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En exécution de l'article 68 du sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII;

Procède à la nomination d'un membre de la commission sénatoriale de la liberté individuelle, en remplacement du sénateur Sers, qui a terminé l'exercice de ses fonctions.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sénateur Cacault. Il est proclamé par M. le président membre de la commission sénatoriale de la liberté individuelle.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à Sa Majesté l'EMPEREUR pour lui donner connaissance de cette nomination.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII;

En exécution de l'article 58 du sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII;

Procède à la nomination d'un membre de la commission sénatoriale de la liberté de la presse, en remplacement du sénateur Roederer, qui a terminé l'exercice de ses fonctions.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages au sénateur Depère. Il est proclamé par M. le président, membre de la commission sénatoriale de la liberté de la presse.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à Sa Majesté l'EMPEREUR, pour lui donner connaissance de cette nomination.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des Constitutions du 22 frimaire an VIII;

En exécution de l'article 5 du sénatus-consulte du 30 pluviôse dernier, relatif à l'aliénation et au remplacement des domaines affectés à la dotation du Sénat et à celle des sénatoreries;

Procède à la nomination de deux membres qui, avec le président et les secrétaires du Sénat, doivent composer le conseil particulier établi par ledit article.

Le dépouillement du scrutin donne la majorité absolue des suffrages aux sénateurs Abrial et Vimar; ils sont proclamés par M. le président membres du conseil particulier du Sénat.

Le Sénat arrête qu'il sera fait un message à Sa Majesté l'Empereur, pour lui donner connaissance de cette nomination.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. LOMBARD-TARADEAU, VICE-PRÉSI-
DENT.

Séance du 14 ventôse an XIII (mardi 5 mars 1805).
Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.
M. Metzger. Messieurs, j'ai l'honneur de vous
présenter un nouvel hommage de la part de
MM. Levrault et Schoelle, libraires et hommes de
lettres distingués, établis en cette ville.

Ce sont les mémoires d'un témoin de la Révolution, ou journal des faits qui se sont passés sous ses yeux et qui ont préparé la Constitution française; ouvrage posthume de M. Bailly, premier président et premier maire de Paris.

L'exemplaire que je dépose sur le bureau a pris le titre d'Avant-moniteur : les éditeurs lui ont donné le format de ce journal, auquel il peut servir pour compléter les fastes de notre Révolution. Ils ont rempli l'intervalle entre le 2 octobre 89, où finit le journal de Bailly, au 24 novembre suivant, où commence le Moniteur, sur des notes rédigées, jour par jour, par un membre de l'Assemblée constituante.

Le nom de Bailly a dù faire revivre des souvenirs douloureux, la haine des jugements dictés

697 par l'esprit de parti. Marmontel l'avait ajourné lorsqu'il traçait pour la postérité le portrait de ce sage, victime de l'intrigue et des fureurs stipendiées. Voici ce passage si remarquable :

« Il possède une fermeté douce, un caractère « modeste, une raison conciliante, une égalité « d'âme inébranlable, un esprit calme et toujours « présent, un sentiment pur et précis des conve«nances dans les cas les plus difficiles et dans « les circonstances les plus inattendues; en un <«<mot, cette dignité de caractère, de langage et d'action, qui, dans la conduite d'un homme « sage, réunit toutes les bienséances, et concilie « tous les devoirs. »>

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En lisant le journal, on est forcé d'admirer la vérité du peintre; partout on retrouve la modestie, la dignité de caractère, de langage et d'action; partout l'homme qui croit faire le bien, et qui, comme il le dit, doit lui donner l'espèce d'immortalité la plus désirable, celle d'avoir rendu des services à sa patrie.

