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[Disc. du projet de Code civil.]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

mise de la dette est au nombre des moyens de libération, que chacun des créanciers paraît être relativement au débiteur comme s'il était l'unique créancier, qu'il faudrait, pour qu'il ne put pas user de droit de faire remise, que ce droit fût excepté dans l'obligation, et que d'ailleurs le créancier solidaire pouvant recevoir le paiement, il lui est toujours facile de donner la quittance d'un paiement qui ne serait pas réel; en un mot, que les cocréanciers suivent respectivement leur foi.

« Ces raisons avaient été adoptées par la loiromaine. (Leg. 2, ff. de duobus reis).

« Mais cette décision a paru peu conforme à l'équité et trop favorable à la mauvaise foi.

«On doit suivre l'intention présumée des parties. Chaque créancier solidaire a droit d'exécuter le contrat. La remise de la dette est autre chose que l'exécution: c'est faire un contrat de bienfaisance d'un contrat intéressé. C'est un acte de libéralité personnel à celui qui fait la remise; il ne peut être libéral que de ce qui lui appartient. S'il est bienfaisant envers le débiteur, il ne doit pas être malfaisant envers ses créanciers qui, sans la remise entière, auraient eu action contre ce débiteur. Une volonté n'est généreuse que quand elle n'est pas nuisible, et lorsqu'elle a ce dernier caractère l'équité la repousse elle en conçoit des soupçons de fraude.

« Si le cocréancier donne une quittance, le contrat lui a donné le droit de recevoir, et conséquemment celui de donner quittance. C'est l'exécution directe et naturelle du contrat, et c'est à cet égard seulement que ses cocréanciers ont suivi sa foi. Ce serait à eux à prouver que la quittance n'est qu'un acte simulé, et que le cocréancier a fait contre son droit la remise de la dette.

"Quant à tous les actes conservatoires, celui
qui peut recevoir le paiement entier de la dette
peut, par la même raison, faire les actes propres à
la conserver. Ainsi tout acte qui interrompt la
prescription à l'égard de l'un des cocréanciers
profite aux autres.

De la solidarité de la part des débiteurs.
«L'espèce de solidarité la plus ordinaire est
celle de plusieurs codébiteurs envers leur
créancier commun. Il y a solidarité de la
part des codébiteurs lorsqu'ils sont obligés
à une même chose, de manière que chacun
puisse être contraint pour la totalité comme s'il
était seul débiteur, et que le paiement fait par
un seul libère les autres envers le créancier. Čes
codébiteurs sont appelés en droit correi debendi.

« Il ne suffit pas que l'obligation soit contractée
envers le même créancier, il faut qu'elle ait pour
objet une même chose : si plusieurs étaient obligés
à des choses différentes envers la même personne,
chacun de ces débiteurs serait séparément tenu
de la chose qui serait l'objet de son obligation;
ils ne seraient pas codébiteurs.

«Mais lorsque plusieurs débiteurs doivent une même chose, ils n'en sont pas moins codébiteurs, quoique l'obligation de chacun d'eux ait été contractée avec des modifications différentes; tel serait le cas où l'un d'eux ne serait obligé que conditionnellement ou à terme, tandis que l'engagement de l'autre serait pur et simple et sans terme. Il suffit que d'une ou d'autre manière le créancier ait le droit d'exiger d'un seul des débiteurs la totalité de la dette, pour qu'il y ait solidarité; mais il ne peut exiger que chaque codébiteur acquitte la dette autrement qu'elle n'a été convenue avec lui.

« Les exceptions qui résultent de la nature.
même de l'obligation sont communes à tous les
codébiteurs; mais les exceptions personnelles à
l'un d'eux ne peuvent être opposées par les autres.
C'est encore une des conséquences de ce que cha-
cun d'eux est tenu de la manière dont il s'est obligé.
« L'obligation solidaire ne doit pas se présumer:
lorsque plusieurs débiteurs s'obligentà une même
chose envers la même personne sans exprimer
la solidarité, l'obligation se trouve remplie par le
paiement que chacun fait de sa portion: exiger
d'un seul la totalité, c'est supposer une obligation
de plus; et lors même qu'à cet égard il y aurait
du doute, on a vu que l'interprétation doit être
en faveur du débiteur,

<«< Il en serait autrement s'il s'agissait d'obliga-
tions pour lesquelles la solidarité serait prononcée
par la loi. C'est ainsi qu'elle a été prononcée par
l'ordonnance de 1673 (titre VI, art. 7), entre asso-
ciés en fait de commerce, et, par les fois crimi-
nelles, contre ceux qui sont condamnés pour le
même délit, etc.

