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Géographie.

ŒŒUVRES DE D'ANVILLE,

PUBLIÉES PAR M. DE MANNE,

ANCIEN CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE du roi '.

Secours apporté par la géographie à l'histoire.-Reconnaissance que l'on doit à M. d'Anville.-Des travaux de M. de Manne, son éditeur.-Vie de d'Anville et ses travaux. Enumération et analyse de ses Mémoires. mération et analyse de ses Cartes. Conclusion.

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Enu

L'étude de la géographie est une des plus importantes dans un siècle comme le nôtre, qui s'est adonné avec tant d'ardeur aux études historiques. C'est grâce à l'exactitude des cartes, à la précision des plans, au rétablissement des anciens noms, que l'on a pu se faire une idée nette des récits des historiens. Si donc nous avons rectifié bien des erreurs dans les historiens du moyen-âge et de l'antiquité, c'est que, sans sortir de notre cabinet, sans frais et sans peine, nous avons pu avoir une notion claire et précise du pays dont nous lisions l'histoire, et y suivre la marche des armées et la route des voyageurs : nous avons connu les anciens royaumes mieux que ceux qui les avaient visités, car nous avons rectifié les historiens, les uns par les autres, en comparant ensemble toutes leurs observations.

Or, s'il est un savant à qui nous devions une profonde reconnaissance pour les facilités qu'il a données à l'étude de l'antiquité ou du moyen-âge, c'est sans aucun doute M. d'Anviile, que la France peut, à bon droit, compter au nombre de ses gloires scientifiques. M. d'Anville est un de ces auteurs dont le sort est d'être cité ou volé plus ou moins, par tous les géographes qui ont couru ou qui courront après lui la même carrière. Ses travaux furent immenses et capables d'effrayer les amis les plus dévoués de la science. Le nombre des cartes et

Deux vol. in-4°; sortant des presses de l'Imprimerie-Royale, avec Atlas de 17 Cartes. A Paris, chez Levrault, libraire, rue de la Harpe, n° 81. Prix 50 fr. Chaque Carte séparée, prix 2 fr. 50 c.

des plans calculés, dressés, dessinés par lui, s'élève à 221; les mémoires qui accompagnent ces cartes sont au nombre de 78'. Mais tous ces matériaux publiés à diverses époques et sous differens formats, n'avaient pas encore été recueillis en une seule collection. C'est donc une œuvre éminemment utile à la science que celle que s'est proposée M. de Manne, de donner une édition des OEuvres complètes de d'Anville, en 6 vol. in-4°; les deux premiers volumes ont paru depuis quelques mois, et ce sont ceux dont nous allons nous occuper dans cet article. Mais auparavant rendons justice à l'éditeur en faisant connaître son travail.

M. de Manne est un de ces savans auxquels les jeunes gens qui viennent étudier à Paris et qui fréquentent les bibliothèques, doivent tant de reconnaissance, et qui sont si bien connus de ce monde peu nombreux, mais choisi et dévoué à la science, qui l'hiver brave les rigueurs d'un froid que rien ne tempère, l'été un soleil ardent et une atmosphère étouffante, en tous tems les privations et les gênes de toute espèce, pour se consacrer à l'étude, et se préparer à continuer l'œuvre des grands hommes dont ils lisent les écrits. La plupart de ces jeunes gens qui, en ce moment, font la gloire ou l'espoir de la France, que de fois et combien longtems nous les avons vus, assidus, indomptables, vieillissant leur jeunesse de force, pour pénétrer dans ce monde de l'antiquité ou de la science, et le manifester un jour aux autres. Si quelque reconnaissance leur est due, et quelque congratulation leur est méritée, à plus juste titre encore ne devons-nous pas les mêmes hommages à ces savans qui sont là, partageant avec eux les mêmes privations et les mêmes travaux, pour leur rendre l'étude plus facile et les recherches plus promptes et plus sûres.

M. de Manne est un de ces hommes auxquels nous disons que la jeunesse doit une vive, une éternelle reconnaissance. Entré à la bibliothèque royale en 1792, pendant l'espace de 40 ans, à l'exception de

'On peut regarder la collection des Cartes géographiques formée par M. d'Anville, comme la plus complète qui ait peut-être jamais existé. Elle était composée de 10,970 feuilles et demie, comprises sous 8,788 articles. Depuis le mois de mars de l'année 1782, cette précieuse collection fait partie des Archives des relations extérieures.

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deux ans passés hors de France pendant nos troubles les plus orageux, 'il s'occupa constamment à faciliter à tous ceux qui fréquentent notre 'grande bibliothèque le travail et l'étude.

Nommé administrateur de cet établissement, à la mort de M. Capperonnier, il a partagé pendant douze ans, avec M. Van-Praet, son ami, tous les travaux de cette immense administration, et a présidé à toutes les améliorations qui, vers les dernières années de la restauration, y ont été faites. Plus de trois cent mille volumes des plus récens, de ceux que l'on demande le plus souvent, existaient dans les combles de la bibliothèque; c'est à M. de Manne que l'on doit d'avoir fait construire de nouvelles et vastes galeries, où tous ces volumes, jusqu'alors entassés pêle-mêle ont été classés, rangés, et livrés aux demandes des travailleurs. Avant lui on ne communiquait au public que les livres reliés, et comme il n'y avait jamais assez de fonds pour faire relier tous les volumes, il y avait dans la salle du rez-de-chaussée et dans les combles plusieurs dépôts de livres brochés que personne ne pouvait lire. M. de Manne fit modifier le réglement sur ce point; les livres brochés furent timbrés et catalogués, et mis à la disposition du public.

