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étant beaucoup plus voisin de Liége que de Trèves, et les communications étant plus faciles avec la première ville qu'avec la seconde; d'autre part encore, Trèves conservera une cour d'appel dont le ressort réduit sera mieux arrondi, sans que celui de Liége, avec son extension, le soit plus mal. Enfin l'espèce de ligne de démarcation qui s'était maintenue entre les quatre départements et le reste de l'Empire achèvera de s'effacer.

Mais voici des conséquences de cette mesure auxquelles il fallait pourvoir, et c'est ce que fait le projet.

Premièrement, la cour de Liége, qui n'a été originairement établie que pour trois départements, n'a reçu par la loi du 17 ventôse an VIII que treize juges et un commissaire, et lorsqu'on augmente son ressort d'un département et d'une population de plus de 500,000 âmes il convient de lui donner une seconde section et un substitut. C'est ce qu'il était aisé de faire presque sans innovation, au moyen de ce que le ressort de la cour de Trèves, qui a deux sections et un substitut, perd ce que le ressort de la cour de Liége acquiert. Aussi le projet porte-t-il (article 2) que la cour de Trèves est réduite à treize juges, et n'aura plus qu'une section, et que le procureur général impérial n'y aura plus de substitut. Et pour que des juges inamovibles ne se trouvent pas en quelque sorte révoqués, il est ajouté (art. 3 el 4) que la cour de Liége, qui désormais aura vingt-trois juges, pour pouvoir se diviser en deux sections, sera composée des treize qui la forment en ce moment, de huit pris dans les vingt-un actuellement existants à Trèves, d'un seul de création nouvelle. Celui-ci est ajouté, pour assimiler la cour de Liége à celles de Lyon, de Riom, de Poitiers et de Grenoble, dans la classe desquelles elle va entrer. Il est dit enfin que le procureur général de la cour de Liége aura un substitut. Par là, toutes les convenances sont observées dans la nouvelle organisation des deux cours.

Deuxièmement, il fallait pourvoir au sort des appels, tant existants qu'à interjeter, des jugements des tribunaux de première instance de la Roër, qui passent dans un nouveau ressort. La cour de Trèves ne peut pas plus demeurer saisie de ceuxlà qu'elle ne peut l'être de ceux-ci. Mais comme il est juste que ce changement n'entraîne aucuns frais superflus, le projet ordonne (art. 5) que la cour de Liége sera saisie des appels déjà interjetés par une simple citation, et d'après les derniers

errements.

Troisièmement, pour que les habitants de la Roër trouvent au chef-lieu du ressort auquel ils vont être unis toutes les pièces qui les intéressent, le projet ordonne (art. 6 et dernier) la translation au greffe de la cour de Liége des minutes, arrêts, titres et pièces existants au greffe de la cour de Trèves, qui peuvent concerner les justiciables de la Roër.

Ainsi le projet a tout prévu; il est raisonnable et juste dans ses dispositions accessoires comme dans celle principale.

Aussi, Messieurs, la section de législation du Tribunat n'a-t-elle pas balancé à en voter l'adoption, et à me charger de vous proposer de la décréter.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 230 boules blanches contre 3 noires.

On continue l'élection des candidats pour la questure.

Dans deux scrutins successifs

seul qui obtienne la majorité absolue des suffrages. Il est proclamé cinquième candidat par M. le président, qui ajourne à après-demain la séance et la fin de cette élection.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 5 pluvióse an XIII (vendredi 25 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance du 3 de ce mois est adopté.

On procède à l'élection d'un sixième candidat pour la questure.

M. Pémartin ayant obtenu la majorité absolue, est proclamé candidat par M. le président.

L'arrêté suivant est mis aux voix et adopté : « Le Corps législatif, formé au nombre de « membres prescrit par l'article 90 de l'acte des « Constitutions de l'Empire, du 22 frimaire an VIII, « procède, en exécution des articles 18 et 28 de «< celui du 28 frimaire an XII, au choix de six « candidats parmi lesquels Sa Majesté l'Empe<< reur doit nommer deux questeurs en remplace«ment de ceux sortis par le sort.

