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révérées qui les décorent. On persécute la gloire des grands hommes jusque dans le marbre et l'airain qui en reproduisent les traits. Leurs statues tombent, on ne respecte pas même leurs tombeaux. Le citoyen fidele ose à peine dérober en secret quelques-uns de ces restes sacrés : il y cherche en pleurant l'ancienne gloire de la patrie, et leur demande pardon de tant d'ingratitude; cependant il ne désespère jamais du salut de l'Etat, et même au milieu de tous les excès, il attend le réveil de tous les sentiments généreux.

Ces sentiments se sont ranimés de toutes parts; mais leur retour fut préparé par l'homme supérieur qui nous rendit peu à peu toutes nos anciennes habitudes. C'est lui qui, dès les premiers jours de son gouvernement, honora les cendres de Turenne, et fit placer dans son palais les bustes de tous ces héros dont il égale la renommée. Déjà les artistes, animés par sa voix, se préparent à relever, sur nos places désertes, les statues des plus grands hommes français. Celui qui montra tant de respect pour leur mémoire a bien mérité que la sienne vive à jamais. Que ses leçons et ses exemples se perpétuent; que ses successeurs, formés par des frères dignes de lui, obtiennent un jour les mêmes honneurs! Le souvenir de cette solennité peut former une race de héros. II nous sera toujours présent, il se confondra pour nous avec celui du jour solennel où l'Empereur ouvrit notre session. Quand son trône s'élevait à cette même place; quand sa grande âme s'exprimait tout entière dans des paroles si dignes de ses actions, rien ne manquait sans doute à notre gloire, mais il manquait quelque chose à notre bonheur. Celle dont la présence embellit toutes les fêtes n'était point dans cette enceinte. Aujourd'hui nos yeux peuvent la contempler. Les émotions de son cœur en ce moment répandent un nouveau charme sur elle; et chacun de nous, en la regardant, aime encore mieux celui dont elle partage la grandeur, et dont nous venons d'inaugurer l'image.

Ce discours est souvent interrompu par les applaudissements de l'assemblée. Les acclamations les plus vives se renouvellent au moment où M. le président le termine.

Une symphonie annonce que l'inauguration est terminée.

L'Impératrice, les princes et les princesses se

lèvent.

L'assemblée entière passe dans les appartements de la présidence, dans les salles et galeries du palais, où divers plaisirs attendent les personnes invitées à cette solennité.

L'allégresse générale est portée à son comble par la présence de S. M. l'Empereur.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 25 nivóse an XIII (mardi, 15 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance du 22 nivôse est adopté.

MM. Treilhard et Siméon, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Treilhard présente un projet de loi relatif à la diminution des frais de justice en matière criminelle ou de police correctionnelle. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Messieurs, le projet de loi soumis en ce moment à votre sanction a pour objet la diminution des frais de justice, à la charge du trésor public, en matière criminelle ou de police correctionnelle.

De toutes les manières d'accroître le revenu public, la plus naturelle et la plus convenable, est sans contredit la diminution des dépenses abusives; s'il faut ne rien épargner pour soutenir l'éclat du trône et la prépondérance nationale, il n'est pas moins juste de soulager la nation, autant qu'il est possible, de toute charge qui ne serait ni nécessaire ni utile.

Il en existe plusieurs de cette espèce dans l'administration de la justice, en matière criminelle ou de police correctionnelle. Pourquoi faut-il que les efforts obscurs, mais continus, de l'intérêt et de la cupidité, parviennent insensiblement à corrompre les plus saintes institutions?

Un citoyen, malheureusement enveloppé dans une procédure criminelle, doit sans doute éprouver une protection spéciale de la loi : jusqu'à ce qu'il soit condamné, tous les moyens de défense lui sont permis. La société doit même lui en faciliter l'emploi; elle est partie dans toutes les affaires de cette nature. Si elle gagne sa cause quand un coupable est condamné, elle en gagne une bien plus douce lorsqu'un innocent est absous.

