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Cependant la connaissance n'est évidemment pas réservée exclusivement à ces recherches actives et progressives, à ces classifications symétriques, à ces observations expérimentales et minutieuses qui forment aujourd'hui tout le bagage de notre science. L'inspiration lumineuse de l'esprit, les instincts passifs, les harmonies de notre nature avec la nature extérieure sont beaucoup dans la connaissance humaine. Pour s'en convaincre il suffit de voir ce que le rationalisme exclusif a produit depuis quarante ans. Dans les sciences la classification absorbant toutes les études. Dans les arts le talent se substituant partout au génie. Dans les professions libérales et les arts mécaniques l'enseignement des écoles dominant la vocation personnelle. Dans les mœurs, les li bertés les plus intimes, celle même de la pensée, sacrifiées à un bien être de convention, à un repos factice. N'est-il pas temps que le mysticisme nous rende les élans de l'âme, l'indépendance du caractère, l'inspiration du goût, l'originalité du style et la spontanéité du jugement. Mais cela ne pourra se faire tant qu'il restera abandonné au fanatisme des magnétiseurs ou à l'ignorance de certains ordres religieux.

Il semble vraiment que l'humanité ne puisse faire quelques pas qu'entre les oscillations extrêmes d'une époque égarée dans un mysticisme exclusif et insensé; puis d'une autre époque absorbée dans un rationalisme pédantesque et non moins exclusif. Quant aux tentatives misérables de l'ecclectisme, quelque bruit qu'elles fassent en leur temps, l'histoire se donne à peine le souci de les enregistrer. Une seule doctrine peut se mettre au point de vue de chaque système isolé pour en effacer le caractère exclusif et en recueillir les études particulières; seule elle peut admettre et réunir en faisceau ces théories diverses, parce qu'elle les regarde toutes comme des apparences spéciales et relatives d'une vérité qu'il n'est pas donné à l'homme de connaître et de juger. Mais le scepticisme a pour devise: Sincérité, tolérance. Il n'est point appelé à devenir le symbole des majorités.

RAPPORT DE M. JEANRON,

SUR LE MUSÉE WICAR ET LE MUSÉE DE PEINTURE

DE LA VILLE DE LILLE.

e

l'Hôtel-de

Ville.

Monsieur le Ministre,

Je viens vous rendre compte de la mission que vous m'avez fait l'honneur de me confier pour la ville de Lille, par votre décision du 14 septembre courant. L'ordre écrit que j'ai reçu me chargeait spécialement d'examiner la collection des dessins origi naux des peintres les plus célèbres des écoles anciennes, ainsi que les tableaux d'Arnould de Vuez que renferment les monuments publics de cette ville. Mais dans les instructions verbales que vous voulûtes bien me donner avant mon départ, vous m'engageâtes à y examiner aussi tout ce qui intéresse les arts du dessin. C'est donc sur ces différents points et dans cet ordre que je vais vous entretenir, en recommandant, Monsieur le Ministre, à toute votre indulgence une rédaction rapide que je suis obligé de laisser telle, pour ne pas ajourner les affaires cou

rantes.

Les musées de Lille, Monsieur le Ministre, sont placés dans 2. étage de l'Hôtel-de-Ville, dont ils occupent toute la partie achevée du deuxième étage. La partie en voie d'exécution ou en projet, est destinée à leur accroissement, de manière qu'à ce deuxième étage rien n'interrompra bientôt le parcours au milieu des monuments de l'art. Les musées considérés en eux-mêmes et indépendamment de l'édifice, sont également en bonne voie de classement, d'appropriation et d'achèvement.

d'honneur.

Escalier On y est introduit par un escalier d'honneur d'un caractère monumental, d'un style à la fois élégant et grave. La décoration en a été obtenue par la plus intelligente appropriation d'épreuves moulées sur les plus beaux monuments de l'art antique.

Au pourtour de la cage, dans une frise ménagée à cet effet, se coordonnent avec bonheur les bas-reliefs du Parthénon et ceux du temple de la Victoire aptère. Au sommet sont placées comme soutiens, près du plafond, les caryatides du temple de Pandros; sur deux des faces ces caryatides sont accouplées; sur deux autres, mais disposées isolément, se trouvent celles de la villa Albani. Dans les niches qui occupent les intervalles entre toutes ces caryatides on a disposé des fragments d'architecture et de sculpture antiques, tels que chapiteaux, autels, socles, bustes, vases, etc. Beaucoup de goût et de soin a présidé à cet arrangement, qui dénote chez les personnes qui en ont été chargées une véritable intelligence de la valeur artistique de ces objets. Il m'a été dit qu'une grande frise tombant sur l'un des paliers, était destinée à recevoir les bas reliefs choragiques de l'école d'Egine et d'Olympie, et que dans deux grandes niches de l'ordre inférieur encore vides, on comptait placer des figures entières.