« Le résultat des scrutins secrets qui ont eu « lieu successivement dans les séances des 28 « et 29 nivôse dernier, 1er, 2, 3 et 5 pluviose "présent mois, donne la majorité absolue des « suffrages aux membres du Corps législatif dont « les noms suivent, savoir :

« MM. Méric, Dallemagne, Despallières, Bord, « Lejeas et Pémartin.

«Ils sont proclamés successivement et dans « l'ordre de leur élection.

« Le Corps législatif arrête que cette présenta«tion sera portée à Sa Majesté l'Empereur par « un message. »

MM. Regnauld et Berlier, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de loi relatif à la tutelle des enfants admis dans les hospices. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, il est dans la société une classe d'individus, enfants du malheur ou de la pauvreté, de la faiblesse ou du vice, délaissés dès leur naissance, abandonnés dans leurs premiers ans, repoussés du sein de leurs parents, ou orphelins dans un âge encore tendre, qui n'ont de ressource que dans la pitié des âmes généreuses, ou dans la bienfaisance publique.

Ces êtres faibles et misérables, recueillis d'abord dans les hôpitaux, où ils reçoivent les premiers secours, sont suivant leur age, les lieux et les circonstances, confiés à des nourrices, placés en sevrage chez des habitants de la campagne, élevés dans les maisons publiques même, formés dans leur enceinte à des travaux utiles, placés comme serviteurs chez des citoyens, ou engagés comme apprentis chez des artisans.

Sans doute le nombre de ces êtres infortunés, dont la plupart naquirent orphelins, diminuera successivement à mesure que les mœurs se réformeront, que le besoin du travail en ramènera l'habitude, que l'ordre public renaissant remettra les individus à leur p que les sentiments honorables et doux repr t leurs droits dans rreurs, que les ver inles seront plus les jouissane stiques mieux mesure, enh}. temps de

troubles avec leurs funestes agitations et leurs trompeuses espérances s'éloigneront de nous davantage.

Mais dans un vaste pays couvert de cités populeuses, et qui compte un grand nombre de prolétaires parmi ses habitants, il y aura toujours des enfants abandonnés.

Sa Majesté a donc dù s'occuper d'assurer leur sort, de créer pour eux, à la place des parents qu'ils ne connurent jamais, ou qu'ils ont perdus, une paternité sociale qui exerçât tous les droits, toute la puissance de la paternité naturelle, et qui en suppléât les soins, la vigilance et la protection. Sous la dernière dynastie, des règlements plus sages que bien observés avaient déféré la tutelle des enfants abandonnés aux administrateurs des hôpitaux, et cette législation s'appliquait plus spécialement aux établissements de la capitale.

Mais dans les provinces, où l'obligation de se charger des enfants abandonnés, des bâtards, était une charge imposée à la féodalité, peu de règles étaient établies; une grande disparité régnait dans les usages: il y avait, de là part d'un grand nombre de seigneurs, une grande tiédeur dans l'accomplissement de cette partie de leurs devoirs.

Les lois de 1791 imposèrent à l'administration générale le soin de veiller à l'existence et de pourvoir aux besoins des bâtards et des orphelins; les directoires de département et de district en furent chargés.

Depuis, et lorsque les municipalités de canton furent créées, les commissaires du Gouvernement établis près d'elles furent désignés pour tuteurs aux enfants abandonnés.

Lors de leur suppression, par la loi du mois de frimaire an V, nulle loi n'a dit, d'une manière explicite, qui devait leur succéder dans ces fonctions de bienfaisance.

Celle du 28 pluviôse an VIII, article 9, donne à la vérité collectivement aux sous-préfets toutes les fonctions alors exercées par les administrations municipales et les commissaires du Gouvernement.

La difficulté d'exercer convenablement, au milieu des occupations nombreuses de l'administration, la tutelle des enfants abandonnés a généralement éloigné d'eux ces fonctions.

