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1359. Les père et mère ont-ils un droit de retour sur les objets par eux donnés à l'instar de l'ascendant légitime (art. 747 et suprà, nos 1325 et suiv.)? La question ne présente de l'intérêt que lorsque l'enfant a été reconnu par son père et par sa mère. Elle est controversée. Nous tenons pour la négative. Car l'article 747, comme anomal, doit être restrictivement interprété. Aucune loi n'accorde le droit de retour au père ou à la mère de l'enfant naturel. Le texte de l'article 766 fournit un argument a contrario à l'appui de cette opinion, parce qu'il n'admet le droit de retour en faveur des frères et sœurs légitimes que pour leur donner la préférence sur les frères et sœurs naturels du défunt, et non au préjudice de l'autre auteur de ses jours.

1360. 2o En cas de prédécès des père et mère de l'enfant naturel, ses biens sont dévolus à ses frères et sœurs naturels, ou à leurs descendants légitimes ou légitimés, à l'exclusion des enfants légitimes issus du même père ou de la même mère que le défunt (art. 766, alin. 2). Les descendants naturels des frères et sœurs naturels sont exclus de la succession en vertu de la règle exposée au no 1347.

Les frères et sœurs naturels partagent l'hérédité d'après les règles suivies en matière de succession régulière; par exemple, s'il y avait des frères ou sœurs de lits différents, ils partageraient par lignes, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au no 1320, 2o.

1361. Toutefois, le droit de succession des frères et sœurs naturels est limité par le droit de retour accordé par l'article 766, alinéa 1, à ses frères et sœurs légitimes: « En cas de prédécès des père et mère de l'enfant naturel, les biens qu'il en avait reçus passent aux frères ou sœurs légitimes, s'ils se retrouvent en nature dans la succession: les actions en reprise, s'il en existe, ou le prix de ces biens aliénés, s'il est encore dû, retournent également aux frères et sœurs légitimes. >>

Ce droit de retour est régi par les mêmes principes que ceux relatifs au retour successoral des ascendants. (Voy.suprà, no 1325 et suiv.)

Par biens qu'il en avait reçus, il faut entendre ceux que l'enfant naturel avait reçus par donation ou recueillis dans la succession de ses père ou mère.

Le droit de retour n'existe pas en faveur des descendants des

frères et sœurs légitimes, ni en faveur du père ou de la mère, donateurs du défunt (no 1360).

1362. 3o A défaut de frères et sœurs naturels de l'enfant naturel, ses biens passent à son conjoint survivant ou, à défaut de conjoint, à l'Etat. Ce dernier n'est pas exclu par les frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel, comme le soutiennent quelques jurisconsultes contrairement au texte de l'article 766. Car les frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel ne sont jamais appelés comme ses successeurs irréguliers, excepté pour ce qui concerne le droit de retour, qu'ils exercent également contre le conjoint survivant ainsi que contre l'État. (Amiens, 1er avril 1868, D., 1870, 2, 81.)

1363. 4o A défaut de conjoint survivant, l'État recueille les biens de l'enfant naturel.

B. De l'enfant naturel non reconnu.

1364. Si l'enfant naturel ne laisse pas de descendants légitimes ni naturels reconnus, sa succession est dévolue au conjoint survivant, et, à son défaut, à l'État.

Il faut en dire autant de la succession des enfants adultérins et incestueux, parce qu'ils ne peuvent pas être reconnus.

III. DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT.

1365. D'après les lois romaines, le conjoint survivant pouvait avoir un droit de succéder à son conjoint prédécédé dans deux cas :

1° A défaut de parents légitimes, ou lorsqu'ils avaient tous renoncé à la succession, elle était dévolue au conjoint survivant en vertu de l'édit du préteur Unde vir et uxor, encore en vigueur dans le droit de Justinien, § 2, J., De bonorum possessionibus, 3, 10 « Aliam vero bonorum possessionem, quæ unde vir et uxor appellatur, in suo vigore servavimus. » Tit. D., Unde vir et uxor, 38, 11; l. 1, C., eodem, 6, 18: « Maritus et uxor ab intestato invicem sibi in solidum pro antiquo jure succedant, quotiens deficit omnis parentum liberorumve seu propinquorum legitima vel naturalis successio, fisco excluso. »>

Ce droit de succession était réciproque.

2o La veuve pauvre et sans dot avait droit à une portion de la succession de son mari riche, même lorsqu'il avait laissé d'autres parents légitimes. Ce droit, introduit par la novelle 53, chap. VI, de Justinien, publiée en 537, avait d'abord été réciproque; le mari pauvre avait droit à une portion des biens de sa femme; plus tard, en 541, il fut retiré au mari par la novelle 117, chapitre V.

La portion de la veuve était d'un quart; mais elle était réduite à une part d'enfant si elle était en concours avec plus de trois enfants de son mari. Cette portion ne pouvait pas lui être enlevée par testament. La veuve devait imputer sur sa portion tout ce que son mari lui avait donné par testament; si elle était en concours avec des enfants issus du mariage, elle n'avait que l'usufruit de cette part.

Ces dispositions étaient observées dans tous les pays de droit écrit. (Voy. Merlin, Rép., v° Quarte de conjoint pauvre, 1o.)

1366. Le droit du conjoint survivant de succéder à son conjoint, à défaut de parents, était formellement consacré par plusieurs coutumes, par exemple par celle du Poitou, article 299, portant: « Où il n'y aurait lignage capable à succéder, la femme succéderait au mari, et le mari à la femme, plutôt que les biens soient dits vacants; » et il était même admis dans toutes les autres, qui n'avaient pas de dispositions contraires. (Voy. la note de E. De Laurière sur Loysel, nos 339, 340, et Chabot, Rapport, no 30, Locré, p. 250.)