C'est par une conséquence de ces considérations puissantes que les témoins indiqués par un accusé doivent être assignés aux frais du trésor public; mais cette maxime, si pure dans son principe, est devenue plus funeste par l'abus qu'on en fait tous les jours.

On assigne une foule de témoins complices quelquefois du délit, et dont toute la déclaration se borne à dire qu'ils connaissent l'accusé, et qu'ils ne le croient pas capable d'un crime.

Il arrive même que quelques personnes ont le secret de se faire assigner dans presque tous les procès criminels, encore qu'on sache bien qu'elles n'auront rien à déposer; mais on croit faire un acte de bienfaisance en procurant à un citoyen, intéressant peut-être sous quelques rapports, le bén fice d'un salaire qu'on ne saurait refuser au témoin qui comparaît, quoiqu'il n'ait rien à dire.

D'un autre côté, les huissiers chargés de porter les exploits à des distances considérables de leur résidence se font taxer d'énormes frais de transports; et quoiqu'ils donnent plusieurs assignations le même jour et dans la même commune, ils ne rougissent pas d'exiger ces frais extraordinaires pour chaque citation, comme s'ils n'en avaient donné qu'une.

Les copies de pièces qu'on doit délivrer aux accusés sont une autre source d'abus également préjudiciables. Chaque accusé veut pour lui seul une copie; il veut une copie entière; il veut une copie de toutes les pièces, non-seulement de celles qui constatent le délit, ou qui en signalent l'auteur, mais encore une copie de chaque acte de la procédure, même des actes nécessairement connus de l'accusé, soit parce qu'ils émanent de lui, comme ses interrogatoires, soit parce qu'il en a déjà reçu copie comme de l'acte d'accusation qui toujours est transcrit en entier dans l'ordonnance de prise de corps déjà signifiée.

Il n'est pas de procès criminel dans lequel ces abus ne se renouvellent; non peut-être que les copies aient été réellement données, leur inutilité pour l'accusé nous permet de croire qu'il ne les a pas toujours exigées, mais il avait la faculté de les demander, et les personnes intéressées en requièrent la taxe, comine si elles avaient été fournies.

Enfin il existe une lutte éternelle entre les parties civiles et le trésor public; personne ne veut faire les avances des frais les plus légitimes; et dans ce choc, toute la charge retombe sur le domaine. Il est temps de mettre un terme à ce désordre;

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c'est l'objet des quatre articles du projet qui vous est présenté.

Toutes les significations à la requête de la partie publique seront faites par les huissiers audienciers du lieu, ou par l'huissier du juge de paix, ou par les gendarmes; il ne pourra jamais être alloué de frais de transport.

Une seule exception est établie; elle sera infiniment rare c'est le cas où la partie publique jugera convenable de donner à un huissier, dont le zèle et l'intelligence lui sont particulièrement connus, l'ordre exprès de se transporter, pour quelque opération délicate, hors du lieu de sa résidence.

Nous ne devons pas supposer que la partie publique abuse de la faculté qu'on a dû lui laisser; l'abus serait bientôt découvert et réprimé.

Les témoins que l'accusé peut indiquer sont l'objet du deuxième article du projet. Ici, la difficulté semble plus sérieuse. S'il est hors de doute que le trésor public ne doit pas payer une foule de témoins inutiles pour l'instruction, il est aussi constant que des témoins dont la déclaration peut éclairer la justice ne doivent pas être écartés. Nous devons concilier une sage économie avec une autre espèce d'intérêt social qui réclame la lumière la plus grande sur une instruction criminelle.

Nous pensons avoir atteint le but, en imposant à la partie publique l'obligation de faire entendre ceux des témoins indiqués par l'accusé, qui peuvent avoir la connaissance des faits, et en laissant à la charge des parties les frais d'audition des autres témoins.

On dira peut-être qu'on peut craindre que la partie publique ne néglige de faire entendre quelque témoin important. Cette inquiétude ne serait pas raisonnable.

Quand on supposerait de la négligence, de la légèreté, de la mauvaise volonté même de la part du magistrat de sûreté, pourrait-on croire que le directeur du jury, dans l'examen qu'il fait des pièces, n'apercevrait pas cet oubli, et ne s'empresserait pas de le réparer? Il y est autorisé, et c'est un de ses devoirs.

