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et à la gloire de la nation, voit tous les partis qui l'avaient si longtemps troublée réunis d'intentions, de vœux et d'efforts dans un seul intérêt, le sentiment de la prospérité publique, inséparable de l'ordre, du travail et de la tranquillité. L'hérédité du Gouvernement, en ôtant à la rivalité des ambitions particulières, et à l'influence corruptrice de l'étranger, les moyens de bouleverser l'Etat par l'ébranlement du centre de l'autorité, a donné une plus forte et plus durable garantie à la paix intérieure et à tous les biens qu'elle produit. Les principes du Gouvernement en ont acquis plus de fixité, et les rapports de la politique extérieure un plus solide appui.

C'est dans ces circonstances que la France, forte de son organisation intérieure, de la concentration et de l'union de tous ses moyens de volonté et de puissance, vient de voir le chef de son Gouvernement se rapprocher d'un gouvernement ennemi, et lui présenter le premier des paroles de paix. Si ce gouvernement, qui a paru méconnaître d'abord cette noble démarche, revient à des dispositions plus favorables aux vrais intérêts de l'Europe, dont il réclame si hautement la sûreté, ainsi qu'aux intérêts plus particuliers de la GrandeBretagne, si, pour nous servir des expressions prononcées au nom de S. M. Impériale, il montre des intentions justes et modérées, nous verrons finir les calamités de la guerre.

Puisse ce résultat, auquel est attachée la paix du monde, être bientôt la récompense du sentiment généreux qui vient de l'appeler encore une fois d'une manière si solennelle! et puissions-nous ne pas trouver ici une nouvelle preuve de la vérité de cette réflexion du célèbre historien d'Angleterre :

«Nos guerres avec la France, dit-il, ont toujours été poussées trop loin, par obstination et par passion. La même paix qui fut faite à Ryswick, en 1697, avait été offerte en 1692. Celle conclue à Utrecht, en 1713, aurait pu être terminée aux mêmes conditions, à Gertruidenberg, en 1708; et nous aurions pu accorder, à Francfort, en 1743, les mêmes articles de paix que nous fùmes trop heureux d'accepter à Aix-la-Chapelle, en 1748. Ainsi, il est aisé de voir que la moitié de nos guerres avec la France, et toutes nos dettes publiques, sont beaucoup plus l'ouvrage de notre imprudente véhémence que de l'ambition de nos voisins. Essais, tom. I, essai 7).

Dans ces circonstances, Messieurs, la commission dont je suis l'organe vous propose d'adresser à S. M. I. un message pour lui exprimer les sentiments du Tribunat sur l'objet de la communication qui lui a été faite en son nom, et que cette adresse lui soit présentée par le Tribunat en corps.

M. Villot-Fréville. Messieurs, il vous a fallu faire effort sur vous-mêmes pour arrêter l'essor des sentiments dont vous a pénétrés cette lettre où l'humanité s'exprime avec une éloquence héroïque, et que l'histoire va consacrer comme un de ses monuments les plus précieux pour la leçon des rois et la consolation des peuples. Si vous aviez pu céder aux émotions généreuses dont vous étiez agités Vous auriez répondu à l'instant même par les acclamations de la reconnaissance et de l'enthousiasme. Mais votre devoir vous imposait l'austérité de la réflexion : il n'aurait pas été rempli, si vous vous étiez contentés de vous livrer aux transports de votre sensibilité, sans entrer dans l'examen des considérations politiques qui doivent précéder chacune de vos démarches.

Tel est, Messieurs, le déplorable effet de la perfidie avec laquelle le cabinet de Saint-James a violé le traité d'Amiens, qu'il est devenu, pour ainsi dire, problématique en France, si l'on peut encore traiter avec l'Angleterre. Combien de fois ne vous est-il pas arrivé d'entendre soutenir avec chaleur l'opinion contraire à toute négociation par des capítalistes dont les ennemis avaient pillé la fortune embarquée sur la foi des traités, par des militaires impatients de cueillir de nouveaux lauriers, par des citoyens de toutes les classes qui ne ressentaient pas moins vivement l'offense faite à la patrie? Cette noble indignation honore trop le caractère national pour qu'elle n'ait pas été remarquée avec émotion par le chef auguste de l'Empire; mais en même temps qu'il estimait cette généreuse colère, il a su prêter l'oreille aux supplications de l'humanité toujours avare du prix auquel il faut acheter la victoire, et aux conseils de la sagesse qui, surtout pour un monarque si souvent triomphateur, élève au-dessus des plus brillants exploits le bonheur d'épargner des privations et des larmes à ses sujets.

