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par leurs ascendants (puisque le principe de la révocation ne s'applique qu'aux donations faites par des personnes sans postérité), ni celles que se feraient les conjoints l'un à l'autre (parce que ces donations ne sont faites qu'en faveur du donateur seul et non pas précisément en faveur du mariage, ainsi qu'on l'a expliqué sous l'art. 959, no I). La révocation n'atteint donc, pour les donations faites en contrat de mariage, que celles qui sont faites aux conjoints par des étrangers ou des parents non ascendants.

Et remarquons bien que notre article déclarant expressément (comme le faisait l'art. 39 de l'ordonnance) que la donation faite par un conjoint à l'autre restera irrévocable malgré la survenance d'enfants, sans distinguer d'où proviennent ces enfants, on n'aurait pas le droit de faire la distinction que la loi ne fait pas nous sommes ici dans une matière rigoureuse, de droit puremeut civil, où nous ne pouvons ni ajouter ni retrancher aux règles précises du Code. Ainsi, quand je fais, par mon contrat de mariage, une donation à ma première femme, qui meurt sans m'avoir donné aucun enfant, et que je contracte un second mariage d'où me vient un enfant, la survenance de cet enfant ne révoquera pas le don fait à ma première épouse. C'est avec raison que la doctrine contraire de Delvincourt et de Grenier (n° 199) est rejetée par la généralité des auteurs (1).

729. Il y a, au surplus, exception à notre article pour les donations faites entre époux pendant le mariage l'art. 1096, en les déclarant révocables à la volonté du donateur, déclare en même temps qu'elles ne seront jamais révoquées par survenance d'enfant.

Quant aux donations testamentaires, elle ne sont pas même comprises dans la règle de l'article, puisque cette règle ne parle que des donations entre-vifs.

V.730. Nous avons à voir maintenant comment s'accomplit la condition résolutoire de la survenance d'enfant.

La donation est révoquée, tout d'abord, par la naissance d'un enfant légitime, ou même de tout descendant, quoique l'article ne le dise pas explicitement. En effet, puisque d'après la première partie de l'article, la donation est irrévocable, quand son auteur, en la faisant, avait un descendant quelconque, c'est donc que la présence de tout descendant fait naitre les mêmes devoirs et les mêmes besoins que celle d'un enfant; mais s'il en est ainsi, elle doit donc opérer aussi bien que celle-ci la révocation, qui permettra de remplir ces devoirs et de satisfaire ces besoins. D'ailleurs, on a vu que notre législateur a déclaré vouloir reproduire le droit établi par l'ordonnance; or, il a toujours été admis sans contestation que l'ordonnance comprenait, sous le nom d'enfant, tout descendant, de quelque degré qu'il fût. Il importe peu, au surplus, que l'enfant ou descendant quelconque naisse du vivant du donateur, ou qu'il soit posthume, c'est-à-dire né seulement depuis son

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(1) Merlin (Quest., vo Révoc. de don.), Chabot (Quest. trans.),Toullier (V-310), Guilhon (n 790), Duranton (VIII-582), Vazeille (no 16), Poujol (no 40), Coin-Delisle (n° 44).

décès; dans tous les cas, il y a révocation, pourvu, bien entendu, que l'enfant naisse viable (art. 314, 725).

731. La révocation a-t-elle également lieu par la naissance d'un enfant en mariage putatif? C'est incontestable quand ce mariage a été contracté de bonne foi par l'époux donateur, puisque les art. 201 et 202 accordent à l'époux de bonne foi aussi bien qu'aux enfants tous les effets civils du mariage. Mais quid si la donation a été faite par l'époux de mauvaise foi ?...

