous les guerriers qu'elles envoyèrent

1 L'échalotte.

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combattre au loin les ennemis de leurs croyances, de ceux qui y moururent, victimes d'un héroïque dévouement, de ceux qui en revinrent, emportant dans leurs manoirs ou dans leurs chaumières des palmes de la Judée? Si l'on avait eu alors, comme aujourd'hui, des gazettes, des états de la guerre, nous les compterions par myriades, car, selon les expressions de saint Bernard, on ne voyait que veuves dont les maris étaient vivants.

Au lieu de ces chiffres, après avoir compulsé les chroniqueurs et les poëtes contemporains, Guillaume de Tyr, Foulcher de Chartres, Albert d'Aix, Jacques de Vitri, etc.; les chansons de geste sur Antioche et sur Jérusalem, la branche aux royaux lignages de Guillaume Guiart, etc., la Villehardouin, Henri de Valenciennes, le sire de Joinville, etc.; les chroniques locales, les travaux des généalogistes les plus célèbres, les archives publiques et privées, les vieux cartulaires des abbayes, nous en sommes réduit à ne pouvoir réunir que trois ou quatre cents noms.

Plusieurs de ces noms se lisent dans le manuscrit de Bayeux et la collection Courtois. Le manuscrit de Bayeux contient, avec le catalogue des gentilshommes de Normandie, de Bretagne, d'Anjou, du Maine et de Touraine qui suivirent au voyage de 1096 Robert Courte-Heuse et Alain Fergent, l'indication de leurs armes. Gabriel du Moulin l'a inséré à la suite de son Histoire de Normandie. Quelques détails sont ici nécessaires. Faut-il regarder ce manuscrit comme un document digne de foi? Deux objections semblent s'élever contre son authenticité. Mais d'abord est-il bien certain que l'usage des armoiries soit postérieur à la première croisade? Les citations suivantes et autres que nous pourrions invoquer prouvent le contraire deux sceaux d'Adelbert, duc et marquis de Lorraine, apposés à deux chartes de 1030 et 1037, représentent un écu chargé d'un aigle au vol abaissé; un diplôme de Raymond de Saint-Gilles, de l'an 1088, est scellé d'une croix vidée, cléchée et pommetée; le

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sceau de Thierry II, comte de Bar-le-Duc et de Montbéliart, mis au bas d'un acte de 1093, représente deux bars adossés ; Renaud I, possesseur des mêmes comtés, y ajouta un semis de croisettes fichées, etc.

Est-il bien certain, en second lieu, que les prénoms du manuscrit en question appartiennent à des personnages qui vivaient de 1300 à 1360? Mais la plupart des seigneurs y figurent, non pas avec des noms de baptême, mais avec la qualification de sire tels sont les sires d'Ancenis, d'Avaugour, de Beaumanoir, de Châteaubriand, de Châteaugiron, de Combourg, de Dinan, de Clisson, de Coëtquen, de Kergorlay, de Léon, de Lohéac, de Malestroit, de Montauban, de Montfort, de Quintin, de Rieux, etc., etc., toutes familles fort anciennes et dont des titres nombreux attestent l'existence et la haute position féodale à la fin du XIe siècle, et la présence de plusieurs de leurs membres sous l'étendard de la croix dans le cours du xire et du xie. Et puis, parce qu'il y avait un Alain de Rohan, un Alain de Tinténiac, en 1341 et 1343, s'ensuit-il qu'il n'en existât pas avec ces prénoms, lors du grand mouvement de 1096, comme si Alain VI ne supposait pas antérieurement Alain V, Alain IV, Alain III, etc.?