En supposant que les vaines et fausses espérances de l'Angleterre fussent réelles et fondées, l'orateur pense que le gouvernement britannique n'en avait pas moins la faculté d'exprimer, sans manquer à son allié, et au moins d'une manière conditionnelle, le désir d'entrer en négociation. On serait réduit à lui attribuer l'intention contraire, si l'on en jugeait par la nature de sa réponse, et en se rappelant une rupture sans prétexte, des invectives sans pudeur et tant de témoignages d'une haine sans frein. Mais, dit l'orateur, les passions les plus violentes s'usent par leur excès même; cette réflexion peut jusqu'à un certain point contrebalancer les apparences les plus défavorables. Permettez-moi d'ajouter qu'il y

quelque chose de si touchant, de si religieux dans l'espérance de la paix, qu'on ne résiste presque jamais au désir de s'avancer à sa rencontre un peu plus loin que ne le conseillerait la raison froidement interrogée.

Aujourd'hui, Messieurs, la raison la moins indulgente pour de flatteuses illusions devrait nous faire supposer dans le gouvernement britannique l'intention de ne pas repousser la paix, si nous jugions de ses dispositions d'après ses intérêts, et de ses intérêts d'après l'origine, l'objet et les chances de la guerre.

L'opinion publique, qui ne repose pas seulement sur les calculs de l'intérêt, mais aussi sur le sentiment de la conscience, n'étant pas sans importance pour le succès plus ou moins facile des mesures du Gouvernement, l'orateur en conclut qu'il n'est pas indifférent d'observer que le cabinet de Saint-James a commencé la guerre, sous les plus misérables prétextes.

et

Nous étions loin de menacer l'Angleterre, reprend-il, mais peut-être qu'en nous attaquant à l'improviste, elle était transportée par ces espérances enivrantes qui entraînent trop souvent les peuples et les rois; peut-être qu'elle avait à choisir entre le respect d'un traité solennel et un de ces grands intérêts sur lesquels la politique permet si rarement à la justice de s'expliquer.

Ici, Messieurs, il ne saurait être question de l'accroissement du territoire français, puisque nos limites étaient les mêmes et lors de la signature du traité d'Amiens, et à l'époque de la rupture. D'ailleurs l'Europe tout entière ne sait-elle pas que c'était sur le rocher de Malte que portait la balance de la guerre et de la paix ? Pour nous,

cette question renfermait cette double considération. Il ne s'agissait pas seulement d'évaluer l'augmentation de puissance que la possession de Malte devait donner à nos rivaux; il fallait surtout examiner si, en leur permettant de violer un engagement qu'ils avaient si récemment contracté, nous n'eussions pas couru le risque de déchoir rapidement de ce haut degré d'influence politique auquel nous avions été élevés par une longue suite de victoires. L'honneur de la France s'y trouvait intéressé; le Gouvernement et l'opiníon se prononcèrent promptement et d'accord. Pour les Anglais, la question se réduisait à une comparaison des avantages que pouvait leur promettre la possession de Malte avec les frais et les chances de la guerre.

Suit la discussion du prix que cette possession peut avoir réellement pour la Grande-Bretagne, soit dans l'état de paix, soit dans l'état de guerre. L'objet pour lequel a été violé le traité d'Amiens est mis en parallèle avec la situation critique dans laquelle s'est jeté le gouvernement anglais, qui a proclamé lui-même les dangers de la patrie en dépeuplant les ateliers, en appelant la nation entière sous les armes, en ébranlant le système social jusque dans ses fondements. Là où naguères on travaillait avec tant d'ardeur à multiplier les communications intérieures, à étendre le domaine de l'agriculture, à rendre les rivières navigables, on ne trouve plus de canaux que pour la défense du pays; on ne pense plus qu'à barrer le cours des fleuves, ou à réparer de vastes inondations.

