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conde partie du Code pénal, les violences et voies de fait exercées avec armes, ou par deux ou plusieurs personnes, même sans armes, contre la gendarmerie dans l'exercice de ses fonctions, et contre toute autre force armée agissant sur la réquisition d'une autorité compétente, seront jugées exclusivement par les cours de justice criminelle et spéciale, créées par la loi du 23 floréal an X.

Art. 2. Le délit sera commis avec armes lorsqu'il aura été fait avec fusils, pistolets et autres armes à feu, sabres, épées, poignards, massues, et généralement avec tous instruments tranchants, perçants ou contondants.

Ne seront réputés armes, les cannes ordinaires sans dards ni ferrements, ni les couteaux fermants et servant habituellement aux usages ordinaires de la vie.

Art. 3. La poursuite, l'instruction et le jugement auront lieu ainsi qu'il est prescrit par l'article 5 de la même loi.

Art. 4. Tous ceux qui, à l'époque de la présente loi, se trouvent être prévenus du crime ci-dessus mentionné, et sur la prévention desquels un jury d'accusation n'aurait pas encore statué, seront renvoyés sans délai, avec les pièces, actes et procédures, devant les cours de justice criminelle et spéciale qui devront en connaître.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la prorogation du délai pour la révision des jugements obtenus par des communes, dans les départements de la rive gauche da Rhin.

M. Savoye-Rollin, orateur du Tribunat. Messieurs, le projet de loi soumis à votre délibération est le douzième au moins du même genre qui a pour but unique de réprimer les désordres qu'une loi de 1792 a produits. Ainsi le mal qu'il est si aisé de faire, quand on est armé d'un si immense pouvoir, et qui se fait toujours avec tant de promptitude, ne se répare jamais qu'avec une extrême lenteur.

L'Assemblée législative, placée au milieu des ruines que lui avait léguées l'Assemblée constituante, n'eut pas même la pensée de s'en servir; elle ne sentit point ce qu'il fallait créer; elle ne vit que ce qui restait à détruire.

Les propriétés communales, les biens qui composaient l'ancien et le nouveau domaine national, les droits d'usage dans les forêts lui offrirent un vaste champ à bouleverser. La législation ancienne, il est vrai, favorisait les seigneurs aux dépens des communes avec une partialité odieuse; mais sur la police des bois, l'ordonnance des eaux et forêts était admirable; l'Assemblée législative, au lieu de rectifier l'une et de respecter l'autre, barra tout; elle voulut, dans une société instituée depuis vingt siècles, remonter à je ne sais quel droit de nature, par lequel tous les biens communaux appartenaient à généralité des habitants des communes; et sur ce principe, elle fit deux lois, les 14 et 28 août 1792, qui introduisirent dans les propriétés un système d'usurpation si intolérable, et dans les forêts une dévastation si universelle, que la Convention nationale, toute habituée qu'elle était aux expériences téméraires, mais pleine d'une énergie qui manqua constamment à l'Assemblée législative, ne craignit pas d'avouer une erreur qu'e! avait d'abord partagée, et de l'arrêter dans grès elle l'eût extirpée sans doute, si graves intérêts, e tout des périls plus Anilleurs son at

cants, n'avaient

et ses forces.

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fait avec une telle communes mi *uvahissue

ment des droits d'usage dans les forêts, qu'elle les soustrayait à l'empire de la chose jugée; qu'elle les autorisait pendant cinq ans à poursuivre devant les tribunaux la révision des jugements et même des accords et des transactions qui pourraient leur être contraires; et comme si l'on avait redouté que ces faveurs excessives fussent encore infructueuses, une loi du 10 juin 1793 ordonnait que toutes les contestations élevées seraient jugées par la voie de l'arbitrage, sans appel et sans recours en cassation.

