Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

eût été celle de Washington : le même désintéressement, le même enthousiasme, la même persévérance dans les opinions, distinguent l'un et l'autre de ces généreux amis de l'humanité. Si le général Washington avait été, comme le marquis de la Fayette, chef de la garde nationale de Paris, peut-être aussi n'aurait-il pu triompher des circonstances; peut-être aurait-il aussi échoué contre la difficulté d'être fidèle à ses serments envers le roi, et d'établir cependant la liberté de la nation.

M. de la Fayette, il faut le dire, doit être considéré comme un véritable républicain; aucune des vanités de sa classe n'est jamais entrée dans sa tête; la puissance, dont l'effet est si grand en France, n'a point d'ascendant sur lui; le désir de plaire dans les salons ne modifie pas la moindre de ses paroles; il a sacrifié toute sa fortune à ses opinions avec la plus généreuse indifférence. Dans les prisons d'Olmutz, comme au pinacle du crédit, il a été également inébranlable dans son attachement aux mêmes principes. C'est un homme dont la façon de voir et de se conduire est parfaitement directe. Qui l'a observé peut savoir d'avance avec certitude ce qu'il fera dans toute occasion. Son esprit politique est pareil à celui des Américains des États-Unis, et sa figure même est plus anglaise que française. Les haines dont M. de la Fayette est l'objet n'ont jamais aigri son caractère, et sa douceur d'âme est parfaite; mais aussi rien n'a jamais modifié ses opinions, et sa confiance dans le triomphe de la liberté est la même que celle d'un homme pieux dans la vie à venir. Ces sentiments, si contraires aux calculs égoïstes de la plupart des hommes qui ont joué un rôle en France, pourraient bien paraître à quelques-uns assez dignes de pitié : il est si niais, pensent-ils, de préférer son pays à soi; de ne pas changer de parti, quand le parti qu'on servait est battu; enfin, de considérer la race humaine non comme des cartes à jouer qu'il faut faire servir à son profit, mais comme l'objet sacré d'un dévoûment absolu! Néanmoins, si c'est ainsi qu'on peut encourir le reproche de niaiserie, puissent nos hommes d'esprit le mériter une fois! C'est un phénomène singulier qu'un caractère pareil à celui de M. de la Fayette se soit développé dans le pre

mier rang des gentilshommes français; mais on ne peut l'accuser ni le juger impartialement, sans le reconnaître pour tel que je viens de le peindre. Il est alors facile de comprendre les divers contrastes qui devaient naître entre sa situation et sa manière d'être. Soutenant la monarchie par devoir plus que par goût, il se rapprochait involontairement des principes des démocrates qu'il était obligé de combattre ; et l'on pouvait apercevoir en lui quelque faible pour les amis de la république, quoique sa raison lui défendît d'admettre leur système en France. Depuis le départ de M. de la Fayette pour l'Amérique, il y a quarante ans, on ne peut citer ni une action, ni une parole de lui qui n'ait été dans la même ligne, sans qu'aucun intérêt personnel se soit jamais mêlé à sa conduite. Le succès aurait mis cette manière d'être en relief; mais elle mérite toute l'attention de l'historien, malgré les circonstances et même les fautes qui peuvent servir d'armes aux ennemis.

Le 11 juillet, avant que le tiers état eût triomphé, M. de la Fayette parut à la tribune de l'assemblée constituante pour proposer une déclaration des droits à peu près semblable à celle que les Américains mirent à la tête de leur constitution, lorsqu'ils eurent conquis leur indépendance. Les Anglais aussi, quand ils appelèrent Guillaume III à la couronne, après l'exclusion des Stuarts, lui firent signer un bill des droits sur lesquels la constitution actuelle de l'Angleterre est fondée. Mais, la déclaration des droits d'Amérique étant destinée à un peuple où nul privilége antérieur n'opposait d'obstacle au dessein pur de la raison, on mit à la tête de cette déclaration des principes universels sur la liberté et l'égalité politiques tout à fait d'accord avec les lumières déjà répandues parmi la nation américaine. En Angleterre, le bill des droits ne portait point sur des idées générales, il consacrait des lois et des institutions positives.

La déclaration des droits de 1789 renfermait ce qu'il y avait de meilleur dans celles d'Angleterre et d'Amérique; mais peut-être aurait-il mieux valu s'en tenir à ce qui, d'une part, n'est pas contestable, et, de l'autre, ne saurait être susceptible d'aucune interprétation dangereuse. Les distinctions sociales, on n'en saurait

douter, ne peuvent avoir d'autre but que l'utilité de tous; les pouvoirs politiques émanent tous de l'intérêt du peuple; les hommes naissent et demeurent libres et égaux devant la loi : mais il y a bien de l'espace pour des sophismes dans un champ aussi vaste, tandis que rien n'est plus clair et plus positif que l'application de ces vérités à la liberté individuelle, à l'établissement du jury, à la liberté de la presse, à l'élection populaire, à la division du pouvoir législatif, au consentement des subsides, etc. Philippe le Long a dit que tout homme, et en particulier tout Français, naissait et demeurait libre; l'on sait, au reste, qu'il ne s'est pas laissé gêner par les conséquences de cette maxime; mais les nations pourraient y attacher un sens plus étendu que les rois. Quand la déclaration des droits de l'homme parut dans l'assemblée constituante, au milieu de tous ces jeunes gentilshommes naguère courtisans, ils apportèrent l'un après l'autre à la tribune leurs phrases philosophiques, se complaisant dans les débats minutieux sur la rédaction de telle ou telle maxime, dont la vérité est pourtant si évidente, que les mots les plus simples de toutes les langues peuvent l'exprimer également. L'on prévit alors que rien de stable ne pourrait sortir d'un travail dont la vanité, frivole et factieuse tout ensemble, s'était si vite emparée.

