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garantie du privilége de second ordre qu'ils acquerront, et les mettront à même d'exercer un recours que l'ordre établi dans la comptabilité, et la sévérité tutélaire de la surveillance exercée par l'administration sur les caisses publiques et sur tous les agents de fisc, doivent assurer presque toujours dans son entier en prévenant l'application du privilége du trésor public.

La section des finances du Tribunat n'a pu qu'applaudir à un projet dont les principes avaient déjà reçu votre assentiment lors de la discussion de la loi du 25 nivôse dernier. Ce projet complète la législation sur les cautionnements; il a reçu l'approbation de la section qui m'a chargé de vous exprimer son vou pour qu'il reçoive votre sanction. La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 229 boules blanches contre 3 noires.

M. Béguinot, vice-président, occupant le fauteuil, donne lecture d'un message de Sa Majesté Impériale conçu en ces termes :

Au palais des Tuileries, le 3 ventôse an XIII.

Législateurs, vu le message en date du 1er du présent mois, par lequel le Corps législatif, conformément aux articles 9 et 10 de l'acte des Constitutions de l'Empire, du 28 floréal an XII, présente MM. Fontanes, Pémartin, Oudinot et Huguet, comme candidats à la présidence en l'an XIV, Nous avons nommé et nommons M. Fontanes, président du Corps législatif pour la même année. » Signé NAPOLÉON.

Par l'Empereur,

Le secrétaire d'Etat, signé : H.-B. MARET. En conséquence de ce message, M. Béguinot proclame M. Fontanes président du Corps législa tif pour l'an XIV.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 7 ventóse an XIII (mardi 26 février 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Des orateurs du Gouvernement et du Tribnnat sont introduits.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la reconstruction de la place Bonaparte, ci-devant Bellecour, à Lyon.

M. Pernon, orateur du Tribunat. Messieurs, malgré la sollicitude du chef de l'Empire, et le zèle des magistrats de Lyon à seconder ses vues régénératrices, de vastes décombres couvrent encore les quais et les places de cette ville.

C'est en vain que la loi du 7 nivôse an VII et l'arrêté du Gouvernement, du 23 germinal an X, accordèrent aux propriétaires des maisons démolies, formant autrefois la place Bellecour, une indemnité de 400 mille francs, et une exemption de l'imposition foncière pendant quinze ans.

La perte de la plus grande partie du numéraire en circulation sur cette place, l'anéantissement de plus d'un tiers de sa population, ne permirent pas à des propriétaires ruinés de trouver des capitaux que là renaissance du commerce absorbait. Ils ne purent également espérer que le prix de la location de leurs maisons fut en proportion de la dépense de leurs reconstructions, lors même qu'ils profiteraient du bénéfice de la loi.

Heureusement, le commerce qui avait fui devant les phalanges dévastatrices de l'anarchie est revenu, sous des lois tutélaires, se replacer au milieu d'une cité dont il avait fait longtemps

l'ornement et la prospérité. Avec lui ont reparu l'aisance et le bonheur. Il en est résulté une plus grande consommation, qui, en augmentant les revenus de la commune de Lyon, lui offre le double avantage de donner à la place de Bellecour, qui porte aujourd'hui le nom du héros qui gouverne la France, la majesté que lui impose son nouveau titre, et celui de faire disparaitre ces ruines, vestiges sanglants de nos erreurs, que l'œil ne saurait apercevoir sans porter à la pensée d'affreux souvenirs.

Dans cette situation, le Gouvernement, en se rendant aux désirs des habitants et du conseil général de la municipalité de Lyon, a, par le projet de loi qui vous a été présenté, prorogé à vingtcinq ans le terme de l'exemption de la contribution foncière; il a porté à 800,000 fr. à prendre, dans l'espace de dix ans, sur les octrois de cette ville, la somme de l'indennité accordée, et il lui a cédé, en dédommagement de ses avances, l'ancien arsenal situé dans les murs, pour le prix de 40,000 francs.

