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auteur; et c'est là aussi une distinction, faute de laquelle beaucoup d'auteurs qui ont traité de Tusculum et des événements de son histoire en rapport avec celle de Rome, ont commis plus d'une erreur grave.

Je ne m'étendrai pas sur la circonscription du territoire propre de Tusculum, que M. Canina s'attache à déduire toujours, suivant moi avec beaucoup d'exactitude, des notions qui résultent des voies antiques et de celles qui concernent les eaux Tepula, Appia, Julia et Crabra, lesquelles avaient leurs sources en des territoires voisins de celui de Tusculum, ou compris dans ce territoire même. Cette partie du travail de M. Canina, qui n'est pas susceptible d'analyse, ne m'en paraît pas moins digne d'intérêt, et je crois que le territoire de Tusculum, l'ager Tusculanus, tel qu'il le définit d'après les témoignages antiques et qu'il le trace sur le terrain moderne, doit s'éloigner aussi peu que possible de la vérité.

C'est la topographie de la ville même de Tusculum qui mérite au plus haut degré l'attention, à cause des souvenirs historiques qui s'y rattachent, et en raison des ruines considérables qui s'y retrouvent encore. Nous avons vu que les premiers habitants avaient occupé l'éminence escarpée qui se détache du milieu d'un plateau, compris lui-même dans la chaîne des collines tusculanes; ce fut là le premier établissement des indigènes; et lorsque les Grecs, avec leur chef mythologique Telegonus furent venus se réunir à eux, cette acropole primitive fut ceinte de murs, qui rendirent cette place très-forte, et dont il est fait souvent mention dans l'histoire, sous le nom de murs Télégoniens. Il ne subsiste plus aujourd'hui aucun reste de cette muraille; mais on peut cependant en suivre encore le développement sur le terrain, comme M. Canina l'a tracé sur sa vro planche, attendu qu'elle dut former la continuation du rocher taillé presque partout à pic, dont les bords se montrent encore en beaucoup d'endroits aplanis, pour y asseoir cette épaisse et solide muraille. Deux portes donnaient accès à l'acropole, l'une, du côté du couchant, où le rocher s'abaisse vers le plateau, l'autre, du côté opposé, où ce roc présente le plus d'escarpement. Cette disposition des lieux, d'accord avec la situation même de ces portes, indique suffisamment que celle du couchant fut l'entrée principale, et qu'elle dut être fortifiée d'une manière particulière, suivant l'usage de ces âges reculés. Effectivement, on reconnaît encore qu'elle était munie, du côté gauche, d'une muraille qui constituait ce que l'on appelait dans la haute antiquité une porte scée, dont Vitruve explique parfaitement la cons

1 Journ. des Savants, décembre 1847, p. 713.

truction et l'objet1, et dont la célèbre porte scée de Troie offrait un exemple, si souvent rappelé dans l'Iliade. Il subsiste encore quelques vestiges de cette porte, dont M. Canina présente une vue pittoresque et un projet de restauration; quant à l'autre porte, encore mieux défendue l'assiette des lieux, il n'en reste absolument aucune trace.

par

Il est impossible aujourd'hui de se représenter autrement que par la pensée la forme de la ville primitive, renfermée dans l'étroit espace de cette acropole, ceinte d'une épaisse muraille. L'espace du milieu dut en être occupé par le temple principal et probablement unique, qui fut celui du dieu suprême, du Jupiter Maius, comme nous l'apprend Macrobe 2, le même temple, dont il est fait aussi mention par TiteLive 3, à l'occasion d'un de ces accidents atmosphériques qu'on regardait alors comme des prodiges, et par l'effet duquel le comble de ce temple fut atteint par la foudre, et le toit presque entièrement détruit. Notre auteur expose, au sujet de cet édifice, une conjecture dont je ne puis me dispenser de parler, et à laquelle je ne saurais accorder mon assentiment; c'est que, comme il existe une inscription, trouvée à Tusculum, et portant un vœu IOVI OPTIMO DOLICHENO, le temple en question pourrait bien être aussi celui de Jupiter Dolichenus, dont le culte, dérivé, comme l'on sait, de la Commagène, aurait été apporté à Tusculum par la colonie grecque de Telegonus. Or, à mon avis, rien n'est moins probable que de pareilles suppositions. Le fait d'un marbre votif, érigé à Jupiter Dolichenus, n'implique en aucune façon l'existence d'un temple dédié à ce dieu; et ce qui ne me paraît pas moins constant, c'est que le culte de ces divinités syriennes, introduit à Rome dans le dernier âge de l'empire, ne peut avoir eu rien de commun avec les religions primitives du Latium. J'aurais encore à faire, sur ce temple de Jupiter Maius, dont il ne reste aujourd'hui de visible à la surface du roc que des traces informes du plan, une observation plus grave; c'est qu'en restaurant ce plan, comme l'a fait M. Canina, d'après l'hypothèse que ce devait être un édifice construit suivant la manière dorique employée par les Toscans, il me semble avoir fait une fausse application des doctrines de Vitruve. Effectivement, en partant de cette donnée que l'édifice en question devait offrir la forme des temples toscans,

