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contre la couronne. Quel décret cependant, que celui dont les prêtres étoient les victimes! On livroit l'existence d'un citoyen à des dé-. nonciations qui portoient sur ses opinions présumées. Que craint-on du despotisme, si ce n'est un tel décret? Au lieu de vingt citoyens actifs, il n'y a qu'à supposer des courtisans qui sont actifs aussi à leur manière, et l'on aura l'histoire de toutes les lettres de cachet, de tous les exils, de tous les empoisonnemens que l'on veut empêcher par l'institution d'un gouverne

ment libre.

Un généreux mouvement de l'âme décida le roi à s'exposer à tout plutôt que d'accéder à la proscription des prêtres : il pouvoit, en se considérant comme prisonnier, donner sa sanction à cette loi, et protester contre elle en secret; mais il ne put consentir à traiter la religion comme la politique; et, s'il dissimula comme roi, il fut vrai comme martyr.

Dès que le veto du roi fut connu, l'on sut de toutes parts qu'il se préparoit une émeute dans les faubourgs. Le peuple étant devenu despote, le moindre obstacle à ses volontés l'irritoit. On vit aussi dans cette occasion le terrible inconvénient de placer l'autorité royale en présence d'une seule chambre. Le combat

entre ces deux pouvoirs manque d'arbitre, et c'est l'insurrection qui lui en sert.

Vingt mille hommes de la dernière classe de la société, armés de piques et de lances marchèrent aux Tuileries sans savoir pourquoi; ils étoient prêts à commettre tous les forfaits, ou pouvoient être entraînés aux plus belles choses, suivant l'impulsion des événemens et des hommes.

Ces vingt mille hommes pénétrèrent dans le palais du roi; leurs physionomies étoient empreintes de cette grossièreté morale et physique dont on ne peut supporter le dégoût, quelque philanthrope que l'on soit. Si quelque sentiment vrai les avoit animés, s'ils étoient venus réclamer contre des injustices, contre la cherté des grains, contre l'accroissement des impôts, contre les enrôlemens militaires, enfin contre tout ce que le pouvoir et la richesse peuvent faire souffrir à la misère, les haillons dont ils étoient revêtus, leurs mains noircies par le travail, la vieillesse prématurée des femmes, l'abrutissement des enfans, tout auroit excité de la pitié. Mais leurs affreux juremens entremêlés de cris, leurs gestes menaçans leurs instrumens meurtriers, offroient un spectacle épouvantable, et qui pouvoit altérer à

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jamais le respect que la race humaine doit inspirer.

L'Europe a su comment madame Élisabeth, sœur du roi, voulut empêcher qu'on ne détrompât les furieux qui la prenoient pour la reine, et la menaçoient à ce titre. La reine elle-même devoit être reconnue à l'ardeur avec laquelle elle pressoit ses enfans contre son cœur. Le roi dans ce jour montra toutes les vertus d'un saint. Il n'étoit déjà plus temps de se sauver en héros; le signe horrible du massacre, le bonnet rouge, fut placé sur sa tête dévouée; mais rien ne pouvoit l'humilier, puisque toute sa vie n'étoit qu'un sacrifice continuel.

L'assemblée, honteuse de ses auxiliaires, envoya quelques-uns des députés pour sauver la famille royale ; et Vergniaud, l'orateur le plus éloquent peut-être de tous ceux qui se sont fait entendre à la tribune françoise, dissipa dans peu d'instans la populace.

Le général la Fayette, indigné de ce qui se passoit à Paris, quitta son armée pour venir à la barre de l'assemblée demander justice de l'affreuse journée du 20 juin 1792. Si les girondins alors s'étoient réunis à lui et à ses amis, on pouvoit peut-être encore empêcher l'entrée des étrangers, et rendre au roi l'autorité consti

tutionnelle qui lui étoit due. Mais, à l'instant où M. de la Fayette termina son discours par ces paroles qu'il lui convenoit si bien de prononcer: << Telles sont les représentations que sou» met à l'assemblée un citoyen auquel on ne >> sauroit du moins disputer son amour pour la » liberté ; » Guadet, collègue de Vergniaud, monta rapidement à la tribune, et se servit avec habileté de la défiance que doit avoir toute assemblée représentative contre un général qui se mêle des affaires intérieures. Cependant, quand il rappeloit les souvenirs de Cromwell, dictant au nom de son armée des lois aux représentans de son pays, on savoit bien qu'il n'y avoit là ni tyran ni soldats, mais un citoyen vertueux qui, bien qu'ami de la république en théorie, ne pouvoit supporter le crime, sous quelque bannière qu'il prétendit se ranger.

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DEs adresses de toutes les parties de la France, alors sincères, puisqu'il y avoit du danger à les signer, exprimoient le vœu de la grande majorité des citoyens en faveur du maintien de la constitution. Quelque imparfaite qu'elle fût, c'étoit une monarchie limitée; et tel a toujours été le vœu des François, les factieux ou les soldats ont pu seuls empêcher qu'il ne prévalût. Si les chefs du parti populaire avoient pu pu croire que la nation désirât véritablement la république, ils n'auroient pas eu besoin des moyens les plus injustes pour l'établir. On n'a point recours au despotisme, quand on a pour soi l'opinion; et quel despotisme, juste ciel ! que celui qu'on voyoit sortir alors des classes de la société les plus grossières, comme les vapeurs s'élèvent des marais pestilentiels ! Marat, dont la postérité se souviendra peut-être, afin de rattacher à un homme les crimes d'une époque, Marat se servoit chaque jour de son journal, pour menacer des plus affreux supplices la fa40.9

TOME II.

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