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condition de ce genre apposée à la donation la transforme donc en donation à cause de mort; et puisque l'article 893 abolit cette donation à cause de mort (en déclarant qu'on ne peut plus disposer gratuitement que par donation entre-vifs ou par testament), la donation faite sous cette condition sera donc nulle. Notre art. 951, ajoute-t-on, le prouve lui-même; car en permettant de stipuler le retour au donateur pour le cas où le donataire mourrait avant lui, il autorise une condition résolutoire qui ne peut s'accomplir que du vivant du donateur; or, si ces conditions étaient permises par le droit commun, le législateur n'aurait pas fait un article exprès pour autoriser celle-ci en permettre une, c'est implicitement déclarer les autres impossibles (1).

Nous ne saurions adopter ce sentiment. Et d'abord écartons l'argument tiré de l'art. 951: il prouve beaucoup trop pour pouvoir prouver quelque chose. S'il était vrai, comme on le dit, que cet article annule implicitement toute condition résolutoire mise au profit du donateur et pouvant s'accomplir du vivant du donataire, il faudrait annuler bien d'autres donations que les donations à cause de mort des Romains: ainsi, « le bien donné me reviendra si ma femme meurt » avant moi, si je venais à être déshérité par mon oncle, si je perdais >> tous mes enfants, etc., » chacune de ces conditions annulerait la donation qui l'aurait reçue. Or de pareilles conditions n'ont jamais été celles de la donation à cause de mort : la donation à cause de mort, comme son nom l'indique clairement, était celle que le donateur faisait dans la pensée de sa mort, à cause de la crainte de la mort, et sous la condition de cette mort, quæ propter mortis fit suspicionem; or, il n'y a aucune pensée de mort (du donateur) dans les conditions dont nous venons de parler. Donc, quand même l'esprit du Code annulerait toutes les donations faites sous des conditions constituant autrefois les donations à cause de mort, la nullité n'atteindrait jamais que celles qui seraient faites en vue et sous la condition de la mort du disposant.

696. Mais ces conditions-là même sont-elles vraiment prohibées, et l'art. 893 les rend-il impossibles désormais en abolissant la donation à cause de mort? Le contraire nous paraît certain; et on ne peut, ce nous semble, arriver à la conclusion que nous combattons qu'en violant toutes les règles du raisonnement.

En effet, de ce que l'art. 893 ne permet de disposer gratuitement que par donation entre-vifs ou par testament, que s'ensuit-il? qu'on ne peut plus disposer par donation à cause de mort; que l'on ne peut faire valablement une donation qui soit ce que la donation à cause de mort était autrefois. Or, qu'était-ce que la donation à cause de mort?... C'était celle dans laquelle le donateur devait reprendre la chose donnée 1" s'il ne mourait pas dans le danger ou dans le temps prévu; 2° s'il venait à changer de volonté avant la fin de ce danger ou l'expiration de ce temps; et 3 si le donateur mourait avant lui dans les mêmes

(1) Grenier (no 10), Toullier (V-274), Coin-Delisle (nos 30-35).

délais Mortis causâ donatio est, cùm quis ita donat, si quid humanitus ei contigisset; sin autem supervixisset is qui donavit, reciperet, vel si eum donationis pœnituisset, aut prior decesserit is cui donatum sit (Inst. Justin. 1. II, t. VII, § 1). Ainsi, la donation à cause de mort n'était pas celle qui se faisait seulement sous la condition résolutoire du décès du donateur; c'était celle qui, faite sous cette condition résolutoire, était de plus 2o révocable au caprice du disposant, si eum pœnituisset, et 3o révoquée de plein droit par le prédécès du donataire, si prior decesserit. Voici les trois circonstances qui constituaient la donation à cause de mort; et ce qui résulte de l'art. 893, c'est qu'il y aurait aujourd'hui nullité de la donation qui présenterait ces trois caractères. Mais il est impossible d'aller plus loin; il est impossible d'annuler aussi la donation qui ne présente qu'un seul de ces caractères, car ce n'est plus l'ancienne donation à cause de mort. Ceci serait vrai partout, et quand même la conclusion que nous combattons serait une conclusion toute favorable: car la logique ne sait pas transiger; mais ceci est encore plus vrai, pour ainsi dire, quand il s'agit de repousser une conclusion de nullité, attendu qu'il faut être plus sévère pour l'admission d'une règle d'annulation que pour toute autre... Ainsi, il y aurait indubitablement nullité si j'avais dit : « Je vous donne ma ferme, mais la donation sera résolue si je vis encore trois ans, et pendant ces trois ans je pourrai la révoquer, et elle sera révoquée encore si vous mourez avant moi dans cet intervalle. »> Mais il n'y aura pas nullité quand j'aurai seulement dit : « Si je vis encore » trois ans,» ni quand même j'aurai ajouté : « Ou si vous mourez » avant moi; » car on n'aurait pas encore là les trois caractères constitutifs. Quand au second caractère (révocabilité au caprice du donateur), il est vrai qu'il annulerait la donation par lui seul, mais ce ne serait pas d'après l'art. 893 et comme donation à cause de mort que l'acte serait nul; ce serait d'après les art. 894 et 944, comme étant fait sous une condition dépendante de la volonté du donateur.