Dira-t-on que ces deux magistrats pourraient être également négligents ou prévaricateurs? On n'ira peut-être pas jusqu'à supposer le même oubli, la même prévarication de la part du procureur général qui instruit l'affaire à la cour de justice criminelle, et de la part du président de cette cour, qui doit interroger l'accusé à son arrivée, et se mettre au fait de toutes les pièces de l'affaire, avant l'ouverture des débats.

Enfin, le magistrat de sûreté, le directeur du jury, le procureur général et le président de la cour, auraient négligé leurs premiers devoirs, sans que le sort de l'accusé fût pour cela compromis.

Ce n'est pas sur un rapport clandestin et dans une discussion secrète que s'examine et se juge l'affaire. C'est sous les yeux des conseils, des amis, des parents de l'accusé, en présence de tous les citoyens dont l'œil surveille le magistrat. Et si (ce qui n'est pas probable) un témoin nécessaire ou utile avait été laissé à l'écart, sa présence serait universellement réclamée au grand jour du débat; et le tribunal ne manquerait pas de suspendre l'instruction, et d'ordonner, comme il en à incontestablement le droit, que ce témoin serait entendu.

On a donc pourvu à tous les intérêts en laissant les témoins de l'accusé à sa charge, et en obligeant néanmoins la partie publique à faire entendre aux

frais du trésor public les témoins indiqués par l'accusé, lorsque leur déposition sera jugée utile pour la manifestation de la vérité.

Le troisième article du projet de loi est relatif aux copies des pièces qu'on doit fournir à l'ac

cusé.

Dans le nombre des pièces du procès, il en est qui tendent à constater le fait, et à en indiquer les auteurs. Quelques-unes sont déjà à la connaissance personnelle de l'accusé, il peut ignorer le contenu des autres.

Par quel motif serait-on obligé de donner à l'accusé copie des pièces qui sont émanées de lui, ou qui lui ont été déjà communiquées ?

C'est le procès-verbal constatant le corps du délit; ce sont les déclarations des témoins qu'il lui importe de connaître.

Le projet porte qu'une copie de ces pièces sera donnée pour tous les accusés : leurs conseils, s'ils en ont plusieurs, se concerteront facilement pour les examiner: voilà tout ce que peut exiger la raison.

Si les accusés veulent de secondes copies, elles seront à leur charge. La mesure proposée pourvoit également au vou de l'humanité et à l'intérêt de la société et du trésor public.

Enfin, le dernier article du projet distingue les crimes qui intéressent la société plus que les particuliers, et les délits plus légers qui attaquent l'intérêt particulier plus que la société entière.

Les premiers sont de la compétence des tribunaux criminels; la partie publique est chargée plus spécialement de leur poursuite, soit que son zèle soit ou ne soit pas excité par les actes des citoyens qui se rendent parties civiles. Les autres délits sont portés aux tribunaux de police correctionnelle.

C'est dans la nature même des choses qu'on a cherché la mesure des devoirs respectifs des officiers publics et des parties civiles.

Dans tous les cas, le citoyen qui veut se rendre partie doit, en cette qualitě, supporter les frais de l'instruction; mais, en matière criminelle, le domaine doit être tenu de l'avance des frais de poursuites: il ne faut pas qu'une instruction de cette gravité soit exposée à languir, et que l'intérêt de la société entière puisse être compromis par la tiédeur ou par le défaut de moyens d'une partie; c'est assez qu'elle soit responsable des frais légitimes qui auront été faits.

Ces considérations ne s'appliquent pas aux simples affaires de police correctionnelle; la société est ici moins intéressée que le particulier qui poursuit la réparation de son tort personnel. On a dû par conséquent laisser à celui-ci la charge de l'avance des frais.

C'est par l'application de ces règles, bien simples et bien naturelles, que nous verrons disparaître les abus dont on se plaint depuis longtemps; mais nous ne pouvons pas nous dissimuler combien la cupidité est ingénieuse. Une issue n'est pas plutôt fermée pour elle, qu'elle s'efforce d'en ouvrir une nouvelle, et nous ne pouvons trop solliciter la vigilance des magistrats.

