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D. De l'ouverture des droits des appelés, et de la caducité des substitutions.

2234. Les appelés ont sur les biens compris dans la substitution un droit éventuel subordonné à la condition de survivre au grevé. Donc, la substitution devient caduque si tous les appelés prédécèdent au grevé, quand même ils laisseraient des descendants. Sur le cas de prédécès de quelques-uns des appelés avec postérité, voy. suprà, no 2191, 3°.

2235. La substitution ne sera pas caduque lorsque l'institution même est devenue caduque, soit par le refus, soit par l'incapacité du grevé de l'accepter, soit par son décès avant le testateur, quand même il n'existerait pas encore d'appelés au moment du décès du testateur. A l'appui de cette opinion, on peut invoquer :

1o L'ancien droit. L'article 27 du titre 1er de l'ordonnance de 1747 déclare que la renonciation du grevé ne peut nuire au substitué, et la validité de la substitution, nonobstant la caducité de l'institution, était généralement admise dans les pays coutumiers. La disposition contraire de l'article 26 de la même ordonnance n'était en vigueur que dans les pays de droit écrit, parce que la caducité de l'institution d'héritier, par suite de son décès avant le testateur, entraînait, en général, sauf la clause codicillaire, la caducité des substitutions. Mais comme le code, en ce qui concerne l'institution d'héritier, a suivi le droit coutumier, il faut aussi admettre la validité de la substitution en cas de caducité de l'institution.

2o Telle est la volonté du testateur; il faut la respecter et il ne peut appartenir au grevé de l'annihiler en refusant la disposition contenant charge de rendre, et en reprenant les mêmes biens en tout ou en partie en qualité d'héritier ab intestat; ce qui pourrait arriver.

3o Cette solution n'est contraire ni aux textes ni aux principes du code. L'objection tirée de l'article 906 ne tient pas, parce qu'en matière de substitution, la loi déroge à la règle qu'il faut exister pour recueillir une libéralité.

2236. « Les droits des appelés seront ouverts à l'époque où, par quelque cause que ce soit, la jouissance de l'enfant, du frère

ou de la sœur, grevés de restitution, cessera »>, porte l'article 1053.

Les droits des appelés s'ouvrent donc régulièrement par la mort du grevé. Alors l'ouverture a lieu d'une manière absolue, à l'égard de toutes les personnes, tant des appelés que des tiers. La substitution est recueillie par tous les appelés qui survivent au grevé. Ils peuvent l'accepter ou la répudier.

2237. Les droits des appelés peuvent encore s'ouvrir du vivant du grevé :

1° Par la déchéance prononcée par l'article 1057. (Sur les effets de cette déchéance, voy., suprà, nos 2206 et 2207.)

2o Par l'abandon anticipé de la jouissance (art. 1053). 3o Par l'absence. (Voy., t. Ier, nos 213 et suiv.)

2238. Les auteurs sont d'accord que le mot jouissance dans l'article 1053 est improprement employé, et que la loi veut dire propriété. Car l'abandon anticipé de la simple jouissance est une libéralité au profit des enfants déjà existants qui ne donne pas lieu à l'ouverture de la substitution au profit de tous les appelés. Ainsi, par exemple, si un enfant venait à naître après l'abandon de la simple jouissance et qu'il vint à mourir peu de temps après, il n'aurait pas recueilli une part des biens compris dans la substitution et il ne la transmettrait pas à ses héritiers.

Ce n'est que l'abandon de la propriété ou de tous les droits du grevé qui donnerait lieu à l'ouverture des droits des appelés. Mais cet abandon n'est que provisoire, en ce sens que, s'il naît encore d'autres enfants, ils partageront avec ceux qui existaient déjà au moment de l'abandon.

2239. L'abandon anticipé de ses droits par le grevé n'a d'effet qu'entre le grevé et les appelés et nè porte aucune atteinte aux droits des tiers. Ainsi, il ne peut porter préjudice aux créanciers du grevé antérieurs à l'abandon, lesquels peuvent toujours se faire payer sur les revenus des biens substitués (art. 1053). Les appelés ne peuvent pas, du vivant du grevé, attaquer les hypothèques et autres droits réels qu'il aurait consentis sur les biens compris dans la substitution; car, s'ils venaient à décéder avant lui, ses droits seraient valables.

2240. Selon quelques jurisconsultes, les droits des appelés sont ouverts par l'arrivée du terme ou de la condition, lorsque le

TOME I.

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disposant a fixé pour la restitution une époque autre que celle du décès du grevé, ou qu'il l'a fait dépendre d'un événement incertain autre que la survie des appelés. (Zachariæ, § 696, 4o, 1°.) Nous croyons que, dans ces cas, il n'y a pas de véritable substitution, mais une fiducie. (Voy. suprà, nos 1696 et 1697, 4°.)

2241. La substitution faite par donation entre-vifs est révoquée, tant à l'égard du grevé qu'à l'égard des appelés, dans le cas où il surviendrait des enfants au disposant.

