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droit d'opposer le défaut de transcription était refusé nécessairement aux donataires, légataires et héritiers du donateur.

667. Pour repousser ce résultat des art. 1070 et 1072, MM. CoinDelisle et Duranton disent que ces articles, loin de pouvoir être mis en rapport avec les nôtres pour les expliquer, doivent au contraire être regardés comme une exception aux règles de notre chapitre; attendu qu'ils ont été écrits précisément pour empêcher qu'on ne fit aux substitutions l'application des principes établis ici pour les donations. Dans l'ancien droit, dit-on, les donations étaient insinuées, et le défaut d'insinuation, d'après l'art. 27 de l'ordonnance de 1731, pouvait être opposé non-seulement par les créanciers et tiers acquéreurs, mais aussi par les donataires, légataires et héritiers du donateur; au contraire, les substitutions devaient être publiées, et le droit d'opposer le défaut de publication, d'après les art. 32 et 34 de l'ordonnance de 1747, était accordé seulement aux créanciers et tiers acquéreurs, et formellement refusé aux donataires, légataires et héritiers. Or, puisque les art. 1070 et 1072 du Code reproduisent exactement les art. 32 et 34 de l'ordon. nance de 1747, c'est donc que la transcription dont parlent ces articles n'est pas exigée dans le même sens, du même point de vue et avec les mêmes effets, que celle voulue par nos art. 939-941; c'est qu'au contraire les règles sur la transcription des substitutions sont des exceptions aux règles sur la transcription des donations.

Voici une réponse qui nous paraît péremptoire.

Pour que la transcription pour substitution ne fût qu'une exception à la transcription pour donation (comme la publication en était une par rapport à l'insinuation), il faudrait que la transcription pour donation reproduisit l'insinuation, comme la transcription pour suostitution reproduit la publication; or, c'est précisément ce qui n'est pas. Le défaut d'insinuation était opposable par les héritiers (c'était une première rigueur que ne présentait pas la publication); or, MM. Coin-Delisle et Duranton reconnaissent que le défaut de transcription pour donation ne l'est pas. Le défaut d'insinuation était encore opposable par les légataires (c'était une seconde rigueur différentielle entre les deux formalités); or, les deux auteurs reconnaissent que la transcription pour donation ne l'est pas non plus. Il ne reste qu'une troisième différence, une troisième rigueur que présentait l'insinuation et que la publication ne présentait pas, c'est que le défaut de la première était opposable enfin par les donataires, tandis que le défaut de publication ne l'était pas; or, le défaut de transcription pour donation est-il opposable par ces donataires? c'est précisément le point en question. L'argument de MM. Coin-Delisle et Duranton n'est donc qu'un cercle vicieux, qui reste complétement insignifiant... Et non-seulement il est insignifiant, mais il se retourne même contre ses auteurs; car, puisque des trois points qui faisaient autrefois la différence de l'insinuation à la publication, deux sont supprimés par le Code, n'est-il pas présumable qu'on a entendu supprimer aussi le troisième et rendre semblables les deux positions autrefois si différentes?

668. Nous venons de dire que les légataires ne peuvent pas non plus opposer le défaut de transcription: cette proposition est évidente dans notre doctrine; mais elle est également admise par MM. Duranton (no 516) et Coin-Delisle. Toutefois la raison qu'en donne M. Duranton est évidemment mauvaise. Il dit que le donataire ayant un recours contre le donateur qui fait passer à d'autres le bien qu'il lui avait donné d'abord, il se trouverait dès lors créancier contre la succession de ce donateur (ceci est vrai); et il en conclut que, comme créancier, il pourrait prendre l'immeuble de préférence au légataire, attendu qu'il faut payer les créances avant d'acquitter les legs. Ceci est faux comme motif général de décision; car un créancier ne peut s'opposer à l'exécution des legs que quand les biens non légués ne suffisent pas pour acquitter sa créance. Donc, quand il y aura dans le reste de la succession de quoi payer le donataire (devenu simple créancier), le légataire prendra l'immeuble sans que ce donataire y ait aucun droit.

Et maintenant, même dans le cas particulier où il faudrait réduire les legs pour acquitter les créances, ce ne serait pas parce que sa donation serait valable que le donataire pourrait être préféré au légataire, ce serait seulement comme créancier, et il n'aurait pas plus de droits contre le legs de l'immeuble à lui donné que contre les autres legs : il serait dans la même position vis-à-vis de tous...

La raison générale de décider est donc celle que présente M. CoinDelisle, savoir, que la transcription de la loi de brumaire, appliquée ici aux donations, n'était établie que pour les tiers qui avaient contracté avec l'aliénateur, et que dès lors un simple légataire n'en saurait invoquer le défaut, puisqu'il n'a nullement contracté avec le défunt. Cette raison, au surplus, est surabondante dans notre système; puisqu'il serait absurde qu'un légataire eût plus de droits qu'un donataire.

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942. Les mineurs, les interdits, les femmes mariées ne seront point restitués contre le défaut d'acceptation ou de transcription des donations; sauf leur recours contre leurs tuteurs ou maris, s'il y échet, et sans que la restitution puisse avoir lieu, dans le cas même où lesdits tuteurs et maris se trouveraient insolvables.