Cependant, Messieurs, continue l'orateur, ne nous en rapportons pas à tant d'alarmes, et quand il n'arriverait jamais le moment où nous pourrons nous dire encore quelques jours, et l'Angleterre aura brillé... Dans cette hypothèse, quels effets la continuation de la guerre doit-elle produire à l'avantage ou au préjudice de la GrandeBretagne ?

Pourrait-elle méditer quelque nouvelle conquête malgré les difficultés qu'éprouve le recrutement de son armée, quoiqu'elle puisse être obligée de voler au secours de ses colonies menacées par les escadres françaises, lorsqu'elle a tant de peine à conserver ses possessions à Ceylan, et tandis qu'elle est réduite, dans l'Inde, à recommencer sí souvent un genre de guerre où les triomphes mêmes sont des malheurs, parcequ'ils aguerrissent les vaincus ?

Je vous l'avouerai, Messieurs, une plus grande dissémination de forces de nos ennemis ne me paraîtrait un danger que pour eux.

En discutant l'influence de la guerre sur leurs intérêts, nous ne pouvons omettre celui auquel ils attachent tant d'importance, et qui, dans leur esprit, se confond avec le sort des trois royaumes. Votre sagacité me reprocherait une ridicule et inutile omission, si j'essayais de dissimuler les profits accidentels que le commerce des Anglais peut devoir aux circonstances actuelles. Grâce aux limites étroites dans lesquelles ils ont resserré les droits du pavillon neutre, je crois que l'état de guerre leur donne une plus grande part dans les bénéfices du transport. Je pense aussi qu'ils se trouvent investis du privilégé à peu près exclusif d'apporter et de vendre à l'Europe des denrées coloniales. Mais il me semble avantages sont plus que compensés par les pers tes. Le débit le plus intéressant pour l'Angleterre, c'est celui des objets qui sortent de ses manufactures, et d'où dépend la subsistance de ses nombreux ateliers. Aujourd'hui ces produits sont

repoussés de la majeure partie des marchés de l'Europe, et tout en admettant la filtration de la contrebande, il est évident que les profits de ce trafic clandestin restent infiniment au-dessous des bénéfices d'un commerce régulier. D'ailleurs ce calcul manquerait de son premier élément, si nous ne prenions en considération la dépense extraordinaire à laquelle la Grande-Bretagne est forcée par la guerre. Pour déterminer cette somme d'une manière rigoureuse, il faudrait comparer la dépense totale de 1792 avec celle de 1804, en retranchant de celle-ci, d'abord les intérêts de la dette contractée depuis la première époque, ensuite une augmentation quelconque qu'il serait raisonnable de supposer dans l'état de paix. Le temps ne me permettant pas les recherches nécessaires pour arriver à une précision arithmétique, je suis forcé de me borner à une simple évaluation, et dès lors de m'arrêter fort en deçà de ce que je crois la réalité. Personne ne sera tenté de m'accuser d'exagération, si je porte à 400 millions la dépense que la guerre actuelle cause annuellement à la Grande-Bretagne. Le chancelier de l'échiquier, lors de la création de la taxe sur les revenus, estimait à 280 millions la totalité des profits du commerce extérieur. Je le demande à ceux qui prétendent qu'au lieu d'être restreint, il est augmenté par la guerre actuelle ; peut-on, même avec cette persuasion, mettre raisonnablement en balance une addition quelconque à ce profit habituel de 288 millions et le total d'une dépense extraordinaire de 400 millions?

Vous savez, Messieurs, qu'une partie de la dépense extraordinaire est toujours défrayée par un accroissement de la dette. C'est encore de l'opinion des Anglais eux-mêmes que je me prévaudrai en parlant du danger dont cette accumulation les menace. Ils l'ont tellement senti, que depuis quelques années ils ont voulu l'arrêter en cherchant dans les impôts une partie de la dépense extraordinaire, et vous avez remarqué, dans le dernier discours de Sa Majesté britannique, qu'elle invite son parlement à suivre cette année la même marche. Je ne doute nullement que la principale cause de la splendeur de l'Angleterre ne soit le système de crédit qu'elle adopta dans les dernières années du XVIIe siècle. Si je ne me trompe pas sur le rapport qui existe entre son crédit et sa puissance, ne doit-elle pas trembler lorsqu'elle voit chaque année ajouter à la dette publique une surcharge telle qu'elle neutralise la force de l'amortissement?