Tous leurs devoirs ne sont pas remplis, quand ils ont instruit une procédure avec impartialité, quand ils ont discuté avec sagesse, quand ils ont prononcé avec justice; ils ont encore une surveillance importante à exercer sur les agents ministériels qui les entourent. Qu'ils sachent se défendre de cette excessive confiance qu'il est si difficile de refuser à des hommes qu'on voit tous les jours, qui sont nos collaborateurs, et qui font d'autant plus d'efforts pour usurper quelque empire sur nos

esprits, qu'ils ont eux-mêmes plus besoin de notre indulgence. Que les magistrats enfin se pénètrent fortement de cette vérité, qu'on se rend complice d'un écart, quand on a dù l'empêcher et qu'on ne l'a pas fait; et que, sous un prince à qui rien n'échappe, on peut à chaque instant leur demander compte des suites désastreuses d'une négligence que rien ne pouvait excuser.

PROJET DE LOI

Relatif à la diminution des frais de justice en matière criminelle ou de police correctionnelle.

Art. 1er. Les citations, notifications, et généralement toutes significations à la requête de la partie publique, en matière criminelle ou de police correctionnelle, seront faites par les huissiers audienciers des tribunaux établis dans les lieux où elles seront données, ou par les huissiers des tribunaux de paix; en conséquence il ne sera jamais alloué de frais de transport aux huissiers, à moins toutefois qu ils n'aient été chargés par un mandement exprès du procureur général, ou du procureur impérial, ou du directeur du jury, chacun en ce qui le concerne, de porter hors du lieu de leur résidence lesdites citations, notifications ou s gnifications: elles pourront aussi être données par les gendarmes.

Art. 2. Les citations et significations faites à la requête des prévenus ou accusés seront à leurs frais, ainsi que les salaires des témoins qu'ils feront entendre, sauf à la partie publique à faire citer à sa requête les témoins qui seraient indiqués par les prévenus ou accusés, dans les cas où elle jugerait que leur déclaration pût être nécessaire pour la découverte de la vérité, sans préjudice encore du droit de la cour criminelle d'ordonner, dans le cours des débats, lorsqu'elle le jugera utile, que de nouveaux témoins seront entendus.

Art. 3. Il ne sera délivré gratuitement aux accusés, en quelque nombre qu'ils puissent être, et dans tous les cas, qu'une seule copie des procès-verbaux constatant le délit, et des déclarations écrites des témoins. Les accusés ne pourront requérir d'autres copies de ces actes, ou des copies des autres pièces de la procéd ure, qu'à

leurs frais.

Art. 4. En matière de police correctionnelle, ceux qui se constitueront parties civiles seront personnellement chargés des frais de poursuite, instruction et signification de jugement.

En toute affaire criminelle, la partie publique sera seule chargée des frais d'exécution; elle fera l'avance des frais d'instruction, expédition et signification des jugements,du remboursement desquels ceux qui se seront constitués parties civiles seront personnellement tenus; sauf, dans tous les cas, le recours des parties civiles contre les prévenus ou accusés qui auront été condamnés.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera communiqué aux trois sections du Tribunat.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi concernant les mesures relatives au remboursement des cautionnements fournis par les agents de change, courtiers de commerce et autres.

Les oraleurs du Conseil d'Etat et ceux des trois sections du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole appartient à un de messieurs les orateurs du Tribunat.

M. Daru, rapporteur de la section des finances. Messieurs, l'orateur du Conseil d'Etat, en vous présentant la loi qui est en ce moment l'objet de la délibération du Corps législatif, vous a annoncé qu'aucune réclamation ne l'avait provoquée. En effet, les dispositions de cette loi, sont par leur justice évidente, de la nature de celles qui existent, sont reconnues avant même d'être écrites. d'est le ne a

susceptibles d'aucune objection, et s'il y en avait une à proposer, ce serait celle que je vous ai déjà fait pressentir; mais le législateur ne peut qu'être loué de sa prévoyance, lorsqu'il a le soin de convertir en loi positive un principe qui peut enfin être contesté, quoique juste. C'est ôter à la mauvaise foi un moyen de prolonger les contes

tations, de les faire naître; c'est coordonner les droits de tous les intéressés.