Ce qu'il y a de remarquable dans l'esprit qui dictait ces lois, c'est qu'il était contradictoire à lui-même; c'est que ce qu'il faisait en haine de la féodalité lui en conservait la plupart des vices. La féodalité est exécrable parce qu'elle asservit les personnes et les choses; parce qu'elle est un obstacle invincible au bonheur de l'espèce humaine, au développement de ses facultés, aux progrès de l'industrie et de l'agriculture. Mais remettre à des communes une partie des droits qui, dans les mains des seigneurs, frappaient la terre de stérilité et de servitude, ce n'était que transposer les maux de la féodalité et non les détruire. Avec cette législation absurde, on semblait se rejeter dans ces temps barbares où s'établirent les premières communes en France; elles ne sortirent point de l'état d'oppression où les retenait la puissance féodale, par un élan généreux vers des idées de liberté; mais elles achetèrent de nos rois des priviléges qu'elles opposèrent aux priviléges des seigneurs; elles avaient si peu de notion des droits les plus évidents des hommes, qu'elles crurent voir leur affranchissement dans un simple changement de servitude.

Ce que l'ignorance avait produit dans ces siècles reculés, un aveugle esprit de parti le renouvelait, pour ainsi dire, dans la Convention nationale les communes à qui d'imprudentes lois montraient la double perspective d'hériter d'une portion des droits des seigneurs, et de se partager leurs biens en les qualifiant de communaux, trouvèrent de toute part des arbitres dociles ou intimidés; les usurpations furent innombrables, et comme elles étaient trop scandaleuses pour que les auteurs en espérassent la durée, leur jouissance fut horriblement déprédatrice; la féodalité n'aurait pas causé de plus cruels ravages; et la Convention acquit la triste certitude que la conscience de l'intérêt particulier est rarement émue par la voix de l'intérêt public.

Aussi se détermina-t-elle à rendre une loi, le 7 brumaire an III, qui suspendit provisoirement l'exploitation des bois dont les communes auraient été mises en possession par des sentences arbitrales, et le 29 floréal suivant, elle appliqua la même mesure aux bois rendus aux communes par des arrêtés des corps administratifs ou par des jugements des tribunaux.

Ces deux lois reçurent deux exceptions, l'une que la suspension des exploitations se bornait aux biens qui appartenaient à la nation, ou dans lesquels elle avait un intérêt; et l'autre, que les coupes ordinaires des bois pourraient être exécutées sous la condition que les adjudicataires en verseraient le prix dans les caisses publiques.

Au moyen de ces diverses précautious, on avait évidemment lié les mains aux détenteurs injustes, mais on enveloppait aussi les possesseurs légitimes; et sous quel prétexte une législation prooire les ferait-elle souffrir des iniquités d'au

bercha à lui imposer un terme dans une ramaire an VIII.

Elle ordonnait aux communes de produire à l'administration de leur département, dans le délar d'un mois, les jugements par elles obtenus contre la République, et les pièces justificatives; elle prescrivait aux commissaires près les administrations centrales d'interjeter appel de ces jugements que les administrations auraient reconnus susceptibles d'être réformés; elle voulait que ces administrations envoyassent aussi, dans le délai d'un mois, au ministre des finances, avec leur avis et les pièces justificatives, les jugements qu'elles croiraient devoir être maintenus enfin; elle enjoignait au ministre de s'expliquer, dans le délai de deux mois, sur la validité de ces jugements; et, ce délai passé sans opposition formée de sa part, les communes obtenaient leur possession définitive.

Cette loi demeura presque sans exécution, parce que trois vices principaux entravaient sa marche : 1 les délais d'un et deux mois qu'elle prescrivait étaient insuffisants; 2° elle ne prononçait aucune peine contre les communes qui ne se présenteraient pas dans les délais assignés; 3o elle n'exigeait pas les productions des titres de jouissance des communes, lorsqu'elles avaient en leur faveur des sentences d'arbitres, des jugements des tribunaux ou des décisions administratives, tandis que la loi du 29 floréal an III privait également de leur jouissance les communes qui avaient ces sortes de titres.