Je dois vous l'avouer, Messieurs, je suis bien loin de penser comme ceux qui paraissent persuadés que l'Angleterre pourra, lorsqu'elle le jugera à propos, secouer le fardeau de sa dette, et se relever ensuite avec toute la vigueur de la jeunesse. Cette terrible régénération ressemblerait à la méthode que Médée enseigna aux filles de Pélias pour rajeunir leur père. La banqueroute est, en tout pays, une opération désastreuse, qui enlève à des citoyens leur propriété pour la transférer à ceux qui auraient dù contribuer au paiement du capital et des intérêts de la dette mais ce fléau est plus dévastateur encore que partout ailleurs, là où l'on est arrivé à un plus haut degré de prospérité, là où la richesse publique tient surtout à l'industrie et à l'extension du commerce, là où le trésor national trouve ses principales ressources dans les contributions indirectes. Certes, le jour où l'Angleterre aurait essuyé cette catastrophe, il n'y aurait plus rien à craindre pour l'industrie des autres peuples ou pour la liberté des mers.

Cependant, Messieurs, tandis que les Anglais | bravent des chances si redoutables, quels sont, de notre côté, les sacrifices ou les dangers qui peuveut encourager leur opiniâtreté? Nos colonies sont préparées pour une vigoureuse défense; quant au territoire de la métropole, nous n'avons qu'un regret à former: c'est qu'il ne soit pas possible d'espérer que les ennemis viennent y chercher nos braves.

Il est vrai que les circonstances retardent le développement de notre commerce, qui marchait si rapidement vers la prospérité. Nier que la langueur de notre commerce extérieur soit un malheur, ce serait pousserjusqu'au scandale la folie du paradoxe. Loin de moi l'idée d'atténuer l'importance du commerce extérieur, mais j'ose croire qu'on se trompe lorsqu'on lui attribue d'une manière trop exclusive la prospérité d'un Etat, en négligeant la considération du commerce intérieur. Pour l'Angleterre, dont les relations commerciales sont beaucoup plus vastes et la population bien moindre que celles de la France, le chancelier de l'échiquier, par les mêmes calculs que j'avais l'honneur de vous citer tout à l'heure, établit que le commerce intérieur est au commerce extérieur comme 28 à 12. Cette proportion ne doit-elle pas être bien plus forte encore dans un pays comme le nôtre, où l'agriculture et l'industrie ont la certitude d'approvisionner sans concurrence étrangère, ou au moins avec des priviléges prépondérants, trente-deux millions de consommateurs? Il me semble impossible de révoquer en doute l'amélioration progressive de l'une et de l'autre, et en reconnaissant que l'état passif de notre commerce extérieur contribue à arrêter leur essor, il ne faut pas oublier que la Révolution a dévoré une immense quantité de capitaux ; qu'il en est résulté l'extrême inconvénient du haut prix de l'argent, et que le remède de ce mal ne pouvant venir que de l'accumulation des capitaux, il ne faut pas confondre la lenteur que le temps met à l'opérer avec les circonstances par lesquelles la guerre peut la contrarier.

Les détails que nous venons de parcourir peuvent, ce me semble, se résumer par cette question : Y a-t-il parité de chances entre deux puissances belligérantes, dont l'une n'a à craindre que l'augmentation moins prompte, et dont l'autre doit redouter le renversement de la fortune publique?

Les ministres britanniques prétendent corriger cette inégalité par des alliances continentales; ils comptent sur la vraisemblance ou le succès d'une nouvelle coalition, j'en appelle à l'expérience de la dernière guerre.

Cette considération n'est pas applicable au système de l'Angleterre. Très-sûrement elle pourrait être florissante sans s'attacher à empêcher la prospérité commerciale des autres peuples. Tout annonce cependant que cette confiance manque à elle-même ou à son gouvernement. N'est-ce pas l'inquiétude contraire qui explique ce système, turbulent et oppressif que le cabinet de SaintJames a manifesté fréquemment? Possédant le commerce le plus étendu et la marine la plus nombreuse, il paraît s'être constitué dans son opinion régulateur de la marine et du commerce des autres puissances. Partout où il a vu l'une ou l'autre faire des progrès, il s'est hâté de menacer avec hauteur, où d'attaquer avec l'indifférence la plus révoltante sur le choix des textes. Il n'a pu souffrir ce développement mo colonies, et cette guerre qui n ppport du coma.