« Chacun des codébiteurs étant tenu de la totalité de la dette comme s'il se fût obligé seul, il en résulte que le créancier peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse, en offrant sa part, demander que le créancier soit tenu d'exercer son action contre les autres, chacun pour leur part. La clause de renonciation au bénéfice de division, qui est de style dans les actes des notaires, suppose un droit qui n'existe pas.

« Non-seulement le créancier n'est point tenu d'accéder à la demande de division, mais encore, dans le cas même où il aurait fait des poursuites contre un ou plusieurs des codébiteurs il n'est point présumé avoir renoncé à son droit d'en exercer de pareilles, et pour la totalité contre les autres, jusqu'à ce qu'il soit entièrement payé.

«Le créancier qui interrompt la prescription à l'égard de l'un des codébiteurs, conserve son droit, non-seulement à la totalité de la dette, mais encore à la solidarité. Il n'a point alors d'acte conservatoire à faire contre les autres débiteurs. En agissant contre un d'eux, il a usé de son droit contre tous aucun ne peut plus se prévaloir de la prescription.

« C'est par le même motif que quand le créancier forme une demande d'intérêts contre l'un des débiteurs solidaires, ces intérêts lui sont adjugés pour la totalité de la dette, et dès lors c'est comme si la demande avait été formée contre tous.

« Le créancier ayant le droit d'exiger la totalité de chaque codébiteur, comme si celui-ci était seul obligé, on doit encore en conclure que si là chose due a péri par la faute ou pendant la demeure de l'un des débiteurs solidaires, les codébiteurs ne sont point déchargés de l'obligation de payer le prix de la chose. La faute du codébiteur ne peut être pour les autres un moyen de libération.

<«< Mais aussi de ce que chacun d'eux est tenu comme s'il se fût seul obligé pour le tout, on ne peut pas en induire qu'il se soit engagé à répondre des dommages-intérêts auxquels donnerait lieu la faute ou la demeure de l'un des codébiteurs. Ces dommages et intérêts sont la peine d'une faute qui est personnelle. Si la faute de l'un des débiteurs ne peut pas libérer les autres, il ne peut pas, par la même raison d'équité, aggraver leur sort.

« Des difficultés assez fréquentes se sont jusqu'ici élevées sur les différents cas où le créancier doit être présumé avoir renoncé à son droit de solidarité.

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« On doit admettre comme règle générale que cette renonciation doit être prouvée ou littéralement, ou au moins par un fait assez positif, pour qu'on ne puisse pas élever un doute raisonnable sur l'intention du créancier.

"

« L'un des débiteurs devient-il héritier unique du créancier, ou le créancier devient-il l'unique héritier de l'un des débiteurs?

«La confusion des droits qui s'opère par leur réunion sur la même tête ne doit s'appliquer, dans ces deux cas, qu'à la part du débiteur. On doit dire de cette confusion, avec la loi romaine : Magis personam debitoris examit ab obligatione, quam extinguit obligationem.

« Si le créancier consent à la division de la dette à l'égard de l'un des débiteurs, doit-on présumer qu'il ait renoncé à la solidarité à l'égard des autres?

Il ne peut pas y avoir de doute, si, dans la quittance, le créancier a fait la réserve de la solidarité, ou si même il y a réservé ses droits en général, puisque, dans ce dernier cas, le droit de solidarité s'y trouve compris.

« Mais s'il n'y a pas de réserve, la question peut se présenter sous deux rapports, dont l'un est entre le créancier et le codébiteur, et l'autre entre le créancier et les autres codébiteurs.