Une loi du 11 frimaire an IX accorda des délais plus raisonnables à toutes les parties les communes eurent un délai de six mois pour la production de leurs titres et de leurs pièces justificatives, à peine de déchéance; et le Gouvernement, le délai d'un an, après la remise des pièces, pour faire examiner s'il y avait lieu à la réformation des sentences arbitrales. Ainsi cette loi, qui corrigeait deux vices de la précédente, laissa subsister la troisième, en ne statuant point sur la suspension prononcée par la loi du 29 floréal an III, à l'égard de l'exécution des jugements des tribunaux obtenus par les commu

nes.

La loi du 19 germinal an XI a réparé cette omission: elle fixe le délai d'un an pour l'examen et la révision de ces sortes de jugements.

Ces diverses lois, qui s'enchaînent et se rectifient les unes par les autres, sont encore parvenues à vaincre l'obstination de presque toutes les communes de l'intérieur de l'Empire; il en est encore un certain nombre sur nos frontières qui résistent à l'appel qui leur est fait; les départements du Haut et Bas-Rhin, et les quatre départements de la rive gauche de ce fleuve sont dans ce cas; mais des circonstances qui leur sont particulières expliquent leurs refus.

A l'époque où nos armées ont pénétré dans les quatre départements réunis, presque tous les propriétaires des biens qui appartiennent aujourd'hui à la France transportèrent sur la rive droite du Rhin leurs archives et tous leurs documents; les départements des Haut et Bas-Rhin ont essuyé la même soustraction des titres; la proximité des frontières en a facilité l'enlèvement et la disparition.

Ce sont ces considérations qui avaient déterminé deux lois, des 28 ventôse an XI et 14 ventôse an XII, enjoignant aux communes et particuliers prétendant droit d'usage dans les forêts nationales de déposer leurs titres, dans les six mois, aux secrétariats des préfectures et sous-préfectures.

Et comme la peine de la déchéance était attachée à l'injonction, la dernière loi du 14 ventôse

an XII a encore prorogé le délai de six mois pour toutes les communes de l'Empire, et l'a portée à une année pour les départements réunis.

Cette prorogation en leur faveur, pour la communication de leurs titres, doit être également accordée au Gouvernement, qui n'a pas seulement à vérifier les titres qu'on lui produira, mais encore à rechercher ceux qu'on s'obstine à lui cacher et sur lesquels il a des notions.

Tel est, Messieurs, l'objet de la loi qui vous est proposée; elle est une nouvelle preuve de la modération du Gouvernement dans l'exercice de ses droits; et puisse enfin cette loi terminer la lutte qui dure depuis dix ans entre des intérêts privés et un intérêt tout à fait national!

La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 218 boules blanches contre 7 noires.

• Aucun objet n'étant à l'ordre du jour pour demain, le Corps législatif s'ajourne à jeudi. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 11 pluviose an XIII (jeudi 31 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance du 9 de ce mois est adopté.

MM. Miot et Defermon, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Miot présente un projet de loi relatif à l'exemption de contribution foncière pour VilleNapoléon. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, lorsqu'après les longues secousses et les malheurs d'une guerre intestine, un pays rendu par une sage administration à la tranquillité renaît au bonheur et à la prospérité, celui qui opéra cette grande révolution, qui, par la paix, reconquit à la France une de ses plus fertiles provinces, ne s'est pas borné à fermer une blessure qui saignait depuis si longtemps, il a voulu s'occuper des moyens d'empêcher qu'elle ne se rouvrit un jour, et sa pensée, armée de l'expérience du passé, s'assure de l'avenir.

Couvert de bouquets de bois, presque sans communication avec les départements voisins, n'ayant ni grandes routes ni grandes villes, l'intérieur de la Vendée, quoique situé à portée des plus belles parties du territoire de l'Empire, en est presque entièrement séparé. Ni le commerce, ni la curiosité ne le visitent. Isolé de tout, livré entièrement à lui-même, les mœurs, les coutumes de ses habitants n'ont pu recevoir ce mouvement, ces modifications qu'impriment des relations étrangères sans cesse renouvelées : une seule ville, située à l'extrémité méridionale du département, rassemblait les autorités et l'administration; mais hors en quelque sorte du pays dont elle était la capitale, sa position ne lui permettait ni de l'éclairer, ni de le contenir.

