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prévoient littéralement le cas d'interposition de personnes par dol ou fraude.

2o Les travaux préparatoires du code. Rien n'y autorise l'idée que la nullité de la donation soit prononcée à titre de peine. Tout ce qu'il y a dans les travaux préparatoires au sujet de cet article, ce sont les quelques mots de Jaubert dans le rapport au Tribunat, n° 90, qui ne sont qu'une paraphrase du texte de la loi sans aucune explication (Locré, 486).

L'argument consistant à dire que les donations déguisées ont été annulées pour punir la fraude ou l'intention frauduleuse du donateur, a été inventé par les auteurs pour justifier une interprétation préconçue du texte. Vainement en cherchera-t-on la trace dans un document quelconque. Les interprètes ont prêté leurs propres idées au législateur.

2352. 3o Nous allons à présent démontrer de la manière la plus évidente la filiation de l'article 1099, et l'on restera convaincu qu'il est le résultat d'une interprétation erronée du droit romain et d'un passage de Pothier, que les défenseurs du premier système nous opposent.

On sait que les auteurs du projet du code ont toujours eu devant les yeux les ouvrages de Pothier et qu'ils l'ont suivi dans beaucoup de matières.

Pothier, dans son traité Des donations entre mari et femme, no 78, enseigne que le droit romain ne défendait pas aux conjoints de faire entre eux pendant le mariage tous les contrats qu'ils jugeaient à propos de faire, pourvu qu'ils ne renfermassent aucun avantage qui fùt fait par l'un des époux aux dépens de l'autre, et que l'égalité y fût exactement observée; qu'à l'égard de ceux qui renfermaient un avantage, les jurisconsultes romains faisaient une distinction entre les actes qui étaient simulés et ceux qui, sans être simulés, renfermaient quelque avantage; que ceux qui étaient simulés étaient nuls, les autres valables, et que l'on réformait seulement l'avantage prohibé qu'ils renfermaient, en obligeant celui au profit de qui il était fait à suppléer le juste prix. A l'appui de sa thèse, il cite un passage de Pomponius, fr. 5, § 5, D., De donat. inter virum et uxorem, 24, 1. Rien n'est plus logique, plus juridique que la loi romaine et la doctrine que Pothier y attache.

Chez les Romains, tout avantage quelconque entre époux fait pendant le mariage était prohibé; mais tous les contrats à titre onéreux indistinctement étaient permis. Si les époux avaient voulu se faire une libéralité, cette convention était nulle, peu importait qu'elle fût manifeste ou déguisée; elle était nulle, non pas parce qu'elle était déguisée, mais parce qu'elle aurait été nulle quand même elle aurait été ouverte et franchement avouée. Les époux avaient voulu faire ce qu'ils ne pouvaient pas faire légalement. De sorte que s'ils avaient fait une vente avec l'intention de faire une donation déguisée, par exemple en la faisant à un prix qui n'était pas sérieux, ou avec l'intention de ne pas exiger le prix, tout était nul; il n'y avait pas vente, parce qu'il n'y avait pas le concours des deux volontés (duorum in idem placitum consensus) qu'il faut pour faire un contrat; il n'y avait pas de donation, parce que le concours des deux volontés pour la faire était illégal. Il n'y avait donc rien. Mais si le contrat à titre onéreux n'était pas simulé, si les époux avaient réellement voulu le faire, par exemple une vente, le concours des deux volontés existait, et le contrat était valable par cela même qu'ils avaient voulu faire une vente et non une donation. Toutefois, s'il résultait de ce contrat un avantage pour l'un des époux aux dépens de l'autre, par exemple, si le vendeur avait fait remise d'une partie du prix, la vente n'en existait pas moins, mais l'avantage devait être restitué au vendeur. Le contrat était valable, l'avantage était prohibé.

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Donc, en résumé, en cas de déguisement ou de simulation, la donation la convention déguisée - était nulle parce que la loi la défendait; le contrat à titre onéreux la convention déguisante - était nul parce que les époux n'avaient pas voulu la faire.

2353. L'article 162 du projet de l'an vii, devenu presque sans changement l'article 1099 du code, ne se rattache à aucun point ni à aucune doctrine de l'ancien droit, si ce n'est au passage de Pothier que nous avons cité. La comparaison des deux textes prouve que l'article 1099 est le résumé du n° 78 de Pothier. Mais Pothier a écrit ce passage sous l'empire d'une loi qui défendait toutes les libéralités, ouvertes ou déguisées, entre époux pendant le mariage. Depuis que les avantages entre époux ne sont plus prohibés, cette doctrine n'avait plus aucune raison

d'être, et il est certain que Pothier ne l'aurait pas enseignée sous le code civil. Nous ne pouvons voir dans l'article 1099 qu'une fausse application d'une loi romaine parfaitement juridique.