Quant aux parchemins du cabinet Courtois, les uns se rapportent à la troisième et les autres à la septième croisade. Les premiers concernent des emprunts que bon nombre de gentilshommes, ruinés par la longueur du siége de Saint-Jean-d'Acre, contractèrent en 1191, envers des banquiers italiens, sous la garantie de Philippe-Auguste, de Richard-Coeur-de-Lion ou de quelque grand seigneur, soit pour continuer la guerre, soit pour regagner leur patrie; les seconds, datés de Limisso, au mois d'avril 1249, ou de Damiette et d'Acre, 1250, sont des actes de fret relatifs au passage en Égypte, ou bien des actes d'emprunt. Un séjour trop prolongé dans l'île de Chypre, et le désastre inénarrable de Mansourah avaient réduit les croisés à

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la dernière misère; il fallut, comme en 1191, recourir aux marchands de Pise et de Gênes. Charles, comte d'Anjou, et Alphonse, comte de Poitiers, servirent de caution à plusieurs d'entre eux.

Un savant paléographe, M. Gazzara, conservateur de la bibliothèque de Turin, énumère d'une manière claire et concise les considérations qui démontrent jusqu'à l'évidence l'authenticité de la masse de ces titres, et pense que, s'il s'en trouvait d'apocryphes, il serait facile de les reconnaître. Nous sommes de son avis; si loin qu'on porte aujourd'hui l'imitation des vieilles écritures, il y a, dans la contexture, dans les caractères de vétusté, je ne sais quoi qui fait distinguer le vrai du faux. Nous en avons eu quantité entre les mains, et tous nous ont semblé réunir les conditions entièrement identiques avec celles des actes du même temps les plus incontestables.

Parmi les familles que nous avons vu figurer dans la période des croisades, beaucoup sont éteintes et d'autres existent; nous leur avons consacré à toutes une notice plus ou moins longue, selon le plus ou le moins de documents mis à notre disposition. C'était justice, car, après avoir arrosé de leur sang les plages de l'Asie et de l'Afrique, elles continuèrent de le répandre en Europe contre les ennemis de la France, à Bouvines, Saintes, Taillebourg, Courtrai, Mons-en-Puelle, Cassel, l'Écluse, Crécy, Poitiers, Cocherel, Auray, Rosbecq, Azincourt, etc., etc., et sur tous les autres champs de bataille, jusqu'à nos jours, avec un dévouement à la fois chevaleresque et patriotique.

Ce n'est pas seulement pour avoir agrandi le domaine de l'histoire par des faits d'armes capables d'honorer une grande nation, que leur souvenir ou leur existence actuelle sont entourés d'une auréole de gloire, mais pour des services d'un autre genre rendus dans les conseils des rois, dans la diplomatie, l'admiuistration civile et judiciaire, dans la carrière politique et législative, et en fournissant à l'Église d'illustres prélats. Voilà ce que nous avons cherché à mettre en lumière dans chaque notice,

laissant à d'autres la tâche de donner une filiation suivie, des généalogies complètes.

Il n'était pas hors de propos d'ajouter ce qui rehausse et donne de l'éclat, comme les alliances, ce qui rémunère la bravoure, l'intelligence, les nobles instincts du cœur, la loyauté, la fidélité, c'est-à-dire les ordres de chevalerie: de l'Hermine, du Porc-Épic, de Saint-Michel, du Saint-Esprit, de SaintLouis, de la Légion-d'Honneur et ceux des états européens; la pairie; les honneurs de la cour, et surtout les titres de ducs, de marquis, de comtes, de vicomtes, de barons, conférés par érection, par lettres-patentes, par brevets, par lettres ou commissions du roi.

Le désir d'être utile, exact et véridique, a inspiré et constamment dirigé cette étude sur les anciens jours. C'est le seul but digne d'un écrivain consciencieux, le seul mérite qui sauve du naufrage le fruit de ses labeurs. Nous n'avons rien pris sur nous; chaque notice est accompagnée des preuves qui la justifient. Nous donnons dans ce volume les familles bretonnes dont les ancêtres ont combattu pour la foi; d'abord celles qui figurent à la première croisade, classées par ordre alphabétique, puis celles qu'on trouve à la seconde, rangées dans le même ordre; ainsi de suite. Le troisième volume embrassera l'Anjou, le Maine, le Poitou, et les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui appartiennent à ces provinces et à la Bretagne.

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