« Le créancier est-il presumé avoir renoncé à son action solidaire à l'égard du codébiteur, dont il a reçu une somme égale à la portion dont il était tenu, lorsque la quittance ne porte point que c'est pour la part de ce codébiteur?

« Il y avait à cet égard diversité d'opinions : on a préféré celle qui maintient la solidarité. Le créancier avait droit au paiement entier. Il résulte sans doute une présomption contre lui de ce que la part reçue est égale à celle du codébiteur; mais une autre présomption résulte aussi en sa faveur de ce qu'aucune expression du créancier ne porte son intention de déroger à son droit, et alors la règle que personne n'est facilement présumé renoncer à son droit doit l'emporter.

« Mais de ces expressions, pour sa part, employées dans la quittance, on avait conclu avec raison, dans la loi romaine, que le codébiteur avait été reconnu comme étant débiteur d'une part, et dès lors comme n'étant plus débiteur solidaire.

<«< On a vu dans une quittance ainsi motivée une nouvelle convention qui rend parfaite le concours du créancier qui donne la quittance et du débiteur qui la reçoit.

« C'est par cette dernière considération que l'on ne regarde point le créancier comme étant lié par la demande qu'il aurait formée contre l'un des codébiteurs pour sa part, si celui-ci n'a pas acquiescé à la demande, ou s'il n'est pas intervenu un jugement de condamnation.

« Lorsqu'il y a plus de deux codébiteurs solidaires, le créancier qui, à l'égard de l'un d'eux, a consenti à la division de la dette, soit en recevant avec la déclaration, pour sa part, soit autrement, est-il présumé avoir renoncé à la solidarité contre les autres?

lly avait aussi sur ce point partage d'opinions. « On dit, pour les codébiteurs, que la division de la dette sans réserve est un fait positif, et que la renonciation à la solidarité se trouve prouvée tant par ce fait en lui-même que par ses conséquences.

«Par le fait, puisqu'il est directement contraire à l'exercice du droit de solidarité. Si, quand on agit contre un des codébiteurs, leur sort est commun, l'équité ne demande-t-elle pas que réciproquement ils profitent de la décharge donnée à l'un d'eux?

<< Par les circonstances de ce fait, qui seraient de changer le contrat; ce qui n'est pas permis au créancier.

«En effet, si parmi les codébiteurs il y en a d'insolvables, les autres paient par contribution entre eux la part des insolvables. Si nonobstant la division de la dette à l'égard de l'un d'eux, on voulait encore faire peser sur les autres la solidarité, au moins ce recours respectif devrait-il leur être conservé.

<< Il faut donc,

« Ou que le créancier lui-même reste responsable des insolvabilités à raison de la part du débiteur acquitté; mais on ne peut pas présumer qu'il ait entendu, en divisant sa dette, s'exposer à ces risques;

« Ou que la contribution aux parts des insolvables continue à peser sur le codébiteur à l'égard duquel la dette a été divisée; cependant ce codébiteur a une décharge pure et simple cominent ne pas admettre l'exception qu'il fonderait sur ce qu'il n'y a contre lui aucune réserve?

<< Les auteurs, qui soutiennent l'opinion favorable au créancier, partent de deux principes qui sont justes.

« Le premier est que la renonciation à un droit ne peut s'établir par présomption.

«Ils soutiennent que, du fait de la division de la dette, il ne résulte point de renonciation ex-presse; que ce n'est point un acte qui détruise le droit de solidarité, puisque le créancier qui pouvait exiger du débiteur la totalité, pouvait à plus forte raison n'exiger que la part du codébiteur; que les conventions ne peuvent faire acquérir de droit qu'aux parties entre lesquelles ces conventions interviennent; que la bonté d'un créancier pour l'un de ses codébiteurs ne doit pas lui préjudicier à l'égard des autres, et que s'il n'en était pas ainsi, aucun créancier ne voudrait être victime de sa complaisance; que l'on ne verrait plus d'exemples de codébiteurs déchargés de la solidarité.