Je dois vous observer, Messieurs, que le premier article de la loi qui prononce une exemption de contribution, loin d'être pour l'Etat un sacrifice par une faveur qui serait sans effet sur un sol infertile, lui devient au contraire avantageux par la perception d'un droit de mutation sur des objets immobiliers qu'elle va mettre en circulation.

Par les autres articles, l'impôt qui ne doit et ne peut être créé que pour défendre, protéger et secourir tous les membres de la famille qui composent le peuple français, atteint le but que le législateur s'est proposé. L'Empereur, dans leur exécution, voit en même temps s'accomplir une partie de son vou le plus cher, celui de réparer les maux qu'un temps de vertige a disséminés sur le sol de notre patrie.

Ces motifs puissants ont engagé, Messieurs, la section de l'intérieur du Tribunat à vous proposer l'adoption du projet de loi que j'ai eu l'honneur de vous présenter.

Carret (du Rhône). Messieurs, il semblerait inutile, sans doute, de rien ajouter à ce que vient de vous exposer notre collègue M. Pernon : il a plaidé avec autant de sagesse que d'éloquence la cause d'une cité qui devient de jour en jour plus précieuse et plus chère aux Français. Le zèle de mon compatriote ne laisse au mien que le désir et l'espoir de fortifier, s'il est possible, par de nouveaux motifs encore, tout ce qu'il vient de vous dire au sujet de la loi proposée.

Peut-être d'ailleurs me peut-il être permis de me glorifier, dans cette enceinte, de mon attachement inviolable pour l'importante cité de Lyon (1).

Peut-être m'est-il permis de rappeler íci que j'ai été l'un des premiers à appeler sur elle la sollicitude paternelle du Gouvernement, et à ne plus désespérer de la voir reprendre bientôt et son lustre et son rang, dès l'instant que la France a commencé à reprendre le sien. Ce que j'avais prévu, ce qu'il était si facile de prévoir, sous un règne ami de l'ordre et de la justice, s'est déjà réalisé en partie, et avec une célérité qui pourrait paraître un prodige à ceux même que Napoléon

(1) Après le 9 thermidor, je fus nommé premier officier municipal de Lyon, appelé alors commune affranchie. Chargé, par le conseil général, de la rédaction d'une adresse à la Convention nationale, pour demander que Lyon reprit son nom, la Convention rendit un décret, le 14 nivóse an IV, qui faisait droit à toutes les demandes des Lyonnais, dont j'avais l'honneur d'être l'organe.

a dù familiariser jusqu'ici avec tous les genres d'étonnement.

Mais quelles que soient la bienveillance du réparateur et l'activité du zèle qui le seconde, il est des obstacles qui dépendent tellement des circonstances et des localités, que le premier coup d'œil n'en calcule pas aisément toute l'étendue, et qu'il faut, pour les combattre et en triompher, réitérer plus d'une fois les mêmes efforts.

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Le premier objet qui affligea les regards du héros de l'Italie, en rentrant en France, fut le spectacle des ruines de Lyon ; et dès cet instant, il fut arrêté dans sa pensée que Lyon sortirait de ses ruines. Il dit, avec l'accent de son grand caractère « Qu'elles disparaissent, ces traces hi« deuses! que ces ateliers, que tous ces édifices, « écroulés sous la bombe ou sous le marteau, « s'élèvent plus grands, plus magnifiques encore! « que l'étranger qui viendra dans ces murs «cherche en vain de l'œil ces débris! qu'il ne << trouve à leur place que l'empreinte auguste et « vénérée d'un Gouvernement paternel et répara«teur. Il dit, et les Lyonnais qui savaient, comme le reste du monde, que Bonaparte ne promet pas en vain, par un mouvement unanime et aussi prompt que le sentiment, les Lyonnais indiquèrent dès lors à la reconnaissance publique le nom qui consacrait à jamais dans l'avenir ce grand bienfait du chef de la nation; ils immortalisèrent la place de Bellecour, ils la nommèrent Bonaparte.