En vain, on dit qu'il y avait donation à cause de mort par cela seul que le donateur se préférait au donataire en préférant celui-ci à ses héritiers, et que cette double préférence s'induisait du premier caractère, dont la présence entraînait virtuellement les deux autres. Ainsi, pourrait-on dire, par cela seul que le donateur avait dit : « 1° La donation sera révoquée si je vis encore dans trois ans,» il s'ensuivait de plein droit 2° qu'il pouvait révoquer à son gré, et 3° que le prédécès du donataire était une cause de révocation: donc, l'expression du premier caractère emportait l'existence des deux autres; donc, l'expression de ce premier caractère faisait une donation à cause de mort; et dès lors la seule expression de ce caractère, la seule indication de cette unique condition résolutoire, emporte aujourd'hui nullité. - Ce raisonnement n'est pas admissible... D'abord, les textes romains qui disent que la donation à cause de mort était celle dans laquelle il y avait préférence du donateur au donataire, indiquent bien plutôt le but que les caractères de cette donation, et il est évident qu'ils doivent T. III, 5o ÉDIT. 37

s'expliquer par ceux qui précisent ces caractères et disent en quoi consistait cette préférence. Or, nous avons vu que cette préférence devait consister dans la stipulation faite par le donateur 1° du retour en cas de survie au danger ou à l'événement prévu, 2° du droit de révoquer à son gré, et 3° du retour en cas de prédécès du donataire... D'ailleurs, sous la législation qui permettait la donation à cause de mort, il était tout simple que l'expression de la première condition fit regarder les deux autres comme sous-entendues et virtuellement comprises dans l'intention du donateur. Mais aujourd'hui que cette même donation est prohibée, de quel droit et par quelle raison présumerait-on cette pensée ? par quel prétexte ferait-on dire au donateur ce qu'il n'a pas dit, pour le plaisir de mettre dans sa donation une cause de nullité qu'il n'y a pas mise? La supposition était autrefois toute naturelle; elle est aujourd'hui impossible: des causes d'annulation ne peuvent pas se pré

sumer.

Tenons done pour certain que, hors des cas prévus par les art. 944 et 951, toutes les conditions permises dans les contrats ordinaires sont également permises dans les donations (1).

952. L'effet du droit de retour sera de résoudre toutes les aliénations des biens donnés, et de faire revenir ces biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypothèques, sauf néanmoins l'hypothèque de la dot et des conventions matrimoniales, si les autres biens de l'époux donataire ne suffisent pas, et dans le cas seulement où la donation lui aura été faite par le même contrat de mariage duquel résultent ces droits et hypothèques.

697. La stipulation du retour étant l'apposition, faite à la donation, d'une condition résolutoire, il est clair que si cette condition s'accomplit la donation sera censée n'avoir pas eu lieu, le donataire se trouvera n'avoir pas été propriétaire; et par conséquent, les aliénations ou concessions de droits réels qu'il aurait pu faire s'évanouiront par l'effet du principe Soluto jure dantis, solvitur jus accipientis.

La loi s'écarte cependant de ce principe dans un cas particulier. C'est pour l'hypothèque légale de la femme du donataire; mais cette hypothèque, qui n'est accordée par la loi que pour la dot et les conventions matrimoniales, n'est maintenue qu'autant 1° que la donation a été faite dans le contrat de mariage lui-même, et 2° que les biens personnels du mari sont insuffisants pour la garantie de cette dot et de ces conventions. Ainsi, l'hypothèque n'existerait pas pour la garantie des créances qui seraient nées pour la femme contre le mari donataire, dans le cours du mariage; elle serait révoquée, si les immeubles avaient été donnés au mari avant ou après le mariage, et non par le contrat même de

(1) Conf.: Merlin (Rép., v° Donat., sect. 1), Delvincourt, Duranton (VIII-478), Dalloz (ch, 4, sect. 1, art. 1), Vazeille (art. 944, no 7).

mariage; et elle le serait également, si les biens du mari se trouvaient suffisants pour répondre de la dot et des conventions de ce contrat. La loi présume que celui qui fait à un futur époux une donation d'immeubles, dans le contrat même de mariage de celui-ci, a l'intention d'assurer, en cas de besoin, la garantie sur laquelle la future épouse ou sa famille a naturellement di compter, en pareil cas, pour les stipulations du contrat.

