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CHAPITRE III.

Des divers partis dont l'assemblée législative étoit composée.

On ne peut s'empêcher d'éprouver un profond sentiment de douleur, lorsqu'on se retrace les époques de la révolution, où une constitution libre auroit pu être établie en France, et qu'on voit non-seulement cet espoir renversé, mais les événemens les plus funestes prendre la place des institutions les plus salutaires. Ce n'est pas un simple souvenir qu'on se retrace, c'est une peine vive qui re

commence.

L'assemblée constituante, vers la fin de son règne, se repentit de s'être laissé entraîner par les factions populaires. Elle avoit vieilli en deux années, comme Louis XIV en quarante ans; c'étoit aussi par de justes craintes que la modération avoit repris quelque empire sur elle. Mais ses successeurs arrivèrent avec la fièvre révolutionnaire, dans un temps où il n'y avoit plus rien à réformer ni à détruire. L'édifice social penchoit du côté démocratique, et il

falloit le relever en augmentant le pouvoir du trône. Toutefois, le premier décret de cette assemblée législative fut pour refuser le titre de majesté au roi, et pour lui assigner un fauteuil en tout semblable à celui du président. Les représentans du peuple se donnoient ainsi l'air de croire qu'on n'avoit un roi que pour lui faire plaisir à lui-même, et qu'en conséquence on devoit retrancher de ce plaisir le plus possible. Le décret du fauteuil fut rapporté, tant il excita de réclamations parmi les hommes sensés! mais le coup étoit porté, soit dans l'esprit du roi, soit dans celui du peuple; l'un sentit que sa position n'étoit pas tenable, l'autre embrassa le désir et l'espoir de la république.

Trois partis très-distincts se faisoient remarquer dans l'assemblée : les constitutionnels, les jacobins, et les républicains. Il n'y avoit presque pas de nobles, et point de prêtres parmi les constitutionnels; la cause des privilégiés étoit déjà perdue, mais celle du trône se disputoit encore, et les propriétaires et les esprits sages formoient un parti conservateur au milieu de la tourmente populaire.

Ramond, Matthieu Dumas, Jaucourt, Beugnot, Girardin, se distinguoient parmi les

constitutionnels: ils avoient du courage, de la raison, de la persévérance, et l'on ne pouvoit les accuser d'aucun préjugé aristocratique. Ainsi la lutte qu'ils soutinrenten faveur de la monarchie fait infiniment d'honneur à leur conduite politique. Le même parti jacobin, qui existoit dans l'assemblée constituante, sous le nom de la Montagne, se remontra dans l'assemblée législative; mais il étoit encore moins digne d'estime que ses prédécesseurs. Car, au moins, dans l'assemblée constituante, l'on avoit eu lieu de craindre, pendant quelques momens, que la cause de la liberté ne fût pas la plus forte, et les partisans de l'ancien régime, restés députés, pouvoient encore être redoutables; mais, dans l'assemblée législative, il n'y avoit ni dangers, ni obstacles, et les factieux étoient obligés de créer des fantômes, pour exercer contre eux l'escrime de la parole.

Un trio singulier, Merlin de Thionville, Bazire et le ci-devant capucin Chabot, se signaloient parmi les jacobins ; ils en étoient les chefs, précisément parce qu'étant placés au dernier rang sous tous les rapports, ils rassuroient entièrement l'envie : c'étoit le principe de ce parti, qui soulevoit l'ordre social par

ses fondemens, de mettre à la tête des attaquans ceux qui ne possédoient rien dans l'édifice que l'on vouloit renverser. L'une des premières propositions que le trio démagogue fit à la tribune, ce fut de supprimer l'appellation d'honorable membre, dont on avoit coutume de se servir comme en Angleterre ; ils sentirent que ce titre, adressé à qui que ce fût d'entre eux, ne pourroit jamais passer que pour une ironie.

Un second parti, d'une tout autre valeur, donnoit de la force à ces hommes sans moyens, et se flattoit, bien à tort, de pouvoir se servir des jacobins d'abord, et de les contenir ensuite. La députation de la Gironde étoit composée d'une vingtaine d'avocats, nés à Bordeaux et dans le midi: ces hommes, choisis presque au hasard, se trouvèrent doués des plus grands talens; tant cette France renferme dans son sein d'hommes distingués, mais inconnus, que le gouvernement représentatif met en évidence! Les girondins voulurent la république, et ne parvinrent qu'à renverser la monarchie; ils périrent peu de temps après, en essayant de sauver la France et son roi. Aussi M. de Lally a-t-il dit, avec son éloquence accoutu

mée, que leur existence et leur mort furent également funestes à la patrie.

A ces députés de la Gironde se joignirent Brissot, écrivain désordonné dans ses principes comme dans son style, et Condorcet, dont les hautes lumières ne sauroient être contestées, mais qui cependant a joué, dans la politique, un plus grand rôle par ses passions que par ses idées. Il étoit irréligieux, comme les prêtres sont fanatiques, avec de la haine, de la persévérance, et l'apparence du calme: sa mort aussi tint du martyre.

On ne peut considérer comme un crime la préférence accordée à la république sur toute autre forme de gouvernement, si des forfaits ne sont pas nécessaires pour l'établir; mais, à l'époque où l'assemblée législative se déclara l'ennemie du reste de royauté qui subsistoit encore en France, les sentimens véritablement républicains, c'est-à-dire, la générosité envers les foibles, l'horreur des mesures arbitraires, le respect pour la justice, toutes les vertus enfin, dont les amis de la liberté s'honorent, portoient à s'intéresser à la monarchie constitutionnelle et à son chef. Dans une autre époque, on auroit pu se rallier à la république, si elle avoit été possible en France; mais lorsque

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