Si la ville de Lille, Monsieur le Ministre, espère obtenir de votre bienveillante intervention ces quelques moulages, je ne saurais trop vous recommander sa demande peu coûteuse. Cette libéralité de l'Etat terminerait un bel ensemble décoratif, et une raison plus grave encore pour moi, appelle ici votre sollicitude. Cet escalier menant du premier au deuxième étage, conduit à un véritable centre d'art où de fortes études peuvent se suivre pour la jeunesse, et comme aucun service amenant foule ou distraction ne prendra place dans cette région de l'hôtel-deville, je regarde cet escalier comme consacré à l'étude par destination; le parti austère qui a présidé à sa décoration et le choix savant des monuments qui la constituent, fourniront certainement aux étudiants un objet d'éducation qui ne sera pas négligé. Il pourra correspondre dans une proportion modeste mais suffisante au musée des plàtres dont plusieurs établissements d'art importants ont tenu à se doter.

Musée

des dessins.

Wicȧr.

Les musées de Lille où cet escalier conduit consistent en une collection de dessins, une de peintures et une collection d'histoire naturelle. Bien que cette dernière me paraisse et curieuse et considérable, je m'abstiendrai, Monsieur le Ministre, de vous en entretenir, étant tout à fait incompétent pour en apprécier le mérite.

La collection des dessins provient du legs fait à la société des sciences, de l'agriculture et des arts de sa ville natale, par le peintre Wicar. Cette collection est administrée par une commission composée de MM. Benvignat et Verly, architectes, Lestiboudois, docteur en médecine, Legrand, avocat, et Delezenne, professeur de physique.

Je ne crois pas, Monsieur le Ministre, qu'il convienne dans Biographie l'étude dont vous m'avez chargé, de laisser passer sans quelques indications biographiques le nom de Wicar, d'un homme dont la vie pleine de mâles travaux et de savantes recherches a été si dignement couronnée par les dispositions généreuses, auxquelles une de nos plus importantes cités doit ses plus précieux embellissements, et des ressources avec lesquelles elle pourra continuer à ses enfants de fécondes libéralités.

Wicar, peintre d'histoire, naquit à Lille en 1762, d'un pauvre ouvrier menuisier. Sa vocation précoce fut remarquée, en 1772, par le comte d'Hespel, membre du Magistrat de la ville de Lille; il trouva chez cet homme bienfaisant les premiers secours qui lui ouvrirent la carrière; il fut placé par lui et soutenu à l'école de dessin de Lille, qui devait son assez récente institution à M. de Sechelles, intendant de la province de Flandre; Wicar s'y distingua dans ses premières études, conduit par deux hommes habiles qui se succédèrent à la tête de cette école, les professeurs Guéret et Watteau. Il vint à Paris vers 1780 où il fut tiré de la plus grande pauvreté par une pension de 300 livres tournois que lui fit sa ville. Mais cette pension ne lui fut pas continuée; il se soutint dans sa détresse par le produit de quelques

leçons de dessin et par l'assistance et les conseils de MM. d'Hespel, Van der Cruyssen, de Labarre, Langlart, Masquellier frères, Roland, Jacquery, ses compatriotes, dont quelquesuns, les derniers, étaient d'habiles artistes. Il étudia la gravure sous la direction du célèbre Lebas; Roland le présenta à David qui l'accueillit avec la plus grande bonté et l'encouragea. Il se lia d'amitié avec Girodet, Gros, Gérard, Guérin et Drouais. En état déjà de pouvoir par ses propres ressources venir en aide à sa famille, il résolut de partir pour l'Italie sans prévenir personne. Mais David averti de ce projet le retint jusqu'au moment où il devait l'y conduire lui-même en compagnie de Drouais, lorsqu'il irait exécuter à Rome, en 1784, le tableau du serment des Horaces que venait de lui commander le roi Louis XVI. David le recommanda à Vien, et ce double patronage assura ses études et ses progrès. Après avoir beaucoup dessiné à Rome, il passa à Florence, où son enthousiasme lui fit concevoir la plus vaste et la plus héroïque résolution qu'un artiste isolé pût se proposer. Il entreprit de dessiner pour la gravure, la galerie entière de Florence, tâche immense à laquelle ne firent pas défaut, pendant 23 années, la plus consciencieuse application et la plus rare aptitude. David, nommé membre de la Convention, proposa le 27 nivose an 2 de la République, (16 janvier 1794), au nom du comité de l'instruction publique, Ja suppression de la commission du muséum et la création d'un conservatoire. Il désigna Wicar pour en faire partie, (section des antiquités). Le 18 pluviôse, en qualité de membre de ce conservatoire, Wicar résidant au Louvre fit partie de la commission chargée de rassembler et d'inventorier dans les musées nationaux, les monuments propres à l'étude de l'art. Il s'y appliqua avec la plus rare énergie et dans cet emploi qui demandait autre chose que l'habileté et l'expérience d'un praticien, dénué de toute instruction première, mais secondé par une mémoire prodigieuse, il acquit vite une érudition considérable, une littérature suffisante

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