Tout respire le sentiment de la vertu,de la bonté. L'on a douté de l'authenticité de ce journal si précieux pour les hommes qui veulent s'instruire, devenir meilleurs, et éviter les écueils si dangereux et si cachés. Il était à souhaiter que l'on pût s'assurer que Bailly a rédigé ces notes, ces maximes, ces observations. Sa veuve a fixé ce nouveau fleuron sur l'urne cinéraire de son mari; elle a remis à MM. Levrault et Schoelle le manuscrit, écrit par lui-même, et les éditeurs m'ont chargé d'en faire également hommage au Corps législatif, pour être déposé à sa bibliothèque. Il y restera comme un des monuments des plus intéressants de notre histoire; et nos collègues ne le verront, ne le toucheront jamais sans être saisis de respect pour la vertu et la sagesse d'un homme qui a sincèrement voulu le bien de sa patrie; ils méditeront avec fruit la marche de la Révolution, et ils seront frappés de la vérité et de la justice avec laquelle il défend le philosophe. « Il aime, dit-il, la vérité, il connaît là dignité de l'homme; mais il demande surtout que la paix « règne autour de lui; il veut que la lumière se répande, que. l'humanité recouvre ses droits, « mais par degré et sans efforts; il craint les se« cousses et les révolutions violentes.

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« La raison est simple: il calcule ce qu'on « achète avec le prix qu'il faut y mettre les ef« forts ne font que devancer le temps quand les « choses sont mûres, la nécessité les amène iné« vitablement.

« Le philosophe croit qu'il y a un moins préféarable au plus, payé par les maux publics et par « le sang de nos frères. Si les esprits exaltés, qui « se croient les fils uniques de la liberté, regardent « comme bâtards ceux qui font ces calculs, il faut « pourtant convenir qu'ils sont assez raisonna«bles, et je pense encore qu'un peu plus de cet «< esprit philosophique n'aurait pas nui à l'As« semblée constituante.

« Voilà quels ont été mes principes; ma con<< duite a été celle de mes devoirs; je ne me sou« viens plus de ma raison, quand la raison gé«nérale s'est expliquée.

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Soyons justes comme lui en jugeant des collègues il n'y a de base sûre et de mesure juste, dit-il, « que la probité et l'amour de la Patrie.

« Les désordres et l'anarchie, voilà nos enne« mis. »

Ecoutez ce législateur: combien il reconnaît la nécessité de l'autorité, quand il s'exprime par cette phrase:

« Quelle magistrature que celle qui n'a pas « l'autorité d'empêcher le crime commis sous ses « yeux! »

Avec quelle candeur ne convient-il pas des fautes et des vices qui avaient gouverné l'Assemblée dès son origine? C'est par la méditation de pareils ouvrages que l'homme public s'instruit et devient meilleur. Chacun de nous doit à soi, à ses enfants, un compte de ses actions. Quel bonheur, si, rentré chez lui, il peut, couvert d'estime et entouré de respect, parler de la Révolution, des dangers pour ceux qui la font et pour ceux qui la supportent; s'il peut convaincre que le sage est presque toujours le jouet de l'intrigue, et, sans s'en douter, l'instrument de la passion! il citera Bailly et sa fin, aggravée par les rafinements les plus atroces. Il parlerà de ses propres sollicitudes, des braves qui n'ont jamais varié dans leur soumission aux lois; des dangers que la patrie courait lorsqu'on voulait la déclarer en danger. Nous n'oublierons pas que Paris devait sa tranquillité, la France son repos, des représentants leur vie, au dévouement d'un général qui, fidèle à son gouvernement, maintint le calme et dispersa les factieux qui entouraient notre palais.

Nous retracerons à nos neveux la situation de la France prête à être replongée dans le deuil par des mesures extravagantes, si le génie tutélaire de la France n'avait pas cherché en Egypte le fils de la victoire.

Nous leur dirons que nous l'avons vu arriver au milieu de nous, imposer aux passions un éternel silence et diriger pour la patrie les armes prêtes à l'égorger nous leur dirons que nous avons été témoins des maux qui devaient rayer la France de la liste des empires; que nous avons été témoins des prodiges que son sauveur a ordonnés; que nous avons vu les ennemis battus, les troubles apaisés, l'ordre rétabli, les arts refleurir, les sciences recultivées et les derniers éléments de la révolution pour toujours anéantis par le serment que notre nouveau souverain a spontanément prêté; il a rempli les vœux que les sages ont pu former; il a fixé pour toujours le bonheur et la prospérité dans l'Empire français.