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La grandeur des secours n'a point été et ne pouvait être d'abord en proportion de celle des besoins. Aussi, malgré la confiance naturellement attachée au nom et aux promesses du Premier Consul, malgré le zèle des corps constitués de Lyon, et la bonne volonté de ses habitants, les ruines de Bellecour, toujours immobiles, continuent d'importuner les regards du citoyen et de l'étranger, et retracent, malgré nous, le souvenir d'un temps qu'il ne faut plus rappeler, si ce n'est pour bénir à jamais le puissant génie qui a travaillé si efficacement à nous le faire oublier.

Déjà l'industrie a reporté dans Lyon la vie et la chaleur; déjà le commerce y a rappelé cette ancienne splendeur qui attirait sur elle les yeux et l'envie du reste de l'Europe. En protégeant les arts, en ranimant cette espèce de luxe qui est la vie des grands Etats, comme il devient bientôt la mort des petits, le Gouvernement a vraiment fait sortir Lyon de ses ruines; car c'est là surtout ce que ses ennemis avait voulu détruire; et comme la puissance du mal est beaucoup plus active, beaucoup plus efficace que celle du bien, un très-petit nombre d'années avaient suffi pour paralyser l'industrie lyonnaise, pour renverser l'imposant édifice de son commerce, et pour tarir d'un bout du monde à l'autre les sources que ses relations alimentaient, et qui venaient à leur tour seconder ce même commerce.

Mais ici, et pour la première fois peut-être, depuis que les génies du bien et du nial se disputent le monde, la pensée qui reconstruit a été aussi vite que la main qui renversait; et c'est peut-être le plus bel éloge que l'on puisse faire du Gouvernement actuel.

Il y a plus affligé quelquefois des obstacles qui arrêtaient sa marche réparatrice, Napoléon s'est indigné que la France souffrit encore, quand il n'a consenti à régner sur elle que pour la rendre et la voir heureuse. Que celui qui peut tout est heureux, Messieurs, quani i fui suffit de vouloir le bien l'opérer Ael bonheur

pour un em

instant dans son chef cette volonté toute puissante, lorsqu'il en recueille à chaque pas les heureux effets.

La loi qui vous est présentée maintenant nous en offre une preuve bien touchante; mais qu'estil besoin, après ce que vous ont dit l'orateur du Gouvernement et celui du Tribunat, et surtout ce que vous sentez si bien vous-mêmes, législateurs, de vous en développer plus longuement l'importance et l'équité ? C'est, vous le savez comme moi, le caractère distinctif de tout ce qui émane de Napoléon. Son génie et son cœur se retrouvent partout; mais je n'ai pu ni voulu laisser passer cette occasion de témoigner de nouveau ma reconnaissance au chef de l'Etat, pour ce qu'il daigne faire encore en faveur d'une ville dont mon premier titre d'honneur est d'être citoyen.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin. Le nombre des votants est de 217, dont 214 ont voté l'adoption, et 3 le rejet.

Le président proclame ce résultat.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. BÉGUINOT, VICE-PRÉSIDENT. Séance du 8 ventóse an XIII ( mercredi 27 février 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. Savary présente, au nom de M. Bernard, un ouvrage qui a pour titre : Cours de morale à l'usage des jeunes demoiselles.

L'auteur de cet ouvrage, M. Amalric, secrétaire de la Légion d'honneur, ne l'avait pas jugé assez important, dit M. Savary, pour être offert au Corps législatif. L'éditeur ne s'est pas soumis à ce jugement; il a pensé qu'un ouvrage dont le but est de former le cœur et d'éclairer la raison des jeunes personnes, la plus belle espérance de leurs familles, et destinées à faire le bonheur de celles dans lesquelles elles doivent entrer, serait sans doute accueilli par vous avec quelque intérêt.

Cet ouvrage a le double mérite d'amuser et d'instruire. L'auteur a réuni à des leçons utiles des exemples touchants, des anecdoctes intéressantes, et les grâces du style font disparaître le sérieux du sujet. Je propose en conséquence qu'il soit fait mention de cet hommage au procès-verbal, et que l'ouvrage soit déposé à la bibliothèque du Corps législatif.

L'Assemblée adopte la proposition de M. Sa

vary.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi présenté le 30 pluviose, et relatif à l'établissement d'un tribunal de commerce à Aix-laChapelle.