Divers fonctionnaires sont assujettis à fournir un cautionnement pour la garantie de leur gestion. La première destination de ce cautionnement est donc de couvrir les intérêts qui pourraient être lésés par les fautes ou l'infidélité de ces fonctionnaires.

Cette première destination une fois remplie, il est naturel que ces fonds,déclarés libres après que la gestion des comptables aura été reconnue exacte et légale, soient affectés spécialement à la sûreté des prêts faits à ces fonctionnaires pour fournir leur cautionnement. Dans ce cas, le prêteur exercera le droit de se ressaisir de sa chose; mais il ne pourra pas se plaindre de ne pouvoir la ressaisir qu'après que le cautionnement aura été déclaré libre et affranchi de sa propre hypothèque, puisqu'en prêtant ses fonds il aura été prévenu du privilége réservé à cette première destination.

Enfin, après la responsabilité résultant de la gestion, après l'hypothèque réservée aux prêteurs de fonds employés en cautionnements, d'autres créanciers peuvent avoir des prétentions à élever sur ces fonds; la loi qui est présentée au Corps législatif ne détermine rien sur les droits réciproques de ces divers créanciers; elle porte que leurs réclamations seront réglées dans l'ordre ordinaire.

Cette disposition, qui ne fait que renvoyer ces créanciers pour leur collocation aux lois déjà existantes, ne peut donc être le sujet d'une délibération dans ce moment. Ainsi, les cautionnements fournis par les agents de change, courtiers de commerce, avoués, greffiers, huissiers et commissaires-priseurs, seront affectés : premièrement, à répondre de leur gestion; secondement, au remboursement des prêts qui leur auraient été faits spécialement pour ces cautionnements, enfin au paiement de leurs autres créanciers pour l'ordre ordinaire.

Les autres dispositions de la loi déterminent les formalités à remplir, par les créanciers, pour la sûreté de leur créance, et par ces fonctionnaires eux-mêmes pour se mettre en droit de réclamer la restitution de leur cautionnement. Ces formalités ne sont pas les plus simples, et par conséquent celles dont l'exécution est la plus facile pour les parties intéressées.

La section des finances nous a chargés de vous porter son vœu pour l'adoption de ce projet de loi. Aucun des orateurs du Conseil d'Etat et du Tribunat ne prenant la parole, la discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 203 boules blanches contre 2 noires.

Les orateurs du Conseil d'Etat et du Tribunat ayant quitté la salle, un membre du Corps législatif obtient la parole.

M. Cattouard. Mes collègues, si la cérémonie d'hier a été auguste, brillante et majestueuse, c'est sans contredit au héros qui en était l'objet que tout le mérite en est dû; mais nous devons des remerciments au président, dont la bouche éloquente a aussi dignement exprimé les sentiments du Corps législatif, dans cette circonstance à jamais mémorable. Je pense que nous ne pouvons mieux lui manifester notre reconnaissance qu'en ordonnant l'impression de son discours, au nombre de six exemplaires, et j'ai l'honneur de vous en faire la proposition.

Cette proposition mise aux voix est adoptée. La séance est levée.

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Messieurs, le sceau de l'Etat imprime le caractère légal et solennel aux constitutions de l'Empire, aux lois, aux décrets du monarque; il commande la confiance; il ordonne le respect; il prescrit l'obéissance.

Chaque autorité constituée complète également l'authenticité de ses actes et assure l'exécution de ses ordres par l'apposition du sceau qui lui est donné.

Le type du sceau de l'Empire et des sceaux particuliers de chaque corps, de chaque individu dépositaire d'une partie de la puissance publique ou de l'action de l'administration, doit donc être connu de tous les citoyens.