En déposant sur le bureau le manuscrit de M. Bailly, ainsi que l'Avant-Moniteur, j'en demande le dépôt dans notre bibliothèque et la mention au procès-verbal.

Ces propositions sont adoptées.

M. Rieussee. Messieurs, M. Mermet, professeur de belles-lettres latines et françaises au lycée de Moulins, membre de plusieurs académies, fait hommage au Corps législatif d'un ouvrage intitulé: L'Art du raisonnement présenté sous une nouvelle face, ouvrage analytique où, d'après des exemples particuliers, on s'élève à une théorie générale des opérations de l'esprit.

Déjà M. Mermet était connu par plusieurs ouvrages qui avaient eu du succès.

Déjà l'académie de Montauban lui avait décerné le prix de l'Eloge de La Valette, grand maître de l'ordre de Malte; et l'humanité avait applaudi à son discours sur la manière de prévenir les délits dans la société.

Dans l'ouvrage que je vous présente, M. Mermet pose, avec clarté et précision, les principes de l'art de raisonner.

Il commence par les mettre en pratique dans deux dialogues où des points importants de morale publique sont discutés avec une méthode dont l'exactitude ajoute à la pureté et à la clarté du style un mérite de plus.

Il expose ensuite ses principes, et il finit par

prouver le danger des mauvais raisonnements, et la nécessité d'appliquer la logique des vraisemblances au courant des choses humaines, dans lesquelles, ne pouvant pas toujours trouver la certitude, on est obligé de se régler sur des indices.

Dans cet ouvrage, M. Mermet se montre toujours plus digne des places qui lui ont été confiées par un gouvernement dont les choix sont la preuve et la récompense du mérite.

Je prie le Corps législatif d'agréer cet hommage, d'arrêter qu'il en sera fait mention dans le procèsverbal, et d'ordonner que l'ouvrage offert sera déposé dans sa bibliothèque.

Cette proposition est adoptée.

Des orateurs du Gouvernement et du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole appartient aux orateurs du Tribunat.

M. Carrion-Nisas fait un rapport sur le projet de loi relatif à des acquisitions, aliénations et échanges, présenté le 9 ventôse.

Messieurs, le projet de loi relatif à des échanges, concessions, alienations, etc., etc., dont je viens vous entretenir, présenté un mouvement d'environ 2 millions de capitaux,

Par le premier titre de ce projet, 79 communes, hospices ou autres établissements publics, sollicitent l'autorisation d'aliéner des bâtiments, des usines, des terrains cultes ou incultes, tous objets qui leur sont à charge ou inutiles, et pour fesquels il y a demande et concours de la part des citoyens.

Ainsi, 79 communes attestent que, dans leur territoire, le moindre objet de produit, de spéculation, de commodité même, trouve un exploitant, trouve un acquéreur.

Entre ces opérations les plus considérables sont celles de l'hospice de Trèves, qui éteint, avec des valeurs peu avantageuses, les dettes dont il est grevé;

De l'hospice de Mons qui, avec le produit de petites maisons de nul service pour lui, répare un local commode que le Gouvernement lui a concédé; le résidu est placé sur le Mont-de-Piété de cette ville; les hospices de Metz et de Lille font de semblables placements qui réunissent tous les genres d'avantages pour les localités.

La commune d'Autun, avec des masses de bâtiments gothiques et sans usage, répare son ancien collège et y établit une école secondaire.

Celle de Saint-Quentin affecte à la construction d'un port de commerce le produit de l'aliénation de fossés et glacis, devenus heureusement superflus depuis que Saint-Quentin est au milieu de la France.

Strasbourg, au moyen d'aliénations à peu près du même genre, s'embellit d'une halle aux blés, d'une orangerie et d'une salle de spectacle.

Enfin l'hospice d'Honfleur tire parti,par l'aliénation de masures inhabitables, hypothèque des rentes à son profit sur la vente de ces ruines, se crée ainsi des ressources, et change ses pierres en pain.