Elles ont été presque partout exercées par les commissions administratives des hospices, par les réunions de gens de bien, dignes d'être offertes en exemple à tous les Etats de l'Europe, par ces hommes qui trouvent le prix de leurs travaux dans leur utilité, de leur dévouement dans la reconnaissance publique, et la récompense de leur zèle dans un éloge du chef de l'Etat.

Mais nulle règle positive n'étant établie, les droits de la tutelle des enfants abandonnés n'étant pas exactement définis, ils n'ont été qu'imparfaitement exercés; les malheureux ont été moins bien servis, moins efficacement protégés, et l'Etat a perdu comme eux à cette incertitude.

Un habitant de la campagne laisse quelquefois à des orphelins un morceau de champ ou de vigne, qu'il faut affermer ou vendre; un mobilier qu'il faut réaliser, et dont il faut placer et conserver le prix.

Un enfant élevé dans un hospice a eu et aura plus d'une fois encore un héritage plus ou moins considérable à recueillir, et il faut qu'un protecteur fasse valoir ses droits.

Enfin, si ce ne sont pas ordinairement les biens qu'il faut conserver, défendre ou recouvrer, c'est

la personne même de l'enfant qu'il faut gouverner, c'est son bien-être qu'il faut préparer.

Au sortir de l'enfance, il est utile de l'engager au service d'un laboureur, ou dans l'atelier d'un artisan, pour qu'il soit assuré d'un moyen d'existence, pour qu'il soit utile à l'Etat et à lui-même, pour qu'il ne soit pas exposé à la misère et à la perfidíe de ses suggestions, pour qu'après avoir été en naissant repoussé du sein de ses parents, comme un être à charge, il ne soit pas, dans la force de l'âge, repoussé du sein de la société comme un être dangereux.

Si, à sa majorité, et après avoir appris un métier, un art, une profession, il trouve une occasion de s'établir avec avantage, il faut qu'il puisse obtenir de l'émancipation le droit de se livrer au commerce, d'exercer son industrie.

S'il se destine à porter les armes, s'il veut aller dans nos arsenaux, ou dans nos camps, remplacer l'enfant plus riche et souvent moins heureux, dont une famille craint de confier le sort aux hasards de la guerre, il faut qu'il puisse être autorisé à contracter comme remplaçant.

Il faut, si un établissement convenable s'offre pour lui, que la loi lui permette de disposer de sa personne, que l'autorisation d'un tuteur puisse accélérer, légitimer son mariage, et préparer à sa jeunesse le bonheur, qui fut refusé à son enfance, d'avoir une famille et les jouissances de la tendresse paternelle au lieu de celles de la piété filiale, qu'il ne lui fut pas donné de connaître.

Il faut que cette jeune fille, sortant d'un hospice, soit placée dans une maison où le travail la sauve de la corruption, où le bon exemple la préserve des mauvaises mœurs, où elle trouve un asile sûr pour le temps présent, et où elle acquière, par un apprentissage utile, des espérances pour le temps à venir.

La loi que l'Empereur nous a chargé de vous présenter assure aux enfants abandonnés tous ces avantages.

Un des membres de chaque commission administrative des hospices sera désormais désigné pour tuteur des enfants abandonnés ; il en exercera tous les droits : il en remplira tous les devoirs.

Les autres membres de la commission formeront le conseil de tutelle.

Si l'enfant s'éloigne de l'hospice qui le reçut d'abord, s'il passe dans l'arrondissement d'un autre hospice, il ne sera pas exposé à être loin de celui que la loi aura chargé de le protéger. Son premier tuteur déléguera son pouvoir à un autre qui, plus voisin de l'orphelin, veillera plus aisément et plus utilement sur sa personne.

Le même tuteur sera chargé de la conservation des biens s'il en existe, et le receveur de l'hospice en rendra le compte comme représentant un tuteur onéraire.

Si l'enfant meurt sans héritiers, pendant son séjour à l'hospice, ou lorsque, n'étant pas majeur encore, il est toujours à sa charge et sous sa protection, l'hospice, au lieu du fisc, recueillera comme indemnité son modique héritage.

