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M. Pigeonneau : La politique coloniale de Colbert.

M. Stourm: Bibliographie financière du XVIIe siècle.

M. Gaidoz: L'Europe, sa place dans le monde et dans l'histoire.

M. Vandal: L'influence française en Orient au commencement du XVIIe siècle.

M. André Lebon: Le fonctionnement et les rapports des pouvoirs publics en Allemagne.

M. Auguste Arnauné: Le contrôle budgétaire en Prusse.

M. Lévy-Brühl: La philosophie de Frédéric II.

M. Boppe La mission de l'adjudant-commandant Mériage à Widin en 1807-1809.

M. Germain Lefèvre-Pontalis : La mission du Président d'Éguille auprès de Charles-Édouard (1745-1746).

M. Auburtin: Les impôts fonciers sous l'ancien régime.

M. Ernest Meyer : Les associations musulmanes.

M. Trélat : La péréquation de l'impôt foncier en Belgique.
M. Fuzier La réforme de l'impôt foncier en Italie.

M. Morlot: Les congrégations religieuses en France.

M. Étienne Hulot : Les associations en Suisse.

M. Eymond: La péréquation de l'impôt foncier en France.

M. Rayberti: Théories des jurisconsultes allemands sur la nature de la personnalité civile.

M. Louis Ayral: Les associations religieuses en Angleterre.

LES INTERVENTIONS DU TRÉSOR

A LA BOURSE

DEPUIS CENT ANS

Tout a changé depuis cent ans en France, gouvernement, administration et le reste. Les ministres d'aujourd'hui ont des attributions tout autres que les ministres d'autrefois. Non seulement ils diffèrent si on les compare à cent ans de distance avant et après la Révolution, mais ils se sont succédé depuis la Révolution avec des moyens d'exécution et des procédés de gouvernement bien peu semblables. On pourrait en induire que les ministres des finances de 1785 à 1885 ont une histoire qui offre peu d'unité, et cependant il y a des cas où ils ont fait absolument les mêmes choses, par les mêmes raisons et en se servant même d'expressions semblables lorsqu'il s'est agi de défendre leurs actes. C'est dans leurs rapports avec les capitalistes, les banquiers, ceux qu'ils considéraient comme les maîtres du marché, avec la Bourse en un mot, que cette ressemblance ou plutôt cette identité se rencontre. Ni les ministres de la monarchie à la veille de la Révolution, ni ceux du lendemain sous le Consulat et l'Empire, ni les ministres parlementaires de la Restauration sous un gouvernement censitaire, ni les ministres du suffrage universel sous la troisième République, aucun d'entre eux n'a pu se soustraire à ce préjugé invétéré qu'ils étaient les ministres de la Bourse et préposés comme tels au cours de la rente.

Je n'ai pas à faire l'histoire du ministère de Calonne qui a duré quatre ans, de 1783 à 1787, entre les deux ministères de Necker. Je n'ai pas davantage à faire le portrait d'un ministre que tout le monde connaît. Il me suffira de rappeler que plein de ressources, de verve et d'esprit, ayant la plus grande confiance dans sa propre habileté, Calonne croyait pouvoir venir à bout de tout. Tout était gagné pour lui quand tout était ajourné. Il accumulait avec la plus coupable imprudence les difficultés et il suffisait à sa légèreté de se débarrasser des questions pendantes, parce qu'il se fiait à son génie d'intrigue

pour tout liquider dans l'avenir. Au lieu de s'attacher à opérer dans les dépenses les réformes que Turgot et Necker n'avaient pu réaliser faute d'avoir obtenu l'approbation de la cour et l'appui du roi, il ne songeait qu'à pourvoir aux prodigalités croissantes des ministères et de la cour, en créant des ressources d'emprunt. Il en vécut pendant trois années de suite et son dernier emprunt ne s'éleva pas à moins de 125 millions de francs, grosse somme pour l'époque. Outre ses emprunts avoués, il ne cessait de recourir à d'autres opérations connues sous le nom d'extensions. On sait qu'il s'agissait, par ces extensions, de faire revivre en quelque sorte des emprunts dont la souscription était close depuis longtemps et dont tous les titres étaient entre les mains du public. On créait ainsi par extension, sans publicité et sans bruit, de nouveaux titres et on les écoulait à la Bourse sans que les porteurs des fonds dont il s'agissait ni le public en eussent été prévenus à l'avance.