Dans le second titre de la loi, 21 communes ou hospices demandent l'autorisation d'acquérir ; ainsi vingt et un établissements publics vont se réparer, s'agrandir ou s'embellir sans recourir au zèle des citoyens ni aux secours du Gouvernement. Par ces moyens,

Valenciennes étend l'espace de ses marchés ;
Verceil, l'enceinte de ses hospices;

Joinville agrandit aussi le sien; mais à ses ressources se joint le don d'un modeste et pieux ci

toyen qui se cache sous le voile de l'anonyme : Hommage et imitation au bienfaiteur inconnu! Marseille achète un bel édifice pour servir d'hôtel à la préfecture, et le paie avec les revenus de la ville, améliorés par l'excellente administration de ses préfets.

Enfin Arras élève une salle de spectacle, Arras! quel souvenir, et à quelle distance! et selon la vive expression du prince de nos orateurs (1), quel état, et quel état !

Parle troisième titre,trente et une communes font des concessions à rente; même indice que pour les aliénations de l'essor de l'industrie et du mouvement des capitaux.

Vingt-trois échanges sont consentis dans le quatrième titre; c'est-à-dire que 46 propriétés publiques ou privées reçoivent une amélioration constatée et désirée.

Par le titre cinquième, sept communes ou arrondissements demandent à s'imposer extraordinairement, afin de pourvoir à des établissements utiles, nécessaires même : leur vœu est l'expression du désir ou de l'adhésion de la masse des citoyens, et aucun particulier ne réclame contre ce vœu public.

Dix-sept objets sont classés au sixième titre comme mixtes, et participent en effet, de l'alićnation, de l'acquisition, de l'échange, de l'imposition partielle, de l'emprunt volontaire, et enfin de toutes les voies dont usent les particuliers pour l'amélioration de leur fortune et de leurs propriétés. La loi est ici, pour les corps et établissements publics, ce qu'est, dans les affaires domestiques, la volonté ferme et éclairée du père de famille.

Vous y remarquerez la commune d'Hazebrouck, et les conditions avantageuses au public, d'un emprunt que les particuliers offrent de remplir, que la ville remboursera sur ses revenus, et qui lui procurera un hôtel de ville, dont le plan, joint aux pièces, annonce un édifice, sinon magnifique, du moins commode et régulier.

Le projet actuel, comme tous les projets de cette nature qui vous ont été soumis, règle par des dispositions générales qui forment le septième et dernier titre de la loi, la destination du prix, ou reste de prix ou de soultes d'échanges, dont l'emploi spécial n'a pas été déterminé et fixé par les articles particuliers dans les titres précédents. Ces dispositions générales sont ici les mêmes qui ont toujours été consacrées par vos suffrages.

Législateurs, cette activité de l'industrie, ce mouvement des capitaux, n'a point lieu dans les sociétés vieillies où tombées en langueur. — Il indique la jeunesse ou la régénération des corps politiques.

Il est surtout remarquable, au milieu de la guerre, de voir se manifester tant de signes de vie, et d'une heureuse fermentation qui semble n'appartenir qu'à l'état de paix.

Ces lois de ménage, ces règlements d'intérêts domestiques, font connaître la position intérieure de la famille.

L'observateur fait un cas particulier de ces éléments précieux de statistique générale.

Le vrai politique n'a garde de dédaigner ces considérations qui se rattachentaux plus grandes vues. De telles lois ne sont pas seulement des symptômes de bien-être général, ce sont de véritables tarifs de l'aisance, de la prospérité publique, trèsdignes de l'attention de législateurs éclairés, qui, témoins, juges et participes des besoins et des améliorations dans leurs départements, sont ici

(1) Bossuet.

les arbitres et les consécrateurs des mesures qui les allouent et qui les règlent.

Vous applaudirez donc, Messieurs, à la décision du Gouvernement, qui, incertain d'abord s'il fallait continuer de donner à ces sortes de transactions les formes et le caractère de loi, s'est prononcé pour l'affirmative.