«Le second principe dont on part en faveur du créancier, est que l'obligation contractée solidairement envers lui se divise de plein droit entre les débiteurs, qui ne sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

Soit que des codébiteurs aient contracté l'obligation solidaire par le même contrat, ou que ce soit par des actes différents, l'équité veut que le codébiteur qui paie la part entière ait son recours contre ses codébiteurs. Chacun s'est obligé à payer la totalité au créancier; aucun ne s'est obligé à payer pour les autres. C'est entre tous les codébiteurs un lien de droit que le créancier n'est pas le maître de rompre; et s'il divise la dette à l'égard des codébiteurs, on ne doit pas en conclure qu'il ait interverti les recours respectifs des codébiteurs entre eux. La division de la dette n'a pu être consentie ni acceptée que sauf le droit d'autrui; ainsi le codébiteur déchargé de la solidarité envers le créancier a dû compter qu'il lui resterait encore une obligation à remplir à l'égard de ses codébiteurs, en cas d'insolvabilité de quelques-uns d'entre eux.

« Les codébiteurs contre lesquels le créancier veut, après cette division de la dette, exercer la solidarité, n'ont point à se plaindre, puisque ce droit, au lieu d'être exercé pour la totalité, comme il l'aurait été s'il n'y avait pas un codébiteur déchargé, ne pourrait plus l'être que déduction faite de la portion de ce codébiteur, dont ils n'ont plus d'ailleurs à craindre l'insolvabilité.

« Ces considérations en faveur du créancier ont

prévalu et par leur justesse au fond, et parce que les créanciers se porteront plus facilement à diviser les obligations solidaires; ce qui peut avoir une heureuse influence sur des établissements de tout genre auxquels la dette solidaire de celui qui voudrait les former pourrait mettre obstacle.

« Il est réglé que, nonobstant la division de la delte faite sans réserve à l'égard de l'un des codébiteurs, le créancier conservera l'action solidaire contre les autres, et que dans le cas d'insolvabilité d'un ou plusieurs des codébiteurs non déchargés, la part des insolvables sera contributoirement répartie entre tous les débiteurs, même entre ceux précédemment déchargés de la solidarité.

« Le recours des codébiteurs entre eux, soit que l'un d'eux a payé la totalité, soit lorsqu'il y en d'insolvables, ne peut être par action solidaire. La solidarité ne doit pas s'étendre au delà de ce qui est exprimé par la convention, et lors même que le débiteur qui a payé la totalité est subrogé dans tous les droits du créancier, il ne doit pas être admis à exercer celui de la solidarité, parce qu'alors il y aurait un circuit d'actions réciproques dont le résultat serait que chacun ne paierait qu'à raison de ce qu'il aurait participé à la cause de la dette.

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Lorsque le créancier a reçu divisément et sans réserve la portion de l'un des codébiteurs dans les arrérages ou intérêts de la dette, la solidarité n'est éteinte à l'égard de ce débiteur que pour les arrérages ou intérêts échus, et non pour ceux à échoir, ni pour le capital. Une convention ne doit pas être étendue au delà de son objet.

<< Si néanmoins le paiement divisé des arrérages et intérêts avait été continué pendant dix ans consécutifs, cette dérogation à l'exercice de cette partie du droit de solidarité doit faire présumer que le créancier y a renoncé pour l'avenir; et on en doit aussi conclure que la dette est divisée même pour le capital en effet, les intérêts sont représentatifs du capital dù. Il ne serait pas conséquent de supposer que le créancier eût renoncé à n'exiger que les intérêts représentatifs d'une partie du capital, et qu'il eût entendu conserver contre ce débiteur son action pour le capital entier.

Des obligations divisibles et indivisibles.

« On donné à une obligation le nom de divisible lorsqu'elle a pour objet une chose qui, dans sa livraison, ou un fait qui, dans l'exécution, est susceptible de division. L'obligation est appelée indivisible si son objet ne peut se diviser.

«La division dont une chose est susceptible est réelle ou intellectuelle.

« Elle est réelle, s'il s'agit d'une chose qui, comme un arpent de terre, peut se diviser réellement en plusieurs parties.

« Elle est intellectuelle, s'il s'agit d'un simple droit; tel serait le droit indivis qu'aurait un cohéritier dans un effet quelconque d'une succession un pareil droit est mis au nombre des choses divisibles, parce qu'il consiste dans une quotité susceptible de subdivision. Il faut même observer qu'un droit indivis peut également se subdiviser, soit qu'il s'applique à une chose divisible réellement, soit même qu'il s'applique à une chose qui en soi est indivisible.