Calonne avait eu recours à tous les moyens pour se faire de l'argent, et les ministres qui auraient le goût des expédients n'ont plus besoin de rien inventer. Ils trouveront chez lui tous les modèles. La Caisse d'escompte par exemple jouait à cette époque à peu près le rôle que joue aujourd'hui la Banque de France dans les questions de finances; Calonne exigea d'elle un cautionnement de 70 millions de francs. N'est-ce pas tout à fait la même chose qu'on fait de nos jours? La Banque de France n'a-t-elle pas versé également une sorte de cautionnement au Trésor, lorsqu'elle a employé en rentes non disponibles et créées pour cet objet 100 millions de francs, c'est-à-dire près de la moitié de son capital social (loi du 9 juin 1857)?

Calonne avait aussi entrepris une grande opération monétaire, en faisant refondre en 1786 les vieux louis d'or; c'est à cette occasion qu'il établit ce fameux rapport entre la valeur de l'or et celle de l'argent, cette proportion de 1 à 15 et demi qui a toujours subsisté depuis lors et qui a été et est encore de nos jours l'occasion de tant de discussions entre les économistes et les financiers. La refonte des louis d'or avait procuré un bénéfice qui, ajouté à tant d'autres, pouvait faire monter à 700 millions de francs le total des capitaux extraordinaires qu'il avait réunis pendant son ministère. Malgré tous ses efforts et tous ses emprunts occultes ou publics, il n'avait rien liquidé. Il crut s'en tirer par un coup d'éclat en obtenant du roi la convocation d'une assemblée de Notables. C'était ouvrir la révolution de 1789; on sait ce qui s'en est suivi, et je n'ai pas à faire l'histoire politique des dernières années du règne de Louis XVI.

Calonne n'eut pas d'ailleurs la force de se maintenir au pouvoir jusqu'à la clôture de la session de l'assemblée des Notables qu'il

avait convoquée; il fut remplacé au ministère des finances, un peu avant la dernière séance, d'abord par de Fourqueux, conseiller d'État, puis par l'archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne.

A peine eut-il quitté le pouvoir qu'il fut attaqué par ses adversaires avec une violence extrême. On le traduisit notamment devant une commission spéciale, pour qu'il eût à s'expliquer sur des sorties de fonds du Trésor qui auraient été faites sans l'autorisation du roi. Ges sorties de fonds du Trésor n'étaient pas autre chose que l'emploi des fonds du Trésor dans les opérations de bourse tentées pour relever le crédit public. On avait espéré arriver à restaurer le crédit en soutenant la valeur des actions de certaines compagnies de finances sur lesquelles les spéculateurs avaient engagé une colossale affaire à la hausse.

Calonne entreprit de se défendre devant la commission spéciale et produisit un mémoire très bien écrit et très développé qui porte le titre de Requête au roi. Ce qui est tout à fait curieux, c'est qu'en discutant ces sortes d'affaires, il se servait déjà des mêmes termes qu'aujourd'hui et qu'il faisait alors des raisonnements à peu près identiques à ceux qu'on fait de nos jours dans des circonstances analogues. Calonne parle, en effet, de l'emprunt de 125 millions comme d'un emprunt qui n'est pas encore classé, exactement comme on a pu le faire en parlant de l'emprunt 3 p. 100 amortissable, dont on a dit également, il y a peu d'années, qu'il n'était pas classé, pour signifier qu'il était encore entre les mains des spéculateurs. Le ministre de Louis XVI dit qu'il faut aider les spéculateurs à soutenir les cours jusqu'à ce que le fonds nouveau ait pu être classé définitivement, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ait pu être acheté par des capitalistes décidés à en faire le placement définitif de leurs épargnes. Il est question aussi de la nécessité de maintenir le crédit public en raison des difficultés politiques et pour donner confiance au pays, phrase qui peut encore servir et qui est toujours à la mode. Voici d'ailleurs quelques passages du mémoire de Calonne :