Dans les cas où le conjoint survivant était exclu par les parents, les législations coutumières avaient pourvu à son sort par d'autres moyens, tels que sa part dans la communauté, certains gains nuptiaux, et surtout par le douaire, qui était précisément, d'après la définition de Pothier, «< ce qui est accordé à la femme sur les biens de son mari pour ses aliments, pour sa subsistance, au cas qu'elle lui survive. » (Pothier, du Douaire, no 1; Demolombe, n° 176.)

1367. Malgré les traditions des deux législations qui se partageaient l'ancienne France, les auteurs du code n'ont attribué au survivant des conjoints des droits sur la succession du prémourant qu'à défaut de parents jusqu'au douzième degré et à défaut d'enfants naturels.

Ils s'en sont référés à leur prévoyance par le contrat de ma

riage ou par des dispositions testamentaires, par lesquels les époux peuvent s'assurer des gains nuptiaux ou se faire des libéralités. Ils ont poursuivi et organisé d'une manière conséquente leur idée fondamentale que la conservation des biens du défunt dans sa famille était le but essentiel de tout système de succession ab intestat, et ils n'ont admis l'affection présumée comme base de l'ordre des successions que dans le cercle de sa famille. Le conjoint n'est pas parent du défunt; et si les biens de ce dernier lui étaient dévolus, ils pourraient passer dans une famille étrangère à celle du défunt, surtout si le mariage s'était dissous sans enfants.

Dans la séance du conseil d'État du 9 nivôse an xı (30 décembre 1802), Maleville fit observer qu'on avait omis dans ce chapitre une disposition reçue par la jurisprudence, qui donnait une pension à l'époux survivant lorsqu'il était pauvre et qu'il ne recueillait pas la succession. Mais sur la réponse, complétement erronée, de Treilhard que, par l'article 754, on lui accorde l'usufruit du tiers des biens, le conseil d'État a passé outre. (Procès-verbal III, no 5, Locré, p. 101.)

1368. « Lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré successible, ni enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent au conjoint non divorcé qui lui survit » (art. 767).

Si les époux étaient divorcés au moment du décès de l'un d'eux, le titre même de leur droit se trouverait anéanti. C'est dans cet ordre d'idées qu'Ulpien a déjà dit au fr. 1, § 1, D., Unde vir et uxor, 38, 11: « Ut autem hæc bonorum possessio locum habeat, uxorem esse oportet mortis tempore. »

1369. D'après l'ancienne jurisprudence française, le droit de succession entre les époux était détruit par la séparation de corps; le divorce n'existait pas. (Voy. suprà, no 396; Pothier, Introduct. au titre XVII de la coutume d'Orléans, no 35.) Cette opinion ne peut plus être soutenue aujourd'hui ; elle est contraire au texte du code. Il est vrai que dans sa séance du 9 nivôse an xi (30 décembre 1802), après les observations de Maleville, Berlier, Tronchet, faites en faveur du maintien de l'ancien droit, le conseil d'État a adopté en principe «< que l'époux survivant n'est pas admis à la succession de l'époux prédécédé, lorsqu'il y a séparation de corps », et il a renvoyé l'article à la section pour le rédi

ger conformément à ce principe. (Procès-verbal, III, nos 2 et 3, Locré, p. 99-101.)

Ce vote est embarrassant pour l'interprète. Mais, on ne saurait le méconnaître, à cause de ce vote même, le texte du code disant « époux non divorcé » est significatif. Dans son vote sur la rédaction définitive de l'article 767, sortie de la section de législation, le conseil d'État doit avoir changé d'opinion. Les procèsverbaux de la section de législation ainsi que ceux des votes sur la rédaction définitive des articles nous manquent, ou peut être il n'y en a pas eu. Ce qui confirme encore la portée que nous attribuons aux mots non divorcé, c'est que le premier projet du code attribue la succession au conjoint qui lui survit, sans faire mention ni du divorce ni de la séparation. Les mots non divorcé ont fait disparaître le doute que l'article, ainsi conçu, aurait pu faire naître. La doctrine est presque unanime sur ce point. (Voy. Demolombe, no 173 et les auteurs qu'il cite.)

Donc, en cas de séparation de corps, les deux époux conservent le droit de succession.

1370. Le droit de succession n'existe pas si le mariage a été déclaré nul, car il n'y a pas eu de conjoints.

Toutefois, si le mariage était putatif (voy. suprà, nos 365 et suiv.), l'époux de bonne foi aurait eu le droit de succéder à l'hérédité de son conjoint ouverte avant l'annulation du mariage, car le mariage putatif produit tous les effets civils du mariage valable; mais il ne pourrait pas succéder à l'hérédité ouverte après l'annulation. (Chabot, art. 767, no 5; Zachariæ, § 606.)

IV. DES DROITS DE L'ÉTAT.

1371. A défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à l'État » (art. 768). (L. 1 et 4, C., De bonis vacantibus, 10, 10.)

Dans ce cas, la succession est acquise à l'État comme biens vacants et sans maître, par droit de déshérence, en vertu des articles 539 et 713. Mais il n'est pas moins vrai que l'État est appelé comme successeur irrégulier dans l'universalité du patrimoine du défunt (in universum jus defuncti), qu'il est hæredis loco, et qu'il est grevé de toutes les obligations qui incombent en

TOME II.

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