« Il y a des droits qui ne sont même pas susceptibles de division intellectuelle: telles sont plusieurs espèces de servitudes.

"Mais lors même qu'une chose ou un fait serait susceptible de division, si dans l'intention des

T. VIII.

parties son exécution ne doit pas être partielle l'obligation doit être regardée comme indivisible: telle serait l'obligation de construire une maison; telle serait l'obligation de donner une chose qui, divisée, ne serait plus propre à sa destination.

Des effets de l'obligation divisible.

« Les questions qui peuvent naître de ce qu'une obligation est divisible ou indivisible, ne peuvent s'élever entre les personnes même qui ont contracté. Toute obligation, celle même qui serait susceptible de division, doit s'exécuter entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible.

« Les effets de la divisibilité ou de l'indivisibilité qui exigent des règles spéciales ne concernent que les héritiers du débiteur ou ceux du créancier.

« Si l'obligation est divisible, les héritiers du créancier ne peuvent demander la dette que pour les parts et portions dont ils sont saisis comme représentant le créancier; et réciproquement les héritiers du débiteur ne sont tenus de la payer qu'à raison de leurs parts ou portions comme représentant le débiteur.

Mais il peut y avoir d'ailleurs des causes particulières qui empêchent que les héritiers du débiteur ne puissent opposer au créancier la règle générale de la division de la dette entre eux, quoique l'obligation soit divisible.

« Ainsi, lorsque la dette est hypothécaire, il résulte de cette obligation une double action: l'action personnelle, qui se divise entre les héritiers, et l'action fondée sur l'hypothèque, par laquelle l'immeuble est devenu le gage indivisible, dans quelques mains qu'il se trouve.

« Si la dette est d'un corps certain qui ait été compris dans le lot de l'un des héritiers, le créancier a le droit de l'exiger de lui en entier; s'il s'adressait aux autres héritiers, il faudrait que ceux-ci revinssent vers le cohéritier qui en serait possesseur. Ce serait un circuit vicieux d'actions.

«S'il s'agit de la dette alternative des choses au choix du créancier et dont l'une soit indivisible, les héritiers ne sauraient réclamer une division qui serait contraire au droit que le créancier a de choisir ou au choix qu'il aura fait.

« Si l'un des héritiers est chargé seul de l'exécution par le titre de l'obligation ou par un titre postérieur, la volonté qu'a eue le débiteur de dispenser son créancier d'une division incommode doit être remplie.

« Enfin s'il résulte, soit de la nature de l'engagement, soit de la chose qui en fait l'objet, soit de la fin qu'on s'est proposée dans le contrat, que l'intention des parties ait été que la dette ne pût s'acquitter partiellement, les héritiers du débiteur ne peuvent se soustraire à cette obligation en demandant la division.

« Celui des héritiers qui, dans ces divers cas, a payé plus qu'il n'eût dû en cette qualité, a son recours, ainsi que de droit, vers ses cohéritiers, parce que ce n'est pas l'obligation, mais seulement le paiement qui a été à sa charge.

"

Lorsque la chose divisible périt par la faute de l'un des héritiers, il est tenu de l'entière indemnité envers le créancier, sans recours contre ses cohéritiers. Ceux-ci sont libérés, comme l'eût été le défunt lui-même, par la perte de la chose arrivée sans sa faute. Chaque héritier est tenu des faits du défunt; il ne l'est point des faits de ses cohéritiers.

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« Les effets de la division de la dette entre les cohéritiers deviendront de plus en plus sensibles en observant que la réunion des portions, soit des héritiers du créancier, soit des héritiers du débiteur en une seule personne, fait cesser la faculté de payer la dette par partie. Le motif est que, nonobstant la división entre les héritiers, il n'y a cependant qu'une obligation; conséquemment, si avant le paiement il ne se trouve plus qu'un seul débiteur ou un seul créancier de la dette, la cause de la division n'existe plus.

Des effets de l'obligation indivisible.