Au reste, le maintien de l'hypothèque pour la dot et les conventions de la femme, et aussi sa restriction à la garantie de cette dot et de ces conventions, n'étant que le résultat de la volonté présumée du donateur, il est clair que les choses pourraient être changées dans un sens ou dans l'autre par l'expression formelle d'une volonté différente. Ainsi, le donateur pourrait dire que le retour devra avoir lieu même avec affranchissement de l'hypothèque de la femme; comme il pourrait dire, au contraire, que l'hypothèque sera maintenue, non-seulement pour la dot et les conventions du contrat, mais même pour les créances qui pourraient naître dans le cours du mariage.

SECTION II.

DES EXCEPTIONS A LA RÈGLE DE L'IRRÉVOCABILITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.

953. La donation entre-vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants.

698. Le droit romain et notre ancienne jurisprudence n'admettaient que deux causes de révocation des donations entre-vifs : l'ingratitude du donataire, et la survenance d'enfants au donateur. Mais ils plaçaient au nombre des cas d'ingratitude l'inexécution des charges (Voy. Code, 1. 8, t. 46, 40; Pothier, Donat., sect. 5, art. 3). Les différences qui existaient entre l'inexécution des charges et les autres cas d'ingratitude, ont décidé nos rédacteurs à présenter le premier cas comme une cause distincte de révocation.

Nous disons inexécution des CHARGES; il est évident, en effet, que c'est là le sens du mot conditions dans notre article: il ne s'agit pas ici de conditions proprement dites, d'événements futurs et incertains par l'arrivée ou la non-arrivée desquels la donation devrait exister ou ne pas exister; il s'agit d'obligations imposées au donataire. Il est vrai que l'inexécution de ces charges produit des effets analogues à ceux de l'accomplissement d'une condition résolutoire; mais ce qui suit de là, ce n'est pas qu'on pourra voir une condition dans la charge imposée, c'est seulement qu'on peut la trouver dans l'inexécution de cette charge. La condition résolutoire, laquelle se trouverait alors sous-entendue, serait celle-ci : la donation que je vous fais sera résolue si vous n'accomplissez pas les charger que je vous impose. Telle est la théorie

de l'art. 1184. Il y aurait donc toujours inexactitude à dire comme Toullier (V-278) que le mot conditions comprend ici et les charges et les conditions proprement dites.

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Ainsi le Code admet trois causes de révocation : 1° L'inexécution des charges imposées à la donation (art. 954-956); 2° L'ingratitude du donataire (art. 955-959);—3o Enfin, la survenance d'enfant au donateur, dont s'occupent les art. 960-966, les derniers du chapitre des Donations entre-vifs.

954. Dans le cas de la révocation pour cause d'inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire; et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donateur lui-même.

699. Une donation ne peut pas être faite à titre onéreux, comme l'a dit fort improprement un arrêt de cassation du 28 janv. 1818. L'idée de donation et celle de titre onéreux sont contradictoires, tout autant que celles de cercle et de triangle. Mais si l'on ne peut pas avoir un cercle triangulaire, on peut avoir un cercle comprenant un triangle; et de même, s'il n'y a pas de donations à titre onéreux, on peut avoir des donations onéreuses, des donations faites avec des charges: c'est le cas de notre article. Et puisque la donation, dans ce cas, comprend des charges à l'exécution desquelles le donateur se trouve avoir, non pas un simple intérêt moral, mais l'intérêt pécuniaire qui fait l'objet des contrats ordinaires, il y a donc lieu d'appliquer ici la règle générale de l'art. 1184, qui veut, d'après l'intention présumée des contractants, que l'inexécution des obligations stipulées par une partie opère la résolution du contrat.

D'après ce principe, la donation dont il s'agit se trouve faite sous cette condition: «Ma donation sera résolue si vous n'accomplissez pas telles charges. » L'inaccomplissement résoudra donc le droit du donataire, et par suite tous ceux que ce donataire aurait pu conférer à des tiers. C'est ce que déclare notre art. 954.

700. Et puisque la donation, dans ce cas, sans être un acte à titre onéreux, participe cependant de la nature de cet acte et reçoit l'application de l'art. 1184, il faut donc reconnaître que le donateur aurait le choix, conféré par cet article, ou de faire prononcer la résolution ou de forcer le donataire à l'exécution des charges. La donation est un contrat, le lien qui s'y forme n'est pas moins sérieux, moins valable que celui que forment les autres contrats; et puisque le donataire a librement et régulièrement consenti à subir les charges qu'on lui imposait, il est tenu de les exécuter. En vain, pour s'y soustraire, il offrirait d'abandonner ce qu'il a reçu; car, encore une fois, il est lié, comme le donateur l'est de son côté, et le concours des volontés a formé le contrat tout aussi bien contre lui que pour lui. Aussi, l'article 463 dit-il que la donation acceptée pour un mineur par son tu

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