Delvincourt, en reconnaissant bien que l'époux de mauvaise foi ne peut pas faire proclamer la révocation, puisqu'il ne jouit pas des effets civils du mariage, prétend que cette révocation n'en est pas moins accomplie, puisqu'il y a eu naissance d'un enfant légitime; par conséquent, il veut que les biens donnés soient repris, non par le père, mais par les enfants eux-mêmes. Mais ce système est inadmissible. Quoique la révocation soit établie pour l'enfant, c'est cependant au donateur qu'elle est accordée, au donateur qui peut, après la révocation, donner de nouveau les biens ou à la même personne ou à d'autres, ou en dissiper la valeur comme il l'entendra (art. 964). Donc, quand la révocation est impossible pour le donateur, elle est par là même impossible absolument. Comment voulez-vous attribuer ainsi aux enfants, du vivant du père, des biens qu'ils ne peuvent avoir que comme héritiers de ce père?... Les enfants du mariage putatif contracté de mauvaise foi par l'un des époux seraient donc mieux traités que ceux du mariage putatif contracté de bonne foi par les deux époux, ou même d'un mariage valable; car ceux-ci n'auraient jamais les biens qu'après la mort du père, et pourraient même ne les avoir jamais (le père pouvant en disposer).

M. Duranton (VIII-586), en rejetant comme nous le système de Delvincourt, en adopte un qui n'est pas plus juridique. Il veut que les biens restent au donataire pendant la vie du donateur, et que les enfants viennent les prendre à sa mort en acceptant sa succession. Mais, évidemment, on ne peut prendre, en acceptant une succession, que les biens qui font partie de cette succession; or, puisque, de l'aveu de M. Duranton, la révocation est ici impossible pour le père, les biens n'ont donc pas appartenu à ce père, et ses enfants ne peuvent donc pas les prendre en acceptant sa succession. D'ailleurs, M. Duranton, qui reproche, comme nous, à Delvincourt de traiter les enfants du mariage putatif mieux que ceux d'un mariage légitime, en fait tout autant; car les premiers, dans son système, seraient sûrs d'avoir, à la mort du père, des biens sur lesquels les autres ne peuvent jamais compter, puisque leur père en a la libre disposition.

Guilhon (no 773) et M. Vazeille (n° 9) partant de ce principe évident que la révocation, quoique établie en vue des enfants et dans leur intérêt, est un droit accordé au père et qui doit faire entrer les biens dans le patrimoine du père, rejettent sans balancer les deux opinions précédentes; mais ils les rejettent pour admettre la révocation avec ses effets réguliers au profit de l'époux de mauvaise foi. Ils disent que la

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condition voulue par l'article, c'est tout simplement la survenance d'un enfant légitime, et que, l'enfant dont il s'agit étant légitime par la fiction favorable de la loi, la condition résolutoire est donc accomplie; que, du moment que le donateur a un enfant légitime, il faut lui donner les moyens de remplir les obligations de la paternité, et qu'il ne faut pas considérer ses mérites, mais ses devoirs envers ses enfants. Cette doctrine est du moins spécieuse : elle n'est séparée de la vérité que par une nuance délicate à saisir; mais enfin, elle n'est pas la vérité. Et d'abord on reconnaît que le droit de révocation appartient au père et ne peut être exercé que par lui; mais exercer le droit de révocation pour survenance d'enfant légitime, c'est réclamer un des effets civils du mariage; or, l'époux de mauvaise foi n'a pas ces effets civils... La proposition qu'il y a alors survenance d'un enfant légitime, que le père a un enfant legitime, est vraie dans la bouche de l'enfant; mais elle est fausse dans la bouche du père. En remontant de l'enfant au père, il y a (par la fiction de la loi) lien légitime, l'enfant peut dire qu'il a un père légitime, et il succède à ce père d'après l'art. 745 comme tout descendant légitime; mais en descendant du père à l'enfant, il n'y a plus de légitimité, le père n'est pas légitime, il ne peut pas dire qu'il a un fils légitime et ne succéderait pas à ce fils d'après les art. 746 et suivants. Et puisqu'il n'y a'y a pas de lien légitime quant au père de mauvaise foi, et que c'est ce père qui devrait invoquer une génération légitime pour qu'il y eût révocation, cette révocation ne sera donc pas possible (1).