Ce type doit donc être réglé,proclamé par une loi. L'Empereur nous a chargés de vous présenter celle qui détermine les empreintes du sceau de l'Empire, et règle la forme du sceau des autorités publiques.

Dans l'ancienne monarchie, lorsque le royaume était formé de tant de nominations diverses rassemblées, de tant de provinces réunies par des victoires, des traités, des alliances, il avait fallu transiger successivement avec la vanité qui avait voulu que, pour les fiefs incorporés, les titres unis, les pays concédés, les provinces achetées, les territoires conquis, le prince devenu possesseur, conservât les armoiries affectées jadis à son nouveau domaine, et scellât de leur empreinte les actes de son autorité qui les concerneraient.

C'est ainsi qu'on avait écartelé les armes des pays unis ou conservé l'usage des sceaux particuliers pour quelques provinces, telles que le Dauphiné et autres.

Cette bigarrure héraldique cessa dès les premiers temps de l'Assemblée constituante, et un sceau uniforme fut établi pour toute l'étendue du territoire français.

Mais le sceau décrété en 1790 ne dura qu'autant que la Constitution passagère à laquelle il avait été apposé.

Depuis, un sceau provisoire servit aux actes de la Convention, et ce ne fut qu'au 28 brumaire an II que le sujet de la légende du sceau de l Etat fut décrété.

Aujourd'hui vous êtes appelés, Messieurs, à fixer le type du sceau impérial.

Un des côtés représente l'Empereur sur le trône où le vœu national l'a placé.

L'autre représente l'aigle impérial couronné, reposant sur la foudre.

En adoptant le modèle que nous vous présentons, Messieurs, vous consacrerez pour sceller les lois, l'image de celui auquel vous venez de décerner une statue, pour en avoir ramené l'empire, rétabli le respect, récompensé le Code.

Vous approprierez à la grande nation un emblème digne à la fois d'elle et de son chef.

L'aigle français, imprimé sur nos lois, porté devant nos légions, garantira toujours à nos lois l'obéissance, à nos légions la victoire.

Projet de loi.

Art. 1er. Le sceau de l'Etat portera pour type, d'un côté, l'effigie de l'Empereur assis sur son trône, revêtu des ornements impériaux, la couronne sur la tête, tenant le sceptre et la main de justice; de l'autre côté, l'aigle impériale couronnée, reposant sur la foudre, suivant le modèle joint à la présente loi.

Art. 2. Le sceau de toutes les autorités portera pour type l'aigle impériale, tel qu'il formera un des côtés du grand sceau de l'Etat, et pour légende, le titre de l'autorité publique par laquelle il sera employé.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion de deux projets de loi.

Le premier est relatif à l'établissement d'un pont sur les deux bras du Rhône, entre Avignon et Villeneuve.

Le second est relatif à la concession de travaux pour opérer la coupure du lit de la Saône.

Les orateurs du Tribunat et ceux du Gouvernement sont introduits.

M. le Président. La parole est à un de messieurs les orateurs du Tribunat, sur le premier projet de loi.

M. Daugier. Messieurs, depuis longtemps l'agriculture et le commerce réclamaient pour les départements du midi, mais particulièrement pour ceux de Vaucluse et du Gard, la construction d'un pont sur le Rhône, auprès d'Avignon. Les communications n'ont lieu sur ce point que par un bac, et elles sont tellement incertaines, que la crue des eaux oblige souvent à les suspendre, et qu'elles sont également interrompues pendant la durée de ces vents impétueux sí fréquents sur les bords du Rhône. Dans ces circonstances, le cours du commerce est ralenti, les cultivateurs perdent des moments bien précieux, et l'administration publique elle-même voit ses opérations paralysées.

Ces inconvénients, vivement sentis, avaient à différentes époques, mais principalement depuis la réunion du ci-devant comtat à la France, donné lieu à divers projets qui, souvent prêts à être effectués, n'ont cependant jamais reçu d'exécution. Il était réservé à l'Empereur d'ajouter ce nouveau bienfait à ceux qui déjà ont rendu son nom si cher aux habitants de ces contrées; et tandis que par ses ordres un pont construit sur la Durance unira les deux rives de ce torrent dévastateur, et facilitera les communications de Lyon et de Marseille, les produits de l'industrie du département de Vaucluse et de ceux qui l'avoisinent, parvenus sans détour au canal du midi, seront transportés avec rapidité sur les bords de l'Océan.