<< Aux approches de l'assemblée des Notables, et dès qu'elle eut été « déterminée par Votre Majesté, je redoublai d'attention sur le cours « des effets publics. Ils souffraient dès lors une dépression sensible. « J'en savais les causes et j'en craignais les suites. L'agiotage y in<«< fluait principalement. Des spéculations démesurées avaient d'abord « élevé à un prix excessif ceux des effets dont la valeur est absolument «< éventuelle, comme les actions de la Compagnie des Indes, celles « des Eaux de Paris, celles même de la Caisse d'escompte. D'autres «< spéculations s'étaient ensuite formées en sens contraire et tendaient à les faire tomber rapidement. Le gouvernement ne peut voir avec

<«< indifférence aucune de ces révolutions subites, de ces agitations con«vulsives de la place qui en troublent le cours, qui compromettent « la fortune des particuliers et qui nuisent nécessairement au crédit << public. >>

C'est ainsi qu'au moment de la réunion des Notables, Calonne considère qu'il est nécessaire de relever le crédit public pour agir sur l'esprit des députés; il s'appuie sur des exemples tirés de l'étranger; il prétend que le gouvernement anglais ne se fait pas faute d'aider la spéculation à la hausse dans le but de raffermir le crédit.

A cette époque-là, quand on voulait faire un certain effet sur le public français, il parait qu'on se faisait adresser de Londres des correspondances, pour les publier dans les journaux de Paris. Que de gens se trompent, combien n'y en a-t-il pas qui disent que c'est une invention moderne!

Voici une correspondance de Londres insérée dans le Courrier de l'Europe et que Calonne s'empresse de citer pour justifier sa conduite : <<< Le chancelier est le curateur-né de toutes les fortunes des mineurs <«<et des gens interdits pour cause de folie ou d'imbécillité qui se trou<«< vent dans le royaume. Il est aussi dépositaire des sommes qui sont «<en litige. C'est toujours aux époques où les fonds baissent qu'il donne << l'ordre de placer dans les fonds publics les sommes qui appartiennent << aux mineurs......... Les achats faits de cette manière sont le pla<«< cement le plus avantageux que l'on puisse faire, et ils ne peuvent << pas manquer de soutenir les fonds dans les moments de crise... En

«<

temps de guerre ou dans les moments où la crise est trop forte, le « gouvernement ajoute souvent des sacrifices à ces deux moyens, dont « les ministres ne peuvent pas convenir, mais qui sont certains et sou<< vent très considérables. >>

Calonne se défend, comme on le voit, en invoquant l'exemple de l'Angleterre. Il est possible en effet qu'il y ait eu en Angleterre des interventions de cette nature, et ces interventions ont pu rester secrètes. Mais on s'est élevé souvent, dans le Parlement anglais, contre une semblable pratique; on y a toujours soutenu, avec la plus grande vivacité, que le chancelier de l'Echiquier et le chancelier Curateur devaient rester en dehors des opérations de bourse et ne pas exercer d'influence sur les cours de la rente.

Calonne déclare que, si on intervient à la Bourse, il faut le faire avec le plus grand secret, et il raconte dans ces termes les procédés qu'il a mis en usage :

« A l'approche du moment fixé par Sa Majesté pour l'envoi des <«<lettres de convocation, il parut essentiel de prendre préliminaire<«<ment deux sortes de précautions très importantes l'une pour

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