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velle mairie du XVIII arrondissement a conservé, jusqu'en 1860, par son ancienne dénomination de rue du Manoir, le souvenir de la résidence seigneuriale des Liger. A l'angle opposé de la rue du MontCenis, c'est-à-dire au numéro 103 de la rue Marcadet, la tourelle d'un cabaret prétend rappeler le colombier féodal d'antan, tandis qu'en face les vieilles masures des numéros 110 et 112 de la même rue passent pour être ce qui reste de l'un des fiefs de Clignancourt. Les murs de la chapelle des Liger font encore saillie sur la place Marcadet; mais ils sont presque en ruines. Nous nous rappelons y avoir vu un poste de sapeurs-pompiers, puis un débit de vins. Sa fermeture au culte fut ordonnée, en 1792, par le directoire de SaintDenis, et les plombs et les fers qui en provenaient furent transportés à Paris1.

Mais l'histoire domaniale et seigneuriale de Clignancourt ne saurait se terminer ainsi. Plus tard, s'il nous est permis d'examiner les titres de propriété des plus vieilles familles de la localité, notamment de M. M. Labat, de M. de Romanet et de Mme la baronne Michel de Trétaigne, nous pourrons donner le complément qui convient à cette modeste étude.

Charles SELLIER.

LES RUBANS VERTS DU MISANTHROPE.

« Pour l'homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois avec « ses brusqueries et ses chagrins bourrus (c'est-à-dire fantasques). » Ainsi parle d'Alceste cette grande coquette de Célimène, dans le billet (acte V, scène 4) où elle se moque si agréablement de ses adorateurs. Pourquoi Molière, qui ne faisait jamais rien sans raison, a-t-il jugé à propos, en mentionnant ce détail de toilette, de fixer à jamais la couleur des rubans que devait porter l'acteur chargé de jouer le rôle du Misanthrope? On s'est souvent fait cette question qui n'a point encore reçu de réponse satisfaisante.

Malgré ses qualités et son esprit, l'état mental d'Alceste laisse fort à désirer. La douce Éliante convient elle-même que

Dans ses façons d'agir il est fort singulier;

et Célimène ne se gêne pas pour lui dire en face :
Vous êtes, sans mentir, un grand extravagant...
Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement?...
Allez, vous êtes fou dans vos transports jaloux.

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Singulier, extravagant, fou, voilà les épithètes dont ses meilleures amies le gratifient, et Donneau de Visé, dans sa fameuse lettre sur le

1. Michel de Trétaigne, Montmartre et Clignancourt, p. 234.

Misanthrope, ne manque pas de prononcer le mot de folie1, « si, dit-il, << on peut appeler ainsi son humeur. » Oui, certes on le peut. On ne saurait désigner autrement le caractère d'un homme refusant d'appeler d'un injuste arrêt qui peut lui coûter vingt mille francs, afin d'avoir le droit de pester

Contre l'iniquité de la nature humaine,

Et de nourrir pour elle une mortelle haine,

et qui s'apprête à fuir le monde pour

... Chercher sur la terre un endroit écarté, Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.

Alceste est donc bien ce qu'aujourd'hui nous n'hésiterions pas à nommer un toqué au premier chef.

Or, Molière a voulu parfois donner à l'avance au public une idée du caractère de ses personnages par la forme ou la couleur de leur habillement. « Vous regardez mon habit qui n'est pas fait comme les « autres, dit Sbrigani à Pourceaugnac; mais je suis originaire de « Naples, et j'ai voulu conserver un peu et la manière de s'habiller « et la sincérité de mon pays, » et ailleurs, dans le Médecin malgré lui, Sganarelle est affublé d'un habit jaune et vert, ce qui fait dire à Lucas qu'il doit être le médecin des perroquets 2.

Le vert, fils du printemps, peint la douce espérance, chantait Delille il y a, je crois, une centaine d'années, mais, très longtemps avant lui, cette couleur peignait tout autre chose. « Le vert, » dit Henri Estienne, « est expressément réservé aux folz3. » — - Lorsque la nouvelle de l'assassinat de Henri III arriva à Paris, « le peuple, »> raconte le Journal de L'Estoile (août 1589), « pour témoignage de « la joie qu'il en avoit, en porta le deuil vert, qui est la livrée des « fous4. » Enfin, dans quelques provinces, on dit encore une téte verte pour dire une tête folle. Nul doute, on le voit, sur la signification que l'on attachait à la couleur verte.