Si des héritiers se présentent, ils ne recueilleront la succession qu'en acquittant ses charges, c'est-à-dire en remboursant à l'hospice les frais d'entretien, afin que le patrimoine des pauvres ne soit pas diminué, et que les parents qui délaissèrent leur parent malheureux, ne puissent pas jouir du bien qu'ils refusèrent d'administrer, ni succéder sans charges à celui qu'ils ont méconnu aux jours de son abandon.

Cette partie de la loi, Messieurs, contient une

leçon de morale qui aurait pu être plus rigoureuse et plus étendue dans son application.

Mais si toutes les conséquences du principe n'ont pas été déduites, elles n'échapperont pas à l'attention des administrateurs des départements.

Ils veilleront sur l'admission des enfants dans les hospices, devenue trop facile pendant quelque temps.

S'il est de leur devoir de ne pas repousser le véritable enfant du malheur, le véritable orphelin, il ne faut pas non plus accueillir trop légèrement cet autre enfant que la paresse, l'immoralité de son père repousse de sa famille, où il pourrait le nourrir, s'il voulait travailler. Il faut pas recevoir l'enfant de cette femme qu'embarrasse la présence de sa jeune fille, et qui l'envoie dans l'asile de l'indigence pour faire plus librement de sa maison la retraite du vice.

Il faut, quand la vigilance des administrateurs, trompée d'abord, est ensuite éclairée, qu'ils punissent, du moins en faisant payer les dépenses faites par l'Etat ou par la cité, les parents qui ont méconnu leurs devoirs, offensé la société et outragé la nature.

La loi que nous vous présentons, Messieurs, est donc utile à la fois par les principes qu'elle contient par les leçons qu'elle donne, par les vues plus étendues qu'elle indique; et l'humanité, la morale et la justice invoquent également la sanction que Sa Majesté nous a ordonné de vous demander.

Projet de loi.

Art. 1er. Les enfants admis dans les hospices, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit, seront sous la tutelle des commissions administratives de ces maisons, lesquelles désigneront un de leurs membres pour exercer, le cas advenant, les fonctions de tuteur, et les autres formeront le conseil de tutelle.

Art. 2. Quand l'enfant sortira de l'hospice pour être placé comme ouvrier, serviteur ou apprenti, dans un lieu éloigné de l'hospice où il avait été placé d'abord, la commission de cet hospice pourra, par un simple acte administratif, visé du préfet ou du sous-préfet, déférer la tutelle à la commission administrative de l'hospice du lieu le plus voisin de la résidence actuelle de l'enfant.

Art. 3. La tutelle des enfants admis dans les hospices durera jusqu'à leur majorité ou émancipation par mariage ou autrement.

Art. 4. Les commissions administratives des hospices jouiront, relativement à l'émancipation des mineurs qui sont sous leurs tutelles, des droits attribués aux pères et mères par le Code civil.

L'émancipation sera faite sur l'avis des membres de la commission administrative, par celui d'entre eux qui aura été désigné tuteur, et qui seul sera tenu de comparaître à cet effet devant le juge de paix.

L'acte d'émancipation sera délivré sans autres frais que ceux d'enregistrement et de papier timbré.

Art. 5. Si les enfants admis dans les hospices ont des biens, le receveur de l'hospice remplira, à cet égard, les mêmes fonctions que pour les biens des hospices.

En cas d'émancipation, il remplira celle de curateur. Art. 6. Les capitaux qui appartiendront ou écherront aux enfants admis dans les hospices, seront placés dans les Monts-de-Piété; dans les communes où il n'y aura pas de Monts-de-Piété, ces capitaux seront placés à la caisse d'amortissement, pourvu que chaque somme ne soit pas au-dessous de 150 francs; auquel cas il en sera disposé selon que réglera la commission administrative.

Art. 7. Les revenus des biens et capitaux appartenant aux enfants admis dans les hospices seront perçus, jusqu'à leur sortie desdits hospices, à titre d'indemnité des frais de leur nourriture et entretien.