M. Favard, rapporteur de la section de législation du Tribunat. Messieurs, la section de législation du Tribunat a émis son vœu pour l'établissement d'un tribunal de commerce dans la ville d'Aix-la-Chapelle, département de la Roër: elle a chargé mon collègue Joubert et moi de vous exprimer les motifs qui l'ont déterminée à adopter le projet de loi soumis à votre délibération.

Depuis 1789, les différentes assemblées se sont successivement occupées de l'organisation des tribux de commerce; mais il ne leur a pas été ible de fixer par une loi générale des base certaines pour le nombre de ces tribuenti qu'il fallait attendre pour en chaque créer deux, que les citoyens, avertis par

naux.

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leurs besoins, réclamassent la sollicitude du Gouvernement et la décision du Corps législatif.

C'est ce qui s'est constamment pratiqué depuis le 18 brumaire. Vous avez successivement décrété l'établissement de plusieurs tribunaux de commerce quand l'utilité en a été démontrée.

La ville d'Aix-la-Chapelle en demande un vous connaissez déjà les motifs qu'elle fait valoir, et nous sommes convaincus qu'ils sont déterminants en sa faveur.

Le plus puissant de tous, selon nous, c'est la grande quantité d'affaires commerciales; et on ne peut douter qu'elles ne soient très-nombreuses, si l'on considère que dans l'arrondissement dont cette ville est le chef-lieu, il y a plus de 6,000 individus payant patente, et par conséquent soumis, pour les affaires de leur commerce ou profession, à la juridiction consulaire; si l'on considère qu'Aix-la-Chapelle et le bourg de Borcette qui y touche, emploient dix mille bras à la fabrication et à la préparation des draps; si l'on considère encore que cette ville contient plus de douze fabriques d'aiguilles, de manufactures d'épingles et de dés à coudre; si l'on considère enfin que dans son arrondissement il existe plusieurs autres fabriques en tous genres, et qu'on y exploite beaucoup de mines quí donnent une grande activité à son commerce.

Je ne rappellerai pas les principes invoqués par l'orateur du Gouvernement, pour appuyer l'établissement de ce tribunal de commerce; mais qu'il me soit permis de vous présenter des considérations d'un autre genre, et qui ne me paraissent pas moins intéressantes.

La multiplicité des affaires commerciales doit être considérable dans un pays où il y a tant de manufactures, de fabriques, d'exploitations, d'usines; et ces affaires, pour la plupart d'un intérêt modique, exigent, plus que les grandes opérations, le voisinage d'un tribunal de commerce. C'est surtout l'ouvrier qui doit trouver une justice prompte. Comment l'aura-t-il, cette justice, s'il est obligé de l'aller chercher à Cologne, seul tribunal de commerce, éloigné de 70 à 90 kilomètres ? Il ne peut le faire sans dépenser beaucoup relativement à ses facultés. Et s'il faut qu'il soit rebuté, et par la perte du temps et par la dépense, il n'y a pas de justice pour lui.

C'est sans doute cette considération qui a fait dire à l'orateur du Gouvernement que la multiplicité des tribunaux de commerce est à la fois un secours pour le commerce et un signe de sa prospérité; et nous avons pensé, comme lui, que ces établissements ne sont pas réclamés, quand l'intérêt du commerce n'en fait pas sentir le besoin.

Enfin, Messieurs, ce besoin a été reconnu par Sa Majesté, qui, dans le voyage qu'elle a fait dans ces contrées, a tout vu avec cette justesse et cette précision qui distinguent le grand homme d'Etat. 11 est beau pour vous de pouvoir concourir au bonheur qu'il aime à répandre sur toutes les parties de son Empire. C'est la plus douce des jouissances; et vos cœurs sont dignes de l'apprécier.

Tels sont, Messieurs, les motifs qui limitent en faveur du projet pour lequel on réclame votre sanction.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 228 boules blan ches contre 1 noire.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 9 ventóse an XIII(jeudi 28 février 1805). Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la plantation des grandes routes et des chemins vicinaux.

