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Il y avait unité du patrimoine. Le testateur ne pouvait tester d'une partie et ne pas tester d'une autre partie de son patrimoine : Nemo pro parte testatus pro parte intestatus decedere potest. (Fr. 50 D., De regulis juris, 50, 17.) La loi n'avait aucun égard à la nature ni à la provenance des biens pour en régler la transmission, laquelle était la même pour les meubles et pour les immeubles, la même pour les biens acquis par le défunt et pour ceux qu'il avait lui-même recueillis par succession. Le droit de Justinien ne connaît ni privilége de primogéniture, ni privilége de masculinité; il ne considère que le lien du sang et la proximité du degré; il ne distingue pas entre les agnats et les cognats.

1243. La loi règle l'ordre de la succession (ordo succedendi) en divisant les héritiers en quatre classes, qui sont appelées dans l'ordre de l'énumération, et qu'un auteur allemand a résumées en ces quatre vers :

Descendens omnis succedit in ordine primo,
Ascendens propior, germanus, filius ejus,
Tunc latere ex uno junctus quoque filius ejus,
Denique proximior reliquorum quisque superstes.

Les descendants du défunt, formant la première classe, succèdent en première ligne, à l'exclusion de tous les autres parents, et la représentation est admise à l'infini en leur faveur.

A défaut de descendants, ce sont les ascendants, les frères et sœurs germains et les enfants, mais seulement au premier degré, des frères et sœurs germains décédés, qui succèdent. Ils forment la deuxième classe et excluent les autres collatéraux ainsi que les frères et sœurs utérins et consanguins. Le droit en vertu duquel ces derniers étaient exclus était anciennement appelé le privilége du double lien, aboli par le code (art. 752).

Les frères et sœurs consanguins et utérins et les enfants au premier degré des frères et sœurs consanguins et utérins prédécédés forment la troisième; tous les autres parents collatéraux, y compris les petits-enfants des frères et sœurs germains, consanguins et utérins, la quatrième classe.

Dans chaque classe, l'héritier le plus proche exclut le plus éloigné, et ceux qui se trouvent au même degré succèdent par

tête, sauf les effets de la représentation. (Voy. Novelles de Justinien, 118, 127.)

A défaut de parents, la succession est dévolue au conjoint survivant. Hors ce cas, l'époux survivant n'a aucun gain de survie, excepté la veuve pauvre et sans dot d'un mari riche, qui a droit à une portion de la succession de son mari, même lorsqu'elle est en concours avec des descendants. (Rivier, Traité élémentaire des successions en droit romain, § 26, p. 162-176.)

B. Du droit coutumier.

1244. Il faut remonter aux origines du droit germanique pour retrouver les principes du droit coutumier français.

L'idée germanique de la copropriété solidaire (condominium in solidum) de tous les membres de la famille en est le fondement. Les différents membres d'une même famille étaient considérés comme copropriétaires in solidum de tous les immeubles que chacun avait recueillis dans les successions de leurs parents communs. Ces biens étaient appelés propres (bona paterna, avita). Mais ce droit de propriété ne devenait efficace que par le décès de celui des membres de la famille auquel ces immeubles étaient échus à titre de succession, et ne le devenait qu'en faveur de ceux qui, d'après l'ordre légal des successions, étaient appelés à recueillir l'hérédité de ce dernier. La propriété était dormante (dominium dormiens) à l'égard des autres membres de la famille. Les biens devaient être conservés dans la famille.

Traçons rapidement les principales règles de l'ancien droit coutumier, dont quelques-unes sont une conséquence de ce principe.

1245. 1° Une première conséquence de ce principe était que les membres de la famille seuls, c'est-à-dire ceux qui étaient liés par le lien de la communauté du sang, étaient appelés héritiers. Le mot heres ou herus, en allemand herr, en bas allemand heer, veut dire maître, propriétaire. Quand même le défunt avait fait un testament, la personne instituée ne portait pas le nom d'héritier, mais celui de légataire; c'est là le sens des adages coutumiers : « Institution d'héritier n'a point de lieu » (Loysel, Institutes coutumières, no 304; Coutume de Paris, art. 299; Coutume de Poitou,

art. 272); et « Il n'y a que Dieu qui puisse faire un héritier; Solus Deus hæredem facere potest, non homo, » disait Glanville. Selon quelques auteurs, cette règle ne signifiait autre chose sinon que l'institution d'héritier n'était pas, comme en droit romain, requise pour la validité d'un testament. Mais elle avait incontestablement aussi le sens que nous venons d'indiquer. (Voy. Loysel, loc. cit., n° 304 et la note d'Eusèbe De Laurière.)

La disposition testamentaire valait comme legs jusqu'à concurrence des biens dont le testateur pouvait disposer.

1246. 2o Une autre conséquence de la copropriété solidaire était que les héritiers devenaient ou plutôt étaient de plein droit propriétaires et possesseurs de l'hérédité, en vertu de la règle : Le mort saisit le vif (voy. infrà, no 1267; Loysel, Institutes coutumières, no 317); mais ils avaient la faculté de renoncer à la succession, en vertu de l'adage: N'est héritier qui ne veut. (Loysel, loc. cit., no 318; Coutume de Paris, no 316.)