Encouragés par des avantages semblables, les départements de la rive droite du fleuve formeront aussi de plus vastes spéculations, et les cultivateurs, certains de ne plus trouver d'obstacles dans le transport de leurs denrées, s'attacheront à perfectionner leurs travaux, et à profiter des leçons de leurs voisins. Ainsi, les habitants des points les plus éloignés de l'Empire, comme ceux que les localités rapprochent, joindront bientôt de nouveaux liens à ceux qui les unissaient déjà, et la prospérité générale s'accroîtra par leurs succès.

Mais, Messieurs, comme les avantages généraux qui doivent résulter de la construction proposée se feront plus particulièrement sentir dans les départements de Vaucluse et du Gard, ces deux départements sont seuls appelés à concourir aux dépenses qu'elle doit occasionner; et la loi, comme vous avez pu le remarquer, en déterminant les quotités particulières, a balancé avec justice les avantages qui résultent des positions res

pectives. Ainsi, dans la dépense totale, évaluée à 600,000 fr., le département du Gard est compris pour 150,000, dont l'arrondissement d'Uzès, qui occupe le littoral du Rhône, fournira la moitié. Par une suite des mêmes considérations, le département de Vaucluse, pour lequel les avantages que promet l'établissement du pont sont encore plus immédiats, sera imposé dans la dépense générale à 280,000 fr., dont la ville d'Avignon devra fournir 180,000 fr.

Enfin le chef de l'Etat, déterminé par cette active sollicitude qui s'étend également sur tous les points de l'Empire, et y porte l'encouragement et l'espérance, a pensé que le trésor public devait aussi concourir à cette dépense d'une utilité générale, en fournissant le complément de la somme fixée par le devis d'estimation, et s'élevant à celle de 170,000 fr.

Le Gouvernement a également jugé, Messieurs, que le moyen le moins onéreux pour lever les sommes nécessaires à la construction proposée, était celui des centimes additionnels sur les contributions directes, à raison d'un quinzième par année. Les contribuables, l'on ne saurait en douter, feront avec plaisir ce léger sacrifice, s'élevant à peine au vingt-sixième de leur contribution annuelle, pour le département de Vaucluse, et à moins du cinquantième pour l'arrondissement d'Uzès. Cette surtaxe momentanée leur assure pour l'avenir une source de prospérité qu'ils ne peuvent méconnaître.

Le tarif du droit de passe, ainsi que vous l'avez sans doute remarqué, Messieurs, est extrêmement modéré il réduit de plus de moitié celui qui se perçoit aujourd'hui pour le passage du bac. Cette réduction est aussi un des avantages que présente la construction du pont, puisqu'elle assure aux commerçants et aux cultivateurs une économie considérable, en même temps que la communication nouvelle leur garantit et plus de sûreté et plus de rapidité dans leurs opérations.

La ville d'Avignon étant destinée par sa position à devenir un entrepôt considérable, et ses manufactures et sa population devant recevoir un accroissement rapide par une suite immédiate de la nouvelle communication, il a paru convenable de la charger de l'entretien et des réparations du pont, et de lui imposer aussi l'obligation de fournir à perpétuité les sommes nécessaires à ces travaux, dans le cas même où la taxe dont le profit lui est attribué serait insuffisante. Cette circonstance peut être facilement prévue, si l'on se rappelle les désastres que l'impétuosité du Rhône a occasionnés dans ses derniers débordements, et ceux que les glaces ont fait éprouver aux ponts d'Arles et de Tarascon pendant les hivers rigoureux de 1789 et de l'an 'III.