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dont il aurait pu tirer un grand parti contre les colonies de la France et de l'Espagne. C'est encore cette jalouse arrogance qui a dicté les lois sévères et humiliantes que le gouvernement britannique a imposées aux pavillons neutres. Le sentiment des droits de chaque souverain et le progrès des lumières avaient amené dans le cours de la guerre d'Amérique une convention qui assurait l'indépendance des neutres, et qui tendait à adoucir les calamités de la guerre. Ce pacte consolant pour l'humanité, par qui a-t-il été déchiré? par le gouvernement britannique, qui a forcé les puissances dont il avait été l'ouvrage, à rétracter les principes qu'elles-mêmes avaient consacrés. Serait-ce donc pour éterniser cet asservissement que des princes doués de quelque fierté pourraient s'armer à la voix de l'Angleterre?

L'Europe honore d'un respect profond le désir de paix manifesté par celui qu'elle déclare unaniment le plus habile dans la guerre. Les Français accueilleront avec des transports de reconnaissance cette preuve solennelle de préférence que celui qui les gouverne donne au bonheur de son peuple sur la gloire dans les combats. Dans cette circonstance encore, Messieurs, vous serez l'organe fidèle des sentiments de la France, comme à cette époque mémorable où votre vœu appelait au trône cet auguste monarque pour qui l'admiration de la postérité continuera les acclamations des contemporains.

M. Carrion-Nisas. Un ancien sage propose comme l'objet le plus digne de fixer sur la terre les regards du ciel, l'homme de courage luttant contre l'adversité. Il est un spectacle plus beau et plus rare, c'est l'homme héroïque triomphant de la prospérité même.

Une vaste cité était livrée à l'effervescence d'une jubilation tumultueuse : l'air retentissait d'acclamations; l'encens fumait encore dans le temple; l'huile sainte venait de couler des mains du pontife des pontifes, image visible du chef invisible de l'Eglise éternelle; les riches et les puissants, les forts et les sages, appelés de tous les points de l'Empire, avaient donné le signal des hommages et du respect aux étrangers accourus de toutes les parties du monde; l'élite d'une nation généreuse s'était inclinée devant le monarque de son choix.

Celui-ci respirait à peine du poids de ses ornements augustes, à peine il déposait le sceptre, la pourpre et le bandeau des rois, et son épée toujours victorieuse; seul inaccessible à l'ivresse universelle, les premiers instants de calme et de recueillement qui lui sont laissés, il ne les donne point à des projets d'orgueil et de conquêtes, il les consacre à des pensées de modération et de paix, et bientôt il trace ces lignes immortelles qui le recommanderont à la postérité autant que la mémoire de Lodi et de Marengo.

Le souvenir du peu de succès d'une première démarche ne retient point sa main; il immole avec joie un amour-propre excusable, mais vulgaire, à une gloire qui ne peut appartenir qu'à lui.

Poursuis, monarque magnanime, tes ennemis ne t'entendent point encore, mais la postérité jugera entre eux et toi; mais ton peuple t'entend, ton peuple dont l'obéissance éclairée fait ta force, et qui, dans ce moment, pèse avec reconnaissance chacune de ces paroles où tu fais briller l'humanité de tout l'éclat d'une raison supérieure.

Je me suis servi de ses propres expressions, et je me plais à les répéter: Appelé au trône par la Providence et par les suffrages du Sénat, du peu

ple et de l'armée, mon premier sentiment est un vœu de paix.

Voilà ce qu'il faut graver sur l'airain, pour servir, comme il l'a dit lui-même, d'exemple ou de reproche à la postérité des rois et aux générations futures.

Mais ne se mêle-t-il pas à son insu, dans ce noble mouvement de son cœur, quelque désir moins sublime de jouir sans trouble des délices du trône? Non, ce sont de plus grandes affections qui le frappent; il les explique La France et l'Angleterre usent, dit-il, leur prospérité. Voilà la connaissance de la vérité, que si souvent les princes ignorent; elles peuvent, ajoute-t-il, lutter des siècles; voilà le coupd'oeil du génie qui embrasse et mesure les ressources de son adversaire comme les siennes.

