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diminua les impôts par l'ordre qu'il mit dans les finances, et qu'il vendit ses propres domaines pour subvenir aux dépenses de l'État, le peuple ressentit moins sous lui qu'il n'aurait fait sous tout autre monarque les inconvénients de cette expédition. Dans le concile de Tours, le clergé de France, d'après les désirs de Louis XII, déclara qu'il ne devait point une obéissance implicite au pape. Lorsque des comédiens s'avisèrent de représenter une pièce pour se moquer de la respectable avarice du roi, il ne souffrit pas qu'on les punît, et dit ces paroles remarquables : « Ils peuvent nous ap>> prendre des vérités utiles. Laissons-les se divertir, pourvu qu'ils >> respectent l'honneur des dames. Je ne suis pas fâché que l'on >> sache que, sous mon règne, on a pris cette liberté impuné» ment. » La liberté de la presse n'était-elle pas tout entière dans ces paroles? car alors la publicité du théâtre était bien plus grande que celle des livres. Jamais un monarque vraiment vertueux ne s'est trouvé en possession de la puissance souveraine sans avoir désiré de modérer sa propre autorité, au lieu d'empiéter sur les droits des peuples; les rois éclairés veulent limiter le pouvoir de leurs ministres et de leurs successeurs. Un esprit de lumière se fait toujours sentir, suivant la nature des temps, dans tous les hommes d'État de premier rang, ou par leur raison, ou par leur âge.

Les premiers jours du seizième siècle virent naître la réforme religieuse dans les États les plus éclairés de l'Europe: en Allemagne, en Angleterre, bientôt après en France. Loin de se dissimuler que la liberté de conscience tient de près à la liberté politique, il me semble que les protestants doivent se vanter de cette analogie. Ils ont toujours été et seront toujours des amis de la liberté l'esprit d'examen en matière de religion conduit nécessairement au gouvernement représentatif, en fait d'institutions politiques. La proscription de la raison sert à tous les despotismes, et seconde toutes les hypocrisies.

La France fut sur le point d'adopter la réformation à la même époque où elle se consolida en Angleterre; les plus grands seigneurs de l'État, Condé, Coligny, Rohan, Lesdiguières, professèrent la foi évangélique. Les Espagnols, guidés par l'infernal génie de

n'était que régent, convoqua les états généraux de 1355, les plus remarquables de l'histoire de France par les réclamations qu'ils firent en faveur de la nation. Ce même Charles V, devenu roi, assembla les états généraux en 1369, afin d'en obtenir l'impôt des gabelles, alors établi pour la première fois ; il permit aux bourgeois de Paris d'acheter des fiefs. Mais, comme les étrangers occupaient alors une partie du royaume, l'on peut aisément concevoir que le premier intérêt d'un roi de France était de les repousser : et cette cruelle situation fut cause que Charles V se permit d'exiger quelques impôts sans le consentement de la nation. Mais, en mourant, il déclara qu'il s'en repentait, et reconnut qu'il n'en avait pas eu le droit. Les troubles intérieurs, combinés avec les invasions des Anglais, rendirent pendant longtemps la marche du gouvernement très-difficile. Charles VII établit le premier les troupes de ligne; funeste époque dans l'histoire des nations! Louis XI, dont le nom suffit comme celui de Néron ou de Tibère, essaya de s'arroger le pouvoir absolu. Il fit quelques pas dans la route que le cardinal de Richelieu a si bien suivie depuis; mais il rencontra dans les parlements une grande opposition. En général, ces corps ont donné de la consistance aux lois en France, et il n'est presque pas une de leurs remontrances où ils ne rappellent aux rois leurs engagements envers la nation. Ce même Louis XI était encore bien loin cependant de se croire un roi sans limites; et, dans l'instruction qu'il laissa en mourant à son fils Charles VIII, il lui dit : « Quand les rois ou les princes n'ont regard à la loi, en ce >> faisant, ils font leur peuple serf, et perdent le nom de roi; car »> nul ne doit être appelé roi, fors celui qui règne et seigneurie sur » les Francs. Les Francs de nature aiment leur seigneur; mais les » serfs naturellement haïssent comme les esclaves leurs maîtres. » Tant il est vrai que, par testament du moins, les tyrans mêmes ne peuvent s'empêcher de blâmer le despotisme! Louis XII, surnommé le Père du peuple, soumit à la décision des états généraux le mariage du comte d'Angoulême, depuis François Ier, avec sa fille Claude, et le choix de ce prince pour successeur. La continuation de la guerre d'Italie était impolitique; mais, comme Louis XII

diminua les impôts par l'ordre qu'il mit dans les finances, et qu'il vendit ses propres domaines pour subvenir aux dépenses de l'État, le peuple ressentit moins sous lui qu'il n'aurait fait sous tout autre monarque les inconvénients de cette expédition. Dans le concile de Tours, le clergé de France, d'après les désirs de Louis XII, déclara qu'il ne devait point une obéissance implicite au pape. Lorsque des comédiens s'avisèrent de représenter une pièce pour se moquer de la respectable avarice du roi, il ne souffrit pas qu'on les punît, et dit ces paroles remarquables : « Ils peuvent nous ap>> prendre des vérités utiles. Laissons-les se divertir, pourvu qu'ils >> respectent l'honneur des dames. Je ne suis pas fâché que l'on >> sache que, sous mon règne, on a pris cette liberté impuné>> ment. » La liberté de la presse n'était-elle pas tout entière dans ces paroles? car alors la publicité du théâtre était bien plus grande que celle des livres. Jamais un monarque vraiment vertueux ne s'est trouvé en possession de la puissance souveraine sans avoir désiré de modérer sa propre autorité, au lieu d'empiéter sur les droits des peuples; les rois éclairés veulent limiter le pouvoir de leurs ministres et de leurs successeurs. Un esprit de lumière se fait toujours sentir, suivant la nature des temps, dans tous les hommes d'État de premier rang, ou par leur raison, ou par leur âge.