M. le Président, J'invite un de messieurs les orateurs du Tribunat à monter à la tribune. Challan. Messieurs, lors de la session de l'an X, le Gouvernement appela votre attention sur la police des routes; aujourd'hui, Sa Majesté l'Empereur propose au Corps législatif de substituer à l'ordonnance de 1669, et à l'arrêt de 1720, des dispositions plus en rapport avec le respect des propriétés que notre législation a consacré, et telles que la plantation des grandes routes ne retranchera plus rien de la propriété riveraine, que l'arbre qui doit servir d'abri au voyageur fatigué ne dévorera plus le sol engraissé par le cultivateur; il sera planté sur le domaine public, en observant les distances prescrites par le Code civil; à cet effet, la largeur des routes sera réduite autant qu'il sera possible.

L'ordonnance de Blois avait conçu le projet de cette réduction; l'article 156 l'ordonnait, et de plus, qu'ils seraient bordés d'arbres selon la nature et commodité du pays, au profit de celui auquel la terre prochaine appartenait. Cette règle, dont l'Empereur a senti les avantages, en parcourant les diverses parties de l'Empire, parce que rien de ce qui est bon et juste ne lui échappe, est loin du système oppresseur, d'après lequel le propriétaire riveraín était tenu de planter sur son propre terrain, ou de souffrir que la plantation fut faite, soit par le seigneur voyer, qui alors était maître de l'arbre et en récoltait les fruits, soit par le Gouvernement, qui concédait souvent ce droit à des compagnies, lesquelles acquéraient aussi la propriété des arbres plantés sur le champ d'autrui. Cette violation du droit de propriété n'avait point échappé; on essaya de la rendre moins odieuse en abandonnant la jouissance des fruits, des émondes et du corps de l'arbre, à la charge du remplacement par le propriétaire, et même d'un remboursement dans certains cas. Mais bientôt une partie des nombreuses avenues qui couronnèrent les routes disparurent. L'obligation d'obtenir l'agrément des corps administratifs était alors illusoire, parce que ces corps n'osaient pas toujours s'opposer aux entreprises, et que leurs décisions étaient rarement respectées. Dans cet état de choses, les riverains trouvèrent facilement le moyen de faire périr des arbres dont ils convoitèrent les routes.

Le projet de loi qui vous est présenté ne prononce rien sur les routes déjà plantées, mais il conduit à une législation générale; en proposant un essai sur celles qui ne le sont point, il fait un grand pas vers la restauration des autres, et c'est ensuite qu'on verra dans quelle largeur il conviendra de les maintenir. Sans doute les approches de la capitale conserveront ce noble aspect qui convient à la première cité d'un grand empire, et celles des grandes villes auront toute l'étendue qu'exige la circulation; sans doute dans les lieux couverts, les bois et les buissons continueront d'être essartés à des distances convenables. pour qu'ils ne puissent servir de retraite prochaine au brigand. Mais partout ailleurs l'extrême largeur n'ajoutant rien à l'utilité, il n'y a aucun inconvénient à prendre sur cet excès l'espace nécessaire pour la plantation, afin de

laisser à l'agriculture la disposition entière de son champ.

On a souvent répété que les plantations entretenaient l'humidité du chemin, et par cette cause quelques coutumes les ont défendues; mais à l'époque où l'on a recueilli ces règles dictées par des usages souvent peu éclairés, le sol de la France était bien plus couvert, on considérait tout ce qui était plantation comme bois; et les plaintes que l'on portait dans ces temps, contre cette multiplication d'arbres sans symétrie, ne peuvent être fondées à l'égard d'avenues espacées Convenablement, élaguées avec soin et à travers desquelles le soleil et l'air ont un libre cours.

La plantation des grandes routes, ainsi dirigée, est donc sans inconvénient; elle offre au contraire d'utiles résultats, en multipliant les bois de chauffage et de construction; leur direction guide la marche du voyageur pendant la nuit, et lors des inondations ou la chute de neiges.

Si donc il y a de l'avantage à planter les routes, il faut prendre les moyens les plus prompts d'y parvenir, et les plus propres à assurer la conservation des arbres.