Art. 8. Si l'enfant décède, avant sa sortie de l'hospice, son émancipation ou sa majorité, et qu'aucun héritier ne se présente, ses biens appartiendront en propriété à l'hospice, lequel en pourra être envoyé en possession à la diligence du receveur et sur les conclusions du ministère public.

S'il se présente ensuite des héritiers, ils ne pourront répéter les fruits que du jour de la demande.

Art. 9. Les héritiers qui se présenteront pour recueillir la succession d'un enfant décédé, avant sa sortie de l'hospice, son émancipation ou sa majorité, seront tenus d'indemniser l'hospice des aliments fournis et dépenses faites pour l'enfant décédé, pendant le temps qu'il sera resté à la charge de l'administration, sauf à faire entrer en compensation, jusqu'à due concurrence, les revenus perçus par l'hospice.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la diminution des frais de justice en matière criminelle ou de police correctionnelle. Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

M. Duveyrier. Messieurs, lorsqu'à l'ouverture de votre session, et dans le premier discours émané du trône, le chef glorieux de l'Empire annonça que, quelque étendus qu'aient été les préparatifs de la guerre dans laquelle nous sommes engagés, il ne demanderait à son peuple aucun nouveau sacrifice : l'Europe a pu s'étonner; mais la France n'a éprouvé que ce sentiment de gratitude et d'admiration qui la lie au plus grand de ses héros, à son libérateur, et elle n'a vu dans cette déclaration magnanime que les immenses ressources du génie et de la sagesse.

En effet, l'inépuisable richesse des bons princes est la réformation des abus, l'économie et le retranchement des dépenses inutiles, l'ordre sévère dans les parties les plus obscures de l'administration, parce que cet ordre fertile et cette économie féconde sont les premiers moyens du crédit qui reproduit sans cesse et multiplie sans mesure toutes les réalités utiles.

La loi dont le projet, Messieurs, est soumis à votre examen et à votre sanction, sera le premier bienfait de cette espèce, la première compensation de ces sacrifices que des besoins extraordinaires et moins de bienveillance attentive auraient pu rendre inévitables.

Elle vient réformer des abus scandaleux dans les développements arbitraires et dispendieux de la procédure criminelle. Elle vient rendre au trésor et à la force publique plusieurs millions, sans surcharge individuelle, sans porter aucune atteinte, même la plus indirecte et la plus légère, à ces règles salutaires qui mettent en équilibre, dans la poursuite des crimes, la garantie de l'innocent et la punition du coupable, la loi sacrée de l'humanité et l'impérieuse loi de la société so

ciale.

On pouvait croire difficile au premier coup d'œil de traiter ces matières sans devancer imprudemment les discussions réservées aux règles fondamentales du Code criminel, et sans préjuger des principes abandonnés pour quelque temps encore aux recherches de la politique et aux méditations de la sagesse.

Mais aussi, au premier examen, il devient d'une évidence extrême, que les moyens de donner les citations aux témoins et les significations aux accusés, que le choix et l'audition des témoins utiles à la découverte de la vérité, que la faculté pour l'accusé de connaître tout ce qui peut étendre et éclairer sa défense, que la répartition des frais qui doivent être à la charge du trésor impérial ou à celle de la partie civile; il est, dis-je, de toute évidence que ces objets appartiennent à tous les systèmes de législation; et qu'on ne peut, sans inconséquence et sans injustice, remettre à d'autres temps une épargne toujours urgente pour la nation, sur des points de pure

pratique que l'expérience et la raison doivent soumettre, dans tous les temps et dans tous les systèmes, aux règles qui sont aujourd'hui proposées.

Le devoir du Tribunat était, dans cette circonstance, de seconder les vues généreuses, politiques et bienfaisantes qui ont dicté le projet.

Généreuses, lorsqu'il s'agit d'augmenter les ressources nationales sans augmenter les charges publiques.

Politiques, lorsqu'il faut que l'action de la justice criminelle conserve dans tous ses mouvements l'assurance et la célérité nécessaires à la garantie sociale.