« Une obligation indivisible étant celle d'une chose ou d'un fait qui n'est susceptible de division ni réelle ni intellectuelle, une pareille obligation ne peut être remplie partiellement; ainsi quiconque en est tenu l'est pour la totalité. Lorsqu'elle a été contractée par plusieurs, aucun ne peut opposer qu'il n'y a point eu de solidarité stipulée; les héritiers du débiteur ne peuvent se prévaloir de ce qu'ils ne lui succèdent que pour une portion; les héritiers de chaque héritier ne pourraient même point dans ce cas opposer cette qualité, comme ils pourraient le faire si l'obligation était solidaire sans être indivisible.

«Par la même raison que quiconque est tenu de l'obligation indivisible doit la remplir entièrement, quiconque aussi a droit à une chose indivisible peut l'exiger en totalité. Ainsi chacun des héritiers du créancier a ce droit contre le débiteur.

«Mais il faut observer que si, par la nature de l'objet indivisible, l'un des héritiers du créancier peut l'exiger en entier, il n'a pas seul droit à la propriété. Ainsi, en cas d'inexécution, les dommages et intérêts qui sont indivisibles ne lui seraient pas dus en entier.

« Il résulte encore de ce que le cohéritier n'a pas seul droit à la propriété, qu'il ne peut seul ni faire remise de la dette ni recevoir le prix au lieu de la chose, et que, dans ces deux cas, l'autre cohéritier qui n'a pu être dépouillé de son droit peut l'exercer en demandant la chose entière au débiteur, pourvu qu'il tienne compte à ce débiteur de la valeur ou du prix de la chose jusqu'à concurrence de la portion du cohéritier qui en fait la remise ou qui en a reçu le prix. C'est ainsi que tous les droits, tant ceux des cohéritiers du créancier que ceux du débiteur, peuvent se concilier avec équité.

« De même que chaque cohéritier du créancier n'est pas propriétaire de la totalité, de même aussi chaque cohéritier ne doit pas la totalité, quoiqu'il ne puisse point payer partiellement. Les droits du créancier et ceux du cohéritier assigné seront encore conciliés en accordant à celui-ci, lorsqu'il le demandera, un délai pour mettre en cause ses cohéritiers. Si la dette est de nature à ne pouvoir être acquittée que par l'héritier assigné, la condamnation contre lui seul ne sera point ainsi différée. Il aura seulement son recours en indemnité contre ses cohéritiers.

« Si l'obligation était de nature à ne pouvoir être acquittée que par tous conjointement, il est hors de doute que l'action ne pourrait être dirigée contre un seul.

Des obligations avec clause pénale.

« Il nous reste à considérer dans les obligations une dernière espèce de modification, qui est la clause pénale.

« On nomme ainsi la clause par laquelle une personne, pour assurer que son obligation sera

exécutée, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.

« La clause pénale n'est donc qu'un accessoire de l'obligation principale.

« Ainsi la nullité de l'obligation principale doit entraîner celle de la clause pénale; au lieu que la nullité de la clause pénale n'entraîne point celle de l'obligation principale.

La fin qu'on se propose par une clause pénale est d'assurer l'exécution de l'obligation principale. Le créancier doit donc avoir le droit ou de demander la peine stipulée contre le débiteur qui est en demeure, ou de poursuivre l'exécution de l'obligation principale.

«La peine stipulée est la compensation des dommages et intérêts résultant de l'inexécution de l'obligation principale. Ainsi le créancier ne peut demander et l'exécution de l'obligation principale et la peine.

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Si la peine n'avait été stipulée qu'à raison du retard, elle serait l'évaluation des dommages et intérêts résultant de ce retard: le créancier pourrait demander et le principal et la peine.

«Suivant les lois romaines, la peine était toujours encourue par l'échéance du terme. Nos usages avaient modéré cette rigueur : ils ont été en partie maintenus. Ainsi, dans les obligations à terme comme dans celles qui sont sans terme, la peine n'est encourue que lorsque celui qui est obligé est en demeure. C'est alors seulement que la faute dont il doit subir la peine est constante. Mais il sera considéré comme étant en demeure par la seule échéance du terme, si telle est la stipulation.

