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ment les marais. L'argument était spécieux. N'avonsnous point vu Guy II de Néelle-Offémont acheter en 1347, de Tristan de Maignelay, tous les marais du Vieil-Amiens? L'année suivante, la dame de Néelle et de Bray n'obtenait-elle pas un arrêt du Parlement qui la maintenait en possession de tous droits sur les marais de Bray, depuis l'eau de Saint-Venant jusqu'au pont à Beaudroye d'une part, et depuis le jardin Cagnard jusqu'à l'eau des moines de Corbie, d'autre part? Si donc le dénombrement parlait des eaux et point des marais, il n'en voulait pas moins désigner le tout, d'autant plus qu'alors les marais n'étaient guère que des molières ordinairement submergées. Mais, heureusement, la commune appuyait encore sa revendication sur d'autres arguments plus sérieux.

Une circonstance vint compliquer le procès, l'administration des domaines nationaux ayant aliéné le Grand-Parc, l'un des terrains en litige (26 pluviôse an VI). Après dix ans de procédure, Bray fut déclaré propriétaire légitime des marais qu'il réclamait. Toutefois, la vente du Grand-Parc fut maintenue, mais le prix en revint tout entier à la ville (1).

Plus tard, la loi du 20 mars 1813 dépouilla la commune d'une partie de ces marais, en faisant vendre, le 19 octobre, 73 journaux 75 verges, au profit de la caisse d'amortissement.

VIII. Un évènement d'une autre nature marqua l'an-

(1) Jugement du Tribunal de Péronne, 21 ventôse an X, 1804.

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née 1814. Après avoir couvert toute l'Europe de ses armées victorieuses, la France était à son tour soumise elle-même à l'invasion des peuples alliés contre Napoléon 1er. Le 24 février, vers onze heures du soir, les habitants de Bray sont réveillés par les cris de soldats étrangers 1200 cavaliers cosaques, saxons et wurtembergeois, sous les ordres du baron Frédéric de Geismar, colonel aux gardes impériaux de Russie, arrivaient de Doullens, qu'ils avaient pris la veille. Ils se jettent dans les maisons voisines de la place, pour y passer le reste de la nuit, et se retirent le lendemain sans avoir commis aucune violence, mais non sans lever une forte contribution de guerre. Comme Doullens, comme Bray, Montdidier fut surpris de les recevoir à son tour, car, pas plus que ces deux villes, il ne se trouvait sur la route des armées envahissantes; mais Geismar, paraît-il, séparé de son corps d'armée aux environs de Cassel, errait à l'aventure, cherchant à rejoindre ses frères d'armes, ce qu'il fit aux environs de la Fère (1).

L'année 1815 ramena en France les puissances alliées. Bray fut encore envahi par les troupes coalisées et surtout par les Anglais. Cette occupation donna lieu à plus d'un incident. Nous ne pouvons les raconter faute de documents authentiques pour en contrôler les détails. Seul, un état des fournitures

(1) Duchaussoy. Annales de la ville de Bray. Tradition orale. M. de Beauvillé, dans son Histoire de Montdidier, et M. Delgove, dans celle de Doullens, donnent de plus amples détails sur la marche du baron russe.

faites à domicile aux troupes étrangères logées chez l'habitant nous indique l'importance des garnisons que le pays eut à subir. Pendant le mois d'août, on délivra 4,400 rations de vivres aux soldats, et 800 rations de fourrage aux chevaux; en septembre, 3,260 rations de vivres et 3,100 rations de fourrage; même quantité en octobre; 2,408 rations de vivres et 3,510 rations. de fourrage en novembre; enfin 458 rations de vivres et 15 rations de fourrage en décembre (1).

(1) Archives de la Mairie.

CHAPITRE DIXIÈME.

EVENEMENTS MILITAIRES DES ANNÉES 1870 & 1871.

I. En écrivant ces lignes spécialement destinées à conserver le souvenir des siècles passés, nous avions résolu de nous arrêter au seuil de l'époque présente, et de ne point entreprendre le récit des faits auxquels la génération actuelle a pris part.

Mais les évènements de 1870-1871, par leur triste gravité, réclament une exception que nous ne pouvons leur refuser. Les malheurs de l'invasion allemande appartiennent déjà à l'histoire, et méritent, à ce titre, d'être mentionnés dans cet ouvrage..

Lorsque l'armée de Manteuffel, chargée de protéger l'investissement de Paris en opérant dans le nord de la France, eut accentué son mouvement agressif contre Amiens, le génie français crut urgent de protéger les passages de la Somme. Ordre fut donc expédié partout de couper les ponts. On commença dès le 22 novembre à démolir ceux qui se trouvaient sur la chaussée des moulins, et ce travail, activement poussé par tous les hommes valides du pays, fut terminé en peu d'heures.

Il n'en pouvait être ainsi du grand pont de bois et de fer entre Bray et Laneuville, dont le démontage présen

tait de plus sérieuses difficultés. Mais le temps pressait. L'administration dut recourir à des moyens énergiques; elle fit donc parvenir à l'un des conducteurs des ponts-et-chaussées la quantité de poudre nécessaire pour faire sauter le pont, en lui recommandant, toutefois, de n'employer ce moyen qu'à la dernière extrémité. En même temps, les ouvriers de la fonderie Toulet, d'Albert, étaient requis de se mettre à la disposition du conducteur. Ils arrivèrent le 23 novembre, au nombre d'environ 200, et commençèrent à rompre le pont. Un bataillon des mobiles du Gard vint protéger l'opération, et se retira dès qu'elle fut terminée.

Le lendemain, 24, les éclaireurs ennemis se montraient partout sur la rive gauche de la Somme; quelques-uns même traversèrent l'eau à Gailly et à Méricourt, où les passages n'avaient point été interrompus à temps. La garde sédentaire de Bray se mit à leur poursuite, sans pouvoir les atteindre; une autre expédition dirigée vers Cappy n'eut pas plus de succès. Les ponts de Méricourt et de Gailly sautèrent la nuit suivante.

Le 25 novembre, 1,200 hommes du 75° de ligne et un bataillon des mobiles du Pas-de-Calais vinrent occuper Bray; ils formaient l'extrême gauche de l'armée française, qui avait pris ses positions de bataille en avant d'Amiens et de Villers-Bretonneux (1). Ces

(1) Les détails locaux sont extraits du journal de l'auteur, témoin oculaire ; quant aux renseignements stratégiques, ils ont été empruntés à divers ouvrages, notamment à La ligne de la Somme, par M. Daussy, et à la relation des Opérations de l'armée du Nord, par le

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