Malheur au fonctionnaire public, quelque haut qu'il soit élevé par sa place ou par lui-même, qui n'éprouverait une jouissance véritable dans le travail, en apparence ingrat, de dépouiller, avec un soin scrupuleux et jaloux, la volumineuse collection des pièces qui viennent en grand nombre à l'appui de chacun des articles de ces lois : tant de biens peuvent résulter de cet examen et de cette sollicitude!

Jamais l'autorité suprême ne sera trompée ou surprise; jamais aucune injustice, aucune violence ne sera faite à un citoyen; jamais aucune réclamation n'échappera à tant de regards, et ne restera inconnue où méprisée si elle est juste.

Ainsi, dans les précédentes années, au départetement de l'Allier, à celui d'Ille-et-Vilaine et sur beaucoup d'autres points, soit dans nos conférences secrètes, soit à cette tribune même, la propriété particulière a été préservée d'atteintes, de sacrifices qui n'ont point paru motivés par une nécessité publique assez impérieuse, assez con

statée.

Nous nous apercevons aujourd'hui que les autorités locales, corrigées par ces exemples et ces redressements, mettent beaucoup plus de circonspection dans leurs projets et dans leurs propositions, et beaucoup plus d'exactitude dans les formalités à remplir.

Conservons donc avec un soin religieux ce principe sur lequel la réflexion a mis tout le monde d'accord, que les formes législatives sont nécessaires pour de semblables transactions, qui sont, à la vérité, quelquefois petites et minutieuses dans leur objet matériel, mais qui touchent toujours par tant de points, et des points si sensibles et si intimes, à des objets moraux si grands et si sacrés la propriété, et en plus d'un sens la liberté même (1).

Toutes les transactions contenues dans ce projet qui vous est aujourd'hui présenté, attentivement

(1) On lit dans un recueil de prétendues pensées attribuées à feu M. Necker, le paragraphe suivant :

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«Ils ne savent donc pas que les Gracches étaient des tribuns, ces orateurs modernes qui, en parlant pour l'établissement d'un bac ou d'un octroi municipal, répètent sans cesse dans leurs discours, tribuns, tri« buns mes collègues, mes collègues tribuns; il est des « gens qui ne se sentent gênés par aucun nom, et qui s'appelleraient volontiers César en fuyant à toute << bride. »>

Il est à croire que si nous avions le journal du soir du forum de Rome, nous y verrions que les tribuns et les Gracches eux-mêmes entretenaient souvent le peuple d'objets d'un intérêt local et précieux comme un bac, d'objets d'un intérêt majeur et public comme un octroi, c'est-à-dire un impôt; et en parlant de ces choses, ils ne cessaient apparemment point de s'appeler par leur

nom.

Quant à l'homme qui s'appellerait volontiers César en fuyant, cela ressemble beaucoup à un ministre qui ne cesse de se proclamer grand homme d'Etat dans la retraite et la nullité où l'ont réduit les premiers mouvements d'un orage politique qu'il a excité, et qu'il n'a su ni juger ni maîtriser, qu'il n'a pas même osé combattre de manière à se placer dans la glorieuse alternative de vaincre ou de périr.

Or cet homme, c'est M. Necker, et c'est lui-même qui a prononcé son jugement, en voulant juger les autres un peu légèrement.

estimées dans leurs dispositions, dans leurs motifs, dans leurs formalítés, dans le caractère des pièces produites à l'appui, nous ont paru, Messieurs, mériter la sanction de vos suffrages, et nous vous proposons de convertir le projet en loi. M. Carrion-Nisas fait un second rapport sur le projet de loi relatif à un échange entre la liste civile et MM. Geoffroi et Letourneur.

Messieurs, de tous les actes d'amélioration et de bonne administration auxquels les propriétaires peuvent se livrer, il n'en est point de plus généralement favorable que les échanges.

De tous les contrats synallagmatiques, l'échange est le plus constamment avantageux aux deux parties contractantes; aussi est-il le type, l'origine, l'essence de tous les contrats, il est le contrat primitif.