C'est à cet isolement que nos ennemis durent en partie l'influence qu'ils exercèrent sur ce sol trop souvent arrosé du sang français; c'est à ces causes qu'il faut attribuer la nuit qui le couvrit, en quelque sorte, pendant plusieurs années, et qui nous déroba si longtemps sa véritable situation, et jusqu'aux événements dont il était le théâtre.

Les premiers besoins du peuple qui l'habite, et dont le courage fut tant de fois égaré, qui se crut

pourtant toujours français en servant les ennemis de la France, étaient donc, après la paix, les bienfaits de la civilisation; il fallait la porter au sein de ses demeures, lui ouvrir de nouvelles carrières à l'ambition et à la fortune, diriger sa force et ses moyens vers l'utilité générale, naturaliser chez lui les arts et le commerce; et pour parvenir à ce grand résultat, il fallait rattacher par des liens communs les parties éparses d'un territoire qui n'attend que cet heureux changement pour faire valoir tous les biens qu'il tient du climat et de la nature.

Ce que demandait le peuple de la Vendée, l'Empereur l'a fait. Vers le centre du département, une ville nouvelle va s'élever. Autour d'un rocher dont le pied est baigné par la rivière d'Yon, et qu'un vieux château domine, la capitale de la Vendée va naître. Des établissements militaires, une préfecture, des tribunaux, un lycée, des hospíces, une salle de spectacle, des promenades publiques sont tracés et se construisent aux frais du trésor public. Les forêts nationales vont fournir les bois nécessaires à ces édifices nouveaux. L'enceinte de la ville, la direction des rues sont déterminées; des terrains propres à bâtir sont offerts aux spéculations des particuliers, et l'on veut multiplier toutes les facilités qui peuvent appeler l'industrie et l'utile emploi des capitaux.

Déjà la voix publique a donné à la nouvelle cité le nom de son fondateur, et jamais pareil hommage ne fut plus légitime. Ce n'est point ici l'orgueil qui le commande à des peuples vaincus, ou f'arrache à la flatterie pour éterniser un nom que l'histoire n'eut pas conservé; c'est le prix du plus noble service que le prince puisse rendre aux hommes qu'il gouverne, et là justice et le temps eussent consacré ce titre, si là reconnaissance avait pu négliger de l'offrir..

Après vous avoir exposé, Messieurs, les motifs qui ont déterminé le Gouvernement à transporter le siége des autorités civiles et militaires dans la ville de Napoléon, j'entrerai dans quelques détails sur les avantages qu'offre le choix de cette position; vous les reconnaîtrez avec moi, et vous vous déciderez ensuite plus facilement à lui accorder la faveur que la loi que je suis chargé de vous présenter doit lui assurer.

L'emplacement qu'occupera la Ville-Napoléon est, comme je l'ai déjà dit, au centre du département la rivière d'Yon, qui la traverse, communique à une autre rivière qui se jette dans la mer non loin des Sables-d'Olonne, et permet d'y former un port, et d'ouvrir une navigation utile pour l'intérieur du pays et l'exportation de ses productions. A peu de distance passe la grande route de Nantes à Niort et à Poitiers. Un embranchement déjà ordonné va réunir Napoléon à cette. route, et placera cette ville sur la communication la plus importante pour elle, et la mettra à peu près à moitié chemin entre les deux villes de Nantes et de Niort. Une autre route s'ouvrira directement de Napoléon sur Angers, en passant par Chollet et par tout le pays qui fut le plus exposé aux malheurs de la guerre.

Ainsi, de deux côtés, la Ville-Napoléon communiquera directement avec la Loire, en allant sur Nantes et sur Angers, et de là à Paris, par une route abrégée et commode; d'un autre côté avec la mer, et enfin par le quatrième avec la Rochelle, Poitiers, Bordeaux et le midi de la France.

A ces avantages de situation se joignent tous ceux que peut offrir la localité, une rivière, un pays sain, ouvert, et un terrain assez varié pour rendre la ville pittoresque et agréable à habiter.

