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l'assemblée, il regardoit à droite et à gauche avec cette sorte de curiosité vague qu'ont d'ordinaire les personnes dont la vue est si basse qu'elles cherchent en vain à s'en servir. Il proposa la guerre du même son de voix avec lequel il auroit pu demander le décret le plus indifférent du monde. Le président lui répondit avec le laconisme arrogant adopté dans cette assemblée, comme si la fierté d'un peuple libre consistoit à maltraiter le roi qu'il a choisi pour chef. constitutionnel.

Lorsque Louis XVI et ses ministres furent ́sortis, l'assemblée vota la guerre par acclamation. Quelques membres ne prirent point part à la délibération, mais les tribunes applaudirent avec transport; les députés levèrent leurs chapeaux en l'air, et ce jour, le premier de la lutte sanglante qui a déchiré l'Europe pendant vingttrois années, ce jour ne fit pas naître dans la plupart des esprits la moindre inquiétude. Cependant, parmi les députés qui ont voté cette guerre, un grand nombre a péri d'une manière violente, et ceux qui se réjouissoient le plus venoient à leur insu de prononcer leur arrêt de mort.

CHAPITRE VI.

Des moyens employés en 1792 pour établir la
république.

LES François sont peu disposés à la guerre civile, et n'ont point de talent pour les conspirations. Ils sont peu disposés à la guerre civile, parce que chez eux la majorité entraîne presque toujours la minorité; le parti qui passe pour le plus fort devient bien vite tout-puissant, car tout le monde s'y réunit. Ils n'ont point de talent pour les conspirations, par cela même qu'ils sont très-propres aux révolutions ; ils ont besoin de s'exciter mutuellement par la communication de leurs idées; le silence profond, la résolution solitaire qu'il faut pour conspirer ne sont pas dans leur caractère. Ils en seroient peut-être plus capables, maintenant que des traits italiens se sont mêlés à leur naturel; mais l'on ne voit pas d'exemples d'une conjuration dans l'histoire de France; Henri III et Henri IV furent assassinés l'un et l'autre par deux fanatiques sans complices. La cour, il est vrai, sous Charles IX, prépara dans l'ombre

le massacre de la Saint-Barthélemi; mais ce fut une reine italienne qui donna son esprit de ruse et de dissimulation aux instrumens dont elle se servit. Les moyens employés pour accomplir la révolution ne valoient pas mieux que ceux dont on se sert pour ourdir une conspiration : en effet commettre un crime sur la place publique, ou le combiner dans son cabinet, c'est être également coupable; mais il y a la perfidie de moins.

L'assemblée législative renversoit la monarchie avec des sophismes. Ses décrets altéroient le bon sens, et dépravoient la moralité de la nation. Il falloit une sorte d'hypocrisie politique, encore plus dangereuse que l'hypocrisie religieuse, pour détruire le trône pièce à pièce, en jurant toutefois de le maintenir. Aujourd'hui les ministres étoient accusés; demain la garde du roi étoit licenciée; un autre jour l'on accordoit des récompenses aux soldats du régiment de Châteauvieux qui s'étoient révoltés contre leurs chefs; les massacres d'Avignon trouvoient des défenseurs dans le sein de l'assemblée; enfin, soit que l'établissement d'une république en France parût ou non désirable, il ne pouvoit y avoir qu'une façon de penser sur le choix des moyens employés pour y parvenir;

et, plus on étoit ami de la liberté, plus la conduite du parti républicain excitoit d'indignation au fond de l'âme.

Ce qu'il importe avant tout de considérer dans les grandes crises politiques, c'est si la révolution qu'on désire est en harmonie avec l'esprit du temps. En tâchant d'opérer le retour des anciennes institutions, c'est-à-dire, en voulant faire reculer la raison humaine, on enflamme toutes les passions populaires. Mais, si l'on aspire au contraire à fonder une république dans un pays qui la veille avoit tous les défauts et tous les vices que les monarchies absolues doivent enfanter, on se voit dans la nécessité d'opprimer pour affranchir, et de se souiller ainsi de forfaits en proclamant le gouvernement qui se fonde sur la vertu. Une manière sûre de ne pas se tromper sur ce que veut la majorité d'une nation, c'est de ne suivre jamais qu'une marche légale pour parvenir au but même que l'on croit le plus utile. Dès qu'on ne se permet rien d'immoral, on ne contrarie jamais violemment le cours des choses.

La guerre des François, qui fut depuis si brillante, commença par des revers. Les soldats, à Lille, après leur déroute, massacrèrent leur chef Théobald Dillon, dont ils soupçon

noient bien à tort la bonne foi. Ces premiers échecs avoient rendu la méfiance générale. Aussi l'assemblée législative poursuivoit-elle sans cesse de dénonciations les ministres, comme des chevaux rétifs que les coups d'éperons ne peuvent faire avancer. Le premier devoir d'un gouvernement, aussi-bien que d'une nation, est sans doute d'assurer son indépendance contre l'envahissement des étrangers. Mais une situation aussi fausse pouvoit-elle durer? Et ne valoit-il pas mieux ouvrir les portes de la France au roi qui vouloit en sortir, que chicaner du matin au soir la puissance ou plutôt la foiblesse royale, et traiter le descendant de saint Louis, captif sur le trône, comme l'oiseau qu'on attache au sommet d'un arbre, et contre lequel chacun lance des traits tour à tour?

L'assemblée législative, lassée de la patience même de Louis XVI, imagina de lui présenter deux décrets, auxquels sa conscience et sa sûreté ne lui permettoient pas de donner sa sanction. Par le premier on condamnoit à la déportation tout prêtre qui avoit refusé de prêter serment, s'il étoit dénoncé par vingt` citoyens actifs, c'est-à-dire, payant une contribution ; et, par le second, on appeloit à Paris une légion de Marseillois qu'on avoit décidés à conspirer

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