669. Cet article s'occupe simultanément, quant aux incapables, et du défaut d'acceptation et du défaut de transcription, que l'ordonnance de 1731 avait eu soin de régler séparément (art. 14, 28, 29 et 32).

Il y a ceci de commun aux deux cas, que le défaut de l'une ou de l'autre formalité ne peut jamais être couvert à raison de l'incapacité de celui au profit duquel elle devait s'accomplir; même quand la personne qui était obligée de remplir cette formalité pour l'incapable, et contre laquelle dès lors celui-ci a son recours, se trouverait insolvable. Mais ce n'était pas une raison pour confondre les deux hypothèses dans une même disposition.

Cette unité de disposition, en effet, pourrait faire penser que le

recours dont il s'agit s'exerce dans les deux cas contre les mêmes personnes; et ce serait une erreur. Le recours pour défaut d'accomplissement de telle ou telle formalité ne peut s'exercer, bien entendu, que contre les personnes qui étaient obligées de remplir cette formalité; or, l'obligation d'accepter n'est pas imposée à toutes celles qui peuvent se trouver dans l'obligation de faire transcrire.

670. Les personnes auxquelles la loi impose l'obligation d'accepter sont: 1oles tuteurs des mineurs ou des interdits (art. 935, alinéa 2); 2o le curateur ad hoc, nommé pour le sourd-muet ne sachant pas écrire (art. 936, alin. 2); 3° les administrateurs des établissements publics et communautés quelconques (art. 937): ces trois classes de personnes sont donc les seules qui puissent se trouver tenues d'une indemnité pour n'avoir pas accepté. Mais le recours pour défaut de transcription peut avoir lieu dans un plus grand nombre de cas : il peut s'exercer d'abord contre les mêmes personnes : mais il est encore possible; 4o contre les maris des femmes donataires (art. 940, alin. 1); 5° contre les curateurs de mineurs émancipés (ibid., alin. 2); 6° contre les ascendants qui ont accepté la donation faite à un mineur.

Nous disons d'abord qu'il y aura lieu de recourir pour défaut de transcription contre ceux qui répondent du défaut d'acceptation; il nous paraît évident, en effet, que l'obligation légale de faire transcrire la donation est imposée à tous ceux qui se trouvent dans la nécessité légale de l'accepter : la transcription n'est-elle pas le complément et la suite nécessaire de l'acceptation?

Nous disons encore que le recours pour défaut de transcription est ouvert contre les maris, les curateurs, et les ascendants de mineurs, quoique nul d'entre eux ne soit obligé d'accepter. En effet, pour les maris de femmes donataires et pour les curateurs des mineurs émancipés, l'obligation de faire transcrire est formellement écrite dans l'art. 940; et pourtant l'obligation d'accepter n'existe pas pour eux. En effet, quoi qu'en ait dit Toullier (V-201), non-seulement ils ne sont pas obligés d'accepter, mais ils n'ont pas même le droit de le faire; car c'est à la femme, c'est au mineur émancipé, d'accepter eux-mêmes et personnellement, en réclamant seulement l'assistance de leur mari ou curateur. Quant aux ascendants d'un mineur, il est incontestable que l'acceptation n'est pour eux que facultative (art. 935, alin. 3); mais du moment qu'ils ont fait cette acceptation, ils se sont soumis volontairement au mandat que la loi leur offrait, et la transcription, qui est une conséquence de ce mandat, est ainsi devenue obligatoire pour eux.

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943. La donation entre-vifs ue pourra comprendre que les biens présents du donateur; si elle comprend des biens à venir, elle sera nulle à cet égard.

SOMMAIRE,

1. Cet article et les trois suivants sont une conséquence du principe de l'irrévocabilité. Ils ne s'appliquent pas à toutes donations. Ce que c'est qu'une donation de biens présents.

II. Critique d'une doctrine de Grenier, et d'une autre de M. Coin-Delisle. Observation.

I. 671. Cet article et les trois suivants, ainsi que nous l'avons dit déjà sous l'art. 894 (n° II in fine), ne sont que les conséquences de l'irrévocabilité exigée par ce dernier article; tellement que, quand même ces quatre art. 943-946 seraient effacés du Code, rien ne serait changé, et les résultats resteraient toujours les mêmes en vertu de la règle que l'art 894 pose en principe. Au surplus, nos quatre articles ne s'appliquent ni aux donations faites entre époux, ni à celles qui se font par contrat de mariage (art. 947. C'est donc seulement pour les donations ordinaires, c'est-à-dire faites hors d'un contrat de mariage, et par d'autres qu'un conjoint à son conjoint, que sont faites les règles que nous avons à étudier ici.