Favorisée de tant de manières, embellie et peuplée déjà par les établissements publics et par tout ce qu'ils mènent avec eux d'employés et de dépendants, la Ville-Napoléon doit devenir dans peu florissante, et sans doute les terrains qui seront abandonnés aux spéculations particulières trouveront aisément des acquéreurs. Cependant le Gouvernement a cru devoir vous proposer, comme encouragement, une loi qui exemptat de la contribution foncière, pendant quinze années, les maisons, jardins et dépendances, et en général tous les édifices qui seront construits dans l'enceinte de la ville.

Tant de raisons parlent en faveur de cette exemption; elle est une exception si naturelle aux lois communes; elle peut si difficilement être réclamée comme exemple et comme une autorisation pour obtenir une semblable faveur, que je pense que vous ne balancerez pas à l'accorder.

Pourtant cette faveur aura une grande influence sur le sort de la nouvelle ville, et vous aurez ainsi contribué, Messieurs, à la fonder, en vous prêtant aux vues du Gouvernement.

D'un autre côté, tant de soins pris pour assurer la prospérité d'un pays que ses malheurs et ses erreurs même semblent placer plus près de nos affections, le conserveront, n'en doutez pas, pour jamais et sans retour à la grande famille dont il fut quelque temps séparé. Déjà, chaque jour, se dissipe la trace des maux qu'il a soufferts, comme nous oublions ceux qu'il nous a causés. Déjà il est un sûr rempart contre notre plus redoutable ennemi; il le repousse, les armes à la main, et, détrompé des fausses espérances qu'il fit luire jadis à ses yeux, il le repousse dans ses perfides insinuations. Ni l'or, ni le fer des Anglais ne trouvent plus d'accès dans la Vendée; et ces côtes sur lesquelles tant de fois ils ont déposé leurs perfides émissaires, plus dangereux pour nous que leurs guerriers, ne leur présentent plus aujourd'hui que des ennemis et des boulevards honorés du nom du héros qui a su pacifier et défendre ces contrées.

Venez, habitants de la Vendée, peuplez ces murs nouveaux élevés par ses mains : là, tout vous parlera de votre prospérité, et rien de vos malheurs; là, ni le souvenir de vos revers, ni celui de vos succès, tous les deux également déplorables, ne viendront se retracer le présent tranquille, l'avenir plein d'espérance vous consoleront du passé et votre bonheur paiera le Gouvernement de tout ce qu'il aura fait pour

l'assurer.

Projet de loi.

Les maisons, jardins et dépendances, et généralement tous les édifices qui seront construits dans l'enceinte de Ville-Napoléon, département de la Vendée, seront exempts de contribution foncière pendant quinze années consécutives, à compter de l'an XIV.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. Des orateurs du Gouvernement et du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole est à un orateur du Tribunat.

M. Leroy (de l'Orne) fait un rapport sur un projet de loi relatif à la dotation definitive de la Légion d'honneur.

Messieurs, les électeurs de Paris déposaient dans leurs cahiers, en 1789, ces paroles remarquables « Il sera établi, par les Etats généraux, une récompense honorable et civique, purement personnelle et non héréditaire, laquelle, sur leur

présentation, sera décernée sans distinction, par le roi, aux citoyens de toutes les classes, qui l'auront méritée par l'éminence de leurs vertus patriotiques ou l'importance de leurs services (1) »

Ainsi, la Légion d'honneur était au nombre des vœux qu'exprimait le peuple francais aux beaux jours de sa liberté ! Ainsi, le héros dont la destinée semble avoir été de les réaliser tous, ne fit, en nous donnant une institution honorifique digne du siècle et de lui-même, ne fit, dis-je, que confier à la gratitude de la nation l'exécution des premières vues de sa sagesse.

La loi du 29 floréal an X, qui, en créant la Légion d'honneur, organisa le système des récompenses nationales, plaça toutes les vertus, tous les talents utiles sous la protection de la commune bienveillance. Le projet de loi qui vous est soumis, en constituant définitivement la dotation de la Légion d'honneur, a pour objet de compléter la garantie de cette bienveillance. Le vœu que nous apportons, au nom de la section des finances du Tribunat, est un vœu d'adoption. Je vais tâcher d'en développer les motifs.