1247. 3° Il n'y avait pas unité de patrimoine comme dans l'hérédité romaine (voy. no 1242). Pour la même succession, il y avait différents patrimoines et différents ordres d'héritiers, basés sur une double distinction des biens. A raison de leur nature, on les divisait en biens nobles et roturiers, en meubles et en immeubles; à raison de leur origine, en propres et acquêts, en biens paternels et maternels. La distinction des propres surtout avait une grande importance pour la conservation des biens dans la famille. Les coutumes ne permettaient de disposer des propres par testament que pour un quart, un tiers ou un cinquième (un quint). Chaque espèce de biens avait encore des subdivisions; celles des propres étaient les plus nombreuses; on en comptait jusqu'à neuf. (Voy. Dalloz, Nouveau Répertoire, vo Succession, no 18; Chabot, Rapport au Tribunat, no 25, Locré, p. 240-244.)

L'ordre légal de succession variait selon la nature des biens. « A Rome, un mourant ne laissait qu'une succession. Dans nos usages, nous connaissions presque autant de successions que de natures de biens. Un mourant laissait un héritier des meubles et des acquêts, un héritier des propres paternels, un héritier des propres maternels. La même personne pouvait quelquefois réunir toutes ces qualités; mais elles étaient souvent disséminées sur plusieurs têtes, qui pouvaient même n'être unies entre elles par

aucun lien de parenté », dit Treilhard. (Exposé des motifs, no 11, Locré, p. 183.)

L'ordre de succession variait beaucoup dans les diverses coutumes, mais il portait généralement les caractères suivants : à défaut de descendants, les immeubles propres, c'est-à-dire ceux que le défunt avait lui-même recueillis à titre de succession, étaient dévolus aux parents collatéraux de la ligne et de la souche dont ces immeubles provenaient. Cette règle était exprimée par l'adage Paterna paternis, materna maternis. Les ascendants ne succédaient jamais dans les biens propres : « Les propres ne remontent point, mais retournent aux plus proches parents du côté dont ils sont venus au défunt: qui est ce qu'on dit, PATERNA PATERNIS, MATERNA MATERNIS. » (Loysel, Institutes coutumières, no 332; Coutume de Paris, art. 312.)

Cette règle a son origine dans le droit féodal : « Le fief ne passait point originairement en la possession des femmes, incapables du service militaire. C'est par un motif semblable que les ascendants ne succédaient point aux fiefs un aïeul, un grandoncle, impropres par leur àge au service des armes, ne pouvaient convenir au seigneur pour ses vassaux, d'où cette règle de notre droit coutumier Propres ne remontent point », dit Dalloz, loc. cit., no 14.

Du droit féodal la règle a passé dans les successions allodiales. Elle était appliquée avec tant de rigueur, que le fisc excluait les ascendants de la succession dans les propres des descendants. (E. De Laurière, note sur Loysel, no 332.)

A défaut de descendants, la plupart des coutumes déféraient les meubles et les acquêts aux ascendants, la moitié à chaque ligne; quelques coutumes, aux frères et sœurs en concours avec eux; à défaut d'ascendants, ils passaient aux plus proches parents collatéraux.

Les biens nobles étaient dévolus en général à l'aîné des mâles, pour la majeure partie, et quelquefois même en totalité. Les immeubles roturiers se partageaient ordinairement par portions égales; certaines coutumes les soumettaient également au droit d'aînesse. (Dalloz, loc. cit., no 18.)

1248. 4o Dans beaucoup de coutumes, il y avait privilége de masculinité et privilége de primogéniture, ou seulement privilége

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de masculinité. Ce dernier remonte à l'époque des Francs. On voulait que l'alleu ou le bien propre passât à celui qui pouvait le mieux le défendre. Le privilége de primogéniture est le résultat de l'influence de la féodalité. Il n'existait pas encore sous les rois francs, pas même pour la couronne; car les fils de Clovis et les fils de Louis le Débonnaire se sont partagé le royaume comme un patrimoine.

Chabot résume par quelques traits saisissants la diversité de l'ancienne législation sur ces matières.

<< Les coutumes variaient à l'infini sur le droit d'aînesse et l'exclusion des filles.

<< Les unes n'admettaient le droit d'aînesse qu'en ligne directe; les autres l'admettaient en ligne collatérale.

« Les unes n'accordaient qu'un préciput; les autres accordaient, en outre, une portion avantageuse.

<<< Les unes donnaient le préciput à la fille si elle était l'aînée des enfants; les autres l'attribuaient aux mâles, quoique puînés. <«< Les unes distinguaient la qualité des biens, en introduisant des modes de partage différents pour les biens nobles et pour les biens en roture; les autres confondaient, à cet égard, les biens nobles et les biens roturiers.

<< Les unes distinguaient la qualité des personnes et n'accordaient qu'aux nobles le droit d'aînesse; les autres l'accordaient aussi aux roturiers.

« Quant à l'exclusion des filles, il en était de même. D'après quelques coutumes, il suffisait, pour que la fille fût exclue, qu'elle eût été dotée ou par son père, ou par sa mère, ou par son aïeul ou aïeule; dans d'autres, il était nécessaire qu'elle fût dotée par le père; d'autres encore exigeaient qu'elle fût dotée par le père et par la mère, ou par le père du vivant de la mère.

<< Ici, le père noble avait seul le droit d'exclure sa fille; là, le même droit appartenait au père roturier, à la mère et aux aieuls.

<< Telle coutume excluait de toutes successions collatérales les filles dotées; telle autre les admettait précisément aux successions collatérales.

« Dans presque toutes, la dot la plus modique suffisait pour les exclure.

<< Suivant les coutumes d'Anjou, de la Touraine et du Maine,

TOME II.

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