1 Vitruv. 1. I, chap. v. Macrob. Sat. 1, 12: Sunt qui hunc mensem ad « nostros fastos a Tusculanis transisse commemorent, apud quos nunc quoque vo«catur deus Maius, qui est Jupiter, a magnitudine scilicet ac majestate dictus. » — 3 Tit.-Liv. XXVII, IV : « Tusculi........ Jovis ædis culmen fulmine ictum ac prope « omni tecto nudatum. » — Voy. au sujet de ce Jupiter Dolichenus et des monuments qui y ont rapport, Marini, Fratr. Arval. p. 539.

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M. Canina l'a restauré avec trois cellules dans sa cella; mais c'était là une disposition particulière au temple de Jupiter Capitolin de Rome, qui ne pouvait constituer l'usage général, même chez les Romains, à plus forte raison chez les Latins, surtout à une époque antérieure de tant de siècles à la naissance de Rome; et, en fait même de temples toscans à une seule cella, qui devaient constituer la classe la plus nombreuse des édifices sacrés, l'exemple du temple d'Alba Fucensis, véritable modèle d'un temple toscan, érigé vers le milieu du v° siècle de Rome1, est bien plutôt celui que notre auteur aurait dû prendre. Je n'approuve pas non plus l'idée qu'il a eue, de mettre sur l'acropole le temple de Castor et Pollux, dont le culte existait bien certainement à Tusculum, et même, suivant toute apparence, dès la plus ancienne époque; mais, sans qu'il soit avéré, ni même rendu probable, que le temple fût érigé dans la ville primitive, arx, plutôt que dans la cité d'un âge postérieur, oppidam. La manière dont s'exprime Cicéron, au sujet de ce temple 2, s'accorde bien mieux avec cette dernière supposition; et le témoignage même de la médaille de la famille Sulpicia alléguée par notre auteur est plutôt contraire que favorable à son opinion, puisque l'enceinte des murs de Tusculum, qui forme l'un des types de cette médaille, au revers de celui des têtes accolées des Dioscures, est certainement l'enceinte de la ville ou du municipium, et non celle de la citadelle, arx; ce qui résulte de l'inscription de la porte TUSCUL. M. Canina connaît certainement mieux que personne la distinction établie entre les deux parties de Tusculum, désignées, à partir des temps de la république, par les mots arx et oppidum 3; et il sait parfaitement aussi que, dans le langage des écrivains latins, le nom de Tusculum indiquait la ville et non pas la citadelle.

Le résultat des fouilles les plus récentes, qui sont celles de 1835 et 1836, dirigées par notre auteur lui-même, d'après les ordres du prince Borghese, a été de constater qu'il ne subsistait absolument plus rien d'antique sur la face de l'acropole de Tusculum. Les restes de construc

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'Consultez, au sujet de ce temple, dont il a donné le plan et les détails, l'excellent ouvrage de M. Promis, Le antichità di Alba Fucense (Roma, 1836, 8°), c. Ix, p. 204, sgg., tav. 11 A, A 2, A 4, A 5. — Cicer. De divinat. I, XLIV : «TUSCULÍ Ædes Castoris et Pollucis. »Je n'en voudrais d'autre preuve que ce passage de TiteLive, rapporté par notre auteur lui-même, à l'occasion de la surprise de Tusculum, arrivée en l'an de Rome 378, Tit.-Liv. VI, xxxIII : « Patentibus portis, quum improviso incidissent, primo clamore OPPIDUM præter ARCEM captum est. In ARCEM OPPIDANI refugere cum conjugibus ac liberis....Adventus Romanorum mutaverat utriusque partis animos. Tusculanos ex ingenti metu in summam alacritatem, Latinos ex prope certa fiducia mox capienda ARCIS, quoniam OPPIDO potiren« tur..... Recuperato ab hostibus TUSCULO, exercitus Romam est reductus. »

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tions qui furent trouvés appartenaient aux siècles du moyen âge et se composaient de débris d'anciens édifices; en sorte qu'il demeura prouvé que cette partie primitive de Tusculum avait été détruite du temps de la décadence de l'Empire, et que le petit nombre d'habitants qui s'y étaient réfugiés, dans les siècles de troubles et de misères qui suivirent, s'étant construit des habitations, au moyen des ruines laissées sur le sol, ces ruines elles-mêmes avaient achevé de disparaître, dans la destruction totale et dernière de Tusculum, arrivée en 1191.Les seuls monuments que l'on recueillit encore de toute cette lamentable suite de désastres furent des urnes funéraires, arrachées d'anciens tombeaux de la ville et employées à la sépulture dans les siècles du moyen âge.