Quelque occupé que fût M. de Manne par l'immensité de ces détails, cependant, semblable à tous les vrais savans qui ménagent si bien leur tems qu'ils en trouvent pour tous leurs travaux, il a pu composer plusieurs ouvrages entre autres le Dictionnaire des Anonymes que nous avons annoncé dans notre dernier numéro, et une Statistique de la Calabre publiée sous le nom italien de Tocci; mais le plus important de ses travaux est sans aucun doute celui d'une édition des œuvres de d'Anville à laquelle il a travaillé jusqu'à sa mort. Seul possesseur de tous les manuscrits, dessins, planches et cartes du célèbre géographe, M. de Manne pouvait mieux que personne donner une édition complète de ses œuvres, en les revoyant et les améliorant. Son travail consiste principalement dans des notes qui éclaircissent le texte de d'Anville, plutôt précis et exact que clair et facile; dáns des rectifications rendues nécessaires par les nouvelles découvertes et les nouveaux voyages, dans une précision plus grande qu'il a donnée à diverses mesures itinéraires, en employant les nombres fractionnels au lieu des nombres ronds, dont se servait d'Anville; enfin dans une

revue exacte de la nomenclature des anciens pays, et dans l'orthographe des noms anciens et nouveaux, un des objets les plus importans de la géographie. Tels étaient les soins que M. de Manne donnait à cette belle édition de d'Anville, quand la mort le surprit en 1832 au milieu de tous ses travaux, et avant qu'il eût pu achever la révision du second volume, comme il l'avait fait pour le premier. Ce soin a été rempli par M. Gence, littérateur et archéologue distingué, qui a fait aussi la préface des deux volumes et rédigé la table analytique des matières, qui y est jointe. Nous formons ici des vœux pour que cette impression soit continuée, et nous espérons qu'elle le sera par les secours du gouvernement, et grâce au zèle du fils de M. de Manne, et surtout de Mme de Manne sa veuve, héritière de tous ses travaux et de son zèle pour M. d'Anville, dont elle parle comme si elle avait été associée à tous les travaux et à toutes les pensées de son mari.

Avoir fait connaître l'éditeur et ses travaux, c'est déjà avoir fait connaître M. d'Anville et ses œuvres; cependant nous croyons devoir ajouter quelques nouveaux détails sur ce géographe célèbre.

M. d'Anville semble avoir été créé tout exprès pour faire avancer la science et l'élever tout d'un coup à une perfection qui étonne les siècles qui suivent. Dès son enfance, son goût pour la géographie se manifesta, et bientôt se changea en passion. A peine avait-il douze ans, nous dit M. Dacier, qu'une carte géographique tombée par hasard entre ses mains, et la lecture de quelques historiens latins, décidèrent la vocation de toute sa vie. Le premier volume de cette édition offre une carte de la Grèce, qu'il avait dessinée d'après ses propres recherches, à l'âge de 15 ans. Tout le reste de sa vie fut occupé à cette étude, qui, suivant lui, était seule d'une grande importance et surtout fort au dessus de toutes les études littéraires. Aussi avait-il coutume de dire de bonne foi, que, pourvu que l'ouvrage des antiquités d'Homère par Feithius et la Gnomologie ou le recueil des Sentences du même poète, par Duport, nous restassent, on pouvait très-bien se passer de l'Iliade et de l'Odyssée. Dans tout le poëme du chantre d'Achille, il ne lisait que le nom des villes et des lieux.

Nommé géographe du roi, à l'âge de 22 ans, il publia successi

vement:

10 Cartes du royaume d'Aragon.

2o Cartes de la France ancienne et moderne, pour la description de la France de l'abbé Longuerue.

3° Cartes d'Afrique.

4° Cartes de la Guinée et de Cayenne, pour le voyage du chevalier des Marchais.

5° Cartes pour histoire de St-Domingue du père Charlevoix.

6o Cartes pour l'Oriens Christianus du père Lequien.

7° Atlas de l'empire de la Chine, pour l'histoire de la Chine du père du Halde.

8. Carte d'Italie.

9o Les quatre parties du monde, avec les corrections faites aux

autres cartes.

10° Les deux hémisphères, présentant l'ensemble de ses travaux sur la géographie moderne.

La carte d'Italie fut si exacte, que le pape Benoît XIV, ayant fait mesurer la ligne du méridien dans l'état ecclésiastique, et tirer une chaîne de triangles dans tout l'intervalle des deux mers, les corrections que d'Anville avait faites aux cartes de Sanson et de de Lisle, réduites de plusieurs milliers de lieues carrées, se trouvèrent confirmées par la géométrie.

Mais le grand mérite de d'Anville, celui surtout qui a fait faire un pas à la science, et jeté un jour nouveau sur l'histoire de l'antiquité, c'est que, résumant les travaux des géographes anciens et ceux qui avaient été faits depuis la renaissance des lettres, il s'en servit pour comparer le monde ancien au monde moderne, et retrouver ainsi cachés sous les noms et sous les villes d'aujourd'hui, les noms, les villes, les royaumes des peuples antiques; c'est cette réédification du monde ancien, exécutée dans la Géographie ancienne abrégée, qui a ouvert une carrière si belle et si sûre à la critique historique et à la science de l'antiquité. C'est là qu'ont puisé les géographes les plus distingués qui sont venus après lui, les Maltebrun, Mackensie, Balbi, etc. Car, si quelques nouveaux voyages ont apporté quelques rectifications aux assertions de d'Anville, en général et sur les objets les plus importans, toutes ses mesures sont exactes, ses calculs rigoureux, ses suppositions mêmes confirmées par l'expérience. « Ce savant distingué, » dit M. Ripault dans sa description abrégée des principaux mo

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