Bienfaisantes, puisque nous voulons tous que l'accusé le plus obscur et le plus faible reçoive de la société même tous les moyens de se garantir de l'erreur, de l'intrigue et de la puissance.

Tel a été l'unique objet de notre travail, la règle de notre examen et le résultat de ces conférences établies par l'article 95 du sénatus-consulte organique du 28 floréal dernier, et dans lesquelles, en présence de l'illustre chef de la magistrature, deux autorités rivales seulement de zèle et de bonne intention s'expliquent, s'accordent sur les grands intérêts également confiés à leur surveillance réciproque.

Le Tribunat pense que le projet de loi, tel qu'il vous est présenté, Messieurs, balance avec exactitude les résultats de ces combinaisons diverses, et qu'il satisfait pleinement à tout ce qu'exigent ensemble et vos sentiments et vos devoirs.

Quatre articles composent ce projet.

Le premier, relatif aux citations et aux significations, c'est-à-dire à la transmission des actes de la procédure, soit aux témoins, soit aux accusés;

Le second, relatif à l'audition des témoins nécessaires ou seulement utiles à la justification de l'innocent, comme à la conviction du coupable;

Le troisième, relatif à la copie des pièces de procédure, dont la défense de l'accusé exige, ou seulement peut désirer la communication;

Le quatrième enfin, relatif à la répartition des frais du procès entre le trésor public et la partie civile.

On voit que deux articles, le premier et le der nier, doivent être combinés avec l'intérêt social, sous le rapport de la sûreté publique et de l'ac tion de la justice, toujours impuissante, si elle n'est rapide et sûre, contre l'astuce et l'audace des crimes.

Les deux autres, le second et de troisième, doivent être combinés encore avec l'intérêt social, sous le rapport de la sûreté individuelle et de la protection due à tout accusé, même au coupable qui ne peut être légalement convaincu et justement condamné, qu'après avoir épuisé tous les moyens de se défendre.

L'estimable rapporteur du Conseil d'Etat vous a fait le tableau des abus vraiment intolérables, dont le projet poursuit la réformation.

Ce tableau n'est point exagéré, on pourrait lui reprocher même de n'être pas complet. Eh! qui pourrait se flatter de faire une telle énumération, sans omettre une seule des ruses inventées par la cupidité, pour l'intérêt privé, contre l'intérêt public?

Sur le premier article relatif à l'abus des frais de tranports des huissiers, porteurs privilégiés des citations et significations, dans toute l'étendue de chaque département, on pourrait ajouter que cette dépense inutile a des résultats d'autant plus exorbitants, que l'abus s'est fondé presque dans tous

les tribunaux criminels, sur un prétexte de raison et de nécessité dont la couleur favorable n'admet aucune règle, aucune modération.

C'est encore aujourd'hui par l'innocence, et je dirais presque par la légitimité de l'abus, qu'on combat et qu'on prétend repousser sa réforme.

On pense, on dit encore aujourd'hui avec candeur, que cette dépense de voyages dispendieux et le plus souvent inutiles est le salaire indispensable de deux huissiers attachés à chaque tribùnal criminel.

Comment vivront ces deux huissiers, si l'on retranche des profits onéreux sans doute à la chose publique, mais nécessaires à leur existence?

Et si ces deux huissiers ne peuvent vivre, qui fera auprès de chaque tribunal criminel le service des audiences et de l'instruction?

Voilà l'objection dans toute sa force. Le sentiment qui la dicta n'a rien qu'on puisse blâmer; mais c'est un sentiment de bienveillance privée, qui se trompe dans son application.

Mais ce n'est point ici le lieu d'examiner et d'établir les moyens d'existence qui resteront à ces huissiers du tribunal criminel, pourvus comme les autres huissiers de leur résidence, de tous les droits, de toutes les facultés attachés à leur ministère.

Ici, et devant vous, Messieurs, il suffit d'observer que de telles considérations ne peuvent entrer dans la balance qui pèse les différentes parties d'un système général de législation. Ces calculs et ces motifs ne sont point appelés à régler les finances de l'Etat, ni même les formes de l'instruction criminelle.