Lorsque la clause pénale est ajoutée à l'obligation de ne pas faire une chose, la peine est due aussitôt que, contre la stipulation, la chose a été faite. La preuve de la faute est alors dans la chose même.

«La peine stipulée par les contractants fait la loi entre eux. Le créancier ne doit pas être admis à dire que cette peine est insuffisante, ni le débiteur à prétendre qu'elle est excessive. Quel serait le juge qui, mieux que les parties, pourrait connaitre les circonstances et les intérêts respectifs qui ont déterminé la fixation de la peine? On doit appliquer ici les raisonnements faits sur la fixation d'une somme stipulée pour dommages et intérêts.

« L'intervention des juges est nécessaire lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie : c'est alors un cas différent de celui qu'elles ont prévu, et auquel la peine a été attachée. Le créancier ne peut pas avoir une partie de la chose et exiger là peine entière. C'est une évaluation nouvelle pour laquelle le défaut de convention rend indispensable d'avoir recours aux tribunaux.

« Les règles établies pour les effets d'une obligation divisible ou indivisible reçoivent leur application à la cause pénale.

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Si l'obligation est d'une chose indivisible, la peine entière est encourue par la contravention d'un seul des héritiers du débiteur, puisque seul il empêche l'exécution entière; mais la peine n'étant pas indivisible, c'est seulement à raison de la faute que ce cohéritier peut être poursuivi pour la totalité. A l'égard des cohéritiers qui ne sont point en faute, ils ne peuvent être inquiétés que pour leur portion ou hypothécairement pour le tout, et ils ont leur recours contre celui qui a fait encourir la peine.

« Si l'obligation principale est divisible, chacun des héritiers, celui même qui contreviendrait à l'obligation, n'est tenu de la peine que jusqu'à

concurrence de sa part dans l'obligation; et conséquemment, il ne doit y avoir aucune action contre les héritiers qui l'ont exécutée en ce qui les

concerne.

« Il en serait autrement si la clause ayant été ajoutée dans l'intention que le paiement ne puisse se faire partiellement, un cohéritier a empêché l'exécution de l'obligation pour la totalité. En ce cas, l'obligation est considérée comme indivisible, et conséquemment la peine entière peut être exigée de lui; elle ne peut l'être des autres cohéritiers que pour leur portion seulement et sauf leur recours.

De l'extinction des obligations.

« Après avoir établi quelles sont les conditions essentielles des obligations, quelles sont leurs diverses espèces, et quels liens se forment, soit entre les contractants ou leurs héritiers, soit vis-àvis des tiers, on a posé les principes sur les diverses manières dont s'éteignent les obligations.

« Elles s'éteignent par le paiement, par la novation, par la remise volontaire, par la compensation, par la confusion, par la perte de la chose, par la nullité ou la rescision, par l'effet de la condition résolutoire qui a déjà été expliquée, et par la prescription, qui fera l'objet d'un titre particulier.

Du paiement en général.

« Le paiement est réel lorsque le débiteur accomplit réellement ce qu'il s'est obligé de donner ou de faire.

«Tout paiement suppose une dette, et conséquemment ce qui aurait été payé pour une dette qui n'existait pas pourrait être répété.

«Mais cette répétition doit-elle avoir lieu lorsqu'une obligation naturelle a été volontairement acquittée? La loi qui n'eût point admis l'action contre le débiteur doit-elle le regarder comme étant lié civilement lorsqu'il a payé?

« Il ne s'agit point ici de ces obligations qui, dans la législation romaine, avaient été mises au nombre des obligations naturelles, parce que, n'ayant ni la qualité du contrat ni la forme des stipulations, elles étaient regardées comme de simples conventions dont une action civile ne pouvait naître. Ces conventions sont, dans notre législation, au rang des obligations civiles, et on ne regarde comme obligations purement naturelles que celles qui, par des motifs particuliers, sont considérées comme nulles par la loi civile.

Telles sont les obligations dont la cause est trop défavorable pour que l'action soit admise, et les obligations qui ont été formées par des personnes auxquelles la loi ne permet pas de contracter. Telles sont même les obligations civiles, lorsque l'autorité de la chose jugée, le serment décisoire, la prescription ou toute autre exception péremptoire, rendraient sans effet l'action du créancier.