On ne peut accélérer le travail; qu'en opérant simultanément sur beauccup de points; à cet effet, le concours des propriétaires riverains devient nécessaire.

C'est donc à eux que l'article premier confie le soin de planter; en les chargeant, elle ne leur impose pas une obligation au-dessus de leurs moyens; ce serait pousser trop loin la rigueur des principes, que d'en conclure qu'elle est contraire à la juste répartition des charges publiques. Il en est d'inhérentes à la position; telles sont les servitudes naturelles, telles sont celles qui résultent d'un ruisseau qu'il faut curer, d'un grand fleuve le long duquel il faut passer, des alignements qu'il faut suivre pour la facilité du passage, de la décoration uniforme à laquelle il faut s'astreindre pour l'ornement des villes; mais le cours des eaux fertilise le champ, la proximité de la route facilite l'exploitation et donne un grand prix aux denrées: ce n'est donc pas agir contre l'esprit de justice distributive, que de solliciter de celui qui en profite quelques sacrifices; celui de la plantation, d'ailleurs, ne peut être fort onéreux, d'abord parce que le plus souvent les propriétés sont aboutissantes sur la route; qu'ainsi le fardeau est très-subdivisé, et qu'en supposant même que celles de quelques particuliers fussent prolongées parallélement, le nombre des arbres à planter ne pourrait jamais être fort considérable, puisque la distance à observer entre eux est de dix mètres, et que certainement le particulier plantera à meilleur marché que le Gouvernement, obligé d'employer des entrepreneurs; le choix de l'arbre, enfin, étant laissé au propriétaire, il pourra trouver sur son propre fonds ceux qui seront nécessaires, ou au moins prendre ceux qui seront les plus favorables à ses intérêts.

Peut-être, Messieurs, ai-je eu tort de répondre de suite à une partie des objections faites contre l'article premier avant que d'avoir fait connaître les articles 2 et 3, puisque ces articles modifient les obligations du riverain, ajoutent même à ses bénéfices sans rien enlever de son domaine.

L'article 2 prononce textuellement que les plantations seront faites dans l'intérieur de la route et sur le terrain appartenant à l'Etat; il en serta de même du contre-fossé qui sera fait et entretenu par l'administration des ponts et chaussées. L'arrêt de 1720 n'avait mis à la charge de cette administration que la première confection, les riverains

étant tenus de l'entretien même, de jeter sur leurs héritages ce qui provenait du curage rendu quelquefois avantageux, mais souvent dommageable dans les lieux abondants en gravier et en ravines;cependant ce contre-fossé est moins destiné à la conservation des arbres qu'à écouler les eaux de la route, à procurer un moyen de la rechausser et à en fixer les limites; il était donc juste de le comprendre dans les dépenses générales. Ainsi la dépense du propriétaire se réduit à celle de l'arbre et de sa plantation. L'article 3 en faveur de cette avance accorde la propriété des arbres et de leurs produits.

Get abandon trouve cependant des contradicteurs. Pourquoi, dit-on, forcer quelqu'un d'accepter un bienfait dont il ne se soucie peut-être pas de jouir? Ce raisonnement est plus spécieux que solide; car le riverain qui ne peut empêcher la plantation, puisqu'elle ne se fait pas sur son terrain,a le plus grand intérêt à ce que la jouissance ne soit pas abandonnée à un étranger qui aurait un prétexte pour s'approcher de ses récoltes, et qui n'aurait pas comme lui le soin de choisir l'arbre le moins préjudiciable, d'entretenir la tige assez élevée pour ne pas nuire au passage, et de diriger ses rameaux pour éviter l'ombre. Cette considération sera sans doute de quelque poids lorsque, par un règlement d'administration publique, on fera l'application des principes de la loi, et déterminera l'abandon en faveur du riverain, non de la propriété du sol compris entre le contrefossé et son champ, mais la faculté d'en jouir, lorsqu'il ne servirà pas de dépôt aux matériaux de la route, afin qu'il puisse cultiver l'arbre et éviter sa destruction par une main étrangère ou la dent des bestiaux. Cette mesure est d'autant plus juste, que le propriétaire riverain en est responsable envers l'administration, et qu'il doit obtenir sa permission pour le couper, l'abattre ou l'arracher, et que toujours il doit le remplacer.