L'abus détruit, si ceux qui vivaient de l'abus exercent d'ailleurs des fonctions nécessaires, et s'il est prouvé que le produit de ces fonctions ne suffit point à leur existence, il y sera pourvu. Le Gouvernement est généreux autant que juste il· pourra rétablir le traitement qui fut dans le principe accordé aux huissiers audienciers des tribunaux criminels, ou assurer leur destinée de toute autre manière digne de sa prévoyante sagesse.

Personne ne doute que ce qui sera sur ce point nécessaire et juste, suivant les localités, ne soit accordé.

Ici, et devant vous, Messieurs, un abus découvert, et même avoué, doit étre incessamment détruit. L'unique attention du législateur doit être en ce cas de ne point employer, pour la réforme, des moyens qui pourraient avoir d'autres inconvénients, et quelquefois plus graves.

Le moyen indiqué par le premier article du projet de loi est si simple et si naturel, qu'il était aperçu déjà et proposé par tous les hommes sages et désintéressés.

Dans tous les procès criminels, il faut que les témoins soient cités, et que tels actes de la procédure soient signifiés aux accusés.

Mais il n'importe point à la loi, il n'importe point à l'ordre public que ces citations et ces significations soient faites par tel huissier ou par tel autre.

Il importe beaucoup au trésor public qu'elles soient faites le plus économiquement possible.

Et pourquoi faire parcourir à grands frais toute l'étendue d'un département pour porter ces actes, qui peuvent être aussi régulièrement signifiés par les huissiers du domicile, même par les huissiers des justices de paix ?

Cette forme n'engagera pas les procureurs généraux à une correspondance plus minutieuse. Les listes des témoins et les significations à faire

seront envoyées aux procureurs impériaux, qui seront chargés, chacun dans son arrondissement, de cette distribution et de cette surveillance déjà naturellement liées aux autres fonctions de leur ministère.

Craindrait-on que les huissiers de campagne n'en sussent point assez pour donner régulièrement ces citations et significations?

Le modèle en est connu, il est toujours le même; il est imprimé l'ignorance elle-même serait suffisamment capable.

Peut-on craindre qu'ils se refusent, ou qu'ils apportent une négligence préjudiciable à l'exercice de ces fonctions nouvelles? Mais chaque citation, chaque signification est payée, et nul ne repousse un travail facile, qui donne un salaire certain.

On admet d'ailleurs comme possible, et même on conseille comme un moyen plus sûr, plus prompt, plus convenable, de faire donner ces citations et ces significations par la correspondance de la gendarmerie.

Le Code des délits et des peines établissait déjà cette faculté. Elle est littéralement répétée dans l'article premier du projet que vous examinez. Ainsi les procureurs-généraux auront le choix, suivant les circonstances et les localités, d'employer les huissiers ordinaires ou les gendarmes, et l'action de la justice criminelle est infailliblement assurée.

Non la mesure proposée ne pouvait être examinée, comme je l'ai dit, que sous le rapport de la sécurité sociale, et dans la supposition d'un cas extraordinaire, où la répression d'un crime, la capture du coupable, la saisie des pièces de conviction exigeraient le secret autant que la célérité.

Alors les moyens ordinaires ne suffisent plus. Ils sont même moins convenables, parce que l'habitude ou la routine, qui seule anime et règle leurs mouvements, est assez généralement incompatible avec l'énergie, la vivacité et le mystère.

Il fallait prévoir ces cas extraordinaires, et leur appliquer un moyen analogue et efficace.

L'article les prévoit, et leur rend toute la latitude qu'il vient d'enlever à la marche aisée des affaires communes.

Dans ces cas, rares sans doute, mais possibles, le procureur général, le procureur impérial, et même le directeur du jury, chacun en ce qui le concerne, c'est-à-dire tous les magistrats préposés à la poursuite, dans les différents degrés de l'instruction, pourront mander spécialement et aux frais de l'Etat, à quelque distance que ce soit, l'huissier le plus capable et le plus digne de leur confiance personnelle.