Il est vrai que l'article 1099, et par la place qu'il occupe dans le chapitre IX, et par sa teneur, s'applique à toutes les donations entre époux, et pas seulement aux donations faites pendant le mariage.

Mais nous sommes convaincu que le législateur a cru reproduire un principe de l'ancien droit, et que nous aurions trouvé, ne fût-ce qu'un seul mot d'explication, s'il avait voulu introduire une innovation si importante et contraire à son système sur les donations déguisées, dans les matières du rapport et de la réserve, et nous pouvons ajouter dans toutes les autres matières. Car beaucoup d'auteurs, quoique partisans du premier système, enseignent que la donation faite à un incapable de recevoir au delà d'une certaine quotité n'est pas nulle, mais qu'elle est réductible à cette quotité (art. 911, et infrà, no 2356); que la vente entre époux, quoique prohibée par la loi, n'est pas nulle, mais qu'elle peut valoir comme donation déguisée jusqu'à concurrence de la quotité disponible (art. 1595; Zachariæ, § 351, 2°; Troplong, Vente, no 185); que la société universelle prohibée par l'article 1840 n'est pas nulle, mais que l'avantage qu'elle peut présenter pour la personne incapable de recevoir est réductible.

2354. Nous ajoutons que cette doctrine est conforme aux vrais principes et que, par cela même, il faut l'appliquer à l'article 1099. Car, en règle, on peut faire indirectement ce qu'il est permis de faire directement; et il est impossible de trouver un principe juridique ou d'équité en vertu duquel une libéralité, valable en elle-même, par cela seul qu'elle est déguisée, serait nulle. Pour admettre une thèse aussi exorbitante et aussi contraire au droit commun, il faut plus d'une simple probabilité ou présomption que le législateur a voulu infliger une pénalité; il faut une manifestation claire et indubitable de la volonté du législateur.

Quant au texte de l'article 1099, il peut très-bien s'expliquer ainsi les époux ne peuvent, en principe, se donner que la quotité disponible. Un acte, par cela seul qu'il se dissimule sous la forme d'un contrat à titre onéreux, ou qu'il contient interposition de

personnes, ne cesse pas d'être une libéralité au profit du conjoint, et n'est pas à l'abri de l'attaque. Malgré le déguisement, le contrat peut être attaqué s'il contient une libéralité excessive; et en tant qu'il contient une libéralité excessive, il est nul.

2355. Une conséquence du deuxième système, c'est que l'acte déguisé ou fait avec interposition de personnes peut être attaqué seulement par les enfants, au profit desquels la loi restreint la quotité disponible entre époux, et non par les autres héritiers du donateur.

2356. Une question qui offre de l'analogie avec celle qui se rattache à l'article 1099 est la question de savoir si une donation déguisée ou faite par interposition de personnes à un individu qui n'est capable que de recevoir jusqu'à concurrence d'une certaine quotité, c'est-à-dire à l'enfant naturel, est nulle pour le tout ou simplement réductible? (Art. 911, et supra, no 1748.) Elle est simplement réductible par les raisons exposées aux n° 2350 et suiv.

Plusieurs jurisconsultes, quoique partisans du premier système exposé au no 2349, admettent cependant la validité des donations déguisées au profit d'un incapable, dans les limites dans lesquelles la loi permet de le gratifier. La loi ne déclare nulles que les dispositions faites au profit d'un incapable. C'est ce que dit le texte de l'article 911. Or, dans les limites de la portion qu'il peut recevoir, l'enfant naturel n'est pas incapable. De là il résulte que la donation n'est pas nulle pour le tout, mais seulement pour ce qui excède la portion que le donateur peut lui donner. (Demolombe, XVIII, no 679.)

FIN DU TOME DEUXIÈME.

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1233

1254
1235-1264

Pages.

INTRODUCTION.

I. Considérations générales sur les successions.
A. Définitions

II. Introduction historique

2

B. La succession est-elle fondée en droit naturel?

3-12

12

12-14

14-18

18-19

20

A. Du droit romain

B. Du droit coutumier.

C. Droit intermédiaire

D. Code civil . .

CHAPITRE ler. DE L'OUVERTURE DES SUCCESSIONS ET DE LA

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1265

27

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