Il est vrai que cette responsabilité a excité quelques ré clamations; mais si vous daignez, Messieurs, considérer que cet arbre est planté sur le domaine public, qu'ainsi on a bien pu opposer une condition à la jouissance, et vous rappeler l'effet que produisit la disposition à peu près pareille de la loi du 8 septembre 1793, elles ne seront d'aucun poids auprès de vous; le droit d'user et d'abuser produirait l'effet de la cognée du sauvage, qui renverse l'arbre pour satisfaire la jouissance du moment. Sans la précaution voulue par le projet, qui pourrait empêcher que plusieurs ne préférassent de renouveler l'arbre dont ils convoiteraient l'exploitation, au lieu d'attendre une parfaite croissance? En applaudissant à l'établissement d'une surveillance conservatrice, je fais cependant des voeux pour que les agents de l'administration n'abusent pas de sa confiance; car le plus souvent c'est du zèle mal entendu des subalternes que vient le mal.

En vous exprimant cette inquiétude, que la sagesse du Gouvernement diminue chaque jour, je dois aussi, Messieurs, vous faire remarquer qu'il était difficile de donner à l'exécution d'une loi moins de sévérité. Aucune peine n'est prononcée contre ceux qui n'auront point usé de la faculté qui leur est accordée, ils s'exposent à un simple remboursement des frais de plantation; et cependant l'Etat a déjà fait la dépense du contrefossé, il a garanti le travail du propriétaire, de la main mise du voyageur; il a montré d'avance la protection de la loi.

Il en est donc juste d'unir l'intérêt du proprié

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taire à celui de l'ordre public; et le moyen que le projet emploie pour y parvenir est aussi simple que modéré, et le propriétaire peut toujours s'en garantir, en plantant lui-même : n'avons donc que des actions de grâces à rendre è l'esprit de bonté qui a voulu qu'on s'écartât du despotisme de l'arrêt de 1720, et qui a été convaincu qu'un embellissement, qu'un objet d'utilité future même, n'étaient pas des motifs suffisants pour employer une grande coercition, et encore moins anticiper sur la propriété.

Je ne vous parlerai pas du délai accordé pour accomplir le vœu de la loi: il est fixé à deux années, à compter de l'époque à laquelle l'administration aura désigné les routes à planter; cette latitude est telle qu'elle ne peut être l'objet d'aucune réflexion.

Je passe à l'article 5. Il est relatif aux routes dont la largeur ne permettra pas de planter sur le terrain appartenant à l'Etat. Il se borne à exiger du propriétaire riverain de prendre alignement lorsqu'il voudra planter sur son propre terrain, à moins qu'il n'éloigne sa plantation de six mètres de la route; cette précaution était indispensable; car si on eùt abandonné ces routes déjà étroites au caprice des particuliers, on aurait pu les intercepter en poussant la plantation jusque sur la ligne de séparation fallait préserver la route de l'humidité qu'aurait entretenue une suite d'arbres trop serrés, il fallait faire en sorte qu'ils ne pussent couvrir la marche de l'assassin, procurer au voyageur le moyen de se mettre en garde contre celui qui traverserait le guéret pour venir à lui. Le propriétaire n'a point encore à se plaindre de cette disposition, parce qu'il a la faculté de planter en prenant alignement, ou de s'en abstenir.

L'ensemble de l'article, au surplus, est un hommage rendu au droit de propriété, puisque l'on a plutôt renoncé à planter ces routes que de le faire sur le terrain d'autrui, et que lorsque le propriétaire s'y détermine, il n'a besoin d'aucune permission pour la coupe de ses arbres.

Outre les routes qui sont anciennement plantées, ou qui sont susceptibles de l'être sur le terrain appartenant à l'Etat, ou enfin qui peuvent l'être par la volonté des propriétaires, il est d'autres chemins qui ont excité la sollicitude du Gouvernement ce sont ceux connus sous le nom de chemins vicinaux.