Le projet leur en donne la faculté littérale; et cette exception établie, le premier article n'a rien qui ne mérite une approbation unanime et raisonnée.

L'audition des témoins à la décharge de l'accusé a produit un autre abus fatal dans ses conséquences, et surtout plus onéreux à la fortune publique. Cet abus aurait été plus difficile à apercevoir, et peut-être même inaccessible à la censure, parce qu'il prend sa source dans les plus douces affections des cœurs droits et sensibles, la justice et l'humanité, s'il n'eût pas, d'un autre côté, audacieusement franchi toutes les bornes d'une tolérance possible.

L'accusé doit recevoir de la loi la faculté d'employer tous les moyens qu'il croit nécessaires, ou simplement utiles à sa défense; et lorsqu'il ne compromet, dans l'emploi de ces moyens, que

ses ressources personnelles, aucun modérateur ne peut se placer entre sa volonté, son caprice même, si l'on veut, et sa dépense.

11 peut aller jusqu'à l'insensé et l'absurde, sans que la loi doive y mettre obstacle, parce que la loi n'a point contrainte contre toute disposition libre des propriétés particulières.

Mais lorsque l'accusé, entre ses moyens de fortune et ses moyens de défense, fait intervenir le trésor public pour en payer les frais, alors un autre principe, tout aussi sacré, s'offre à la discussion; un autre intérêt, tout aussi précieux, entre dans la balance.

Alors les dépositaires de la fortune nationale deviennent, pour ainsi dire, parties dans le même procès. Ils ont le droit, que dis-je? ils sont soumis à l'obligation sérieuse de discuter et de circonscrire dans des bornes de justice et de sagesse l'emploi des deniers publics, parce que, lorsqu'il s'agit des contributions nationales, les dépenses folles et les exactions injustes ont le même caractère et la même conséquence.

Alors s'établit nécessairement la balance entre l'intérêt de l'accusé et le double intérêt de la société, à laquelle il importe également que l'innocence triomphe et que son trésor ne soit pas dilapidé.

Alors, enfin, s'introduit l'indispensable besoin d'examiner, de peser, de juger, de séparer le juste de l'arbitraire, le raisonnable de l'absurde, le probable de l'impossible, le nécessaire de l'inutile.

Ce principe n'est contesté par personne; et sur l'objet qui nous occupe en ce moment, personne ne prétend que le principe même le plus absolu et le plus favorable à la défense de l'accusé, aille jusqu'à commander sans examen et sans réserve l'audition de tous les témoins indiqués par le désespoir ou le caprice de l'accusé.

Nos lois, j'entends celles que le sentiment de l'humanité a combinées avec le système de la liberté civile; nos lois n'ont pas et n'expriment en aucun lieu cette intention bizarre, excessive et contraire à toutes les notions raisonnables.

Lorsque le Code des délits et des peines a ordonné, par le même article, que les témoins produits par l'accusateur public, la partie plaignante et l'accusé seraient entendus avant l'assemblée du jury de jugement, il n'a compris dans son intention raisonnable que les témoins possibles à trouver et utiles à entendre.

Autrement, l'accusé le plus hardi ou le plus malicieux dans la désignation de ses témoins, trouverait, dans la folie même de sa demande, la suspension de la procédure, l'impossibilité du jugement et l'impunité.

Une telle restriction ne pouvait être exprimée, parce que la conséquence nécessaire d'un principe établi est suffisamment énoncée par le principe lui-même.

Aussi l'excès du mal, au moins dans quelques tribunaux, a déjà produit le remède.

Les listes des témoins indiqués par les accusés sont, le plus souvent, si scandaleusement folles par le nombre, par l'éloignement, par l'inutilité notoire des témoins indiqués, que l'impossibilité de les rassembler ou l'évidente déraison de la dépense, ont naturellement introduit la nécessité de l'examen d'une sage distinction.

De là les procureurs généraux sont restés les juges discrets de l'audition des témoins nécessaires à la découverte de la vérité.

Il ne s'agit aujourd'hui que de légaliser un usage que la raison a déjà trouvé dans les conséquences du principe et de la loi.

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