VI.—732. La donation est encore révoquée par la légitimation d'un enfant naturel, pourvu qu'il soit né depuis cette donation. On a déjà vu (n° II) que cette dernière condition est un changement apporté par le Code à l'ordonnance de 1731. L'ordonnance admettait la révocation à quelque époque que le bâtard fùt né; mais on a pensé que le bâtard qui se trouve légitimé après la donation faite, mais qui était né avant qu'elle eût lieu, ne devait pas être mieux traité que l'enfant légitime qui serait né à la même époque; que dès lors, la légitimation, dans ce cas particulier et quant au bâtard, doit avoir un effet rétroactif au jour même de sa naissance; que les choses doivent se passer, quant à cet enfant, comme s'il eût été légitimé déjà lors de la donation; qu'en effet, il est moral de supposer que le père a toujours eu la pensée de légitimer, et qu'au contraire il serait immoral d'arriver, de quelque manière que ce soit, à donner plus à la bâtardise qu'à la légitimité ne legitimatus, disait Dumoulin (dont les motifs du changement fait ont reproduit les paroles, comme on l'a vu plus haut) ne légitimatus sit melioris conditionis quàm legitimè natus, et plus habeat luxuria quàm castilas.

Mais, bien entendu, si l'existence du bâtard antérieure à la donation rend ainsi cette donation irrévocable, ce n'est que pour ce bâtard lui

(1) Pothier (Cout. d'Orl., t. XV, introd., no 106), Furgole (n° 17), Grenier (no 191), Toullier (V-302), Dalloz (sect. 3, no 14), Poujol (n° 12), Coin-Delisle (no 33).

même; et s'il y avait après la donation naissance d'un descendant légitime, ou légitimation d'un bâtard né depuis la donation, la révocation n'en aurait pas moins lieu, quoiqu'un enfant naturel eût existé lors de la donation. Nous l'avons demontré au même no II.

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VII. 733. Il nous paraît évident, malgré l'opinion de Toullier (V-299) et de M. Coin-Delisle (no 27), que la rentrée dans la vie civile de l'enfant mort civilement opère la révocation: c'est la conséquence de cette idée établie plus haut (n° III), que celui dont l'unique enfant est mort civilement se trouve vraiment sans enfant dans le sens de notre article... Que Toullier soit ici d'une opinion contraire à la nôtre, c'est tout simple, puisque, selon lui, le père dont l'unique enfant est mort civilement n'est pas sans enfant. Mais on ne conçoit pas que M. Coin-Delisle soit en opposition avec nous, lui qui admet comme nous que le père en cas de mort civile de son fils est vraiment sans enfant. Puisque pendant la mort civile de mon fils j'étais sans enfant, et qu'aujourd'hui, par le retour de ce fils à la vie civile j'ai un enfant, c'est donc qu'il m'est survenu un enfant (1).

734. Quant au retour de l'enfant unique pendant l'absence duquel la donation a été faite, il existe, sur le point de savoir s'il révoque la donation, plusieurs systèmes contradictoires, qui peuvent bien se trouver plus ou moins rationnels, mais qui nous paraissent tous contraires à la loi. Pour nous, d'après le principe posé au n° 726, nous disons que le retour de l'enfant prouve que cet enfant n'était pas mort; que, dès lors, la donation n'a pas été faite sans enfants vivants; et que, par conséquent, elle ne peut pas être révoquée.

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VIII. — 735. La question est plus grave pour l'enfant adoptif. Pour refuser à l'adoption l'effet de révoquer la donation antérieure, on peut dire que d'après le Code civil, l'adoption ne consacre pas, comme elle le faisait à Rome, toutes les conséquences de la qualité d'enfant du sang; que même pour les biens de l'adoptant, elle n'investit pas l'adopté de tous les droits quelconques d'un enfant légitime du sang, mais lui confère seulement, par l'art. 350, le droit de succession; que le privilége de voir s'évanouir, par son entrée dans la famille, les donations que le père a faites alors qu'il était sans enfant, n'est pas un droit de succession, et que dès lors il n'appartient pas à l'adopté; que l'adoption n'étant en définitive qu'un contrat, une donation d'une espèce et d'une forme particulières, la loi ne devait pas donner à un tel acte l'effet d'anéantir toutes les donations antérieures ; qu'enfin elle ne le fait pas, puisque l'art. 960 n'attribue l'effet révocatoire qu'au fait naturel d'une survenance d'enfant, expression qui ne saurait s'entendre de l'acte tout volontaire d'adoption. Telle est la doctrine de tous les auteurs, moins un seul, M. Favard de Langlade, et l'unique arrêt qui ait statué sur la question (Rouen, 13 mai 1851) la décide dans le même sens. Tel était aussi le sentiment que, sans en adopter tous les motifs, nous avions nous-même suivi dans nos quatre