Serait-il donc absurde d'admettre que Molière, en parant Alceste de ces beaux rubans, ait eu l'intention de faire comprendre malicieu

I.

dit Philinte.

Et c'est une folie à nulle autre seconde

De vouloir se mêler de corriger le monde,

2. Jaune et vert, c'est la couleur de la belle livrée (c'est-à-dire des rubans) que dans Pantagruel (liv. IV, chap. xiv) on attacha à la manche de Chiquanoux.

3. Deux dialogues du nouveau langage françois italianizé, édit. de 1579, P. 213.

4. « Dans Paris ne retentissoient que les esclats d'une incomparable gayeté; « quelques princesses et grands se parèrent d'escharpes vertes.» (Aubigné, Hist. universelle, année 1589, éd. de 1626, tome II, col. 259.) - Voy. encore le Baron de Faeneste, liv. IV, chap. XIII.

sement aux spectateurs, par un signe sensible dont le sens ne devait point leur échapper, qu'au fond lui aussi était tant soit peu de l'avis d'Éliante et de Célimène?

Un dernier mot. Dans le second chapitre de la première partie de son roman, Cervantès a fait attacher la salade (zelada) de don Quichotte avec des rubans verts' que le chevalier (un vrai fou celui-là) ne consentit jamais à laisser couper par les filles qui voulaient le désarmer. Molière connaissait certainement don Quichotte; se serait-il souvenu de ce passage?

Lud. LALANNE.

85.

III.

BIBLIOGRAPHIE.

ANCONA (Alessandro D'). Parigi, la Corte, la Città, ragguagli tratti dalle Relazioni di Cassiano DAL Pozzo (1625) e di Giov. Batt. MALASPINA (1786). Pisa, 1891. In-8° de 42 pages.

Cette plaquette, publiée, le 18 juin 1891, par l'érudit professeur de l'université de Pise, M. Alessandro d'Ancona, à l'occasion du mariage de sa nièce, contient des extraits de deux relations italiennes. La première de ces relations est relative à l'ambassade du cardinal Barberini en France, et son auteur, Cassiano dal Pozzo, décrit en deux passages reproduits par M. d'Ancona les audiences accordées au cardinal-légat, le 25 mai 1625, par le roi et la reine mère. Dans l'autre relation plus récente d'un siècle et demi, Giov.-Batt. Malaspina donne le détail de son voyage en France pendant les années 1785 et 1786. Il consacre à Paris et aux Parisiens une vingtaine de pages, mises au jour par M. d'Ancona, où la critique se mélange à l'éloge. Certains reproches qu'il adresse aux hommes et aux choses de son temps trouveraient encore aujourd'hui leur application; pour les autres, espérons que depuis longtemps ils n'ont plus leur raison d'être.

Je résume, en suivant l'ordre un peu confus de l'auteur, les appréciations de Malaspina :

« Paris, ce gouffre immense, nous dit-il, compte en 1786 de 700,000 à 800,000 habitants. Les vieux quartiers, principalement celui de la Cité, ne sont ni propres ni beaux; cependant l'ensemble de la ville offre un air de grandeur qu'on ne rencontre nulle part ailleurs et que rehaussent encore de nombreux palais bien bâtis et des boutiques remarquables par l'éclat de leurs devantures et l'importance de leurs enseignes.

« Les hôpitaux ne sont pas le côté brillant de l'administration française. A l'Hôtel-Dieu, entre autres, on met dans un même lit jusqu'à quatre et cinq malades!

<< Et pourtant, en face de cette négligence, que de soins donnés à d'autres

I. « Con unas cintas verdes. >>

choses, moins utiles peut-être, mais intéressant directement plus de monde, l'éclairage de la ville, par exemple, qui, malheureusement, n'a pas lieu quand il y a clair de lune, ou plutôt quand le clair de lune est annoncé par l'almanach, et le numérotage des maisons, qui n'existe pas dans les autres villes!