Comme administrateur de sa liste civile, le chef de l'Etat a les mêmes intérêts, les mêmes moyens, et doit avoir les mêmes vues que les particuliers.

C'est un soin louable en lui, c'est même un heureux présage pour l'administration de l'Etat que de lui voir gérer ses propriétés rurales avec sagesse, économie, et d'après les principes qui guideraient un bon ménager et père de famille; de lui voir réunir, améliorer, acquérir, échanger, suivant les convenances locales de ses corps de domaines, et l'intérêt de leur surveillance ou de leur exploitation.

Que si cette louange vous paraissait petite pour un grand souverain, daignez entendre, Messieurs, comment un écrivain politique du premier ordre, et réputé classique par nos ennemis mêmes, s'est exprimé sur un sujet semblable.

«Il mit, dit Montesquieu, en parlant de Charle<< magne, il mit une règle admirable dans sa dé«pense, il fit valoir ses domaines avec sagesse, « avec attention, avec économie; un père de fa« mille pourrait apprendre dans ses lois à gou« verner sa maison. On voit dans ses capitulaires «la source pure et sacrée d'où il tira ses richesses; « je ne dirai plus qu'un mot, il ordonnait qu'on « vendit les œufs des basses-cours de ses domaines « et les herbes inutiles de ses jardins; et il avait « distribué à ses peuples toutes les richesses des « Lombards et les immenses trésors de ces hommes qui avaient dépouillé l'univers . »

Ainsi s'exprime Montesquieu; il semble que ces dernières paroles soient une sorte de prophétie. Oui, si Londres ne suit pas de meilleurs conseils, le successeur de Charlemagne partagera à ses braves les dépouilles des spoliateurs de l'Inde qui voudraient dépouiller l'univers.

Cependant, noble imitateur de cet illustre modèle dans les petites choses comme dans les grandes, il nous propose aujourd'hui de sanctionner une amélioration notable dans les domaines impériaux.

Cet échange, avantageux aux particuliers qui traitent avec la liste civile autant qu'à elle-même, est non-seulement volontaire, mais vivement désiré de leur part.

Toutes les moralités, toutes les égalités ont été également appelées, suivies et respectées.

La section de l'intérieur du Tribunat vous propose de sanctionner ce projet de loi par votre approbation.

Les deux projets sont mis aux voix et adoptés à la majorité de 224 boules blanches contre six noires.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 15 ventôse an XIII (mercredi 6 mars
1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.
M. Rieussec. J'ai l'honneur de faire hommage
au Corps législatif, au nom de M. Chabot (de l'Al-
lier), ancien jurisconsulte et membre du Tribunat,
des deux premières parties d'un grand ouvrage
dont il s'occupe sur les dispositions du Code civil,
relatives aux successions.

La première partie est intitulée: Tableau de la législation ancienne sur les successions, et de la legislation civile établie par le Code civil.

La seconde partie a pour titre : Commentaire sur la loi du 29 germinal an XI, relative aux successions, formant le titre Ier du IIIe livre du Code civil. Je demande que le Corps législatif agrée cet hommage et qu'il en soit fait mention au procès

verbal.

Ces propositions sont adoptées.

Un secrétaire fait lecture de la lettre suivante, de M. Brémontier, inspecteur général des ponts et chaussées :

Messieurs, la commission des travaux des dunes, créée par l'arrêté du 13 messidor an IX, m'a chargé par sa délibération ci-jointe, du 2 pluviose an XII, d'avoir l'honneur de vous présenter quelques pains de résine; ce sont les premiers produits des plantations que j'avais fait faire dans ces sables en 1788 et 1789.

Cette commission s'est flattée, Messieurs, que vous recevriez ce faible hommage avec bonté il vous donne la certitude du succès, j'ose dire, d'une très-grande entreprise, dont l'exécution avait jusqu'à nos jours et à plusieurs égards été regardée comme impossible.

La possibilité de la fixation et de la fertilisation des dunes n'est plus un problème, et les résultats avantageux qui doivent en être la suite sont inappréciables et ne doivent pas être contestés.