Mais, se demande-t-il, et le gouvernement anglais qui n'oserait se faire cette question; n'osant point y répondre, les gouvernements remplissentils bien le plus sacré de leur devoir? Tant de sang versé inutilement!... Ne les accusera-t-il pas dans leur propre conscience? L'EMPEREUR DES FRANÇAIS ne craint point d'interroger la sienne; il est homme quand il est monarque; car avant d'être monarque il a été grand homme.

Un prince ordinaire redouterait toute espèce d'avance avec une orgueilleuse timidité; tel n'est point son langage.

Il n'attache aucun déshonneur à faire le premier pas. Mais ce n'est point au hasard ni par aucune faiblesse que ces avances lui échappent; il sent sa force; il sait tout le prix des sacrifices qu'il s'impose.

Il a assez prouvé au monde qu'il ne craint aucune des chances de la guerre. La paix est le vœu de son cœur; mais la guerre n'a jamais été contraire à sa gloire. Oh! que ce regret, oh! que ce soupir échappé vers la gloire, peint bien l'âme et le caractère ! Mais comme le monarque triomphe du héros, comme il détourne les yeux de ces phalanges belliqueuses qui ne lui demandent que le signal, comme il étouffe ce mouvement de l'homme Je conjure Votre Majesté de ne pas se refuser à donner elle-même la paix au monde; oui, au monde; ce n'est point une exagération, c'est l'objet dans sa discussion véritable: enflammé par un si noble but, il insiste: Que Votre Majesté ne laisse pas cette douce satisfaction à ses enfants. Comme ces paroles doivent ouvrir l'âme du monarque et remuer les entrailles du père, en lui rappelant les bénédictions dont la Providence l'a comblé! comme ce langage doit le disposer à écouter la sagesse, à faire taire toutes les passions! Eh! quelles passions haineuses et cruelles ne faut-il pas nourrir, en effet, pour éloigner opiniâtrement le terme d'une guerre que le plus grand homme de guerre du siècle, chef du peuple le plus belliqueux, mais vivement animé du désir de la paix, n'aurait pas le pouvoir de terminer !

Cependant, quelles armes, quelles phalanges, ou plutôt quelles nations prétendez-vous lui opposer? Il sait ce que vous pouvez et où s'arrête votre puissance.

Espérez-vous encore soulever et ensanglanter le continent?

De quel côté s'allumera l'incendie que vous méditez ?

Je ne pourrais, sans blasphémer la sainteté des alliances loyales, prononcer seulement le nom auguste des potentats de Vienne et de Berlin, des principaux souverains de la Germanie.

Je n'arrêterai mes regards sur la Baltique que

pour y saluer la sagesse, le courage, la fidélité des braves Danois.

Comptent-ils donc sur la Russie, dont le roi et le ministre affectent de répéter le nom? Aucun souvenir ne détournera-t-il le souverain de cette vaste contrée, adossée au pôle, du projet de promener encore sur des lignes d'opérations si fongues et si pénibles des armées inutilement braves que tous les hôpitaux de l'Europe disputent aux champs de bataille?

Le jeune et vertueux Alexandre, nourri des plus saines leçons de la philosophie, n'a-t-il donc plus, sous son illimitée domination, de marais et de landes à défricher, de ports à creuser et de fleuves à rendre navigables? N'a-t-il plus de villes à bâtir, de provinces, d'Etats a peupler, de peuples entiers à former et à civiliser? N'a-t-il pas une industrie nationale à défendre du monopole britannique, une marine à protéger contre le despotisme des mers?

Quand il dépend de lui de faire le bonheur de la moitié de l'Europe, voudra-t-il troubler sans fruit l'autre moitié? Non, sans doute, et si sa jeune âme est impatiente du repos et affamée de la gloire des conquérants, est-ce vers Paris que les grandes ombres de Pierre et de Catherine lui montrent son chemin?

Evanouissez-vous et cessez de briller aux yeux de l'Angleterre comme un météore sinistre, espoir insensé de troubler le continent!

Croyons-en donc Napoléon et ses oracles: le continent restera tranquille. Mais quoi! c'est dans notre sein peut-être qu'on espère rallumer les feux de la guerre intestine, remettre en fermentation les éléments des discordes civiles.