«Le débiteur qui a la capacité requise pour faire un paiement valable, et qui, au lieu d'opposer ces divers moyens, se porte de lui-même et sans surprise à remplir son engagement, ne peut pas ensuite dire qu'il ait fait un paiement sans cause. Ce paiement est une renonciation de fait aux exceptions sans lesquelles l'action eût été admise; renonciation que la bonne foi seule et le cri de lá conscience sont présumés avoir provoquée; renonciation qui forme un lien civil que le débiteur ne doit plus être le maitre de rompre.

« L'obligation naturelle ne devenant un lien civil que par induction tirée du paiement, cette obligation ne peut avoir d'autre effet que celui d'empêcher la répétition de ce qui a été payé.

Mais elle ne peut faire la matière d'une compensation, ni avoir les autres effets que leur donnait la loi romaine par suite de cette distinction que nous n'avons point admise entre les pactes et les contrats.

«Il n'est pas nécessaire, pour qu'un paiement soit valable, qu'il soit fait par ceux qui y sont intéressés. L'obligation peut être acquittée par un tiers qui n'y a aucun intérêt, lorsqu'il agit au nom et en l'acquit du débiteur. Si, agissant en son nom propre, il se fait subroger aux droits du créancier, ce n'est plus un paiement, c'est un transport de l'obligation.

« Le créancier ne pourrait se refuser à recevoir le paiement de ce tiers, à moins qu'il n'eût un intérêt à ce que l'obligation fût acquittée par le débiteur lui-même. C'est ainsi que l'obligation contractée pour un ouvrage d'art est déterminée par le talent personnel de l'artiste; un tiers ne doit pas être admis à le suppléer.

« Le paiement est un transport de propriété : pour payer valablement, il faut donc être à la fois propriétaire et capable d'aliéner.

« Cette règle souffre une exception dans le cas où, soit une somme d'argent, soit une autre chose qui se consomme par l'usage, aurait été donnée en paiement par celui qui n'en était pas propriétaire ou qui n'était pas capable de l'aliéner. L'équité ne permet pas que le créancier qui, de bonne foi l'a consommée, puisse être inquiété. Ce serait une revendication, et il ne peut y en avoir que contre le possesseur de mauvaise foi, ou contre celui qui, par fraude, a cessé de posséder.

« Un paiement ne serait pas valable, s'il n'était pas fait soit au créancier, soit à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui.

« La ratification du paiement donnée par le créancier équivaut à un pouvoir, et il serait injuste qu'il pût contester le paiement lorsqu'il a tourné à son profit.

« L'équité veut encore que le paiement soit valable, lorsqu'ayant été fait de bonne foi par le débiteur à celui qui était en possession de la créance, ce débiteur avait un juste sujet de le regarder comme le véritable créancier; tel serait un héritier qui, d'abord possesseur légitime de la succession, recevrait le paiement des sommes dues, et serait ensuite évincé par un héritier plus proche.

« Le débiteur serait en faute s'il faisait un paiement à celui qui, par son âge ou par un autre motif, n'aurait pas la capacité de recevoir. La seule ressource de ce débiteur serait de prouver que la chose payée a tourné au profit du créancier. La protection que la loi accorde à ce créancier ne saurait être pour lui un moyen de s'enrichir aux dépens d'autrui.

«Si des tierces personnes, envers lesquelles le créancier est lui-même obligé, ont formé entre les mains des débiteurs une saisie ou une opposition, le débiteur n'est plus, à l'égard des créanciers saisissants ou opposants, libre de payer. Si dans ce cas, il paie à son créancier, le paiement est valable à l'égard de ce créancier; il est nul à l'égard des saisissants ou opposants, qui peuvent exiger de ce débiteur un second paiement, sauf son recours contre le créancier.

« Un créancier ne peut être contraint de recevoir en paiement une autre chose que celle qui lui est due; et s'il l'avait reçue par erreur, il pourrait, en offrant de la rendre, exiger celle qui à été stipulée.

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