Signé BREMONTIER. Le Corps législatif arrête qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal. L'ordre du jour appelle la discussion de trois projets de loi.

Les orateurs du Gouvernement et du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole appartient à Messieurs les orateurs du Tribunat.

M. Daru fait un rapport sur le projet de loi relatif à l'acquisition du château de Treffaven.

Messieurs, les armements que la compagnie des Indes faisait autrefois dans le port de Lorient, firent éprouver la nécessité d'un focal où fussent emmagasinées les poudres destinées à ces caser nements, et déposer celles que les vaisseaux sont obligés de décharger avant d'entrer dans le port. On loua, pour cette destination, le château de Treffaven, situé hors la ville et sur la rivière de Scorff, qui, après avoir traversé le port, va se jeter dans la rade de Lorient.

Le changement que ce port éprouva lorqu'ils fut affecté à la marine militaire n'en entraîna aucun dans la destination de ce magasin. Son isolement était compté pour un avantage, sa position per mettait d'y faire tous les transports par cau; une expérience qui datait de 1730 prouvait que le choix de ce local avait été judicieux, puisque les poudres s'y conservaient parfaitement. Ainsi, depuis soixante ans, on se félicitait de cet établissement, lorsque la Révolution vint en donner

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la propriété au Gouvernement, qui n'avait pas cessé d'en payer la jouissance. On devait s'attendre que ce château, devenu domaine national, allait être définitivement affecté à sa destination habituelle. Cependant ce domaine national fut aliéné; il le fût du consentement du ministre qui devait tenir le plus à sa conservation, mais à qui d'autres projets sur un établissement nouveau firent oublier les représentations que les administrateurs du port de Lorient lui avaient adressées.

Depuis ce moment, l'intérêt public fut en opposition avec l'intérêt privé. Le propriétaire voulut évincer le locataire; l'administration qui louait, ne pouvant entreposer ailleurs un approvisionnement si dangereux, désira conserver le seul local où les poudres pussent être en sûreté. On eut d'abord des discussions sur le prix de location : ce prix fut augmenté; ensuite il fallut faire des réparations; et comme elles n'étaient pas dans le sens de l'utilité du propriétaire, il entreprit de s'y opposer.

Cependant elles étaient commencées, parce que la sûreté du dépôt les exigeait.

Il serait à désirer, sans doute, qu'on n'eût pas à mettre sous les yeux des dépositaires de la loi cette lutte de deux intérêts, dans laquelle il faut que l'intérêt public soit compromis, si l'intérêt privé ne fait quelques sacrifices; mais c'est précisément un acte de respect pour la volonté privée, que d'invoquer l'intervention de la loi même, afin de vaincre sa résistance. Quel arbitre plus auguste pourrait désirer ce citoyen qui se voit pressé de céder sa propriété pour le service public? Cette autorité collective, qui se compose du prince et des mandataires des administrés, cette autorité, destinée à prononcer sur les plus grands intérêts du peuple, consacre elle-même l'inviolabilité des principes et le droit de la propriété, lorsqu'elle délibère sur la nécessité de convertir une propriété privée en propriété nationale.

Le droit de propriété est sacré aux yeux du Gouvernement comme aux vôtres, Messieurs, puisqu'il provoque une loi sur une affaire qui, sans cette circonstance, n'appartiendrait qu'aux détails de l'administration. Mais il est un autre principe, également reconnu dans toute société, c'est que le sacrifice de l'intérêt privé est dû à l'intérêt de tous. Il ne s'agit donc que d'examiner si l'utilité publique exige la cession du château de Treffaven.

Il n'y a pas, dans ce moment, d'autre local pour emmagasiner les poudres du port de Lorient; par conséquent, pour que ce local cessât d'être indispensable, il faudrait construire un autre magasin. Pour construire un autre magasin, il faudrait que celui-ci eût de graves inconvénients, ou qu'on pût disposer d'un autre emplacement aussi avantageux, et y faire des constructions saus des frais trop considérables.