La loi qui institua la Légion d'honneur voulut que deux cent mille francs de revenus en biens nationaux fussent affectés à chacune des seize cohortes qui la composent. Un arrêté des Consuls de la République, en date du 23 messidor an X, se proposa d'effectuer cette dotation; mais, ainsi que l'a dit à cette tribune l'orateur du Gouvernement: « A l'époque où l'on forma cette dotation, « des masses importantes d'immeubles étaient « presque toutes aliénées; il ne restait plus qu'une « infinité de petits articles en fonds de terre épars, « en biens rentrés par déchéance, en bâtiments qui « n'avaient point encore trouvé d'acquéreurs, en « droits indivis de propriété, en faibles parties de «rentes sur particuliers. On fut même obligé de « chercher le complément du revenu de plusieurs « cohortes dans les départements placés hors de «<leurs circonscriptions; et quelquefois à une << grande distance du chef-lieu.» De là, une administration gênée dans son action comme dans sa surveillance. De là, des frais, des non-valeurs, des produits incertains; de là, l'impossibilité d'acquitter régulièrement ses engagements; de là, enfin, le défaut d'équilibre entre les besoins de la Légion et les ressources qui lui avaient été assignées. Tel est le mal, Messieurs, vous en connaissez les causes; le projet de loi les fait disparaître toutes.

Dans le cours de l'an XIII et de l'an XIV, des partages, des licitations, toutes transactions utiles auront affranchi la culture de ses entraves, les revenus des biens de toute espèce de litige, tous les petits lots auront fait place à des immeubles d'une consistance convenable, la matière de l'administration sera mise dans son intégrité sous la main de l'administrateur. Ces dernières opérations s'effectueront au moyen d'échanges et d'acquisitions. Nul doute que dans celles-ci les convenances ne commandent souvent des sacrifices; mais cette multitude de petits articles qu'on alíénera seront à leur tour dans la convenance des personnes qui les achèteront et qui les rechercheront presque toujours, passez moi le terme, Messieurs, pour arrondir leurs propriétés. On peut donc entrevoir déjà que la balance des revenus se rétablira en partie dans les mains d'une administration active et intelligente; mais une autre opération est destinée à atteindre et même à dépasser la parfaite compensation.

(1) Cahiers de Paris, procès-verbal des électeurs de 1789. Tom. 3, pag. 72, chapitre Constitution.

On repoussait comme abusive une régie disséminée; mais comment espérer, du moins, sans des sacrifices ruineux, trouver à acheter, dans l'arrondissement de chaque cohorte, des biens de la consistance désirée et dans une quantité suffisante pour former la dotation entière? Le Gouvernement n'a cru pouvoir en rassembler que pour à peu près la moitié. Le projet de loi réduit en conséquence à cent mille francs au moins, à la vérité, le revenu immobilier des cohortes. L'excédant des immeubles nécessaires à cet objet sera aliéné, et le produit des ventes versé dans la caisse d'amortissement, pour être employé en achat de rentes sur l'Etat, au profit de la Légion. C'est ici, Messieurs, que devient sensible l'amélioration que reçoit une partie considérable des revenus. Son influence sur la totalité des ressources annuelles sera telle, au surplus, qu'après avoir satisfait à tous les besoins de la Légion, il a été calculé qu'elles laisseraient encore un dixième du produit net des rentes disponibles entre les mains de l'administration. Ce dixième, converti lui-même chaque année en rentes sur l'Etat, formera un fonds d'accumulation dont la destination sera de conserver l'égalité de valeur réelle entre les revenus constants des rentes acquises et les revenus des terres aliénées, variables de leur nature, parce qu'ils suivent toujours la progression du prix des denrées.