Notre auteur s'attache ensuite à retrouver sur ce terrain la trace des murs d'enceinte qui entouraient la ville proprement dite, le municipium, de Tusculum; et, sur cette partie de son travail, qui n'a pu être entreprise qu'à la suite de fouilles dirigées en grande partie par lui-même, la connaissance approfondie qu'il possède des lieux nous semble commander une confiance entière. Il existe encore, du côté septentrional, une portion considérable de ce mur d'enceinte, avec le plan de la porte qui y donnait entrée, et qui faisait face à la voie détachée de la voie Labicane, à très-peu de distance de l'endroit où fut trouvé le xv milliaire érigé sur cette voie. Ce sont là autant de données positives pour déterminer avec toute la certitude possible la direction de l'enceinte dans cette partie de la ville, et l'extrême limite qu'elle atteignit de ce côté. De là, en se dirigeant vers le couchant, notre architecte trace la continuation de la même enceinte, tantôt à l'aide de l'exhaussement du sol qui contient les débris de cette muraille, tantôt au moyen des ruines de tombeaux, qui ne permettent pas de la porter au delà de cette ligne de sépultures. C'est dans le milieu de l'espace, dont la détermination résulte pour lui de la combinaison de ces divers éléments, qu'était située la porte principale de la ville, celle qui se trouvait en face de la via Tusculana, et qui se voit indiquée, avec les deux tours carrées dont elle était flanquée, sur la médaille de L. Servius Sulpicius Rufus. Les mêmes moyens servent à M. Canina pour tracer le reste de l'enceinte dans la partie méridionale de la cité, où il existe encore les ruines d'une vaste nécropole du temps de l'empire, et pour la continuer du côté du levant, où il présume avec raison qu'il y eut une troisième porte, ouverte vers la région de l'Algide. Le point capital de cette circoncription de Tusculum, telle que M. Canina l'indique sur sa vi planche, c'est qu'elle constitue une seconde enceinte, construite autour de celle de l'acropole; et, sur ce point, il me semble, comme à

lui, que les témoignages historiques, indépendamment des données fournies par l'observation des lieux, confirment pleinement l'existence de cette double enceinte. L'espace enfermé par la muraille extérieure offre un périmètre de sept mille pieds, un peu moins d'un mille et demi c'est là tout ce qui constitua le sol de l'antique Tusculum, et cette notion n'a rien qui ne soit d'accord avec l'idée que nous devons nous faire de la plupart des villes antiques, surtout à l'époque de la république, et avant que le goût des belles maisons de campagne, qui ne s'introduisit parmi les grands citoyens de Rome que vers la fin de cette époque, se fùt porté sur les alentours de Tusculum.

Il s'agit maintenant de voir ce que les fouilles modernes ont fait retrouver dans cette étroite enceinte où exista Tusculum, de restes d'édifices publics qui purent appartenir à cette ville, aux diverses époques de son histoire. Nous indiquerons d'abord les tombeaux taillés dans le roc, qui se trouvent en dehors de la porte scée de l'acropole, au couchant de l'éminence qui la supporte, et qui servirent sans doute à la population primitive de Tusculum, au temps où elle était renfermée tout entière dans l'acropole. Plus tard, ces tombeaux se trouvèrent compris dans l'enceinte de la ville, et la loi, qui prescrivait chez tous les peuples anciens le respect des sépultures, produisit une circonstance dont il existe beaucoup d'autres exemples sur le théâtre de l'antiquité: celle de ces demeures des morts restées intactes au milieu des habitations des vivants. Dans cette même partie de la cité, les fouilles ont fait découvrir des canaux souterrains creusés au pied du rocher de l'acropole, pour recueillir les eaux qui filtraient dans ses fissures. De pareils canaux, cuniculi, existaient dans la plupart des villes antiques; on en voit encore à Préneste et surtout à Albe du lac Fucin. Ceux de Tusculum ont offert de plus la particularité neuve et importante pour l'histoire de l'art antique, qu'ils aboutissent, par un aqueduc principal, à un réservoir construit comme nous aurons bientôt occasion de le montrer, suivant le système propre à la plus haute antiquité, à celui qui précéda l'invention de la voùte cintrée; d'où il suit que c'est là un monument de la ville primitive, de la cité latine, certainement plus ancien que la cloaca maxima de Rome, et à ce titre, un des plus précieux débris qui existent de l'antiquité italique.

C'est aux fouilles du prince de Canino que l'on est redevable de la connaissance des principaux monuments de Tusculum, retrouvés sur le sol du municipe romain; en premier lieu, du théâtre, qui fut pourtant recouvert presque en totalité, puis du Forum, qui y était attenant, et sur l'emplacement duquel furent trouvées les deux belles statues des Rutilia

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