Les avantages du magasin de Treffaven sont constatés par quatre-vingts ans d'expérience. Il est assez spacieux pour contenir les approvisionnements jugés nécessaires; les poudres s'y conservent parfaitement; les arrivages sont faciles, puisqu'il communique par eau avee le port et avec la rade; enfin il est isolé de la ville.

On a craint que cet isolement ne fût un inconvénient dans des circonstances de guerre civile ; mais l'expérience elle-même a prouvé que cette crainte était peu fondée, puisque ce château n'a jamais été menacé; et en effet, quoique isolé de la place de Lorient, il en est assez voisin pour en recevoir des secours dans un quart-d'heure; d'ail

leurs la pensée doit écarter le souvenir de nos dissentions politiques, et le bon esprit des habitants du Morbihan est la plus forte garantie de la paix intérieure de ce département. Quant aux tentatives de la part d'un ennemi extérieur, elles ne peuvent être présumées, puisque ce château est situé en arrière de la rade du port et de la place de Lorient.

Après avoir insisté sur l'inconvénient résultant de la distance où ce magasin est de la ville, on en.a trouvé un autre dans sa proximité. Le conseil d'arrondissement a paru craindre que l'explosion de ce magasin, si elle avait lieu, ne fût très-fatale à la ville. La distance qui sépare l'une de l'autre est d'environ un tiers de lieue: et qui ne sait que toutes les places de guerre, et celle de Lorient elle-même, ont des magasins à poudre dans l'enceinte même de leurs murs ? Ainsi, puisque cette ville a déjà de semblables dépôts dans son intérieur, les craintes de ses habitants ne doivent pas avoir pour objet un magasin éloigné d'environ mille toises.

On a réprésenté (car je ne veux omettre aucune des objections) que le transport des poudres ne pourrait avoir lieu du magasin dans la rade qu'à travers le port. C'est un inconvénient, sans doute, mais il est commun à presque tous les arsenaux de la marine, et l'expérience prouve que les précautions habituelles suffisent pour éviter les accidents.

Je viens d'examiner les convenances locales du château de Treffaven, et il en résulte, ce me semble, que l'intérêt public n'exige pas que le dépôt qu'il renferme soit transféré ailleurs.

Mais si, par déférence pour le refus du propriétaire, on voulait former un autre établissement, il faudrait trouver un local également convenable. On en avait désigné un: l'ile de Saint-Michel, située au milieu de la rade de Lorient. Trois considérations se sont opposées à l'adoption de ce projet. D'abord le mouillage des vaisseaux est auprès de cette ile, et il est évident qu'un magasin à poudre n'est pas bien placé au milieu d'un escadre, puisqu'on oblige les bâtiments qui entrent en rade à déposer leurs munitions. En second lieu, rien ne garantit que l'humidité du sol de cette ile, la mer qui l'environne, les vents auxquels elle est exposée, ne fussent pas nuisibles à la conservation de l'approvisionnement qu'on voudrait y placer. Enfin on vous a dit que les frais de construction de ce nouveau magasin s'élèveraient à 400,000 francs, tandis que les réparations du magasin actuel ne sont évaluées qu'à 100,000 francs; et comme on les a déjà effectuées en partie, ce serait une perte de plus, si on abandonnait cet établissement.

Les conséquences de cet exposé sont que, puisque la dépense d'un nouvel établissement excéderait de près de 4 cent mille francs les frais de réparation de celui qui existe, la conservation de celui-ci est une économie importante, et par conséquent il y a utilité publique à le conserver. Que si on considère les inconvénients du local désigné pour ce nouvel établissement, et l'incertitude du résultat après une construction fort dispendieuse, on ne peut s'empêcher de reconnaitre que cette entreprise serait imprudente, et dès lors la conservation de l'établissement actuel devient une indispensable nécessité.

D'ailleurs, il faut considérer dans quelles incertitudes on se jetterait volontairement, si, chaque fois que l'exécution d'un plan adopté par l'autorité publique exige l'abandon d'une propriété particulière, on entrait dans la discussion de tous les

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