Toutes les opérations d'acquisition, d'échange, de transaction, d'aliénation, n'auront lieu qu'en vertu d'un règlement d'administration publique. C'est un gage de protection de plus pour les intérêts de la Légion d'honneur; et, en effet, à qui ses droits pourraient-ils être plus chers qu'à celui qui la fonda?

La section des finances du Tribunat avait pensé d'abord que le projet aurait dù dire expressément que les ventes se feraient suivant les formes usitées pour les biens nationaux; mais en y réfléchissant plus attentivement, elle a reconnu que cette mention aurait été superflue. Les principes d'administration, sur ce point, reposent dans des lois générales, auxquelles l'exécution des lois de détail est évidemment subordonnée.

Messieurs, j'ai cherché à faire ressortir les vices de l'ancien système de dotation et les avantages du nouveau. Si j'ai réussi, vous avez, comme nous, la conviction que de nouvelles dispositions législatives étaient indispensables et urgentes, que le projet présente toutes les combinaisons d'une loi de bonne administration, qu'enfin l'objet important et sacré est rempli, celui d'assurer la créance de tous les genres de gloire.

Mon ministère serait donc rempli, si je ne croyais pas, avant de finir, devoir pressentir avec vous quelques effets qu'il est permis d'attendre de ce nouvel état de choses, et qui ne me paraissent pas indignes de remarque, quoique étrangers, du moins directement, aux intérêts de la Légion d'honneur.

Plusieurs millions de biens nationaux vont être rendus au commerce, à la culture de l'intérêt privé. Le trésor public, la prospérité agricole y trouveront des avantages qui n'ont besoin que d'être énoncés pour être sentis.

Un tiers des aliénations environ se fera dans les pays réunis à l'ancien territoire de l'Empire; c'est ajouter aux causes de l'affection, aux gages de la fidélité.

Le jour où la Légion d'honneur se présenta aux acquéreurs de biens nationaux avec sa dotation et ses serments, elle leur apporta une nouvelle garantie de la considération et de la paix dues à

leurs propriétés. Les créanciers de l'Etat trouveront à leur tour, dans la loi proposée, de nouveaux motifs de sécurité.

Tous les légionnaires ont rendu à leur pays des services plus ou moins signalés; les hommes que leurs fonctions placent aux premiers rangs dans l'Empire, la Légion d'honneur les comptera toujours parmi ses membres. Quel essor ne devra pas prendre le crédit public, quand on verra, d'une part, les gardiens de la fortune de l'Etat être aussi, en cette qualité, les administrateurs de leur propre fortune! et de l'autre, le Gouvernement, en payant les dettes de l'Etat, acquitter encore celles de la reconnaissance!

Hommage à l'administration habile qui soutient toutes les valeurs nationales! mais hommage surtout au génie supérieur qui coordonne ainsi toutes les parties de son ouvrage; qui fait de la fidélité de l'Etat à ses engagements une simple affection; qui assure aux institutions les vœux et l'appui des intérêts; à ceux-ci, la protection toute puissante des institutions!

Tels sont, Messieurs, les titres dont l'ensemble nous a paru mériter au projet de loi la sanction du Corps législatif.

Carrion-Nisas. Messieurs, qu'il me soit permis d'ajouter aux développements et aux faits que vient de vous présenter mon collègue, quelques autres faits et quelques détails dont il est de mon devoir d'être plus particulièrement instruit, comme attaché à l'administration matérielle de la Légion d'honneur.

Je ne serais point étonné même que la loi dont nous venons vous proposer l'adoption laissât encore quelque doute et quelque incertitude dans les meilleurs esprits.

Le nombre assez considérable de votes contraires qu'a éprouvés la mesure, en quelque point identique, qui était relative aux biens du prytanée de Saint-Cyr, m'ont averti que la même répugnance peut exister ici; et la composition du corps où elle s'est manifestée garantit en même temps que cette sorte d'opposition ne peut être qu'infiniment sage, éclairée, patriotique.

En effet, la matière de ces sortes de délibérations est délicate autant qu'elle est importante; elle réveille une foule de questions; elle comporte une grande diversité d'opinions.