CHAPITRE IV.

Des biens opérés par l'assemblée constituante.

Avant de retracer les funestes événements qui ont dénaturé la révolution française, et perdu en Europe, pour longtemps peutêtre, la cause de la raison et de la liberté, examinons les principes proclamés par l'assemblée constituante, et présentons le tableau des biens que leur application a produits et produit encore en France, malgré tous les malheurs qui ont pesé sur ce pays.

La torture subsistait en 1789; le roi n'avait aboli que la question préparatoire; des supplices tels que la roue, et des tourments pareils à ceux qui avaient été infligés pendant trois jours à Damiens,

mier rang des gentilshommes français; mais on ne peut l'accuser ni le juger impartialement, sans le reconnaître pour tel que je viens de le peindre. Il est alors facile de comprendre les divers contrastes qui devaient naître entre sa situation et sa manière d'être. Soutenant la monarchie par devoir plus que par goût, il se rapprochait involontairement des principes des démocrates qu'il était obligé de combattre ; et l'on pouvait apercevoir en lui quelque faible pour les amis de la république, quoique sa raison lui défendît d'admettre leur système en France. Depuis le départ de M. de la Fayette pour l'Amérique, il y a quarante ans, on ne peut citer ni une action, ni une parole de lui qui n'ait été dans la même ligne, sans qu'aucun intérêt personnel se soit jamais mêlé à sa conduite. Le succès aurait mis cette manière d'être en relief; mais elle mérite toute l'attention de l'historien, malgré les circonstances et même les fautes qui peuvent servir d'armes aux ennemis.

Le 11 juillet, avant que le tiers état eût triomphé, M. de la Fayette parut à la tribune de l'assemblée constituante pour proposer une déclaration des droits à peu près semblable à celle que les Américains mirent à la tête de leur constitution, lorsqu'ils eurent conquis leur indépendance. Les Anglais aussi, quand ils appelèrent Guillaume III à la couronne, après l'exclusion des Stuarts, lui firent signer un bill des droits sur lesquels la constitution actuelle de l'Angleterre est fondée. Mais, la déclaration des droits d'Amérique étant destinée à un peuple où nul privilége antérieur n'opposait d'obstacle au dessein pur de la raison, on mit à la tête de cette déclaration des principes universels sur la liberté et l'égalité politiques tout à fait d'accord avec les lumières déjà répandues parmi la nation américaine. En Angleterre, lé bill des droits ne portait point sur des idées générales, il consacrait des lois et des institutions positives.

La déclaration des droits de 1789 renfermait ce qu'il y avait de meilleur dans celles d'Angleterre et d'Amérique; mais peut-être aurait-il mieux valu s'en tenir à ce qui, d'une part, n'est pas contestable, et, de l'autre, ne saurait être susceptible d'aucune interprétation dangereuse. Les distinctions sociales, on n'en saurait

douter, ne peuvent avoir d'autre but que l'utilité de tous; les pouvoirs politiques émanent tous de l'intérêt du peuple; les hommes naissent et demeurent libres et égaux devant la loi : mais il y a bien de l'espace pour des sophismes dans un champ aussi vaste, tandis que rien n'est plus clair et plus positif que l'application de ces vérités à la liberté individuelle, à l'établissement du jury, à la liberté de la presse, à l'élection populaire, à la division du pouvoir législatif, au consentement des subsides, etc. Philippe le Long a dit que tout homme, et en particulier tout Français, naissait et demeurait libre; l'on sait, au reste, qu'il ne s'est pas laissé gêner par les conséquences de cette maxime; mais les nations pourraient y attacher un sens plus étendu que les rois. Quand la déclaration des droits de l'homme parut dans l'assemblée constituante, au milieu de tous ces jeunes gentilshommes naguère courtisans, ils apportèrent l'un après l'autre à la tribune leurs phrases philosophiques, se complaisant dans les débats minutieux sur la rédaction de telle ou telle maxime, dont la vérité est pourtant si évidente, que les mots les plus simples de toutes les langues peuvent l'exprimer également. L'on prévit alors que rien de stable ne pourrait sortir d'un travail dont la vanité, frivole et factieuse tout ensemble, s'était si vite emparée.

CHAPITRE IV.

Des biens opérés par l'assemblée constituante.

Avant de retracer les funestes événements qui ont dénaturé la révolution française, et perdu en Europe, pour longtemps peutêtre, la cause de la raison et de la liberté, examinons les principes proclamés par l'assemblée constituante, et présentons le tableau des biens que leur application a produits et produit encore en France, malgré tous les malheurs qui ont pesé sur ce pays.

La torture subsistait en 1789; le roi n'avait aboli que la question préparatoire; des supplices tels que la roue, et des tourments pareils à ceux qui avaient été infligés pendant trois jours à Damiens,

« VorigeDoorgaan »