Par une conséquence naturelle de cette charge perpétuelle, imposée à la ville d'Avignon, et pour prévenir tout conflit d'autorité sur la démarcation des limites de la juridiction entre les départements du Gard et de Vaucluse, le projet de loi investit les tribunaux de ce dernier département de la connaissance des délits commis sur le pont, et de ce qui est relatif à l'exécution des règlements de police. Il prescrit également, et par de semblables motifs, que les travaux de construction et d'entretien seront exécutés sous la surveillance du préfet du département de Vaucluse.

Ces dispositions, Messieurs, sont à la fois sages et prévoyantes, puisqu'elles éloignent toute cause de discussion, et qu'elles assurent dans tous les temps la prompte exécution des travaux que des circonstances peuvent urgemment nécessiter. Vous avez dû observer d'ailleurs, comme le Gouve

ment, que les ingénieurs employés dans le département de Vaucluse résident habituellement à Avignon; que cette ville renferme de nombreux ouvriers et tous les matériaux dont le besoin peut se faire sentir, et qu'enfin l'autorité supérieure dont la loi appelle spécialement la surveillance sur les travaux sera constamment à même de remplir le nouveau devoir qu'elle lui impose.

Je viens, Messieurs, d'analyser le projet de lo soumis à votre approbation, et de vous présenter rapidement les avantages que promet l'établissement proposé. Ces avantages ont vivement frappé la section de l'intérieur du Tribunat. Elle a reconnu dans ce nouveau gage de la sollicitude du Gouvernement, pour une des parties les plus intéressantes du territoire de l'Empire, son attention constante à exciter l'industrie, à développer tous les germes de la prospérité publique, et à assurer le bonheur du peuple qui lui a confié ses destinées. La section de l'intérieur m'a chargé, Messieurs, de vous exprimer son vœu d'adoption sur le projet de loi.

La discussion est fermée.

La parole est à M. Chassiron, orateur du Tribunat, sur le second projet de loi relatif à une concession de travaux pour la coupure du lit de la Saône.

M. Chassiron. Messieurs, le projet soumis à votre sanction est relatif à la navigation de la Saône; il tend à abréger, à améliorer cette navigation par une coupure qui fera éviter un circuit de 2,700 mètres, sur une ligne difficile à parcourir par ses contours et ses sinuosités.

Sous ce rapport, ce projet de loi est avantageux au commerce, auquel il évite des dangers, des dépenses et surtout la perte du temps plus précieux que l'or dans les affaires.

Il n'est pas moins utile à l'agriculture, puisqu'il lui rend les terrains qui seront un jour très-fertiles, quand le temps et l'industrie des hommes auront procuré l'atterrissement de l'ancien lit de la Saône.

Ce projet a un dernier avantage qui semble avoir échappé à ceux qui s'en sont occupés. En faisant parcourir une ligne droite au lit de la Saône, il accélère son cours, il donne plus de rapidité à ses eaux, et diminue les dangers des inondations pendant l'hiver, et des atterrissements pendant le temps des basses eaux.

Ainsi, sous les rapports de l'art, de la navigation, du commerce et de l'agriculture, ce projet de loí est conçu dans des principes qui méritent, Messieurs, votre approbation. Considérons-le maintenant sous des rapports administratifs.

Ce projet sera exécuté par un adjudicataire ou entrepreneur qui, pour tout salaire, obtient les terrains qui forment aujourd'hui le lit de la Saône dans cette partie de son cours et au moment des eaux moyennes.

Pour rendre ces terrains à la culture, il est indubitable qu'il y aura des travaux à faire pour accélérer des atterrissements qui, abandonnés à la nature, pourraient devenir l'ouvrage d'un siècle.

Ces difficultés auraient pu décourager tout autre adjudicataire que M. Chaumette, qui a des talents réels, et dont les moyens ingénieux pour former des atterrissements artificiels et détruire par le moyen de ceux-ci les obstacles que la nature oppose à la navigation des fleuves, sont connus depuis longtemps.

Vous voyez, Messieurs, que l'adjudicataire n'obtient pour prix de son industrie que les produits de cette même industrie et ses propres conquêtes sur les eaux de la Saône.

Ce système d'administration doit obtenir votre assentiment; car vous adoptez le principe que les

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