La révocation pour cause d'ingratitude ou pour inexécution des charges ne donne pas lieu à ouverture des droits des appelés, mais elle entraîne l'anéantissement des libéralités faites au grevé. Les droits des appelés s'ouvriront alors au décès du disposant.

2242. Les auteurs sont divisés sur la question de savoir si, en vertu de l'article 618 du code, la déchéance peut être prononcée contre le grevé pour abus de jouissance. Il faut résoudre cette question négativement; car aucune disposition de la loi ne l'autorise. L'application au grevé de la pénalité que l'article 618 commine contre l'usufruitier serait donc arbitraire. En cas d'abus, le grevé serait tenu aux dommages-intérêts. Si l'abus de jouissance était de nature à compromettre les droits des appelés, le tuteur pourrait provoquer et le tribunal pourrait décréter des mesures conservatoires, par exemple, l'administration des biens par un séquestre. (Demolombe, no 576.)

APPENDICE.

DES MAJORATS FONDÉS SOUS L'EMPIRE FRANÇAIS.

2243. L'article 896 de la nouvelle édition du code civil, promulguée sous le titre de Code Napoléon en 1807, contient, après la prohibition des substitutions, un troisième alinéa, portant:

« Néanmoins les biens libres formant la dotation d'un titre héréditaire que l'empereur aurait érigé en faveur d'un prince ou d'un chef de famille, pourront être transmis héréditairement, ainsi qu'il est réglé par l'acte impérial du 30 mars 1806, et par le sénatus-consulte du 14 août suivant. >>

Cette disposition n'ayant été abrogée ni modifiée explicitement en Belgique par aucune loi postérieure à 1814, on peut se demander si elle est encore en vigueur, et quel est son effet en ce qui concerne les majorats érigés sous l'empire français en Belgique ou en faveur de Belges.

Les substitutions et les majorats qui font l'objet du décret impérial du 30 mars, du sénatus-consulte du 14 août 1806 et du décret impérial du 1er mars 1808, ont été introduits dans le but politique d'établir des institutions monarchiques et de soutenir la dignité des titres de la nouvelle noblesse créée par l'empire. Cette nouvelle noblesse et les majorats formaient, avec le titre auquel ils étaient attachés pour en assurer le maintien dans les familles, une seule et même institution ayant un caractère exclusivement politique, et les dispositions légales qui la concernent appartiennent au droit public interne de l'empire et non au droit civil. Les institutions et les lois politiques de cette nature s'anéantissent avec l'ordre de choses qui leur a donné naissance. De plus, ces titres honorifiques conférés par l'empereur, et les majorats des biens situés sur le territoire belge, imposaient aux titulaires des devoirs dont l'accomplissement était incompatible avec leur qualité de citoyens du nouveau royaume des Pays-Bas. La charte française de 1814 statua que la nouvelle noblesse con

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serverait ses titres. Le nouveau droit public du royaume des Pays-Bas ne contenait aucune disposition semblable; au contraire, il résulte de l'article 131 de la Loi fondamentale du 24 août 1815, que la noblesse impériale n'a pas été confirmée dans ses droits et prérogatives. Les majorats ainsi que les titres de noblesse créés sous l'empire ont donc été implicitement abolis par la chute de l'empire, par la Loi fondamentale de 1815 et par la Constitution belge (art. 6 et 75). (Bruxelles, 31 juill. 1850, P., 1850, 319.)

En France, la loi du 12 mai 1835 a interdit toute institution de majorat à l'avenir, et a restreint à deux degrés, l'institution non comprise, les majorats fondés jusqu'alors avec des biens particuliers. De plus elle a permis au fondateur du majorat de le révoquer en tout ou en partie ou d'en modifier les conditions, excepté dans le cas où il existait un appelé qui avait, avant cette loi, contracté un mariage non dissous ou dont il restait des enfants.

La loi du 7 mai 1849 sur les majorats et les substitutions abolit les majorats de biens particuliers qui auront été transmis à deux degrés successifs, à partir du premier titulaire, et déclare les biens composant ces majorats libres entre les mains de ceux qui en sont investis. Pour l'avenir, elle dispose que la transmission limitée à deux degrés à partir du premier titulaire n'aura lieu qu'en faveur des appelés déjà nés ou conçus lors de la promulgation de cette loi. S'il n'existe point d'appelés, les biens des majorats deviennent immédiatement libres entre les mains du possesseur (art. 1 et 2).

CHAPITRE VII.

DES PARTAGES FAITS PAR PÈRE, MÈRE OU AUTRES ASCENDANTS, entre leurs DESCENDANTS. (Art. 1075-1080.)

1. MOTIFS ET INTRODUCTION HISTORIQUE.

2244. Les motifs pour lesquels la loi attribue aux ascendants le pouvoir de faire le partage entre leurs descendants sont : 1° d'empêcher entre eux les dissensions: ut a fraterno certamine

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