672. La donation ordinaire, pour être valable, doit d'abord avoir pour objet des biens présents; elle serait absolument nulle pour des biens à venir. Mais il faut savoir ce qu'on entend ici par biens présents et biens à venir; car ces expressions ont un sens tout spécial pour la matière des donations. Ainsi les fruits que mon jardin produira l'an prochain sont des biens futurs, des biens à venir, puisqu'ils n'existent pas encore; il en est de même des profits que me donnera dans deux ans, dans trois ans, la société que je viens de former avec Pierre; et cependant ces fruits et ces profits peuvent très-valablement être l'objet d'une donation entre-vifs... L'expression de biens présents offre donc ici un sens bien plus large que dans les cas ordinaires : elle embrasse toutes les choses, toutes les valeurs, sur lesquelles il est possible au donateur de conférer immédiatement un droit certain. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait donation de biens présents, que le donateur ait actuellement la chose et en transfère de suite la propriété; il suffit qu'il puisse conférer, et qu'il confère effectivement, quant à cette chose, un droit, soit in re soit ad rem, que la donation fera naitre immédiatement et que ce donateur ne pourra pas anéantir ensuite.

Ainsi, quand je déclare vous donner le quart des biens qui formeront ma succession ab intestat, l'acte est nul comme donation de biens à venir; car, même en laissant subsister cette donation dans toute sa force (comme on le ferait si elle était dans un contrat de mariage), le droit qui en résulterait pour le donataire ne présenterait pas les caractères que nous avons indiqués : le donateur pourrait (soit en dissipant tous les biens qu'il a et ceux qui pourraient lui venir, soit en transférant entre vifs la propriété de tous ces biens, soit même en disposant de tous par son testament) réduire à zéro sa succession ab intestat, en sorte que le droit au quart de cette succession se trouverait devenir le droit à rien. Ainsi encore, si je vous donne les fruits qui me viendront, l'an prochain, du jardin que je me propose d'acheter, ou les profits que je tirerai de la société que je dois former avec Pierre, la donation sera nulle; attendu qu'il me suffit de ne pas acheter le jardin ou de ne pas former la société, pour que vous n'ayez jamais

droit à rien.

De même, si je vous fais donation d'une somme de 20,000 fr. à prendre sur ma succession, ou sur les biens que j'aurai dans six ans, la donation sera nulle; puisqu'il dépend de moi de faire qu'il n'y ait rien dans ma succession ou que je n'aie rien à moi dans six ans. Dans ces différents cas, le donateur ne confère ou ne semble conférer le droit qu'en se réservant le moyen ou de l'empêcher de naître ou de l'anéantir: il donne la chose d'une main quand de l'autre il la retient ou peut la reprendre; il ne se dépouille pas, ou du moins ne se dépouille pas irrévocablement; et comme donner et retenir NE VAUT, sa donation est nulle. Elle est nulle absolument, complétement; en sorte que, quand même sa succession serait très-opulente, quand même il achèterait le jardin et y recueillerait des fruits considérables, quand même il formerait la société projetée et en tirerait de grands profits, quand même dans six ans il se trouverait posséder une brillante fortune, la donation serait toujours nulle, et le donataire n'aurait rien à réclamer.

Quand je vous donne, au contraire, les fruits à naître, l'an prochain, dans le jardin qui m'appartient, je me trouve immédiatement obligé dès la formation de notre contrat; le lien de droit ne dépend pas de l'achat que je pourrais faire ou ne pas faire, il existe dès à présent; je me lie, et je ne me réserve aucun moyen de me délier.— Sans doute, il peut se faire que mon jardin ne donne aucun fruit l'année prochaine, et que dès lors mon obligation de vous remettre les fruits disparaisse, mais ce n'est pas moi qui me serai délié moi-même. — Sans doute, encore, je pourrais moi-même et par mon fait vous priver des fruits, soit en détruisant tout, soit en vendant le jardin, soit en consommant les fruits; mais alors je manque à mon obligation, à une obligation très-valablement formée, et je me soumets par le fait même à la nécessité de vous payer des dommages-intérêts. Sans doute, enfin, je pourrais aussi, en rendant ainsi impossible l'exécution directe de l'obligation, rendre impossible également l'exécution équivalente par des dommages-intérêts, en dissipant mon bien et me rendant insolvable; en sorte qu'ici encore votre droit finirait par se réduire à rien. Mais si vous êtes réduit à rien, c'est en fait, mais non pas en droit; c'est matériellement, mais non pas juridiquement; en fait vous ne pourrez rien avoir, mais en droit votre créance existera; votre action personnelle conservera toute sa force; mon obligation, mon lien, le vinculum juris, durera toujours. Ce sera comme si, après vous avoir donné ma maison en toute propriété, j'allais de suite la démolir, ou la vendre à un tiers avant que vous eussiez fait transcrire.

672 bis. Répétons-le donc, la donation de biens présents n'est pas seulement celle de biens appartenant actuellement au donateur: c'est toute donation par laquelle le donateur confère un droit actuellement existant et qu'il n'est pas libre de révoquer, un droit par la collation duquel il se lie immédiatement et de manière à ne pouvoir se délier ensuite.

Ainsi, tandis que la donation d'une somme payable dans dix ans, dans vingt ans, ou au décès, sera nulle toutes les fois que le donateur aura entendu que la somme ne serait due qu'autant qu'elle se trouve

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