L'attention qu'en pareil cas vous attachez, Messieurs, à cette lutte d'opinions, à cette controverse de systèmes et de principes, est un gage de plus que vous donnez au Gouvernement et au peuple.

Toujours animés par l'amour du bien, vous êtes, selon la direction de vos suffrages, ou poussés ou retenus par le même motif, par l'intérêt vif et profond que vous inspirent tous les grands établissements d'utilité publique et de gloire nationale.

Quels objets méritent mieux cet intérêt, et par conséquent ce doute et cet examen, que tout ce qui regarde la Légion d'honneur, tout ce qui peut tendre à affermir ou à ébranler, à faire prospérer ou décliner cette institution chère aux Français?

La Légion d'honneur est au milieu de la patrie générale, la patrie particulière des hommes comme

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reste se compose de tous ceux de leurs sujets qui méritèrent éminemment du souverain et de la patrie dans tous genres de vertus, de talents, de services. Ils sy présentent comme accusateurs, si le prince fut ingrat, fainéant ou pervers, comme défenseurs, s'il fut juste, brave et bon (1).

Un jour donc, la Légion d'honneur composera ce cortège pour Napoléon: il n'en a rien à craindre, il y verra dans les uns des précurseurs, des admirateurs, des instruments de sa gloire; dans les autres, l'heureux ouvrage de sa main puissante.

Mais, Messieurs, cette institution précieuse, consacrée par vos suffrages, est encore incomplète, elle l'est en choses et en hommes. Je le sais, je le vois, et c'est la loi dont nous vous apportons le projet qui est destinée à faire cesser cet état de langueur et d'imperfection inhérent à une existence provisoire.

Je n'essaierai point de défendre ce projet ou du moins ses principales dispositions avec ces maximes tranchantes, ces systèmes absolus qui s'irritent du doute, et dédaigneux même d'apercevoir les exceptions et les circonstances.

Ces armes sont favorables aux mouvements de l'éloquence et aux artifices de l'argumentation, elles sont suspectes à la raison, éclairée par l'expérience.

Elles sont interdites ici par la nature même de la cause; l'intention et le texte de la loi rentrent également dans toutes les idées modérées et les systèmes mitoyens.

Effectivement, si, pour défendre une partie de son dispositif, nous embrassions avec chaleur le système de ceux qui professent que les établis sements publics doivent être exclusivement dotés en immeubles, sous peine d'être dotés illusoirement, nous nous ferions tort à nous-mêmes; car nous avons à vous proposer de convertir une portion assez considérable d'immeubles en valeurs qui n'ont pas, en apparence, la même solidité.

Que si, d'un autre côté, nous approuvions d'une manière trop forte et trop exclusive ce dernier genre de propriété, qui en effet présente des avantages infinis pour la facilité de l'administration et la régularité des rentrées, nous nous condamnerions encore nous-mêmes dans une partie de notre mission, car nous venons vous proposer aussi d'autoriser la Légion à acquérir dans la plupart des cohortes pour des sommes considérables d'effets immobiliers.

Ainsi donc, ce nous est une loi de nous éloigner également de tous les extrêmes et de condamner tous les systèmes absolus.

Aussi bien, Messieurs, vous êtes convaincus qu'une bonne opération administrative n'est jamais autre chose qu'une combinaison prudente des principes, en apparence, les plus contradictoires, qu'une transaction plus ou moins heureuse entre les opinions et les systèmes, comme entre les intérêts qui semblent les plus inconciliables.

Sans doute, pour qui ne chercherait que des arguments brillants, il serait facile de soutenir avec quelque vraisemblance que les grands corps nécessaires dans les grands Etats doivent s'attacher invariablement au genre de propriété le plus solide, le moins sujet aux chances, aux vicissitudes, aux détériorations que ces institutions doivent craindre, surtout d'affaiblir et de volatiliser en les mobilisant les éléments de leur richesse et de leur dotation, dont la ruine doit entraîner celle de l'établissement même.

(1) Paroles de Henri IV: Je suis de la religion de ceux qui sont braves et bons. (Leures de Henri IV).

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