Perturbateurs, vos souvenirs vous trompent! Où sont les ennemis intérieurs? Où sont les factieux? Où sont les mécontents?

Que voudraient-ils, que pourraient-ils vouloir? Les plaies sont trop récentes, les souvenirs trop douloureux; vous avez beau, pour quelques instants encore, décliner la reconnaissance du nouveau titre, du nouveau pouvoir que les Français ont constitué, vous n'ébranlerez pas ce grand arbre qu'ils ont planté de leurs mains victorieuses. Ce n'est qu'à son ombrage qu'ils veulent

se reposer.

N'affectez plus un langage équivoque ni des expressions qui ont l'air de s'adresser à telle ou telle faction, à telle ou telle secte; il n'y en a plus; ne vous fatiguez pas à chercher des complices au milieu de nous; il n'y a plus en France qu'un peuple et un monarque; prenez votre parti, et n'éludez pas plus longtemps cette question que vous adressent le génie, la loyauté et le courage.

Pensez-vous enfin que le monde soit assez grand pour que nos deux nations puissent y vivre ?

Vous n'avez garde de répondre franchement à cette interpellation, et vous triomphez peut-être d'avoir opposé au langage animé et pénétrant de la plus noble franchise, la contexture pénible et le triste embarras d'une aride et évasive réponse, qui certes ne soutiendra le parallèle ni aux yeux de la raison ni à ceux de la bonne foi.

Laissons donc au temps à dévoiler les obscurités officielles de cette dépêche insignifiante.

Ce qui n'est pas moins officiel, et ce qui est bien plus clair, bien plus propre à nous faire connaître la position de nos ennemis, et par conséquent la nôtre, c'est le discours du monarque anglais à l'ouverture de son parlement.

Les traits, les expressions de ce discours sont remarquables et utiles à recueillir. Il n'y est

question que de zèle, de discipline, d'efforts continuels pour la défense du pays; c'est un danger envisagé avec résolution; plus loin, une sûreté maintenue par une persévérance inébranlable et une activité sans relâche. Ce sont encore des fardeaux additionnels exigés par le service public, des exertions vigoureuses pour la sûreté future, une anxiété nécessaire pour le soutien du crédit public et pour restreindre autant que possible l'accumulation de la dette nationale.

Voilà donc la position de cet ennemi superbe, et qui reçoit si négligemment nos ouvertures de paix, qui a l'air de douter si en effet nos deux nations peuvent cohabiter le globe. Il va peutêtre assumer l'effroyable responsabilité d'une réponse négative. Etrange aveuglement! ils méditent l'embråsement du continent; que dis-je! l'asservissement du monde, et leurs propres foyers sont en péril, de leur aveu.

Tandis que, sans crainte d'être contredits, nous pouvons proclamer la France impérissable, osentils se déclarer invincibles?

Au contraire, ils s'avouent réduits à veiller avec une inquiétude et une agitation perpétuelle derrière le retranchement mobile des flots, et à ne reposer que sous la garde des tempêtes.

Comment et à quel prix cet état inouï pourrat-il durer? Ces armées resteront-elles complètes, ou ces ateliers demeureront-ils déserts? Point de milieu; car ce nombre de soldats, bien qu'il épuise toutes les ressources du territoire, et trompe toutes les espérances de l'industrie; suffit à peine pour garder tant de points contre tant et de si grands dangers point de milieu; donc il faut bientôt que cette multitude insuffisante soit tout à fait ou peuple ou soldats. Peuple, il n'y a plus de soldats; soldats, il n'y a plus de peuple!

Dans quelle position plus favorable à nos intérêts pourrions-nous placer l'obstination de notre ennemi?

Aggravons cet état, et gardons-nous de le changer.

Que, s'il le faut, tous les points, tous les ports de l'Europe obéissent à l'intérêt général de ses souverains! que l'eau et le feu soient interdits sur le continent à ces turbulents insulaires! que le vaste marché de l'Europe leur soit fermé! que, promenant d'un monde à l'autre une richesse inutile, ils restent comme exilés sur les mers, ou qu'ils ne puissent toucher la terre sans y trouver des ennemis! Telle est la loi que leur opiniâtreté prolongée imposera, plus tôt qu'ils ne le pensent, å l'Europe entière.

Je sais que l'arbitre de nos résolutions politiques répugne à ce dénouement, que la modération préside à tous ses conseils.