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(1) Grenier (184), Delvincourt, Dalloz (12), Duranton (VIII-379), Vazeille (no 4),

premières éditions; mais l'examen tout spécial que nous avons dû faire de la question, pour la consultation qui nous a été demandée sur l'arrêt de Rouen (aujourd'hui frappé de pourvoi), nous a conduit à une conviction contraire.

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L'adoption (légalement seulement, il est vrai, et par fiction; mais il n'importe pas, puisque fictio idem operatur in casu ficto quam veritas in casu vero) est une procréation d'enfant légitime. Sans doute, c'est un contrat; mais le mariage aussi est un contrat, et l'adoption, qui ne s'accomplit (comme le mariage) qu'au moyen de conditions indépendantes de la volonté des parties et par l'intervention de la puissance publique, constitue tout à la fois (comme le mariage) un contrat et un acte de l'état civil. C'est pour cela que le procès-verbal qui la constate doit, comme les procès-verbaux de naissances et de mariages, s'inscrire sur les registres de l'état civil; que ses règles sont placées entre le titre de la Filiation et celui de la Puissance paternelle; qu'elle va jusqu'à produire des empêchements au mariage; et qu'elle donne au meurtre de l'adoptant par l'adopté le caractère légal de parricide (art. 354-357 C. civ.; 299 C. pén.). Or, puisque l'adoption est ainsi en droit une procréation d'enfant légitime, il faut donc admettre ici les effets que produit en droit cette procréation, sauf ceux auxquels un texte spécial de loi ferait obstacle. Sans doute, en effet, le législateur, en créant ainsi une filiation purement fictive, pourra bien lui refuser tel ou tel des effets ordinaires de toute filiation, mais tous ceux qu'il ne lui refusera pas existeront le principe étant ici l'existence, en droit, de la qualité d'enfant légitime, les conséquences seront donc celles qui découlent de cette qualité, partout où une restriction n'y sera pas apportée. Ainsi, tandis que ce principe aurait eu pour résultat, à défaut de déclaration contraire, d'enlever à l'adopté, au point de vue juridique, la qualité d'enfant de son véritable père, de membre de sa précédente famille, et tous ses droits légaux dans cette famille, ce résultat n'aura pas lieu, parce que l'art. 348 déclare que l'adopté restera dans sa famille naturelle et qu'il y conservera tous ses droits. Réciproquement, tandis que le principe aurait eu pour résultat, dans le silence du Code, de donner à l'adopté tous droits de succession, non pas seulement vis-à-vis de l'adoptant, mais aussi vis-à-vis de tous les parents de cet adoptant, ce résultat n'aura pas lieu non plus, puisque l'art. 350 déclare que l'adopté n'acquerra aucun droit de successibilité sur les biens des parents de l'adoptant. Mais en dehors de toute restriction de ce genre, le principe produira ses conséquences, l'adoption aura les effets d'une naissance en mariage; et comme aucune restriction n'existe pour l'effet révocatoire édicté par notre art. 960, cet effet aura donc licu. 736. On prétendrait à tort que le texte restrictif que nous disons ne pas exister se trouve dans l'art. 350, en ce que cet article, en n'attribuant à l'adopté les droits d'un enfant légitime que sur la succession de l'adoptant, lui refuseralt implicitement tout droit qui n'est pas un droit successif. Cette idée est doublement inexacte. D'une part, en effet, quand même le mot succession aurait ici le sens restreint qu'on lui

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