Les premiers jours du seizième siècle virent naître la réforme religieuse dans les États les plus éclairés de l'Europe en Allemagne, en Angleterre, bientôt après en France. Loin de se dissimuler que la liberté de conscience tient de près à la liberté politique, il me semble que les protestants doivent se vanter de cette analogie. Ils ont toujours été et seront toujours des amis de la liberté l'esprit d'examen en matière de religion conduit nécessairement au gouvernement représentatif, en fait d'institutions politiques. La proscription de la raison sert à tous les despotismes, et seconde toutes les hypocrisies.

La France fut sur le point d'adopter la réformation à la même époque où elle se consolida en Angleterre; les plus grands seigneurs de l'État, Condé, Coligny, Rohan, Lesdiguières, professèrent la foi évangélique. Les Espagnols, guidés par l'infernal génie de

Philippe II, soutinrent la Ligue en France, conjointement avec Catherine de Médicis. Une femme de son caractère devait souhaiter le pouvoir sans bornes, et Philippe II voulait faire de sa fille une reine de France, au préjudice de Henri IV. On voit que le despotisme ne respecte pas toujours la légitimité. Les parlements ont refusé cent édits royaux de 1562 à 1589. Néanmoins le chancelier de l'Hôpital trouva plus d'appui pour la tolérance religieuse dans les états généraux qu'il put rassembler que dans le parlement. Ce corps de magistrature, très-bon pour maintenir les anciennes lois, comme sont tous les corps, ne participait pas aux lumières du temps. Des députés élus par la nation peuvent seuls s'associer à ses besoins et à ses désirs selon chaque époque.

Henri IV fut longtemps le chef des réformés; mais il se vit enfin forcé de céder à l'opinion dominante, bien qu'elle fût celle de ses adversaires. Toutefois il montra tant de sagesse et de magnanimité pendant son règne, que le souvenir de ce peu d'années est plus récent encore pour les cœurs français que celui même des deux siècles qui se sont écoulés depuis.

L'édit de Nantes, publié en 1598, fondait la tolérance religieuse pour laquelle on n'a point encore cessé de lutter. Cet édit opposait une barrière au despotisme; car, quand le gouvernement est obligé de tenir la balance égale entre deux partis opposés, c'est un exercice continuel de raison et de justice. D'ailleurs, comment un homme tel que Henri IV eût-il désiré le pouvoir absolu? C'était contre la tyrannie de Médicis et des Guise qu'il s'était armé; il avait combattu pour en délivrer la France, et sa généreuse nature lui inspirait bien plus le besoin de l'admiration libre que de l'obéissance servile. Sully mettait dans les finances du royaume un ordre qui aurait pu rendre l'autorité royale tout à fait indépendante des peuples; mais Henri IV ne faisait point ce coupable usage d'une vertu, l'économie : il convoqua donc l'assemblée des notables à Rouen, et voulut qu'elle fût librement élue, sans que l'influence du souverain eût part au choix de ses membres. Les troubles civils étaient encore bien récents, et l'on aurait pu se servir de ce prétexte pour remettre tous les pouvoirs entre les mains du sou

verain; mais c'est dans la vraie liberté que se trouve le remède le plus efficace contre l'anarchie. Chacun sait par cœur les belles paroles de Henri IV, à l'ouverture de l'assemblée. La conduite du roi fut d'accord avec son langage: il se soumit aux demandes de l'assemblée, bien qu'elles fussent assez impérieuses, parce qu'il avait promis d'obtempérer aux désirs des délégués du peuple. Enfin, le même respect pour la publication de la vérité, qu'avait montré Louis XII, se trouve dans les discours que Henri IV tint à son historien Matthieu contre la flatterie.

A l'époque où vivait Henri IV, les esprits n'étaient tournés que vers la liberté religieuse; il crut l'assurer par l'édit de Nantes : mais comme il en était seul l'auteur, un autre roi put défaire son ouvrage. Chose étonnante! Grotius prédit sous Louis XIII, dans un de ses écrits, que l'édit de Nantes étant une concession et non pas un pacte réciproque, un des successeurs de Henri IV pourrait changer ce qu'il avait établi. Si ce grand monarque avait vécu de nos jours, il n'aurait pas voulu que le bien qu'il faisait à la France fût précaire comme sa vie, et il aurait donné des garanties politiques à cette même tolérance, dont, après sa mort, la France fut cruellement privée.

Henri IV, peu de temps avant de mourir, conçut, dit-on, la grande idée d'établir l'indépendance des divers États de l'Europe par un congrès, Mais ce qui est certain au moins, c'est que son but principal était de soutenir le parti des protestants en Allemagne. Le fanatisme, qui le fit assassiner, ne se trompa point sur ses véritables intentions.

Ainsi périt le souverain le plus français qui ait régné sur la France. Souvent nos rois ont tenu de leurs mères un caractère étranger, mais Henri IV était en tout compatriote de ses sujets. Lorsque Louis XIII hérita de sa mère, Italienne, une grande dissimulation, on ne reconnut plus le sang du père dans le fils. Qui pourrait croire que la maréchale d'Ancre ait été brûlée comme sorcière, et en présence de la même nation qui venait, vingt ans auparavant, d'applaudir à l'édit de Nantes? Il y a des époques où le sort de l'esprit humain dépend d'un homme; celles-là sont

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