Jusqu'à ce jour leur administration n'a été fondée sur aucun système régulier; elle dépend de diverses coutumes, d'usages purement locaux, et presque partout ils sont dans le plus mauvais état; cependant c'est par ces chemins si négligés que passent les premiers transports de tous les comestibles, de toutes les choses de première nécessité.

La confection de ces chemins, leur conservation, n'est peut-être pas aussi facile qu'on le croirait d'abord, à cause de leur grand nombre, du genre de leur construction, à cause des énormes fardeaux qu'on leur fait porter presque en toutes saisons car leur poids n'est point calculé en raison du chemin de traverse, mais du roulage de la grande route que l'on va joindre avec des chevaux de supplément.

Ce sont ces difficultés qui ont forcé de généraliser les expressions de l'article 6; c'est ainsi qu'une sage administration prépare des améliorations, et l'on doit espérer beaucoup du travail préparatoire que cet article prescrit; il sera long, il est vrai, mais la prudence commandait cette lenteur salutaire pour ne point ordonner incon

sidérément des réparations ou des élargissements qui n'auraient point été indispensables; il n'en est pas des chemins vicinaux comme des grandes routes le commerce doit trouver dans celles-ci la facilité d'une grande circulation, mais dans les autres le besoin d'un petit nombre les détermine, et c'est à ce besoin seulement qu'il faut les approprier d'après la diversité des positions des sols et des usages.

Ce que nous venons de dire pour leur confection s'applique aussi à leur plantation; dans beaucoup d'endroits il est bon de les planter, dans d'autres il faut s'en abstenir, lorsque les chemins sont très-excavés; l'arbre qui les couvre ajoute au mauvais chemin; lorsque le charroi des moissons se fait avec des voitures, leur tige doit être plus élevée; lorsque la culture principale est en vigne, ils faut éviter qu'ils n'ombragent le côté du midi le projet de loi n'a donc pu être obligatoire, il a dù laisser à chaque propriétaire la faculté de planter ou de ne pas planter, mais il a dû s'opposer à ce que l'on anticipât sur la voie publique; c'est aux préfets, aux administrations locales, qu'il convient d'encourager, d'exciter. Les dispositions de la loi sont conçues de manière à produire un grand bien dans beaucoup d'endroits et à ne nuire dans aucun. Sur les chemins vicinaux, sur les routes étroites, c'est l'intérêt particulier qui se détermine; sur les autres routes on ne plante que là où cela est possible; sur le terrain appartenant à l'Etat, rien d'arbitraire, rien d'absolu; tout est subordonné à la nature du sol et du climat, à la conservation ou à la sûreté des routes. La poursuite des contraventions même est dépouillée de l'appareil judiciaire, c'est le conseil de préfecture qui prononcera par voie administrative.

Déjà la loi du 29 floréal an X avait investi ces conseils de la police de grande voirie et de conservation, celle des arbres des routes en fait partie; ainsi l'article 8 n'est pas une disposition nouvelle, il rappelle seulement cette attribution; et les motifs qui vous déterminèrent à l'adopter, lors de l'émission de cette loi, s'appliquent à cet article qui n'en est que la conséquence.

J'ai parcouru, Messieurs, les diverses dispositions du projet de loi; je ne vous ai pas dissimulé les objections qui ont été faites, je crois avoir présenté les avantages qui peuvent résulter de son exécution; vos lumières suppléeront aisément à ce qui aurait pu m'échapper. La section de l'intérieur du Tribunat en a voté l'adoption, et nous a chargés de vous présenter son vœu.

Aucun autre orateur ne demandant la parole, la discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin. Le nombre des votants est de 221, dont 196 votent l'adoption et 25 le rejet.

MM. Regnauld (de Saint-Jean-d’Angély) et Ségur, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de loi relatif à un échange entre la liste civile et les sieurs Letourneur et Geoffroy. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, au milieu des bois qui dépendent du domaine impérial et de la liste civile, existent deux fermes considérables dans les forêts de Marly et de Saint-Germain.

A l'époque où les ventes de biens nationaux ont été effectuées sans distinction, sans aucune considération de convenances, sans aucune des exceptions que l'intérêt national eût motivées,

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