« Les voies larges sont assez nombreuses, comme la rue Saint-Honoré, la rue Montmartre, etc.; mais la plus belle est le Boulevard, avec ses guinguettes et ses petits théâtres, promenade réservée aux piétons, qui trouvent là les trottoirs qui manquent ailleurs et peuvent ainsi oublier pour un instant les cochers qui mènent trop vite et les ordures qui empestent les autres rues.

« On ne peut que se louer des auberges et des restaurateurs, où l'on mange bien et à bon compte; mais on ne saurait en faire autant des cochers de fiacres, voitures sales et mal tenues, dont le seul avantage est de coûter moins cher que les carrosses de louage (30 sols la première heure et 24 les heures suivantes, au lieu de 14 ou 15 livres pour la journée, non compris le pourboire).

Le prix des places est élevé dans les théâtres, dont les représentations finissent à neuf heures. La musique est bonne à l'Opéra, où l'on a le bon esprit de se borner à donner par an un nombre restreint de pièces, qu'on peut goûter à plaisir. Les gardes-françaises qui font la police du théâtre ont des allures de grands seigneurs on les prendrait pour des officiers généraux plutôt que pour des sous-officiers. « Le Parisien, qui semble avoir pris pour devise: s'amuser et s'occuper, a l'esprit vif, curieux et mobile; il aime le plaisir et est âpre au gain : aussi les transactions commerciales laissent-elles parfois à désirer sous le rapport de la bonne foi. Les gens du grand monde ont des manières délicates et distinguées, mais le reste de la population se renferme dans son égoïsme et n'est pas accueillant pour les étrangers, auxquels il rend toutefois pleine justice, quand il les connaît bien. S'exprimant avec grâce et facilité, le Français, et particulièrement le Parisien, ne tire vanité que des talents et de l'esprit qu'il est fier de posséder; capricieux en même temps que pratique, il est humain et non point cruel, comme pourrait le faire croire sa manie du duel et l'empressement qu'il met à assister aux exécutions capitales: il n'a au suprême degré qu'un défaut, celui d'être excessif en tout.

Les femmes ne sont point ici reléguées dans leur rôle de mères de famille; elles participent à tous les ouvrages des hommes, et la Bibliothèque du roi compte autant de lectrices que de lecteurs. De manières aimables, la Parisienne possède souvent un grand esprit de réflexion; elle est très bonne commerçante, en même temps qu'artiste, mais ignore généralement les langues étrangères : les Français du reste en sont tous là. »

Ici s'arrête l'extrait donné par M. d'Ancona, dont nous avons essayé de relever les points principaux : il est à noter que certaines remarques de Malaspina avaient déjà, deux siècles auparavant, été faites par un autre narrateur italien1 : le Parisien n'a donc pas l'esprit aussi mobile que le prétend notre auteur. Gaston RAYNAUD.

1. Notamment en ce qui concerne la malpropreté des rues, l'esprit commerçant des femmes, etc. (voy. le Bulletin de la Société de l'histoire de Paris, 1885, t. XII, p. 169 et 166).

Nogent-le-Rotrou, imprimerie DAUPELEY-GOUVERNEUR.

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ

DE L'HISTOIRE DE PARIS

ET DE L'ILE-DE-FRANCE.

I.

COMPTE-RENDU DES SÉANCES.

SÉANCE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
Tenue à la Bibliothèque nationale le 13 octobre 1891.

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Présidence de M. A. DUFOUR, en l'absence de M. le président et de M. le vice-président, empêchés.

La séance est ouverte à quatre heures.

- Étaient présents: MM. G. Bienaymé, A. Bruel, L. Delisle, A. Dufour, marquis J. de Laborde, P. Lacombe, H. Omont, L.-M. Tisserand, P. Viollet.

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- MM. A. de Barthélemy, P. Bonnassieux, G. Raynaud et Ch. Tranchant s'excusent par lettre de ne pouvoir assister à la séance.

Le procès-verbal de la séance du Conseil d'administration du 21 juillet 1891 est lu et adopté.

- M. le Président annonce au Conseil la mort de M. Ernest Sajou, membre de la Société, et de M. Auguste Vitu, ancien président de la Société, membre du Comité des fonds. Tous nos confrères se rappellent l'intérêt et la part que M. Vitu a pris jusqu'au dernier jour à

BULLETIN XVIII

II

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