Je sais que les cabinets doivent cultiver avec scrupule les moindres espérances des peuples, et quelquefois taire leurs plus justes ressentiments; mais la tribune ne doit jamais trahir leur indignation ni affaiblir le langage et le sentiment de Ieur force.

Puisse le ciel écarter de l'Europe le fléau terrible de cette nécessité! Puisse-t-il dessiller les yeux de cet ennemi présomptueux et aveugle, à qui on ne demande que de reconnaître enfin qu'il peut cohabiter avec nous le globe.

Mais encore une fois, s'il le faut, nous, organes du peuple, toujours dignes de sa confiance, assurés de l'estíme de nos concitoyens, par le témoignage de leur bouche, et mieux encore par celui de notre propre cœur, c'est à nous d'élever vers le trône une voix ferme, et qui ne sera point démentie.

Lorsque le héros qui l'occupe assurait solennellement chacun de nous de sa bienveillance (paroles douces à nos cœurs), nous venions de lui promettre l'aide de toute notre influence; elle sera toujours puissante auprès de tous les bons citoyens. Elle serait inutile dans cette cause, et nous pouvons déclarer d'avance au monarque, au général, au négociateur, à celui qui est tout pour la France, et pour qui la France est tout, que de même qu'aucun sacrifice, aucun soin, aucune démarche ne lui coûte pour assurer le bonheur et la paix à la France, de même aucun effort ne coûtera à la France pour lui assurer la victoire.

Le peuple français, de tout temps renommé pour sa franchise et pour sa loyauté, se félicite surtout d'avoir élevé un prince dont les démarches sont si conformes au caractère national, dont les paroles, les pensées, les actions, toujours en harmonie, rendent un constant et glorieux témoignage à cette vertueuse maxime d'un de ses prédécesseurs, qui disait que si la bonne foi était bannie du reste de la terre, elle devrait se retrouver encore dans la bouche et dans le cœur des rois.

L'orateur appuie le projet d'adresse.

M. Curée. Messieurs, le message qui vous a été adressé dans la séance du 15 de ce mois est de nature à fixer éminemment l'attention de l'Europe, à exciter de plus en plus parmi nous l'énergie nationale, et à assurer à l'Empereur un nouveau droit à la reconnaissance des peuples.

Au milieu des acclamations qui accompagnèrent le couronnement, Sa Majesté avait pensé qu'elle ne pouvait mieux répondre aux vœux et aux espérances dont elle était l'objet, qu'en exprimant de son côté en cette occasion mémorable le vœu de la paix, et qu'en l'adressant au roi d'Angleterre lui-même.

La lettre qui constate cette honorable démarche présente, soit dans ses motifs, soit dans son expression, un caractère de grandeur vraiment an tique; elle se ressent de la sublimité des circonstances qui l'ont inspirée : elle est digne de remplir une des pages de notre histoire, laquelle recommence à l'époque où une nouvelle dynastie vient prendre place.

Le premier acte du nouveau règne sera donc glorieusement marqué par une ouverture de pacification. Ce que le général victorieux, ce que le Premier Consul avait fait autrefois, l'Empereur n'a pas craint aujourd'hui d'en renouveler l'exemple.

Quelle a été la réponse du roi d'Angleterre aux paroles de paix qui lui ont été portées? Son ministre a répondu pour lui en se renfermant dans des expressions vagues sur la paix, et dans une déclaration positive sur le dessein où il est d'en référer préalablement aux puissances continentales, faisant sonner bien haut de prétendus dangers qu'il craint pour ces puissances.

Ainsi, Messieurs, le cabinet anglais se déclare l'arbitre de l'Europe; il veille pour la sûreté et l'indépendance de tous les Etats. Mais quoi! les événements qui sont encore sous nos yeux, et que l'histoire fera retentir dans tous les siècles, ne viennent-ils pas démontrer que l'influence anglaise a été funeste à tous les gouvernements qui s'y sont laissé entraîner; qu'elle a bien pu les pousser à la guerre, mais qu'elle n'a pu les soutenir dans les revers et les malheurs de la guerre; que ce cabinet n'a jamais eu ni flotte ni armée pour secourir des alliés qu'il voyait sur le point de succomber; qu'il a pris le parti de ne plus

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